Ao Ashi
Si vous me connaissez un minimum vous connaissez mon amour pour le ballon rond. Hum. Non bref ça ne m'intéresse pas des masses et je n'y connais rien, moi qui suis né en terre d'ovalie (saviez-vous que Toulouse vient de faire le doublé ?). C'est donc probablement le matraquage du tout nouvel éditeur Mangetsu (je veux dire, y'en a même sur BFM) qui a fait que j'ai pris les deux premiers volumes d'Ao Ashi. Et que puis-je en dire ?
Ptit entrainement pour prouver ta motivation
C'est un shonen de sport ultra classique (les rivaux, les méchants, la love-interest tsundere), efficace aussi mais c'est à peu près tout. C'est un peu le Captain Tsubasa de cette année en gros. Prenez un adolescent passionné par le football, Ao, au tempérament impétueux typique. Le gaillard a du talent ballon au pied mais persiste à la jouer solo, ce qui fait gagner son équipe de bas de tableau mais paradoxalement la fait aussi stagner contre des adversaires plus homogènes. Et en plus il a un caractère à la Zidane, n'hésitant pas à mettre un coup de boule à l'adversaire qui traite sa mère. Bref un potentiel gâché, qui va un jour se voir proposer par un inconnu crasseux (qui n'est pas du tout Roberto Hongo avec une fausse moustache >_>) de venir passer des essais pour la formation de l'équivalent local d'une équipe nationale U18.
Il rencontre là bas moult joueurs aux dents longues et à la carrière déjà solide, arrivera-t-il à s'imposer ? Réponse : bien sûr que oui sinon il n'y aurait pas de manga. J'arrête le sarcasme le temps de dire que si Ao est un attaquant de génie capable de dribler seul les dix joueurs adverses pour aller marquer, il va surtout se révéler grâce à un don : sa capacité quasi surhumaine à localiser n'importe quel joueur sur toute la surface du terrain, et ainsi de lui passer la balle. Je ne sais pas comme cela sera exploité par la suite mais c'est un peu moins boring que les tirs de l'aigle et compagnie.
Faut reconnaitre que les mouvements ont de la gueule
Du reste, le manga a un style graphique soigné avec même des pages money-shots pour les passages iconiques. Le défaut c'est que je le trouve hyper lent, les deux premiers volumes ne couvrant que l'arc de la sélection qui ailleurs aurait été réglé beaucoup plus vite. A voir par la suite, à mon avis ce sera top pour les amateurs de le foute.
Sans Expérience
Étonnant comme certaines séries ne sont pas ce qu'elles semblent être. J'avais rapidement lu la 4ème de couverture de Sans Expérience et les dessins semblaient propres et cute. J'étais plutôt emballé par certains personnages secondaires, ou même par le principal sur les premières pages. Et soudain, c'est le malaise.
Le pitch : notre héros est proche de la trentaine, gentil, aimable, apprécié de tous mais tellement timide qu'il est encore vierge de toute relation amoureuse (et de ce qui va avec). Et soudain, en allant payer son bento à la caisse du kombini c'est le coup de foudre pour une jeune fille. Il tombe tellement en arrêt sur elle que, l'esprit faisant des nœuds, il la demande carrément en mariage. Et là c'est le drame, elle accepte.
Le giga malaise, c'est que l'héroïne en question est encore lycéenne. Comme notre héros est responsable (je me place du point de vue du manga, pas du mien) il lui propose d'attendre un an qu'elle atteigne sa majorité avant de se marier. Et quand je dis attendre c'est au sens littéral : au lieu de mettre à profit cette année pour discuter, chercher à se connaitre l'un l'autre, faire progresser la relation, nos deux tourtereaux (apparemment) se contentent de se raccompagner après le boulot en restant parfaitement mutiques, si bien qu'arrivés au moment des noces ils se connaissent à peine.
