Nouveautés manga septembre 2016 1/?
Par cKei, le 08/09/2016 à 20h32 (720 vues)
En ce début de mois, j'ai eu envie de me pencher sur deux mangas qui se posent des questions sociétales, par ailleurs tous deux édités par Akata.
Le Mari de mon Frère
Tome 1, Akata, Gengoroh Tagame (extrait gratuit)Plus encore que chez nous, il est assez rare dans la société japonaise d'évoquer ouvertement l'homosexualité. Malgré la facilité du média Manga (et du Jeu Vidéo) à aborder tous les thèmes, celui-ci est au généralement source d'humour, au mieux à peine esquissé au travers de personnages stéréotypés (
Kanji est un faible effort, in game, de ce côté là), au pire utilisée comme un
eye candy pour les garçons et les filles (respectivement Yuri et Yaoi) que l'interdit émoustille. Plus généralement, l'homosexualité semble être superbement ignorée de l'industrie nippone, comme on a pu s'en rendre compte au moment de la sortie du jeu
Tomodachi Life. Bref, la figure de la jeune fille éprise d'une camarade de classe charismatique est fréquente, mais les auteurs qui tentent d'en parler de façon "naturelle" sont rares.
J'ai été d'autant plus agréablement surpris de tomber sur le synopsis de celui qui nous intéresse ici : Le Mari de Mon Frère.
Yaichi, père célibataire de sa petite Kana, voit soudainement débarquer dans sa vie Mike,
Gaijin canadien taillé comme un tronc d'arbre. Mais Mike n'est pas seulement un touriste, il est aussi le mari du frère jumeau de Yaichi, décédé récemment. D'abord réticent à héberger ce quasi-inconnu, entre conflits intérieurs et envie de retrouver un fragment de ce frère perdu de vue, Yaichi finit par lui offrir l'hospitalité.
Plusieurs choses entrent en résonance ici : l'homosexualité bien sûr (puisque c'est le thème principal), la famille dans tous ses états, les conflits de culture, l'éducation.
Le premier point, donc, est l'une des grandes réussites du bouquin. Yaichi n'est pas un homophobe primaire, ni un grand défenseur de la cause gay. Il est simplement - comme beaucoup de monde - mal à l'aise avec cette notion qu'il ne connait pas et qui s'éloigne de la normalité admise par la société. On sent bien qu'il est tiraillé entre une réaction de rejet presque par réflexe, lorsque Mike le prend spontanément dans ses bras ou que sa petite fille s’intéresse un peu trop près à la pilosité de l'étranger. Mais dans un autre sens, il essaye de bien faire, de mettre Mike à l'aise, de ne pas s'arrêter à ses a-priori négatifs car il a aussi quelque chose à y gagner. En définitive, il est tout simplement humain.
Il a également bien du mal à savoir comment expliquer tout ça a sa fille qui ne connaissait déjà pas son oncle. Comment lui expliquer que cet homme était marié avec un autre homme ? Et pourquoi ? Et qu'est-ce que ça implique ? Lui-même a encore tout juste du mal à l'envisager... kana par contre, avec sa candeur désarmante d'enfant n'a aucun problème à poser les vrais questions et à accepter cet état de fait. Faudrait pas que ça grandisse.
Sur le plan éducatif également, le manga se sert de Mike pour donner des faits (statistiques, explications de mœurs par pays...) au lecteur entre les chapitres.
Le Mari de mon Frère n'est pas un manga pro-gay qui en venterait les bienfaits et fustigerait ceux qui en font l’œuvre du malin ; c'est par contre une œuvre fondamentalement compréhensive et pédagogique avec tous les concernés. Et franchement ça fait du bien.
Daisy - Lycéennes à FukushimaTome 1, Akata, Reiko Momochi
Il y a quelques mois, j'avais
parlé d'un manga/documentaire sur la "désinfection" du site nucléaire de Fukushima après la catastrophe. C'est en lisant
un article récent sur les initiatives vidéoludiques en matière d'évocation de ce "vivre après" que j'ai eu envie de tenter cette seconde série.
Alors sur la forme, ça n'est pas trop ma tasse de thé. Daisy est un Shôjo avec ce que cela implique en terme de style graphique stéréotypé (que personnellement je ne supporte pas), de petites étoiles dans les yeux et boutons de fleurs, d'amourette naissante avec un bogoss et cætera. Ceci dit le manga est court (2 tomes) donc même un réfractaire doit pouvoir passer outre.
Sur le fond en revanche c'est bien plus intéressant, et c'est un parfait complément à "Au Coeur de Fukushima". Daisy s’intéresse en effet beaucoup plus à l'individu lui-même. A comment les gens ont vécu la catastrophe et l'après-catastrophe. Aux conséquences financières (l'économie de la région semble exsangue, notamment l'agriculture), humaines (les nombreux départs et séparations consécutives au danger permanent), psychologiques (comment les habitants gèrent le fait d'être considéré comme des pestiférés, des morts en sursis). Finalement, à ce qu'est devenu la vie de tous les jours après le 11 mars 2011, dans cette région sinistrée, abandonnée d'une grande partie de la population et du gouvernement japonais entre la peur des radiations et la profonde méconnaissance des conséquence que l'environnement aura sur eux.
Pour cela, la mangaka est allée directement à la source pour poser la question aux habitants et notamment aux jeunes du coin. On imagine donc que ça n'est pas qu'un roman mais qu'elle se fait porte voix pour ces jeunes filles et ce qu'elles subissent. C'est plutôt intéressant mais je me demande si sa forme de shôjo n'est finalement pas un frein au véhicule des idées. S'il n'eut pas mieux valu opter pour un seinen, compilant ces histoires sans les réunir au sein d'un groupe avec son cortège de situations adolescente. D'ailleurs la postface de
Karyn Nishi-Poupée est tout aussi informative en quelques pages, et peut-être plus évocatrice du chamboulement que la catastrophe a entrainée et exerce encore sur la population.
0 commentaire
Aucun commentaire