Relativement peu de nouveautés ce mois-ci, j'ai surtout été inspiré par mes acquisitions plus anciennes comme le Maitre des Livres. A noter tout de même la sortie d'un Artbook dédié à Gunnm que je ne pouvais décemment laisser passer.
Dead Dead Demon's DededededeDestruction
AKA "putain je me souviens jamais combien de De ça prend >_<"
Je vais faire mon coming out : je ne trouve pas qu'Inio Asano soit un génie. J'ai pas apprécié Bonne Nuit Punpun à sa juste valeur (du moins pas celle que lui donne la critique et le public), très modérément gouté à La Fille de la Plage, et je crois bien que je n'ai pas lu le reste de son oeuvre. Peut-être que ça m'a refroidi aussi, en tout cas je n'en ai pas vu l'intéret. En revanche le synopsis de Dead Dead Demon's DedededeDestruction me faisait bien envie. Alors, la réconciliation est-elle en vue ?
D^8, c'est le mélange parfait entre la légèreté apparente et un propos lourd et engagé.
Un jour, un vaisseau extra-terrestre apparait dans le ciel de Tokyo. Peur et désolation s'emparent de la ville, les autorités en viennent à utiliser l'arme nucléaire contre cet envahisseur, on déplore de nombreux morts et disparus mais étrangement, l'OVNI ne semble pas prêt à en découdre directement avec la race humaine, se contentant de rester là figé en plein milieu de l'espace aérien. Trois ans passent.
Kadode et Oran sont deux adolescentes typiques, désabusées par la vie mais sans vouloir en finir. L'une est amoureuse de son prof principal et tente de l'aguicher malgré l'interdit, l'autre est devenue la bizarre de service de la classe. La première a perdu son père le jour J et se débat avec une mère démissionnaire qui tente de refaire sa vie avec un autre homme, l'autre guette tout signe avant-coureur d'une modification chez les aliens. Mais rien à déclarer de ce côté là, et tous les modules qui tentent une sortie se font pulvériser par un simple jet de pierre. Pas vraiment belliqueux donc, mais une présence constante, un parasite lancinant et immortel qui rythme la vie des habitants sans que la population ne sache à quelle sauce ni même si elle va être mangée.
L'histoire peut paraitre loufoque, elle est en fait totalement ancrée dans notre réalité et plus particulièrement celle des japonais des années 2010. Si elle commence comme une slice of life barrée de lycéennes sur fond de SF, tous les lecteurs finissent par faire le rapprochement que je mets volontairement sous spoiler.
Le timing et le thème choisis pointe visiblement vers l'analyse sociale des conséquences de la catastrophe de Fukushima et en particulier l'aspect nucléaire de ces évènements. On sait que les particules nocives sont partout, même quand la radioactivité n'est pas mesurable ou létale sur le court terme. On voit le gouvernement incapable d'y faire face, désorganisé, à la riposte disproportionnée, et des adultes qui ne savent pas comment réagir. Comment malgré tout retrouver une vie normale en faisant fi de cette épée de Damoclès invisible ? C'est ce que tente de montrer Inio Asano avec ce nouveau manga plus intelligent qu'il n'y parait de prime abord.
Dead Dead etc., c'est drôle, fin, barré, pessimiste, réflexif. Plein de chose à la fois et agréable à lire. Que demander d'autre ?
Ça ressemble à l'un des faux-mangas que tentent de publier les personnages de Bakuman, et pourtant si l'un des deux auteurs est aux manettes de School Judgement il se contente des dessins. Takeshi Obata laisse en effet le scénario à Nobuaki Enoki (inconnu au bataillon) pour ce manga en seulement trois tomes.
Au programme, un système scolaire où les crimes et délits sont jugés par des élèves assermentés. Le protagoniste est l'un des avocats juniors les plus en vue du pays, et s'oppose à une procureur elle aussi fraichement débarquée dans le collège. Chaque affaire présente un mystère au coupable tout désigné, mais la réalité est toute autre et c'est à Abaku Inugami que revient la charge de démêler le vrai du faux.
Honnêtement ça ne vole pas bien haut mais c'est agréable à lire. En série longue ça aurait rapidement tourné en rond malgré le mystère qui plane sur le passé du héros qui revient le hanter dans le dernier volume, mais en trois tomes ça passe.
Ars Magna : the art of Yukito Kishiro
Comme je le disais dans un précédent billet, j'ai un rapport particulier à Gunnm. C'est une série qui m'a énormément marquée dans mon enfance, qui m'a énormément déçu durant sa partie Last Order mais qui à mon avis a encore des choses à dire. D'où l'arrivée de Mars Chronicles le mois dernier, d'ailleurs. Qui plus est, c'est une série atypique quand on est gamin : extrêmement dérangeante à cause de ses côtés gore puisqu'elle laisse la part belle à la dégénérescence de l'humain mais parfois très drôle (la célèbre bouche de poulpe de Gally m'est longtemps restée), avec un discours assez présent sur le transhumanisme et la métaphysique, et une héroïne forte (Gally) qui, outre les premiers émois, représente la figure féministe parfaite.
Toutes ces particularités se retrouvent bien dans les dessins de Yukito Kishiro présentés dans cet artbook (vous excuserez la qualité des images, j'ai dû lésiner sur la taille des fichiers). Le corps de Gally est souvent sexy mais aussi régulièrement déconstruit par les combats, alors que ses ennemis plus grossièrement taillés explosent en morceaux d'acier et de chair sanguinolente.
Tantôt guerrière berzerk, tantôt jeune fille espiègle, Gally évolue au gré du manga. D'abord ramassée dans une décharge de La Décharge (Kuzutetsu) par son futur tuteur Ido, elle adore celui-ci comme un poussin sorti du nid. Elle vit sa première histoire d'amour intensément mais un drame la sort vite de l'enfance pour la plonger dans l'enfer du Motorball, sport ultraviolent qui divertit les cyborgs de la surface terrienne. Un dernier affrontement épique avec le champion Jashugan l’amènera à réfléchir sur sa condition et à endosser l'habit d'Ange de la Mort nihiliste pour le compte des autorités, avant que son passif de révolutionnaire ne reprenne le dessus.
C'est là que se termine le manga et que commence Last Order. L'artbook, lui, présente des dessins issus de ces deux œuvres avec l'évolution du style graphique, parmi lesquels les couvertures originales, quelques planches et croquis des mangas, ou divers travaux annexes comme des images de promotion, des calendriers. Il y en a un peu pour tous les gouts, même si je déplore un peu qu'un quart du bouquin ne soit consacré à d'autres séries du mangaka. Je le savais bien sûr, mais j'aurais aimé un meilleur focus sur les différents arcs. Ça reste tout de même à avoir pour tous les fans de la série. Pour les autres, mettez vous-y, avec la réédition du manga vous n'avez plus d'excuse.