[Review] Pokémon HeartGold & SoulSilver, de Gamefreaks
Par Shadow, le 27/04/2010 à 13h15 (4754 vues)
Vous l'attendiez tous, je parle bien entendu de la Team Rocket !! Elle est de retour pour vous jouer un mauvais tour dans ces remakes de deux classiques de la GBC, Pokémon Or & Argent. Pour l'occasion Gamefreaks a vu les choses en grand, et nous offre des versions dignes des originaux à tous points de vue.
Introduction : Après une quinzaine d'années d'existence au Japon, la série Pokémon est toujours aussi active. Ces dernières années ont même vu la lignée principale se parer de multiples spin-off, à l'instar des sagas d'Atlus ou encore de Square Enix. On s'éloigne ainsi quelque peu de l'esprit originel de la licence, on perd peut-être en qualité, ceci est un autre débat. Le titre qui nous intéresse en l'occurrence a justement pour volonté de casser un peu l'image de la série ces derniers temps, en proposant un véritable retour aux sources. Et pour cause, puisqu'il s'agit des remakes de la deuxième génération de la série. Réclamés à corps et à cris par les fans, ces opus avaient su s'imposer comme leurs préférés, beaucoup considérant tout simplement les versions Or et Argent comme les meilleures existantes. À partir de là, on sent tout de suite l'intérêt marketing d'un tel projet et d'aucuns crieront à l'arnaque. L'ombre de Rouge Feu et Vert Feuille, remakes pour le moins bâclés des opus originaux, est encore bien présente dans les esprits... Gamefreaks s'est-il une nouvelle fois contenté de surfer sur un succès considéré comme acquis ?
Nous passerons volontairement assez vite sur l'histoire somme toute générique de ces jeux aux ambitions toutes autres. Pokémon, c'est l'histoire d'un jeune adolescent (garçon ou fille) que vous incarnez dans son voyage pour devenir éleveur de petites créatures plus ou moins dociles. Je me permet d'insister sur cette notion d'éleveur, et non pas de dresseur. En effet, ces versions ont modifié de façon significative la vision que l'on pouvait avoir des petites monstres, non pas en tant qu'armes de combat, mais bien en tant qu'êtres aussi vivants que vous et moi. Ceci passait notamment par la distinction des sexes, permettant une reproduction des Pokémon entre eux ; nous y reviendrons par la suite.
Ces remakes ne chamboulent bien évidemment pas le script, la Team Rocket est de retour (après avoir subi un coup dur dans les versions Bleu/Rouge et leurs remakes) pour vous jouer un mauvais tour, et bien entendu vous devrez les empêcher de nuire.
On peut cependant noter des petits détails amusants qui enrichissent la cohérence de l'univers à certains égards. Ainsi, le Professeur Orme, lorsqu'il vous remet votre premier Pokémon vous invite à le laisser en dehors de sa Pokéball, afin qu'il puisse marcher à vos côtés et grandir avec vous. Si cette possibilité n'est pas inédite (nous avons déjà pu en faire l'expérience dans Pokémon Jaune et Platine), cette offre s'étend à toutes les créatures que vous posséderez et est ainsi bien moins limitée qu'auparavant. Les plus petits pourront ainsi sortir avec leur Pichu par un après-midi ensoleillé, tandis que les plus âgés feront les durs en affrontant la grêle au côté de leur Ho-oh (belle démonstration de sadisme envers ce dernier, au passage). Ceci renforce le côté "éleveur" de votre avatar, et vos Pokémon ne vous auront jamais autant ému que grâce à cette nouveauté de gameplay. On peut noter également que quelques surprises nous attendent concernant le Rival du héros (il serait cruel de vous les révéler), et d'ailleurs, ce dernier apparaît un peu plus humain que dans les versions originales...
En clair, si l'intrigue des jeux Pokémon n'éblouira personne, sa mise en retrait est des plus appréciable. On assiste très rarement à des lourdeurs dans le développement de l'histoire (contrairement à un Nostalgia), et à quelques exceptions prêts, l'exploration du monde est laissée au bon vouloir du joueur. On reste limité par certains décors nécessitant des compétences particulières pour être traversées, mais au moins on ne se sent pas dirigé sur des rails invisibles en permanence. Le monde reste suffisamment accessible à tous (avec l'alternance classique et ici très régulière de villes et donjons), sans pour autant manquer de richesse, de par le grand nombre de décors qui vous attendent.