Si ce scénario n'est pas tellement original pour un shonen, il me pose de sérieux soucis pour Sans Expérience. Je vais faire un parallèle avec Bakuman, dont la prémisse est similaire : dans ce shonen, le couple Moritaka/Miho se promet de ne se revoir qu'une fois leurs rêves professionnels réalisés. D'un point de vue de la construction d'une relation réaliste c'est complètement con mais ce n'est en fait qu'une carotte pour donner un but aux personnages, et qui plus Bakuman parle de deux gamins. Ici Kiyoshi est un adulte, certes candide mais responsable tout de même, tandis que Sumi est une jeune fille tout aussi inexpérimentée mais impressionnable. Ce décalage est une grande différence : qu'elle ait des motivations intéressées (elle ne veut plus être un fardeau pour sa famille et compte donc devenir femme au foyer), que le mariage soit gagnant-gagnant, ne minimise pas la subordination qui s'installe. On le voit assez vite, lui va prendre en main la recherche de leur nouveau nid d'amour (il est agent immobilier) et confier à sa femme les rênes de son salaire. On est dans un couple standard japonais, mais avec deux personnages qui ne se connaissent pas, n'osent même pas s'embrasser, n'ont probablement rien en commun si ce n'est l'envie d'être aimés.
Ouais, ce serait mignon SI TU NE PARLAIS PAS D'UNE LYCÉENNE INCONNUE
C'est très bizarre parce qu'à côté de ça les personnages secondaires sont assez positifs : le meilleur ami du héros est un séducteur mais l'encourage à sortir de sa coquille, là où habituellement ce type de perso aurait tendance à enfoncer l'autre. Il en va de même pour les amies de Sumi, ses grand-parents, les collègues de boulot. Même les protagonistes pourraient être intéressants dans d'autres circonstance ; par exemple le grand dadais de Kiyoshi a une mentalité dépréciative (il baisse les bras sur sa capacité à rendre une femme heureuse un jour) et très introspective, et je me retrouve pas mal quelques années en arrière dans cette façon de penser...
Mais voilà. Comme ce n'est pas un pur manga comique j'ai tendance à analyser le scénario sous un prisme "réaliste" : si on était pas dans une fiction ce serait hyper malsain. Surtout l'inexpérience (relationnelle et, donc, sexuelle) qui donne son nom au titre fait advenir un relent de fantasme de pureté de la jeune fille qui se réserve pour le geek mal dans sa peau, assez glaireux au regard des mimiques qu'il prend sur la fin du volume, et je ne peux me départir d'un sentiment que c'est fait à des fins mercantiles, pour donner aux otakus ce qu'ils recherchent dans leur fantasme de relations. Je n'ai pourtant pas l'impression que ce soit ce que l'autrice veut dire, le manga n'est pas calibré pour une audience large. C'est peut-être par maladresse ou par son inexpérience que vient l'incompréhension d'ailleurs.
En définitive je n'arrive vraiment pas à cerner ce manga sur un seul volume, mais ai-je envie de poursuivre ?
100 Bucket List of the Dead
En japonais, "100 choses que je veux faire avant de devenir zombie"
Imaginez, vous trouvez enfin une entreprise qui veut de vous, vous vous défoncez pour faire de votre mieux, sans compter vos heures, jusqu'à devenir partie intégrante d'une machine inhumaine dont vous ne pouvez plus vous défaire. Et là c'est la fin du monde.
C'est littéralement ce qui arrive à Akira alors qu'il frôle le burn-out après 3 ans à enchainer les heures sup' sans rentrer chez lui, à entendre son crush se laisser troncher par le patron dans le bureau mitoyen, à ne plus avoir de vie. Tel un Shaun mal réveillé (je doute que le titre international soit une coïncidence), il se réveille un jour dans un monde où les zombies on pris le pouvoir et se répliquent à une vitesse exponentielle. Et là c'est la réalisation : plus besoin d'aller au boulot, une vie de liberté - certes de courte durée - s'offre à lui.
Galvanisé par la perte de ses obligations, notre nouveau héros se met en tête de survivre en dehors des clous de cette société japonaise policée qui sont désormais abolis. Mais on voit qu'il retrouve aussi d'autant plus l'envie d'aider ses contemporains, comme ses voisins pétrifiés de peur dans leur appartement à regarder les chaines d'infos sans oser sortir. Lui n'a pas peur car il vit enfin. C'est pour combler ce vide dans son existence qu'il se met en tête de dresser une liste des cents choses à faire avant de se faire croquer.
