[Review] Valkyrie Profile : Covenant of the Plume, de tri-Ace
Par Shadow, le 25/04/2010 à 16h30 (4030 vues)
La Team Rocket est de retour, pour vous jouer un... Euh, non pour aujourd'hui on se contentera du retour de Filgaia ! Et quoi de mieux pour un nouvel article, qu'une petite review sur le dernier tri-Ace sorti sur DS ? Covenant of the Plume est considéré par certains, malgré son statut de spin-off, comme la seule "vraie" suite à l'opus Lenneth, il semble en tout cas beaucoup moins controversé que Silmeria... Qu'en pensez-vous ?
Introduction : Il y a maintenant de cela une bonne dizaine d'années, tri-Ace sortit un jeu qui fit date dans l'histoire du RPG sur PS1. Valkyrie Profile proposait une expérience pour le moins originale, puisqu'on y incarnait une déesse de la mort chargée de réunir l'âme de guerriers défunts afin de les enrôler dans l'armée d'Odin, le dieu nordique. Pour cela une progression non linéaire permettait au joueur de se constituer sa propre équipe, et en fonction de ses actions, aboutir à une fin différente. Une suite plus controversée, sous-titrée Silmeria, sortit sur PS2, proposant cette fois-ci d'en apprendre plus sur la soeur cadette de Lenneth (héroïne du premier jeu). Alors que les fans attendaient un nouvel opus permettant d'incarner la troisième déesse, la charismatique Hrist, c'est finalement une spin-off que tri-Ace annonça. Qui plus est un Tactical en développement pour la DS, CotP laissa d'abord beaucoup de monde sceptique. L'histoire de cet opus prend place très peu de temps avant les évènements narrés dans l'épisode PS1 et sa réédition sur PSP ; quelles surprises nous réserve-t-il ?
Cet opus DS tient sa place de spin-off du fait qu'il ne vous propose non pas d'incarner une Valkyrie, mais bien un habitant de Midgard (le monde des humains). Très vite, nous sommes présentés à Wylfred, un jeune homme dont le père est mort en servant son pays. La Valkyrie Lenneth, en réclamant l'âme guerrière de cet homme, a tout pris à sa famille. Celle-ci est tombée dans la pauvreté, la plus jeune fille fut emportée par la maladie et sa mère ne tarda pas à sombrer dans la folie. En s'enrôlant dans l'armée, Wylfred ne cherche pas à défendre un pays, mais plutôt, il souhaite acquérir la force nécessaire à l'exercice de sa vengeance sur la déesse qui est, selon lui, responsable de tous ses problèmes.
Après avoir frôlé la mort face à des monstres coriaces, le jeune homme se voit lié par un contrat avec Hel la maîtresse des Enfers, qui lui offre la possibilité de retourner dans le monde des vivants afin de se venger. Ce “covenant” est symbolisé par une plume que le jeune homme se voit remettre, et qui aurait la possibilité de décupler les forces de la personne sur laquelle elle est utilisée. Wylfred ne tarde malheureusement pas à réaliser la contre-partie de son pacte : afin d'obtenir une force capable de terrasser ses adversaires, il doit sacrifier la vie de son meilleur ami Ancel. Après que celui-ci ait bénéficié d'une force herculéenne, il vient à bout des adversaires à sa portée, et succombe dans les bras de son ami, son âme retournant auprès de Hel.
D'entrée de jeu, on peut déjà réaliser qu'avec CotP on n'aura pas à être témoin d'une histoire comme les autres. Tantôt poétique, “superbe”, le récit n'en reste pas moins tragique à plus d'une reprise. Et ceci est du en grande partie à ses acteurs aux personnalités non manichéennes, qui parviendront à vous surprendre régulièrement. On retrouve l'inspiration dans le récit dont avait preuve le premier Valkyrie Profile à l'époque : l'histoire de nombreux guerriers nous est contée, mettant en place un univers cohérent de par sa grande... imperfection. Le héros est probablement la meilleure représentation du coeur humain décrit par CotP : un mélange d'ambition et d'égoïsme disproportionnés.
Et la plume n'est finalement qu'une expression de ce caractère. Pour le joueur elle représente une innovation de narration et de gameplay véritablement fascinante. En effet, vaut-il mieux se battre “à la loyale”, ou bien succomber à la tentation d'utiliser la plume pour venir à bout d'ennemis qui semblent autrement inattaquables ? Vous vous retrouverez probablement déchiré par de telles considérations à un moment ou un autre, d'autant qu'encore une fois, cette plume est un outil de narration relié au gameplay (nous y reviendrons). Mais le plus intéressant réside peut-être dans la scène qui s'ensuit après la fin d'un combat où la plume a été utilisée. Alors que son allié agonise, Wylfred reste impassible, et attend que l'autre rende son dernier soupir. Est-ce par compassion (que pourrait-il dire à son compagnon, pour soulager son âme qui s'en va à Niflheim ?), ou bien Wylfred n'est-il finalement rien de plus que le bourreau qui contemple les derniers moments de sa victime à l'agonie ?
