[Review] Devil Summoner : Raidou Kuzunoha the 14th
Par Shadow, le 14/08/2010 à 18h45 (3323 vues)
Je vous propose de revenir le temps d'une review sur un MegaTen un peu particulier d'Atlus, sorti il y a déjà près de 5 ans au Japon. Vous y incarnez un détective capable d'invoquer des démons en tout genre afin de résoudre des affaires peu ordinaires...
Introduction : Après un troisième MegaTen en grande forme (Lucifer's Call) et une spin-off déclinée en deux opus (Digital Devil Saga), Atlus délaisse un peu la modernité pour revenir au Japon des années 30... et continuer par la même occasion sa série spin-off Devil Summoner. Ce troisième opus (noté DS3 par la suite) sera la première itération de la série localisée dans le reste du monde. Nouveau contexte donc, mais aussi nouveau héros, comme ça même s'il demeure quelques allusions aux précédents épisodes, tout le monde pourra apprécier le jeu de la même façon. Êtes-vous digne du titre de Raidou Kuzunoha ?
Dès les premières minutes, le jeu vous place dans l'action, en vous demandant nom et prénom. Vous allez passer l'épreuve d'aptitude visant à déterminer si vous êtes digne de devenir le prochain Raidou Kuzunoha, dont la famille a protégé la capitale nippone depuis des générations. Remportant tous les combats avec succès, vous deviendrez le 14e Kuzunoha, et serez engagé comme détective à la Narumi Detective Agency. Celle-ci ne s'occupe que des affaires "spéciales", celles qui sortent de l'ordinaire. Et ceci pour une raison que vous seul pouvez percevoir et combattre ; en effet, le monde des humains possède un pendant obscur, le Dark Realm, duquel s'échappent de plus en plus de démons en tout genre. Ceux-ci s'invitent dans le monde des humains, et seuls les Devil Summoners ont la capacité de voir ces créatures et de les combattre.
Un beau jour, votre patron Narumi reçoit l'appel d'une fille lui demandant de l'aide, insistant pour qu'il la retrouve dans la soirée. Une fois sur le lieu du rendez-vous, l'adolescente... vous demande de mettre fin à ses jours. Mais avant même que vous n'ayez le temps de lui poser quelque question, la jeune fille se fait enlever par d'étranges soldats, aux mouvements parfaitement synchronisés...
À partir de là, le jeu commence vraiment. DS3 est donc très différent des précédents MegaTen sortis : de par le cadre du jeu, mais aussi du point de vue de son gameplay. Vous y incarnez en effet un détective un peu particulier, qui a la faculté de capturer des démons pour ensuite les invoquer à sa guise. Il y a 2 phases de jeu distinctes : la recherche d'information et les combats. La première fait appel à votre curiosité, mais aussi à votre bon sens : obtenir des renseignements par le biais de PNJ est une chose, certes, mais il ne faut pas hésiter à vous servir de vos démons ! Il serait bête de se priver, étant donné vos compétences : s'il vous est impossible d'avancer par vous-même, voyez si un démon peut résoudre le problème. Pensez au fait qu'ils ne peuvent être vus des autres humains, qu'ils peuvent lire les esprits de ces derniers... Chaque démon, en fonction de son ordre (Pyro, Volt...) possède une compétence à exploiter sur le terrain. Les premiers temps, votre assistant (le "chat" Gouto-douji) vous aide beaucoup, puis cela se fait par sous-entendu ou sous forme de question/réponse... Contrairement à ce que l'on pourrait penser, on est assez guidé tout au long du jeu ; on reste ainsi rarement bloqué, à condition d'être attentif au déroulement de l'intrigue.
Si les fans de LC/DDS ont déjà eu de quoi être dépaysé, ce n'est pas avec les combats qu'ils se sentiront plus à l'aise ! On délaisse en effet le tour par tour stratégique de ces derniers titres, pour participer à des affrontements en temps réel (toujours déclenchés de façon aléatoire). En plus de notre DS préféré, on peut invoquer une des créatures obtenues précédemment, qui sera gérée par l'IA. Si on ne retrouve aucunement la richesse d'un Tales of ou d'un Star Ocean dans les affrontements, le tout demeure assez instinctif. En effet, chaque bouton à forme géométrique est associé à une fonction : l'attaque au sabre, avec le pistolet, la défense, et le confinement de démon. Pour l'arme à feu, il existe des munitions qui infligent des altérations d'état, d'autres liées aux éléments, etc. Ceci est important puisque si vous trouvez la faiblesse d'un adversaire (notamment exploitable avec votre pistolet, en règle générale), vous le paralysez quelques instants et pouvez lui asséner des coups critiques. Ceci permet au démon invoqué de débloquer une super-attaque à réaliser en coopération avec son maître.
