Ce doit être la troisième fois que je m'essaye à cette série, après avoir stoppé la précédente édition (celle de Tonkam, en format un peu bâtard) après quelques volumes. Peut-être que je n'étais pas en état d'y voir sa richesse à l'époque, en tout cas avec cette Perfect Edition ça m'accroche beaucoup plus.
Hugo Yusaku Godai vit dans une pension de famille miteuse aux côtés de voisins turbulents (une façon polie pour dire qu'ils interfèrent dans la vie de tous les autres). Un jour arrive Juliette Kyoko qui reprend les rênes de la pension ; Godai, NEET fauché et immature, va voir dans la jeune femme de 2 ans son ainée une oasis d'espoir, et faire de sa conquête sa priorité. Mais Kyoko, insensible à ses assiduités, le repousse : elle cache un lourd secret.
On ne présente plus Maison Ikkoku, œuvre majeure de la reine Rumiko Takahashi. Paradoxalement, si l’œuvre est légendaire elle n'en reste pas moins méconnue dans ses détails pour le public français puisque c'est la version animée et francisée qui l'a propulsé sur le devant de la scène à la fin des années 80, dans le Club Dorothée. Seulement entre les nouveaux noms des persos et la censure drastique qui verra les épisodes charcutés pour éviter les scènes tendancieuses et mentions éthylées, les détails sont quelque peu flous.
De mon côté je n'en avais retenu que le générique et l'histoire d'amour contrariée de base. Fondamentalement Maison Ikkoku va plus loin, disserte sur les attentes relationnelles des hommes et des femmes, brosse un portrait de certaines couches - pauvres - de la société japonaise de la fin des années 80. Relu aujourd'hui, on peut d'ailleurs trouver de mauvais gout la toxicité des actions de quasiment chaque personnage, s'étonner des mœurs d'un autre temps (pas mal de persos considèrent Kyoko comme une marchandise à marier indépendamment de ses envies). Reste que c'est une œuvre majeure, importante pour la constitution du manga actuel (ses influences sont nombreuses, Love Hina par exemple), indissociable de la bibliothèque Rumikienne, et passionnante à analyser.
Just *not* Married
L'éditeur Kana vient de lancer une nouvelle collection dédiée non plus à une cible éditoriale (shonen, shojo, seinen etc.) mais qui a pour vocation d'explorer la vie des adultes. Premier à y paraitre, Just not Married en est le volet sentimental.
Shuichi et Ritsuko, la trentaine, forment un tout depuis 8 ans, après s'être trouvés pendant leurs années lycée. Tout semble aller pour le mieux dans leur couple, mais ils ne sont pas encore mariés au grand étonnement de leur entourage. C'est pourtant ce qu'attendrait d'eux la société, non ?
"C'est pour quand les bébés", "Vous vous mariez quand ?"... Au travers des injonctions persistantes des amis et des parents, qui rappelleront bien des choses aux gens de mon âge (ne niez pas), le manga explore les relations de couple dans un duo qui ne parle que peu du fond des choses. Pourquoi traversent-ils la vie sans ressentir de besoin impérieux d'officialiser administrativement ? Pourquoi, alors que nos héros sont manifestement amoureux, Shuichi a une peur bleue du rejet tandis que Ritsuko ne comprend absolument rien lorsque qu'enfin son Jules lui fait mollement sa demande ? Et au final, doivent-ils vraiment se conformer à ce qu'on attend d'eux pour s'aimer ?
Peu à peu on distingue des non-dits, comme s'ils se laissaient porter sans vraiment y réfléchir. Sociologiquement parlant, un occidental pourra s'étonner de comprendre qu'il est attendu qu'en cas de mariage Ritsuko arrêtera de travailler pour s'occuper du ménage, ou autres curiosités. D'autres points intéressants sont à l'ordre du jour dans un récit qui utilise une mécanique narrative astucieuse : chaque histoire se voit d'un point de vue puis de l'autre, d'abord elle, puis lui en alternant les chapitres, afin que chacun nous propose son propre regard. Et c'est vraiment sympathique.
First Job / New Life!
Dans la même collection, voici le versant "monde professionnel" à la sauce karoshi. Tamako, fraiche émoulue de l'école, galère à trouver son premier travail. Une première expérience traumatisante durant un entretien d'embauche - elle a craqué sous la "pression", iykwim >_> - la rend trop nerveuse, et en se comparant aux autres candidats confirmés elle perd toute motivation.
Seulement contre toute attente et par un coup du sort, c'est bien elle qui est engagée dans cette entreprise où elle ne voulait même pas entrer. La voilà contrainte à s'acclimater à ces collègues tarés, qui partent très tard - quand ils partent -, dorment et se lavent sur place, copulent parfois avec leurs conquêtes dans la salle de pause. Une carotte (symbolique) va toutefois la faire rester, à moins que ce ne soit parce qu'elle finit par apprécier ce troupeau dysfonctionnel et son berger. Comme un syndrome de Stockholm.
Ce manga est plein de bonne humeur, alors qu'il montre un environnement toxique typique du monde pro japonais que personnellement je fuirais comme la peste. C'est avant tout grâce à des personnages vraiment bien dépeints, même lorsqu'ils sont initialement montrés sous un mauvais jour. Sous ces agissements se cachent peut-être des personnalités attachantes. Truc à noter au niveau du dessin, ça reste tout en rondeur mais certaines cases arrivent à donner une impression très cinématographique en usant de cadrages dynamiques. Bon à savoir.
