Watashitachi no shiawase na Jikan / Our Happy Hours - Aux dernières heures...
Par kolibri, le 29/01/2015 à 16h10 (1812 vues)
« Is a rope around the neck and a drop from the gallows all that I can do for a guy who lived his life without ever smiling? »
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J’ai un faible pour les mangas courts. Généralement, ils sont à mes yeux l’occasion pour les auteurs de pouvoir développer une intrigue intéressante, vraie et directe, sans passer par un socle scénaristique gargantuesque et divers portes de sortie (flashbacks, histoires annexes...). Je m’y sens à l’aise, plus proche d’une histoire dont il n’est pas nécessaire de se rappeler des moindres détails, et plus proche des auteurs qui peuvent se permettre de passer du temps sur des petits détails, certes insignifiants, mais pas pour autant inintéressants. Bien que la qualité des oneshot soit généralement très variable, j’y trouve totalement mon compte et arrive à profiter de quelques perles. Watashitachi no shiawase na Jikan, également connu sous le nom Our Happy Hours, est le dernier d’entre eux que j’ai pu découvrir, et, s’il n’est pas à ce jour mon favori dans le genre, mérite tout de même l’attention qu’on lui porte.
Watashitachi no shiawase na Jikan est un manga réalisé en 2008 par Sumomo Yumeka, une artiste extrêmement prolifique ayant débuté en 2006 et possédant aujourd’hui plus d’une trentaine de parutions à son actif, dans des genres extrêmement variés : Shoujo, Seinen, Yaoi, Slice of Life, Drama, Fantasy, Horror, entre autres. On la retrouve également de façon beaucoup plus restreinte dans le monde de l’anime, avec en particulier son implication dans Hoshi no Koe, le premier court métrage du grand Shinkai Makoto, ou même des relations supposées avec le studio Ghibli. En bref, une artiste complète, et l’expérience se ressent totalement dans l’œuvre ici présentée. Le dessin est propre et très beau, les plans sont toujours judicieux et mettent vraiment les personnages en valeur, et on sent une réelle maîtrise du storyboard, qui n'induit jamais le lecteur en erreur. Le scénario n’est quant à lui pas original et est tiré d’une nouvelle coréenne appelée Maundy Thursday/ Our happy hours, de Gong Ji-Young. A noter que cette nouvelle fut déjà adaptée en film au pays du matin calme, également sous le nom de Maundy Thursday.
L’histoire tourne autour de deux personnages, Yuu et Juri Mutou, que le destin sépare mais dont les différences ne sont pas si flagrantes que ça. Juri est une jeune femme au passé troublé, haïe par sa mère, et qui à 16 ans dut arrêter une prometteuse carrière de pianiste pour des raisons personnelles. La rancœur de sa mère envers elle, presque aussi forte que la sienne, le sentiment de n’être comprise de personne, et l’absence de véritable attache ont amené la jeune fille à réaliser trois tentatives de suicide, sans toutefois perdre la vie. Elle fut recueillie par Monica, sa tente et sœur dans un couvent. Yuu quant à lui est un criminel, aujourd’hui dans le couloir de la mort et ce depuis sept ans, et dont la vie peut s’arrêter d’un jour à l’autre. Son passé tumultueux est marqué par trois meurtres, une famille qu’il poussa sous les rails d’un train et un homme à la suite d’attaques à l’aide d’un parapluie. L’histoire parviendra à nous narrer en filigrane les ressemblances entre ces deux personnages principaux, qui peuvent se résumer par une enfance troublée et l’impression de n’avoir rien à faire sur ce monde. Le dernier des personnages présentés dans cette histoire et Jiran Inoue, le gardien de cellule de Yuu et très à l’écoute du prisonnier, qui agira tout au long du manga en tant que médiateur des deux personnages et apportera quelques questions sur les circonstances de leur emprisonnement et comment serait-il possible de mieux vivre lorsque nos jours sont comptés. Généralement, ces interrogations sont très ouvertes et apportent vraiment quelque chose à l’œuvre au niveau de la réflexion personnelle. Le manga s’attardera donc à nous raconter l’histoire quotidienne (ou plutôt hebdomadaire, les rencontres n’ayant lieu que le jeudi) des deux personnages et la découverte de leur passé via ces correspondances, avant un final fort et vraiment réussi.
Watashitachi no shiawase na Jikan n’est pas un manga qui sort de nulle part, et bénéficie d’une vraie réputation sur les sites spécialisés. Je l’ai donc lancé avec une certaine attente et je n’ai pas été déçu. C’est bien dessiné, bien raconté et est d’une durée adaptée à la compréhension totale de l’histoire sans sentir de précipitation. L’histoire est belle et les thématiques abordées sont très intéressantes, et les personnages sont totalement réussis. On peut imaginer leurs sentiments assez clairement et sont assez explicites dans ce qu’ils veulent faire parvenir, la probable mort imminente de Yuu jouant probablement sur ce caractère. Le fil rouge du piano est bien utilisé et les rencontres entre les deux personnages, occupant la grande partie du manga, nous permettent à la fois de comprendre le passé des personnages et d’établir une progression dans les sentiments de ceux-ci. Cependant, malgré ces qualités, j’émets quelques réserves sur ce manga. C’est un de ces drames qui a tendance à se révéler particulièrement tire-larmes, par l’abondance de scènes à forte symbolique ou des faits relativement exagérés. On ressent également trop forte exagération sur le côté dramatique de la vie de Yuu, si fort qu’on a tendance à ne plus y croire. Alors je ne dis pas qu’on perd le fil à la fin de l’histoire, loin de là, et j’ai d’ailleurs tiré ma larmichette sur la fin (j’ai même bien pleuré à vrai dire), mais je trouve qu’un peu de réserve aurait permis à l’histoire de garder son côté authentique.
Watashitachi no shiawase na Jikan n’est peut-être pas le manga exceptionnel qu’on attend en lisant les critiques, mais reste un excellent manga, un drame extrêmement bien ficelé, beau et intéressant, qui a une vraie personnalité. Il n’est pas bien long mais se suffit à lui-même, et propose des thématiques intéressantes bien que réchauffées pour la plupart. A la fois sombre, sophistiqué et réaliste, c’est un manga qui apporte vraiment quelque chose, bien que les opinions peuvent varier. Je ne regrette pas l’expérience.
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