Les affrontements se déroulant en temps réel, il faut avoir suffisamment de réflexes pour s'occuper de vos 2 personnages ! Si le DS vient à mourir, la partie prend automatiquement fin, gare donc aux coups un peu trop puissants ou aux pétrifications ! De plus, il faut gérer les objets de soin, et régler l'IA si elle ne vous convient pas.
Cependant on se rend vite compte que le jeu est assez facile. Il faut juste patienter une seconde après avoir utilisé un objet ou changé de munition, pour éventuellement retourner dans le menu désiré. Le démon peut être renvoyé à tout moment (sous réserve que son état soit normal), pour en invoquer (ou non) un autre. Il est donc assez aisé de se sortir d'une situation épineuse. D'autant que même si vous vous sentez menacé et que vous êtes à court d'objets curatifs, vous mettre en défense divise les dégâts par 10 (!), il vous suffit alors d'invoquer un démon apte à vous soigner et le tour est joué. Tout cela se fait vraiment sans aucune contre-partie (pas d'immobilisation du DS pour invoquer une créature), de sorte que seuls les plus étourdis pourront voir un écran de GO. Cette critique n'est cependant valable que pour le mode de jeu "normal", où seuls les derniers boss pourront éventuellement nécessiter de changer d'approche pour triompher... sachez cependant qu'une fois la partie terminée, vous pouvez jouer en mode "devil" et certains paramètres ignorables en normal prennent alors toute leur importance. Contrairement aux apparences, DS3 est donc bien également pensé pour les masochistes (consultez sur Internet les détails sur la différence entre les deux modes), nous voilé rassuré. On note quoi qu'il en soit que les formations ennemies sont suffisamment intelligentes pour proposer des monstres aux faiblesses/forces différentes, pouvant rendre l'usage d'un seul type d'attaque gênant (un démon subira des dégâts tandis que l'autre se régénérera...).
Si la partie "jouez les détectives en herbe" est plutôt réussie, les combats sont en revanche assez décevants, et pas seulement à cause du manque de difficulté. Il est en effet limite impossible de se "concerter" avec son démon pour mettre en place une offensive efficace : la plupart du temps il se dirige vers une cible que vous êtes sur le point d'achever, et c'est donc une perte de temps. Parfois il se défend sans raison (il n'est même pas visé), c'est une perte de temps. Parfois il vous soigne de 7PV avec... Diarama (soin niveau 2) ?! C'est une perte de temps... et de magie. Ceci explique peut-être qu'en dépît de la grande facilité du soft, on ne roule jamais sur l'or : les soins de PV/PM (souvent proposés avant un boss) sont onéreux, et trop souvent nécessaires. Oh bien sûr, tout cela peut être palié, en modifiant l'IA par exemple. Seulement pour que les actions vous conviennent vraiment, il faudra probablement ajuster l'action à effectuer très souvent. On a accès à un paramétrage plus qu'honnête (rien à voir avec l'Idiotie Artificielle des Star Ocean), mais il faudrait en théorie le manipuler sans cesse pour que les actions soient tout simplement... cohérentes.
La partie customisation est, elle, assez réussie. Ici on retrouve assez vite nos repères, chaque montée de niveau apporte un point à attribuer à l'une des 4 stats du héros (les démons gèrent eux-même leur évolution). Cet aspect est assez stratégique, puisqu'il faut pouvoir conserver un certain équilibre dans la répartition des points. Avec la montée de niveau, vos démons peuvent apprendre certains skills, mais de base, il y aura des slots de compétence inutilisés. Un seul moyen d'y remédier : obtenir le démon par fusion. Pour cela, direction le Gouma-den, où l'éminent scientifique Victor a établi son laboratoire. Vous y trouverez tout ce qui peut être utile à un bon DS, à savoir une Devil Chart recensant toutes les espèces rencontrées (une entrée peut être modifiée à tout moment si le démon a subi un quelconque changement), et des cages pour enfermer vos démons et les faire fusionner... Sous certaines conditions ! Déjà, la fusion "classique" entre deux démons n'est possible qu'avec 2 créatures entièrement loyales (la fidélité s'acquièrt avec les combats). Ensuite, l'ordre auquel appartiennent les démons (mais aussi leur niveau) joue un rôle dans le résultat prévisible. Victor ayant tendance à trop manipuler ses petits bijoux de technologie, attendez-vous à voir certaines fusions échouer... Cela est très rare, mais rassurez-vous, cela permet d'obtenir un démon unique !