C'est toute cette dualité qui fascine dans les thématiques du scénario ; rien n'est tout blanc ou tout noir, et d'ailleurs votre aventure peut aboutir de différentes façons, et pourra même se dérouler de plusieurs manières. Ceci permettra de voir l'histoire de différents points de vue : les alliés d'une partie peuvent devenir des ennemis lors de la suivante... Un concept toujours très efficace et qui, à l'instar de Devil Survivor, incite à recommencer plusieurs parties. On saluera à ce titre la présence d'un New Game + permettant de conserver les skills acquis (par l'utilisation d'objets ou à la mort d'un compagnon), tant cela peut s'avérer très pratique pour aborder la fin la plus difficile du jeu. Malgré la quinzaine d'heures suffisant à terminer la première partie, il y a donc fort peu de chances que votre temps de jeu se limite à ça, et avec CotP vous en aurez pour votre argent.
La seconde raison pour laquelle cet opus est une spin-off vient du fait qu'il s'agit non pas d'un RPG “classique”, mais d'un Tactical ! À l'instar encore une fois du titre d'Atlus, ce jeu mêle bien entendu les mécanismes du genre à ceux de la série. On se retrouve donc avec la possibilité de déployer jusqu'à 4 personnages dont chacun sera associé à l'un des 4 boutons A,B, X ou Y. Vous pouvez donc déplacer chacun de ces protagonistes lors de la phase joueur, et leur faire utiliser des sorts/techniques, ou bien attaquer un ennemi. Si plusieurs alliés ont un adversaire dans leur ligne de mire, vous pourrez combiner leurs coups afin d'augmenter la jauge de hits. Plus les coups sont consécutifs, plus celle-ci augmente, et lorsqu'elle est pleine vous pouvez effectuer une purification de l'âme. La jauge diminue alors à chaque super attaque employée, et si elle remonte encore au maximum, vous pourrez enchaîner avec un autre personnage. Le nombre d'attaques normales et la possibilité d'effectuer une purification ou non dépend de l'arme équipée par le protagoniste.
Évidemment, plus il y a de personnages en combat plus vous serez efficace et d'ailleurs, en positionnant vos alliés de façon à encercler l'ennemi, la formation vous apportera divers bonus améliorant encore le rendement des batailles. Voici pour la manière “traditionnelle” de jouer, il est également possible d'améliorer vos combattants en leur apprenant des skills qui pourront se déclencher en combat (augmentation d'une statistique pour la bataille en cours...) ou en dehors (effet prolongé sur plusieurs tours pour un sort de soutien...).
Maintenant, il existe toujours la possibilité de faire usage de la fameuse plume : un allié se voit alors rendu (pour ainsi dire) invincible (pensez à un personnage de Disgaea qui aurait gagné d'un seul coup 10 à 100 fois son niveau...) jusqu'à ce que l'objectif soit rempli. En plus, un skill est activé (paralysie de tous les adversaires excepté le boss, régénération des alliés...), dont la “puissance” vous facilitera grandement le combat. Pour les missions suivantes, Wylfred pourra ensuite faire usage lui-même de ce skill.
Vous vous demandez ce qui pourrait vous pousser à utiliser la plume, j'imagine ? Il faut savoir que pour remplir votre partie du marché fait avec Hel, vous devez lui fournir un certain quota de sin (pêché) par carte. Concrètement, celui-ci peut être obtenu de deux façons : en utilisant la plume (tout votre quota est atteint), ou petit à petit, en tuant un ennemi et en lui infligeant davantage de dégâts après ça. Si vous lui infligez l'équivalent de sa barre de vie initiale, vous obtiendrez 100 points de sin, sinon vous n'acquerrez que la proportion de dommages infligés. Si vous remplissez votre part du contrat, vous obtiendrez de plus ou moins nombreuses récompenses (en fonction de votre performance) d'Aylith, l'énigmatique maid (représentante de Hel) qui accompagne Wylfred. Dans le cas contraire, la déesse vous sanctionnera pour l'affrontement à venir : les ennemis seront beaucoup plus forts que la moyenne, ce qui risque de vous forcer à utiliser la plume pour satisfaire votre “alliée”...
Il y a en clair tout intérêt à jouer le plus possible de façon “normale”, ceci pour plusieurs raisons : vous obtiendrez des objets et équipements précieux (qui peuvent être bien meilleurs que ceux proposés en magasin), et vous éviterez d'obtenir une fin trop frustrante... Si ce n'est même un Game Over dans le pire des cas ! Ne laissez pas votre colère vous aveugler...