En effet, ces versions proposent non seulement de parcourir la région de Johto, mais également de retourner à Kanto (où se déroulaient les premiers jeux) une fois le Conseil des 4 vaincu. On n'a donc pas une minute à soi dans sa quête, et malgré la petite trentaine d'heures en théorie suffisante pour "finir" le jeu, il en faudra facilement vingt de plus pour venir à bout des 16 champions d'arènes, et je ne parle même pas des ultimes dresseurs qui vous attendent encore une fois ceci fait.
Abordons à présent ce pour quoi les jeux Pokémon excellent : le gameplay. Bien évidemment, ces remakes sont l'occasion d'apporter les dernières nouveautés de la série aux versions originales. La base reste la même : de nombreuses techniques peuvent être enseignées à vos petits protégés, de différentes façons : avec l'expérience (lors de certaines montées de niveau ou évolution des créatures) ou via des capsules techniques/secrètes (CT/CS). Il existe des compétences de toutes sortes, qu'il s'agisse de techniques offensives ou de soutien. De même que chaque Pokémon, toute capacité est associée à un type (Feu, Eau, Acier...) et à une catégorie (physique ou spéciale, instaurée dans les versions DPP).
Seulement, tout joueur est limité à une équipe de 6 Pokémon pouvant apprendre 4 compétences. Outre la grande diversité des capacités existantes, il faut donc apprécier l'intérêt que peut avoir l'apprentissage d'une technique au cas par cas. Inutile de garder une compétence physique si le Pokémon est significativement meilleur en Atk Spé, par exemple. De même, une compétence du même type que celui du Pokémon sera plus efficace... Il y a donc toute une stratégie dans l'élaboration de son équipe à considérer, et on regrette à ce titre que la difficulté de la première moitié du jeu ne soit pas plus significative. La franchise s'adressant prioritairement aux plus jeunes, les fans de longue date devront se tourner vers le online pour affronter des dresseurs dignes de ce nom.
Heureusement, la deuxième partie du jeu (suite au Conseil des 4) s'avère un peu plus corsée, et puis surtout il reste de toute façon la Tour de Combat, accessible en solo et multi. 5 zones, avec chacune leurs propres règles, vous permettront de varier les plaisirs et de rencontrer toutes sortes de créatures parmi les centaines existantes. Et pour remporter les plus grands challenges, les vétérans de la série trouveront leur compte avec ces versions : entre les personnalités des Pokémon (qui affectent les augmentations de stats), les combinaisons multiples de types de certaines créatures... Le système de combat de Pokémon est d'une richesse inouïe, et c'est pour cela qu'il existe tellement de façons différentes d'y jouer.
Ces versions sont également l'occasion de participer à des activités annexes diverses et variées, pour changer un peu des combats. Il est ainsi possible de participer aux épreuves sportives du Pokéathlon, avec une équipe de 3 Pokémon à constituer en fonction des forces et faiblesses de chacun. Sur le terrain, il faudra les gérer simultanément ou consécutivement selon les cas ! Pour cela, votre stylet sera votre meilleur allié. Globalement les mini-jeux sont bien trouvés et le concept en lui-même est assez original. Sur la durée cela peut cependant s'avérer quelque peu répétitif, même si l'envie du high score en poussera certainement quelques uns à réaffirmer leurs exploits. Espérons que cette idée du Pokéathlon sera reprise et améliorée dans d'autres épisodes, car après tout ça nous change efficacement les idées.
Le cas du Parc Safari est également à mentionner : lieu privilégié pour capturer des Pokémon rares, son concept n'avait malheureusement pas beaucoup évolué avec les épisodes. L'erreur est réparée dans ces remakes, puisqu'après avoir capturé un Racaillou et un Sabelette vous deviendrez propriétaire (le précédent gérant devait vraiment être fatigué pour donner son poste à n'importe qui). À partir de là, vous pourrez faire presque tout de votre terrain de chasse : mélanger les zones à votre convenance, mais également changer les Pokémon que vous êtes susceptible de rencontrer sont autant de possibilités qui s'offriront à vous au fur et à mesure de votre progression. Autant dire que cette customisation inédite est la bienvenue pour tous les acharnés de la capture des petits monstres.
