[Anime] Utena, la fillette révolutionnaire
Par Shadow, le 06/08/2010 à 19h10 (38818 vues)
Vous aimez le bizarre, votre couleur préférée est le rose ? Vous ne pouviez mieux tomber... Je vous propose aujourd'hui un peu de old school dans la catégorie anime, avec un shôjo datant (tout de même) de 1997, Utena, la fillette révolutionnaire. Cela se voit d'ailleurs dans l'animation du titre, assez irrégulière par moment. Mais surtout, les graphismes d'Utena peuvent vite repousser même les moins exigeants. Et pourtant, Utena raconte une histoire non dénuée d'originalité...
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, tout d'abord, l'histoire de la jeune Utena est introduite sous la forme d'un conte : il y a quelques années, une petite fille pleurait la mort de ses parents. C'est alors qu'un prince sur un cheval blanc lui apparut et sécha les larmes de la fillette. Il lui confia ensuite une bague, en lui disant qu'elle leur permettrait de se retrouver, un jour... L'histoire aurait pu s'achever ainsi. Seulement, le jeune homme fit une telle impression à sa damoiselle, que celle-ci décida de devenir elle-même un prince quand elle serait grande !
L'originalité de cette introduction n'a d'égale que le côté kitsch de l'oeuvre (le prince sur son cheval blanc, la couleur des cheveux d'Utena...), et les premières minutes confirment cette impression. Utena est donc un shôjo drôle, et somme toute assez classique. Fatale erreur !
L'anime se joue en effet avec brio des petites habitudes de ce genre de spectacle. Jugez plutôt : on retrouve Utena à son entrée au lycée, et elle est tout sauf conventionnelle... Elle a en effet toujours sa fameuse bague au doigt et, se souvenant de sa détermination, elle s'habille avec l'uniforme porté par... les garçons !
Avec un caractère par ailleurs bien trempé, Utena a la côte aussi bien auprès des filles que des garçons... Elle ne retrouve cependant pas son prince parmi ses camarades, et elle sera donc à sa recherche au cours de l'anime.
C'est alors que les choses deviennent intéressantes. On a déjà pu noter l'aspect un peu étrange de l'architecture de l'académie (sans parler des personnages, tous très longilignes...), mais ses occupants n'arrangent pas les choses : par un concours de circonstances, Utena va se retrouver à affronter dans un duel à l'épée (!) un membre du conseil de l'école. Victorieuse, elle gagne un prix très particulier... Anthy Himemiya, aussi appelée la Fiancée de la Rose, est décernée à celui qui remporte un duel face à l'actuel "propriétaire" de la belle. On dit que la posséder donne accès à un pouvoir incroyable, qui permettrait de révolutionner le monde...
Dès lors qu'Utena et Anthy sont ensemble, d'autres membres du conseil n'auront de cesse de défier notre garçon manqué en duel afin de s'occtroyer la fiancée. Ceci aura pour conséquence de renforcer le lien entre les jeunes filles : au départ une simple amitié, leur relation va devenir bien plus profonde, pour ne pas dire ambiguë...
On s'arrête là pour l'histoire, je pense que vous avez pu vous rendre compte à quel point Utena est un anime bizarre. Le plus étrange c'est que tous ces éléments s'imbriquent les uns dans les autres comme si cela était naturel. On alterne la vie de lycée, telle qu'on la connaît, avec une ambiance surréaliste, où des étudiants combattent dans une arène céleste sur un fond musical endiablé et sorti de nul part. C'est le côté très baroque de cet anime qui fait tout son charme, et Utena parvient à créer un univers tout bonnement unique, comme on en a rarement vu.
Avec 39 épisodes et un tel synopsis, on pourra penser que l'intrigue risque de tourner en rond, c'est (très) partiellement vrai. Beaucoup d'épisodes possèdent en effet une structure identique (vie lycéenne, provocation en duel puis le final). Cependant l'intrigue change en permanence de point de vue, chaque épisode étant en général centré sur un personnage différent d'une fois sur l'autre. Les acteurs sont assez nombreux, et ils nous apparaissent sous toutes leurs facettes, y compris les plus inavouables.
En cours d'anime (à partir du deuxième arc), la série change d'orientation. Après des épisodes assez "gentillets", visant à introduire les principaux protagonistes, l'intrigue devient beaucoup plus sombre, notamment au niveau des relations des personnages. Utena et Anthy, mais pas seulement, affichent des rapports pour le moins ambiguës, et le spectateur pourra se sentir plus ou moins mal à l'aise à plus d'une reprise. Il faut dire qu'aucun acteur n'est mis à l'écart, même parmi les personnages secondaires, et on se reconnaîtra forcément dans l'un de ces personnages. Toute l'ambiguité de certains rapports s'explique du fait que l'histoire s'intéresse à l'adolescence : s'ils ne sont plus des enfants, les protagonistes ne sont pas encore des adultes, et ils se posent ainsi de nombreuses questions (notamment sur leur sexualité). Tout cela est exprimé en général de façon très implicite, et chaque personnage a une histoire bien à lui, si bien qu'on ne sent pas la moindre redondance d'un épisode à un autre.
Mais Utena n'oublie pas son statut de shôjo, et lors de quelques épisodes on assiste à une succession de scènes comiques à n'en plus finir. Le personnage de Nanami tient généralement le premier rôle dans ces cas-là (même si elle est également capable de nous émouvoir dans d'autres cas). Ennemie jurée d'Utena et Anthy, elle cherchera par tous les moyens à les humilier... Ce qui se retournera systématiquement contre elle. Sans trop vouloir vous spoiler, certains épisodes sont vraiment cultes, et vous risquez de ne plus regarder votre nourriture (oeuf, curry entre autres) de la même façon. Je ne parle même pas des cloches de vache (pour les connaisseurs...). Avec les épisodes faisant office de récapitulatifs (bienvenus) aux moments-clés de l'intrigue, "Les malheurs de Nanami" permettent de détendre l'atmosphère entre deux duels acharnés.
À noter pour les intéressés, que l'anime n'est pas l'unique déclinaison de l'univers d'Utena. On trouve des manga, un film, et même un jeu vidéo ! Le film, édité par Dybex en France, est vendu avec la BO qui comprend 14 pistes, un bon point donc, tant la diversité musicale est au rendez-vous. De plus, le film part d'un postulat différent, ce qui change assez radicalement la tournure de l'intrigue ; il est donc très intéressant à visionner, mais plutôt réservé aux connaisseurs de l'anime, car très peu de choses sont expliquées sur la durée du spectacle.
D'une richesse surprenante, Utena fut pour moi une véritable révélation (et non pas une révolution :P). D'ailleurs ne serait-ce que la fin, celle-ci peut être vue comme très triste ou au contraire heureuse, selon qu'on l'a comprise ou pas... Beaucoup de personnages très humains, beaucoup d'ambiguïté, beaucoup de baroque, et très peu de longueurs. Une fois l'anime lancé (fin du premier arc), on a du mal à décrocher et les épisodes sont de plus en plus haletants. Des thèmes très divers sont traités avec une grande justesse, et toujours avec une petite dose d'humour, qui sait néanmoins laisser la place à des scènes plus graves. Détournant les codes du genre shôjo, Utena pourra qui plus est plaire à tous (les scènes typiquement shôjo, vers la fin de l'anime, sont vraiment très rares), à condition d'adhérer à son univers pour le moins... particulier.