Le concept de cette plume est vraiment quelque chose à expérimenter par soi-même, cela vaut la peine d'être vécu une fois dans sa vie. Qui plus est, avec la customisation toujours présente dans cet opus, mais nettement moins grande que dans Silmeria, cet outil de gameplay tend vraiment à rendre accessible le soft. En effet, à moins de vouloir absolument faire la meilleure fin de but-en-blanc (ce qui reste conseillé aux fans), ce CotP est finalement plutôt “facile” pour tout habitué du genre. Pour les néophytes, il demeure un Tactical relativement basique qui fournit ce qu'il faut pour une première approche du genre, même si l'absence de tutorial pourra s'avérer un peu gênante. Quoi qu'il en soit, on apprécie que ce jeu ne nécessite finalement pas de level up, puisque même lorsque quelque chose coince, il suffit généralement de revoir son approche pour triompher. L'IA des PNJ lors de certaines missions peut être horripilante, à tel point que l'appel de la plume risque de se faire sentir... Si finalement tout dépend de votre façon de jouer, on ne peut objectivement pas reprocher à CotP sa difficulté, en le sens que tout vous est donné pour réussir. C'est à vous de décider de ce qu'il faut faire avec ce qui est mis à votre disposition...
Maintenant tout n'est pas parfait dans le plus beau des mondes avec ce soft, loin s'en faut. On était après tout en droit d'être sceptique lorsque tri-Ace a révélé qu'il s'agissait d'un Tactical, vu l'expérience des développeurs dans le domaine. Et dès l'écran de préparation des missions, un problème se pose : comment accède-t-on aux informations concernant nos ennemis ? Comment sait-on quels personnages envoyer en conséquence ? Ces questions resteront sans réponse, puisqu'il faut établir sa formation et valider avant de pouvoir jeter un oeil aux stats adverses. Plutôt pratique lors des batailles en chaîne... D'ailleurs finalement, la formation n'influe pas vraiment sur l'issue du combat, du moment que vous avez une équipe avec des compétences complémentaires et des niveaux équilibrés, elle saura faire face à toutes situations. On se demande bien où est passé l'esprit d'un Tactical, mais bon. On pouvait aussi s'en douter, mais les stratégies à 4 personnages sont par ailleurs assez limitées. On a donc au final l'impression que tri-Ace a essayé de donner à sa licence un “second souffle” (dans la forme) dont elle n'avait pas vraiment besoin. Si le concept de la plume est original, il pourra être critiqué par les puristes puisqu'il ne fait encore une fois que mieux laisser penser qu'on n'est pas vraiment face à un Tactical en bonne et due forme.
De même, n'espérez pas visualiser rapidement le “périmètre danger” que représente un ennemi, puisque seul est représenté sa zone d'attaque, à laquelle il faut ajouter sa capacité de déplacement soi-même. On aurait quand même apprécié que tout soit représenté (cf les derniers Fire Emblem), afin de planifier avec plus de précisions ses propres mouvements. D'autant que certains ennemis, notamment les boss, sont dotés d'une IA tout bonnement grotesque (celle consistant à ne bouger que lorsque vous vous approchez un peu trop près...). On déplorera enfin l'absence d'utilisation du stylet, il a tout simplement été exclu du développement vu que son utilisation ne permet même pas de faire avancer les fenêtres de dialogues. Mais tri-Ace n'est pas la seule firme à devoir se remettre en question pour avoir ainsi développé (finalement sans motif “valable”) sur la console de Nintendo.
Conclusion : Doté d'un character design et d'une bande son au bas mot superbes, cette spin-off de la série Valkyrie Profile nous rappelle sans mal les sensations éprouvées sur PS1 il y a une dizaine d'années. Avec son système de jeu accessible (et son anglais malheureusement un peu moins), ce Tactical sans grande prétention propose au final une expérience unique, qui se distingue bien de ses aînés. On a du mal à y croire au vue de certains autres travaux des développeurs (coucou les Star Ocean), mais de par son histoire si bien mise en scène et si tragique, la série des Valkyrie Profile fait véritablement office d'exception dans le genre du RPG. Cette spin-off, inoubliable, ne fait qu'enfoncer encore davantage le clou.
+ Une fresque tragique digne du premier Valkyrie Profile
+ Un système de jeu particulièrement accessible
+ Musiques et character design exceptionnels
+ Le concept de la plume, unique
+ Excellente rejouabilité
- Pas de jouabilité tactile
- L'aspect Tactical très limité
- L'IA (alliée et ennemie) vraiment pitoyable
- Pas de voix lors des cinématiques, contrairement à la VO
- Absence de localisation française (l'anglais est plus soutenu que dans d'autres RPG)
Note Indicative : 14/20