Deux mangas atypiques
Par cKei, le 20/04/2016 à 13h30 (898 vues)
Avant de parler des nouvelles séries "normales" du mois, faisons un focus sur deux mangas plus atypiques ; On en voit de plus en plus en ce moment, probablement parce qu'il y a désormais un marché suffisamment stable pour soutenir ce genre de mangas qui ne fait pas autant recette que les habituels shonens. On y parlera d'
Au Coeur de Fukushima, manga paru récemment et qui fait partie de cette vague de récits sérieux qui tranchent avec le reste de la production, ainsi que de
Hello Viviane, un one-shot en sens de lecture occidental écrit par un jeune mangaka chinois sur la vie d'une expatriée dans le sud de la France. Vous avez dit bizarre ?
Au Coeur de Fukushima est un reportage, un témoignage que nous livre l'auteur Kazuto Tatsuta sur la réalité (du moins la vision qu'il en a) de l'après-catastrophe de 2011.
Ambiance
L'auteur a été employé quelques années sur le site de Fukushima Daiichi (le plus touché), d'abord dans des services "utilitaires" (gestion des infrastructures qui reçoivent les travailleurs) puis au sein même des zones à décontaminer. Son récit, du moins pour le moment, se concentre moins sur les méthodes employées pour décontaminer le site que sur tous les petits gestes que ceux qui y vivent doivent effectuer quotidiennement : enfiler différentes combinaisons et masques, subir moult contrôles etc. Il s'attarde aussi longuement sur l'organisation des lieux (position des réacteurs etc.) et permet donc d'en avoir une meilleure vision (plus intérieure) que ce que les reportages télé ont pu en faire.
Osons la comparaison : sur la forme, le premier volume m'a beaucoup fait penser au
Maus d'Art Spiegelmann, un diptyque qui m'a énormément marqué dans ma jeunesse et que je ne saurais jamais trop recommander. Narration pas vraiment alarmiste malgré le sujet, se concentre sur le point de vue de l'auteur, et surtout ces planches schématiques dédiées à la présentation des lieux visités. Vraiment comme un reportage, en fait, un "vis ma vie" d'homme normal dans une période troublée.
Il n'en a pas la portée bien sûr, déjà parce que le sujet fait moins recette (on n'en parle pratiquement plus 5 ans après) mais aussi parce que l'auteur lui même semble, contrairement à Vladek Spiegelman, assez détaché de son récit. C'est probablement ce qui manque pour en faire une lecture agréable : en l'état, l'auteur ne semble pour ainsi dire jamais ressentir d'angoisse de travailler au contact de puissantes radiations, ni s'émouvoir outre mesure des vrais problèmes que les compagnies et les employés à la décontamination cachent ou maquillent, des conséquences à long terme de la catastrophe sur l'environnement ni sur les hommes. Il n'est pas là pour faire son devoir d'Homme du monde ou nettoyer l'archipel, mais uniquement pour l'argent car pour dangereux qu'il soit le travail paye très bien, du moins quand on recherche ce danger (et les places sont chères).
Donc voilà, pas le manga le mieux rythmé qui soit mais c'est un instantané de ce qui peut se passer encore aujourd'hui et pour de nombreuses années encore dans la centrale.
Hello Viviane
Cette pinup est une tentative de gonfler mon audience, oui.
Je ne connaissais pas Golo Zhao, l'auteur de ce beau manga tout en couleur, tout juste avais-je entendu du bien de sa Balade de Yaya. Et bien j'adore son style. Ca ressemblerait presque à de la BD occidentale (colorisation, format choisi par Pika, lecture à la française) s'il n'y avait pas cette petite bouille tendance Ghibli comme aime à le vendre l'éditeur.
On est ici dans un OVNI qui tente de se faire passer pour un récit mi-autobiographique (l'auteur se met lui-même en scène mais n'est pas le narrateur), mais probablement plutôt fictionnel. On y suit la vie naissante d'une traductrice chinoise en France, qui tente - on le comprend vite - de se reconstruire après une difficile rupture. Les nouvelles relations avec quelques habitants de Colomiers, et son travail harassant, on la dirait presque précaire.
Honnêtement l'histoire n'est pas toujours facile à suivre sans véritable narrateur, les personnages ayant tous leur moment d'introspection. Surtout certaines répliques semblent hors-sujet, ou à côté de la plaque. J'aurais cru à des soucis de traduction si la fin du livre - que je ne spoilerai pas - n(avait pas fait considérer les évènements précédents sous un nouveau jour.
Le livre partait bien, avec des persos attachants et des situations agréables à suivre, comme la vie d'une jeune femme de son temps, mais j'en ressors assez patraque, c'est pas vraiment un feel good manga. Toujours est-il que je vais me pencher sur les œuvres précédentes de l'auteur.