La fille du temple aux chats
Le genre de manga Slice of Life que j'ai lu 20 fois, pas follement original mais sympathique dans son style. Un gars de la ville vient poursuivre sa scolarité dans un patelin reculé, et plus précisément dans un vieux temple shinto. Les deux seuls habitants en dehors de lui même ? Sa grand-mère rabougrie et une lointaine cousine de quelques années son ainée qui fait office de Miko et s'occupe de maintenir le temple en état.
Vous le voyez arriver à 2 km, on y trouve l'osananajimi de service (la fille éponyme), également une tsundere du même age que le héros qui, au départ, le tient en basse estime et voudrait se garder l'autre fille pour elle toute seule : bref la recette typique de la comédie romantique de base. Ce n'est pourtant ni du harem manga, ni de l'ecchi (on le voit facilement au style graphique, plutôt chaste malgré la proximité des deux jeunes gens et quelques allusions subtiles).
La subtilité on vous dit
La petite originalité c'est que l'héroïne est en général une fille de la campagne, pas très sexy, souvent trop "pure" pour comprendre qu'elle peut attirer les garçons. Du coup ça fait un tandem un peu gauche dans le développement de leur relation mais diablement attachant.
L'éditeur le met sur la même ligne que Maison Ikkoku (Juliette je t'aime, si c'est plus parlant) mais même si le principe est proche (la grand mère veut caser sa petite par mariage arrangée, etc.) ça ne me semble pas forcément évident, et c'est tant mieux. On va voir où iront les volumes suivants.
Kingdom
Y'a des mangas comme ça qui bénéficient d'une certaine aura avant même d'être commercialisés en France, souvent par le biais du scantrad (vous savez, ce fléau qui ravage l'industrie) et de records de ventes, et seront donc repris soit pas un gros éditeur avec force campagne de pub, soit par plus confidentiel avec un petit gout d'éditeur artisanal.
Kingdom c'est ça, un manga fleuve à l'échelle des séries Pseudo-Historiques (plus de 50 tomes en version d'origine), trustant les meilleures ventes de tankobons au Japon. Repris par l'éditeur Meian dont je n'avais personnellement pas beaucoup entendu parler, avec un mode de diffusion inhabituel (il est disponible en abonnement et vente en ligne sur le site de l'éditeur, en plus des librairies). Alors à titre perso je vois pas bien en quoi cette acquisition de licence était un évènement dans la mesure où un manga comme Ippo (qui avait dépassé les 100 tomes au moment où Kurokawa a annoncé la publication) me parait être un pari bien plus compliqué et l'histoire de Kingdom peut-être plus vendeuse sur le papier. Mis à part que le public visé n'est probablement pas aussi large que du shonen, bien sûr.
Nous sommes en chine, quelques siècles avant notre ère. Alors que les royaumes guerroient et complotent, deux enfants de basse extraction jouent les escalves dans une petite exploitation fermière. Shin et Hyou n'ont pourtant pas l'intention de rester toute leur vie prisonniers de leur condition, et préfèrent s'entrainer au maniement des armes avec en ligne de mire la ferme intention de devenir généraux et glaner quelques hauts-faits.
Je n'en dirai pas plus pour éviter de spoiler le début de l'intrigue, bien qu'au final Kingdom n'utilise que des personnages et situations déjà vues. Le dessin est de qualité variable, en particulier les visages grossiers (on dirait Togari) mais les décors et scènes d'affrontement de masse me semble plus intéressants. On y trouve également un côté assez gore avec des personnages volontairement monstrueux et des exagérations de blessures (personnage proprement coupé en deux par un coup de masse, par exemple). Mais ce qui me frappe surtout c'est que malgré le cadre historique/pseudo-historique le personnage principal n'est qu'un héros de shonen nekketsu typique. Naif, très puissant, impulsif et j'en passe. Chose qu'un titre comme Vinland Saga, pourtant similaire dans son concept, avait réussi à superbement éviter.
Le cadre étant posé, c'est tout de même un manga accrocheur qui s'inscrit sur la durée.
Born to be on Air
J'ai découvert ce truc totalement par hasard dans les pages de fin de Space Brothers, un manga qui ne paye pas de mine et dont je n'avais jamais entendu parler. Mais ce qui m'a intrigué c'est surtout le nom de l'auteur, Hiroaki Samura, qui se trouve être le mangaka qui a produit l'Habitant de l'Infini. Vous savez, cette série sur un samurai quasi immortel qui tranche des gens en deux (ou plus de bouts) dans des doubles pages bien gores. Comment ce mec s'est-il retrouvé sur un manga relativement sage dans le ponde contemporain ? On se le demande mais quoiqu'il en soit le grand écart intrigue.
Comme le sous-entend le titre, ça va parler radio libre. Minare Koda, serveuse dans un petit restau, n'a pas sa langue dans sa poche mais pas non plus de grande ambition pour mener sa vie professionnelle, ni la personnelle du reste. Son petit ami l'a largué après lui avoir tiré du pognon, et elle va donc noyer son chagrin dans l'alcool au bar, à déblatérer avec un poivrot. Le lendemain matin, la tête dans le cul, elle ne sait pas trop comment elle est rentrée chez elle mais doit de toute façon partir au boulot, pas le temps de niaiser. Pendant son service, la radio locale diffuse une libre antenne. Voilà que Minare se fige puis se barre en trombes du resto : elle a reconnu sa propre voix qui s'épanche sur son ex. Il se trouve que son compagnon de beuverie du soir est un patron de ladite radio, qui a enregistré à son insu son discours d'ivrogne et compte bien en faire la future coqueluche des ondes.