La famille des Pokémon s'étant considérablement agrandie au fil des années, attraper puis s'occuper de toutes ces petites créatures devient extrêmement chronophage et laborieux. On apprécie donc d'autant plus la possibilité de jouer au stylet, qui fluidifie considérablement la navigation dans les menus et autres boîtes de stockages. Ainsi, il est bon de noter que l'on peut désormais enregistrer deux objets rares (comme la bicyclette et une canne à pêche), qui seront donc accessibles d'un simple clic sur l'écran tactile. Vous voulez échanger le Granivol de votre équipe contre le Grolem stocké dans votre PC ? Sélectionnez l'un des deux et placez-le à la place de l'autre. On gagne un temps considérable pour toutes ces opérations, et puisqu'elles sont nombreuses... Pour une première dans la série (à part les déplacements, absolument tout est désormais réalisable au stylet), les développeurs ont réussi leur coup.
Autrement, comme il a déjà été précisé les jeux ont mis en place les Pokémon sexués (si l'on excepte dans les premières versions le cas isolé des deux Nidoran), ce qui a également permis de développer un peu plus la pension pour Pokémon. Il était alors possible de ne pas laisser un, mais deux Pokémon auprès des gérants, afin que les créatures progressent en niveau, jouent ensemble... Et plus, si affinité. À l'instar de l'oeuf reçu du Prof. Orme, il est donc possible de faire s'accoupler des Pokémon, hormis certains cas particuliers (comme les Pokémon légendaires) et obtenir un futur bébé Pokémon. En vous débrouillant bien, vous pouvez même transmettre des compétences (via le mâle) au Pokémon acquis (dont l'espèce est déterminée par la femelle placée en pension). Bien sûr, la présence de Metamorph dans ces versions facilite grandement le processus, puisque ce Pokémon peut s'accoupler avec 90% des espèces existantes... La pension est donc un système ingénieux qui permet d'apporter un second souffle à la gestion des Pokémon (on peut s'en servir pour tester différents types de moveset sur un même Pokémon, ou encore "choisir" la nature la plus appropriée à son évolution).
Abordons maintenant ce qui distingue très nettement HGSS (et les opus originaux) de toutes les autres versions existantes : la gestion du temps. Sur DS, elle se colle au calendrier défini par la console, et donc selon le moment de la journée ou même le jour de la semaine, différents évènements peuvent avoir lieu. Les plus consciencieux seront donc bien avisés de noter les plus importants à réaliser, puisqu'il y a souvent des choses très intéressantes à gagner. On peut mentionner le cas de la loterie (les prix qu'on peut obtenir changent chaque jour), les stations de radios (différentes selon l'heure de la journée), le concours de capture d'insecte près de Doublonville, les frères toiletteurs de Pokémon... Bref, il y a tout un agenda à respecter pour réaliser un certain nombre d'actions. Qui plus est, les Pokémon apparaissant de nuit peuvent être différents de ceux croisés en journée sur une même route. Le monde de Pokémon n'a jamais semblé plus vivant que dans ces versions, ce qui explique la sensation de déclin éprouvée à juste raison par certains fans avec les versions suivantes (dans RSE, le cycle jour/nuit avait disparu au profit d'ajouts de gameplay mineurs et de nouveaux Pokémon aux airs nettement plus patibulaires que par le passé...).
Malgré ce tableau idyllique, il y a bien quelques petits soucis avec ces remakes. Pour commencer, tout joueur équipé de chaussures de sport est amené à rencontrer un très grand nombre de Pokémon. Les rencontres aléatoires sont en effet significativement moins fréquentes lorsque vous marchez, plutôt que de courir ou d'être à vélo. On peut regretter que les zones n'aient pas été mieux fournies en Pokémon par rapport aux originaux : on affronte souvent 3-4 types de créatures par lieu visité, ce qui peut finir par ennuyer. Il est également un petit peu agaçant que les animations de combats comprennent à la fois les mimiques des Pokémon arrivant sur le terrain, et les actions effectuées au cours de l'affrontement. Si on coupe les animations, il ne sera plus possible de voir nos petites créatures s'animer en arrivant sur le terrain (contrairement à Platine, où l'option d'enlever les animations n'affectait pas cela), ce qui leur enlève un côté attachant non négligeable... Mais les combats sont tellement nombreux, il serait difficilement tolérable de conserver l'ensemble des animations sur toute la durée du jeu.