Mais reconnaissons le génie de Victor, puisqu'à défaut de proposer un système de fusion aussi élaboré que celui d'Igor dans les Persona, il a mis en place quelques services dérivés de ce procédé... Il est ainsi possible de renforcer votre lame en la fusionnant avec un démon. Ceci pourra notamment vous occtroyer une résistance à un élément, voire même augmenter certaines statistiques ! Mais ce n'est pas tout. Il est également possible de sacrifier un démon pour booster une stat d'un autre. Et sachez que ces points, considérés comme bonus, peuvent être transférés par la suite si vous décidez de fusionner le "démon boosté" avec un autre. Rien ne se perd, rien ne se crée, et tout se transforme, en somme...
En clair le système de fusion est toujours aussi riche et prenant. De nombreuses subtilités entrent en jeu, comme les phases de la lune (nouvelle, pleine...) qui influent très souvent sur le résultat, alors on se prend au jeu d'essayer toutes les possibilités. Néanmoins, on se retrouve un peu limité dans notre marge de manoeuvre, avec le classement des skills en différentes catégories (on ne peut avoir que 2 compétences utilisables en combat, 2 de soutien...). Et le plus frustrant, c'est aussi le bestiaire assez peu fourni du soft. On s'en rend facilement compte quand on parcourt notre Devil Chart, qui comprend moins d'une centaine d'entrées ! D'autant que les démons ne sont pas tous inédits loin s'en faut, on reste donc sur un léger sentiment d'inachevé de la part de Kaneko...
Une impression qui est confirmée par le final quelque peu abrupte du jeu, qui est une conclusion sans en être une. Un peu à l'instar d'un certain personnage dans Fire Emblem Path of Radiance... On pouvait dès lors se douter qu'une suite était une possibilité, ce qui est depuis devenu une réalité (malheureusement uniquement en import). Reste à voir si DS4 continuera sur la même lancée, ou changera d'orientation... Quoiqu'il en soit les fans de MegaTen pourront également être un peu déçus de la linéarité de l'histoire de DS3 ; je m'explique. Il ne nous est jamais proposé de suivre un chemin plutôt qu'un autre, privilégier un camp plutôt qu'un autre, alors même que des allusions sont faites à ce sujet ! DS3 est donc peut-être un peu plus "classique" en tant que RPG à la japonaise, dans le sens où il est plus story-driven et de par le fait qu'il ne laisse pas réellement de liberté. Cependant, la qualité du script demeure et l'histoire reste ainsi prenante du début à la fin, proposant un bon lot de rebondissements.
Une dernière remarque sur l'univers du jeu : comme on s'en doute, il est fictif (cf la date donnée, "Taisho 20"...), mais néanmoins représentatif d'une réalité qui a été celle du Japon de l'ère Taisho. Un certain optimiste en ressort, et cela explique sans doute que le jeu se permette des moments de franche rigolade. Outre le personnage de Narumi et ses dettes légendaires, on aura l'occasion de fréquenter des personnages pour le moins particuliers, comme Victor du Gouma-den, mais aussi un certain russe nommé Rasputin... Et laissez de côté vos a priori sur le bien et le mal : il n'y a pas de gentils humains et de méchants démons, on trouve de tout ! Vous pourrez ainsi discuter avec des démons qui tiennent un rôle de PNJ dans le Dark Realm...
Conclusion : Et c'est précisément au niveau des dialogues avec les démons que se retrouve concentré tout l'humour du soft. On rencontre ainsi beaucoup de démons dont les dialogues sont écrits tout en majuscules, ou avec une alternance entre les styles de caractères et répétition des lettres... Et je ne parle pas des démons qui vont vous appeler Raidou-chéri, ni de ceux qui ont peur de devenir vos esclaves sexuels ! Mais le meilleur survient lorsqu'il s'agit d'un dialogue avec un "démon-PNJ", la musique se met tout à coup à changer ! C'est là toute la force de l'OST de ce DS3, d'apparence pourtant assez proche de LC/DDS, mais qui sait conférer au jeu toute son identité. Au final nous n'accompagnons peut-être le clan des Kuzunoha que pour quelques heures, mais c'est pour un mélange d'émotions tellement authentiques et de fun que l'on se souviendra de ce DS3. Case solved.
+ Intrigue accrocheuse, beaucoup d'humour cottoie des moments plus graves
+ Un excellent compromis entre jeu d'aventure et RPG
+ La customisation toujours aussi riche et prenante
+ Le design réaliste des monstres/personnages
+ Un cadre socio-culturel unique et fascinant
+ L'OST qui colle à merveille au soft
- Durée de vie assez passable
- Les actions incohérentes de l'IA en combat
- Marge de manoeuvre réduite dans le Gouma-den (fusion des créatures)
- Un peu trop facile pour un MegaTen ? ("donjons" assez linéaires dans l'ensemble)
Note Indicative : 14/20