Y'a une certaine énergie qui vient du personnage principal et imprime le ton du manga, drôle, dynamique.
Solitude d'un Autre Genre
Il y a quelques mois, j'avais vu passer l'annonce de ce manga comme "le récit bouleversant de la découverte du lesbianisme". J'avais aussi vu des gens se plaindre du côté très cru de l’œuvre et de sa couverture (so shocking -_-). Enfin, quelques threads twitter qui se plaignaient (c'est étonnant ça) du changement de titre opéré par l'édition française, qui ne mentionne plus le "lesbian" de l'original. On peut débattre longtemps de la pertinence de l'adaptation versus la simple traduction mot à mot des originaux, en généralisant à tous les médias, mais à mon avis Pika a bien mieux compris le manga que ceux qui s'en plaignent.
Je les cite : Un récit introspectif sans faux-semblant sur le mal-être et la découverte de soi.
Parce que non, Solitude d'un autre Genre ne parle pas du lesbianisme. Ce n'est ni un manifeste LGBT, ni ne parle vraiment de sexualité et c'est surtout pas racoleur (les rares scènes de sexe sont "explicites" - caresses manuelles et buccales, etc.) mais les corps ne sont pas vraiment montrés.
L'autrice y raconte sa descente aux enfers à l'issue des années lycées, où elle ne sait pas comment s'insérer dans la société, où elle perd lentement ses amies et l'estime de sa famille, où elle vivote de petits boulots, sombre dans une lente dépression et se scarifie sans réussir à mettre le doigt sur ce qui la ronge. Jusqu'à ce que pensée après pensée, elle comprenne que ce qu'elle veut vraiment, c'est la confortable étreinte d'une femme.
Le manga pourrait raconter la même histoire en mettant en scène un homo en surpoids, une femme noire et bi ou même un homme blanc hétéro, peu importe, et ce sans changer une ligne. Le mot d'ordre ici c'est le mal être et l'introspection, deux choses pas très gaies mais universelles. Je lui ai trouvé d'autant plus de force que je l'ai lu lors d'une nuit d'insomnie. C'est donc une plongée dans la psyché d'une femme mal dans sa peau, qui fait son auto-psychiatrie et essaye de s'en sortir. Et c'est bien. C'est bien parce que ça pousse à relativiser, à se poser soi-même (quelle que soit notre "tare" à nos yeux et ceux de la société) des questions sur sa relation aux autres, à la solitude, au regard que les autres nous portent et à celui qu'on leur réserve. Une gymnastique mentale que, personnellement, je fais naturellement depuis des années mais qui semble inconnue à une grande partie de la population.
Donc je comprends bien que la communauté lesbienne ait besoin de médias qui racontent ce qu'elles vivent, je lirais d'ailleurs ça avec plaisir (même de mon point de vue d'hétéro cis). Simplement ça n'était pas le but premier de ce récit là. Et quand je vois qu'un éditeur comme Pika peut prendre le risque de publier des bouquins sur ce type de sujets, je ne doute pas que ça finira par venir (si ce n'est pas déjà le cas).
Bref, en plus d'avoir un dessin assez mignon pour ce que ça raconte, il semble que c'est un manga relativement important à lire.
A nos amours
J'avais déjà parlé de A nous deux, Paris ! quelque part sur ce blog, et bien c'est le même auteur et plus ou moins le même concept : un mangaka qui raconte sa vie et ses relations (décalées) avec les gens dans un cadre donné. En occurrence, si la précédente série racontait son déphasage avec la capitale française, ici JP Nishi se raconte dans sa vie de famille, entre l'installation avec son aimée (la journaliste Karyn Nishimura-Poupée), la naissance de son fils et comment ce petit monde va évoluer dans la société japonaise.
Encore une fois, c'est un dessin simple qui nous attend ; la force du bouquin c'est de livrer la vision propre - et très japonaise - de l'auteur sur des coutumes ou même des traits de visages dont il n'a pas l'habitude. C'est évidemment très partial mais aussi assez drôle et instructif.
Bao le 27/10/2018 Edité le 00/00/0000 |
Kingdom faut le prendre dans l'autre sens, c'est pas du pseudo-historique sauce nekketsu mais l'inverse. Le manga mise vraiment sur les batailles, ça gicle de partout, ça multiplie les grandes gueules, les stratégies et les moments de bravoure, et c'est une frasque qui s'étale sur des années (ce qui permet en plus de caser une évolution et une ascension/descente sociale des personnages). La période des royaumes combattants étant assez mal renseignée historiquement parlant, Hara se permet pas mal de choses. Il y a aussi de grands passages ou ça discute politique, avec des questions parfois pertinentes et des situations aussi intenses, mais ici aussi ça vire souvent shonen. Quitte à parler des royaumes combattants il y a Bokko qui est pas mal aussi (édite sous le nom Stratège, par Tonkam), plus intimiste et "sérieux" dans le traitement de la guerre et de la nature humaine, avec un type chargé de protéger une cité face à un royaume qui veut l'absorber. |