Dommage également que le fonctionnement du Pokématos (votre appareil multi-fonction servant notamment à consulter la carte et écouter la radio) n'ait pas été légèrement revu. Je fais référence à la partie qui sert de répertoire téléphonique, qui aurait pu évoluer un peu avec la technologie, et se transformer en boîte mail. On aurait ainsi pu recevoir des messages comportant des objets bien spécifiques, et éliminer rapidement les spams... En effet, beaucoup de dresseurs vous proposent de vous appeler pour des raisons allant du match revanche à la petite "tranche de vie" du style "L'autre jour, j'allais attrapé un Roucool, mais il s'est enfui après n'avoir fait qu'une bouchée de mon Chenipan..." (comme c'est surprenant !). Très vite, on ne sait donc plus trop si répondre vaut la peine, et c'est bien dommage car en cas de nouveau combat, certains objets précieux peuvent être offerts si vous l'emportez...
Autrement on pourrait pester contre le manque de véritable contenu scénaristique inédit ; il aurait par exemple été possible d'étendre l'action de la Team Rocket à Kanto, ce qui aurait renforcé la scénarisation de cette partie... Maintenant l'exploration de cette région demeure un clin d'oeil aux fans de la première heure, et laisser cette partie du jeu telle quelle n'est pas forcément un mal. On espère tout de même que dans de futures versions de Pokémon, les champions d'arènes auront, à l'instar de leurs créatures, un semblant d'âme. Il serait intéressant de voir leur histoire développée, pourquoi ils en sont venus à préférer un type de Pokémon plutôt qu'un autre... Les développeurs ont bien tenté le coup de développer une simili "vie privée" à certains des 16 champions dans ces remakes, mais on est loin d'un résultat satisfaisant.
L'un des plus gros défauts, qui commence à devenir des plus irritant à force de rester immuable, demeure le problème des CS. Indispensables à un moment ou un autre de votre quête pour traverser les régions (surfer, briser un roc...), elles ont augmenté avec le nombre d'épisodes... Mais le principe n'a pas changé : contrairement aux CT vous pouvez les apprendre autant que vous voulez aux Pokémon ; seulement vous devez ensuite passer par un PNJ pour les faire oublier. Pratique quand une montée de niveau vous "oblige" à oublier une technique pour une autre plus intéressante, et que seule la CS ne vous paraît pas indispensable. Qui plus est, l'intérêt de ces techniques en combat est assez douteux dans l'ensemble... Les développeurs devraient revoir le système, qu'il s'agisse de laisser de la place avec chaque Pokémon pour des compétences utilisables uniquement hors-combat, ou bien de permettre l'oubli des CS à tout moment... Car il devient particulièrement pénible de se trimballer avec un Pokémon que l'on n'apprécie pas forcément, mais qui évite au moins de saboter l'évolution des autres créatures (en plus une telle description n'est pas des plus gratifiante pour la pauvre bête).
Conclusion : Outre une 3D assez discrète et des remixes réussis des nombreuses musiques des versions Or & Argent, les remakes de Pokémon brillent principalement par l'excellent compromis entre l'aspect "simple" des premières versions, et toute la complexité qui s'est rajoutée avec les opus ultérieurs. Cela peut paraître paradoxal, mais ces versions s'adressent finalement à tout type de public, pour peu qu'on ne soit pas rebuté par le principe des softs : les plus jeunes y trouveront une aventure très accessible, laissant une liberté appréciable au joueur, tandis que les plus hardcore pourront se tourner vers les multiples possibilités online pour obtenir entière satisfaction. Dans un cas comme dans l'autre, on ne manque clairement pas d'activités à réaliser, et le nombre d'évènements propres au calendrier a de quoi faire tourner de l'oeil. Avec une jouabilité au stylet exemplaire, Gamefreaks réitère bel et bien l'exploit d'offrir les versions ultimes de Pokémon, avec deux remakes soignés comme on aimerait en voir plus souvent.
+ La gestion au stylet (une première) très simple et plaisante des petits monstres
+ Un nombre impressionnant de créatures à attraper et à élever
+ Les capacités sonores de la DS sont bien exploitées
+ Le monde de Pokémon plus vivant que jamais
+ Système de combat riche et facile d'accès
+ Des remakes respectueux de l'acheteur
+ Une durée de vie titanesque
- Le problème des CS devient très pénible
- Pas de bouleversement dans l'intrigue d'origine
- Un remaniement du character design franchement douteux
Note Indicative : 17/20