Our Colorful Days
J'avais présenté il y a quelque chose comme deux ans un précédent manga de Gengoroh Tagame, Le Mari de mon Frère, qui présentait le point de vue d'un homme cohabitant avec le compagnon - un homme donc - de son frère décédé. Un regard extérieur sur la "culture" homosexuelle, sur leurs sentiments plutôt, assez didactique grâce notamment au personnage de la fille et de ses questions naïves dépourvues de jugement. Engagé dans la communauté gay, le mangaka récidive en changeant un peu son focus.
Lycéen typique, Sora est plutôt apprécié de ses camarades et notamment de la jolie Nao, son amie d'enfance qu'il ne laisse pas indifférent. Il cache pourtant un secret inavouable : il est amoureux d'un de ses amis, un état de fait qu'il cache sachant très bien que ce type de penchant sentimental ne lui apportera que le rejet des autres. Personne ainsi, même pas sa plus proche amie, n'est au courant. Un jour que l'homosexualité est encore au centre d'une discussion goguenarde dans les couloirs du lycée, il remarque que son crush participe à la curée avec une joie non dissimulée ; il s'enfuie de dégout et va s'aérer l'esprit sur la plage, s'évanouissant presque de déception et d'introspection. C'est comme à travers un rêve qu'il croit voir un homme d'âge mur lui dire "je t'aime".
Cette silhouette fantomatique est en fait bien réelle, et gère un petit café tout proche où pas grand monde ne vient. Lui a choisi d'assumer ce qu'il est au grand jour, et en apprivoisant cette oreille attentive Sora trouve un lieu accueillant où il pourra trouver la force d'être lui même, de ne plus se renier aux yeux de ses pairs.
Au travers du regard de Sora, un homosexuel qui n'assume pas encore son état aux yeux de tous, Tagame nous invite cette-fois à nous pencher sur l'état dans lequel la société place certains de ceux qui nous entourent. Par des réflexions stupides, une non-acceptation de la différence, l'absence d'oreille attentive.
MAO
Je vais être honnète, autant j'adore Rumiko Takahashi, autant j'ai du mal avec ses séries depuis Inuyasha. J'ai une tendresse particulière pour ce dernier vis à vis de l'époque à laquelle je l'ai lu et de sa richesse, son approche des yokais et de son côté sans concession envers certains personnages, là où ses précédentes séries étaient plus légères. Seulement Inuyasha avait trop duré pour maintenir une qualité constante (j'ai droppé la série entretemps), et pire, a influencé directement les séries suivantes, plus exactement Rinne.
J'avais hâte de voir ce que la maestro - qui n'est plus si jeune - pourrait nous proposer après celui-ci, auquel je n'avais jamais vraiment adhéré. Malheureusement je m'aperçois que, si le premier volume fait foi, Mao est un décalque complet d'Inuyasha. Vous pensez que j'exagère ?
Pas du tout Inuyasha avec une fausse cicatrice
On suit Nanoka Kiba, une collégienne qui va se retrouver projetée dans un monde "Japon moyenâgeux" où des Yokais rodent. Avant de se faire bouffer, elle est sauvée par un jeune homme aux cheveux blancs (avec une partie brune, pour éviter l'autoplagiat), lequel cherche un démon-chat qui l'a blessé jadis. Entre son monde et le "monde de la galerie marchande", qui agit comme interface, Nanoka va voir sa vie bouleversée par ce jeune-homme qui l'attire.
Les prémices de l'histoire suivent quasi exactement Inuyasha, en remplaçant le puits par un bout de rue important pour le background du personnage, Shippo par une poupée animée sarcastique et le Démon-chien par un démon-chat, merci bien. La seule grosse différence à ce moment de l'intrigue est que l'héroïne acquiert elle-même des pouvoirs vénères, et qu'elle a un passé plus tragique que Kagome (dans son cas c'était sa vie antérieure qui avait morflé). Mais bon, je sais pas comment ça tournera par la suite mais à priori ce sera sans moi.
Happiness
Mon passif avec l’œuvre de Shûzô Oshimi aurait tendance à me méfier de ma future appréciation de cette nouvelle série, mais les avis croisés à mesure de Twitter mont convaincu de m'y essayer une nouvelle fois. est-ce que ce sera la bonne ? Je spoile direct : non.
Dans un move scénaristique que ne renieraient ni Tokyo Ghoul ni Bakemonogatari, le lycéen loser qui sert de protagoniste à l'intrigue se fait agresser par une jolie vampire qui lui pompe le sang et le laisse en vie au lieu de le tuer, mais lui transmet des pouvoirs. Ce qui va passer par une désagréable impression d'être bourré en pleine journée mais va également lui donner la force de se rebeller contre ses bullies. Métaphore de la l'adolescence et de la prise de confiance en soi, toussa.
Après un seul volume, je vois bien quelques points forts de la série qui commence à peine ; une certaine aisance à découper et cadrer les scènes qui leur donne une vraie cinématographie par exemple, ou encore le jusqu'au boutisme des moments gore pour peu que l'on aime ça. C'est trop tôt pour juger de l'entièreté du manga, mais est-ce que j'ai envie de lire la suite ? Clairement pas. Il se dégage de cet auteur une impression de malaise, un dessin souvent trop simpliste dont la banalité devient angoissante quand les personnages adoptent des attitudes monstrueuses (j'en avais parlé pour Shino ne sait pas dire son nom), et je n'en suis pas vraiment client.