Wachenröder est un jeu emprunt d'un naturalisme allemand expressif et débordant de desespoir. Pourtant développé à la fin de l'époque Saturn, Sega a mis les moyen et s'est offert les services des meilleurs artistes dans chaques catégories. En matière de tours et de modèles en PVC, Sega aura fait appels aux maitres du genre, Takayuki Takeya, Kito Eisaku et Fujita Yasuo. Les deux premiers sont famous et ont déjà leurs articles dédiés sur Merzblog. Leurs travaux respéctifs sur Wachenröder sont fidèles à ce qu'ils ont l'habitude de nous créer, Takeya nous offre un monument quasi géométrique d'une allure majestueuse alors que Kito Eisaku (qui reste à mon gout le master de la tower) plonge une fois n'est pas coutume dans le quasi organique avec une tour rouillée, sale, agencée de boulons et de tuyaux insalubres. Fujita Yasuo nous sort lui aussi le grand jeu avec sa version de la tour Velasca.
Persona 4 nous offre, l’espace d’un donjon, sa vision de la peinture Mavoiste. Mavo est un mouvement artistique japonais individualiste d’entre guerre, alors que le pays est en pleine recherche de son identité nationale. Le mouvement gravite autour de Murayama Tomoyoshi, autoproclamé l’interprète du modernisme japonais parmi les japonais. Ses voyages en Europe lui permet de découvrir le mouvement Dada et particulièrement Kurt Schwitters, et de revenir sur ses terres en tant qu’idole culturelle pour les jeunes artistes. La peinture Mavo s’influence des tableaux Merz de Schwitters et propose des collages et assemblages de matériaux pauvres et d’objets trouvés, en tentant de créer une esthétique cohérente qui traduit le monde autour de lui. Persona 4 via son donjon Magatsu Mandala nous peint un tableau entre décharge et scène de crime où le collage de détritus façonne une harmonie singulière, quasi-organique.
Magatsu Mandala est un tableau Mavo dans un jeu vidéo.
Le monument le plus hallucinant de Persona 3 reste définitivement le Tartaros. Pensé comme une cathédrale de la misère, le Tartaros fait écho au Merzbau de Kurt Schwitters et envahit littéralement l’univers de Persona 3. Le Tartaros fut créé de façon distordues de manière à ce qu’il ne possède aucun support fixe et qu’il semble continuellement en mouvement, telle les oeuvres fragiles de Tadashi Kawamata. L’architecture est un mélange d’escaliers sans but, de fenêtre à vus, et de lampadaires qui forment une spirale qui se referme sur elle-même. L’intérieur du monument est séparé en blocs de taille similaire mais à l’habillage différent, qui comprend toutes sorte d’ambiances qu’un unique bâtiment ne peut à priori pas contenir. Le Tartaros s’inscrit alors dans une 4ème dimension.
Le Tartaros est un mélange organique de formes et de directions sans logique apparente.
Avec comme influences 3 oeuvres monumentales (Merzbau, Plasto-Dio-Dada-Drama, Maquette du quartier général mavoïste), Kito Eisaku a imaginé la Nerve Tower (ou Neuro Tower) comme une énorme Tour de la frustration. Kito Eisaku est l'un des plus représentatif créateur de figurines de science fiction et d'horreur au Japon. Il s'est notamment illustré dans de nombreux magazines dédiés au modélisme, notamment dans le magazine Sensational Model & Hobby au milieu des années 1990, l'un des rares périodique japonais du genre qui n'était pas envahit de figurines Gundam. Mais aussi pour d'autres jeux vidéos comme Wachenröder de Sega, pour des films (Zeiram) et finalement pour une fameuse campagne de pub avec Nike en l’honneur des « dunk » vintage de la marque. Souvent décrites par lui même comme précaires, grotesques et constructivistes, ses oeuvres constituent un univers atypique qui prolongent à leurs petits niveaux l'esprit Baroque et Dada. La Nerve Tower devient le lieu principal du jeu. Installation précaire, elle est constituée de matériaux issus de la vie courante tels que des vieux papiers, des cartons, de vieux matériaux industriels rouillés et piquants comme une putain d'aiguille à coudre. Comme si elle avait une âme, son aspect biomorphique aidant, elle continue de se transformer à une vitesse effrayante.
Cette tour de la frustration représente un Bauhaus désenchanté, un « work in progress ». Une oeuvre qui ne s'arrête jamais d'évoluer, porteuse de liberté.
Les tours sont des oeuvres monumentales qui symbolisent en général bien plus de chose qu'elle ne laissent paraitre. C'est depuis toujours ma plus grande passion. Bien évidemment j'aime les tours quand elles sont dénaturées, patinées par le temps, et laissées à l'abandon. Quand l'art s'en mèle, ces tours deviennent très vite des représentations de tous les vices de l'humanité, et offrent au regardeur une troublante relecture de sa propre vie. La tour symbolise enfin quelquechose de plus vulgaire, l'élévation de soi et d'un certain membre du corps. Un peu crade et innocent à la fois.