Je vais mettre les pieds dans le plat, bien que le manga utilise un humour décalé à toute épreuve et une certaine joie de vivre décomplexée dans un monde hostile (les gens tombent comme des mouches), c'est surtout le sous-texte résolument social qui me saute aux yeux. On ne peut ignorer la critique du monde du travail à la japonaise qui passe dans la prémisse du manga, et que l'apocalypse vient rendre totalement futile. On ne peut ignorer les gags d'un Akira totalement premier degré devant son chef zombifié (voir image ci-dessus), lui énonçant sa nouvelle résolution pour dénoncer par l'absurde le management toxique et les sociétés productivistes. Et encore moins cette impression que le héros revit dès lors qu'il n'a plus à supporter un travail abscons et abrutissant.
C'est donc un manga à la fois vraiment drôle dans son style et pas si con, même si le propos ne va pas très loin dans la réflexion sur ce premier volume. En tout cas je ne connaissais pas, je n'en attendais rien et j'ai trouvé ça excellent.
Give my Regards to BlackJack
Je me souviens très nettement avoir croisé à de multiples reprises Say Hello to BlackJack au cours de mes deux dernières décennies, et de ne jamais m'y être lancé car j'étais persuadé qu'il s'agissait d'une étape dans la franchise "Black Jack" d'osamu Tezuka, que je n'ai jamais beaucoup gouté.
Sauf qu'en fait non. Say Hello to BlackJack, dont Give my Regards to... est une nouvelle traduction licencié par un nouvel éditeur français (naBan Editions, après Glénat), n'est qu'un clin d’œil au manga du maitre. En effet, loin des aventures très romancées (bien que parfois teintées de philosophie) du fameux balafré, nous sommes ici dans les chroniques du système hospitalier japonais dans toute son inhumanité.
L'inhumanité provient aussi des patients et de leur famille. D'une situation impossible à gérer normalement.
Eijirô est un jeune interne plein de fougue, entrant en stage dans un hôpital public. Mais son entrain est coupé à la racine par des cas médicaux difficiles à encaisser physiquement comme mentalement, ainsi que par le milieu même dans lequel il est plongé. Les dirigeants, motivés par la seule gloire et l’appât du gain, traitent les patients avec un détachement morbide. Les camarades internes d'Eijirô sont aussi obséquieux que compétitifs, traitant ceux qui émettent une quelconque émotion comme des faibles à laisser sur le bord de la route. Peu à peu certains arrêtent leur internat, las de ce marasme, et Eijirô lui même est confronté au doute.
Ça c'est en tout cas ce que j'ai compris en filigrane, car comme un abruti (et faute de lunettes) j'ai pris le second volume au lieu de commencer au premier. Ceci étant ça ne m'a pas tellement gâché la lecture. On comprend très bien qu'à ce point de l'histoire les états d'âme d'Eijirô l'ont fait se confronter aux grands pontes de l’hôpital dont il a bravé la sainte parole, et qu'il se retrouve en délicate position. Il quitte alors la médecine générale pour continuer son internat en obstétrique. Entre sage-femmes et médecin cynique, il cherche à trouver sa place dans une nouvelle spécialité. Autre endroit autres mœurs, et un nouveau cas médical qui se meut en cas de conscience lorsque arrivent deux jumeaux grandement prématurés, et leurs parents hostiles au corps médical.
Il n'est pas étonnant que le manga ait marqué les esprit en son pays. Les thèmes traités ici sont aussi lourds qu'insolubles, quand on confronte la réalité brute de la médecine moderne à son incapacité à résoudre simplement et humainement certaines situations complexes. Des choix moraux inextricables se jouent dans les conversations enflammées du héros et de ses ainés, et s'opposent à des situations sociales là aussi complexes. Le ton est résolument désabusé, cherche à rendre compte de l'impossibilité de la tâche. Le dessin est particulier, le trait se faisant parfois le miroir déformant de personnages abjects ou enragés mais arrivant à toucher particulièrement juste dans les séquences émouvantes. En gros c'est une belle tarte (dans la g...) et je vais me procurer le premier volume séance tenante.(Note : depuis l'écriture de ces lignes j'ai lu le premier volume, qui est dans la même veine et tout aussi réussi).
Sérieux même la couverture arrive à me faire sentir l'émotion du personnage
le 30/08/2021 Edité le 30/08/2021 |
Je n'ai jamais rien lu de tel auparavant. C'est un article complètement audacieux qui utilise une idée forte pour exprimer. J'aime vraiment ça.jigsaw puzzle |
vernes le 27/06/2021 Edité le 27/06/2021 |
Toujours aussi sympas et pertinents tes retours sur les mangas , merci ^^ |