[Review] Et le vilain petit canard dans la famille Kingdom Hearts est...
Par Shadow, le 22/09/2010 à 17h20 (2592 vues)
Vous savez ce qu'on dit, dans la vie il faut se débarrasser de ce que l'on juge le plus pénible en premier. Cela peut signifier passer outre l'ordre dicté,
et choisir Ventus en premier personnage jouable dans BbS. Cela peut aussi vouloir dire rendre un dernier petit hommage à un mauvais jeu, un mauvais RPG et un titre indigne de sa série, avant de passer à quelque chose de plus convaincant. C'est peut-être ce que nous allons faire aujourd'hui en compagnie de
358/2 Days, en attendant une renaissance par le sommeil...
Introduction : Chargé de faire patienter les fans n'en pouvant plus d'attendre un hypothétique Kingdom Hearts III, Square Enix a livré à la DS un opus exclusif, sous-titré 358/2 (“over 2”) Days. Ce nom étrange prend bien entendu davantage de sens lorsqu'on joue au soft : sans trop en dire sur la nature de ce “over two”, on peut au moins justifier les “358 jours” du titre. L'histoire nous propose en effet de vivre une année entière au sein de la communauté des êtres appelés Nobodies (Similis), ces créatures qui n'existent pas vraiment, étant dénuées de coeur. Roxas est l'un d'eux, et l'on va suivre son évolution sur toute cette année ; à ceci près, qu'il ne possède aucun souvenir de la toute première semaine...
Pour les néophytes, il est bon de rappeler que la série Kingdom Hearts est à la base un mélange de la licence Final Fantasy avec l'univers de quelques uns des chefs d'oeuvres de Walt Disney. Cependant, 358/2 Days est une spin-off, et de ce fait se concentre davantage sur l'univers propre à la série. Si les mondes Disney sont toujours traversés en guise de donjons, la trame s'appuie essentiellement sur les évènements se tramant dans la Citadelle Obscure, quartier général des Nobodies.
Après analyse du titre de cette spin-off, on comprend bien vite qu'il va falloir jouer avec Roxas sur une période de 358 jours... Et c'est bel et bien le cas. Le déroulement du jeu s'effectue en fait entièrement sous forme de missions dans les différents mondes. Une fois les objectifs atteints, on peut passer au jour suivant. On apprécie à ce titre la présence d'ellipses narratives ; généralement un évènement “important” est succédé d'un défilement très rapide des journées, indiquant un nouveau pallier franchi dans le récit. Et celui-ci a bien de la peine à convaincre.
Comme on peut s'en douter, la notion même de “jeu à mission” s'oppose radicalement à la mise en place d'un univers recherché et attachant. De prime abord, l'idée de faire partie des Nobodies est pourtant séduisante : ces êtres dénués de coeur sont par conséquent privés de toute émotion. On peut donc supposer qu'on ne va pas se retrouver avec un nième héros tête à claque, comme on en voit tant dans les RPG de nos jours. Et ceci est vrai dans une certaine mesure : lors de vos voyages dans les différents mondes, Roxas a pour consigne de ne pas se mêler aux affaires des habitants. Dans la mesure où ceux-ci sont finalement assez peu nombreux dans cet opus, il se dégage de ce 358/2 Days une certaine sensation de solitude. Pas forcément désagréable d'un certain côté, puisque ceci évite là encore les détours habituels que nous font faire les PNJ pour avancer dans le scénario. En revanche les missions sont régulièrement effectuées en solo, ce qui finit par rendre cette solitude pesante.
Cet article est 100% spoiler free ! Si vous lisez le japonais c'est votre faute...
Et si certains jeux assument pleinement un tel système, force est de constater que dans 358/2 Days celui-ci rend l'aventure très linéaire. Pour les besoins d'une mission, certains lieux seront temporairement condamnés, pour éviter que vous vous perdiez... Bref, Square Enix a préféré évité une prise de risque en proposant un titre pour le moins dirigiste, alors qu'il y avait matière à offrir davantage de liberté.
Cela ne serait pas si dérangeant si le scénario accompagnait efficacement le système de jeu. Le problème, c'est qu'un grand nombre de scènes comprend une dégustation de glaces à l'eau de mer (une spécialité de la série, made by Picsou), durant laquelle Roxas nous fait part de ses réflexions sur “l'existence”. En effet, bien qu'étant dénué de sentiments, Roxas semble avoir une connaissance de ce que c'est, et son amnésie des sept premiers jours lui fait se poser beaucoup de questions. Le hasard veut que Roxas croise la route d'Axel, un autre Nobody avec qui il se liera “d'amitié”. Le duo se verra rapidement rejoint par un troisième compagnon en la personne de Xion (“Shion”), qui serait la 14e membre de l'Organisation XIII.
Si cette dernière contradiction se voit résolue plus loin dans le récit, celle relative à la capacité des Nobody d'éprouver des sentiments constitue une incohérence parmi tant d'autres. En outre, les explications concernant l'existence de Xion semblent particulièrement farfelues, et il n'est pas déraisonnable de penser que Square Enix a trouvé une justification scénaristique bien pratique pour justifier son nouveau soft, quand il fallait boucler son développement.
Profitez bien de toutes ces images ! Vous n'en verrez pas beaucoup d'une qualité similaire une fois dans le jeu...
On l'aura compris, 358/2 Days relate des évènements déjà connus, mais volontairement éludés dans Kingdom Hearts II. Il suffit d'ailleurs de voir comment les rares cinématiques 3D, largement mises en avant dans la promotion du soft mais en fait pas si nombreuses (tiens donc), sont pour la plupart issues du dernier opus PS2 (!). En bref, 358/2 Days est l'équivalent (sur le plan narratif) de Crisis Core : poussif à de nombreuses reprises, l'intrigue ne brille que lors de son final, certes connu, mais néanmoins grandiose. La différence des deux softs se situe peut-être, finalement, uniquement sur la durée de vie : la spin-off de Final Fantasy VII avait le bon goût de ne pas (trop) tester les limites de notre patience.
Il peut paraître injuste de réduire 358/2 Days à ses missions, et c'est pourtant ce que l'éditeur a bien voulu, quelque part. Exploration de monde, élimination de sans-coeur, on ne fait à vrai dire pas tellement plus que ça, l'interaction avec les PNJ étant, nous l'avons vu, limitée. Le côté le plus pénible de cette composante du gameplay réside principalement dans la rotation de la caméra (particulièrement pénible lors des affrontements contre boss), et surtout l'impossibilité d'accéder au menu. Celui-ci n'est en effet disponible qu'en dehors des missions, dans votre QG... Il est tout à fait possible d'annuler une mission et revenir en arrière faire ses préparatifs, mais il faudra alors tout reprendre depuis le départ. On a du mal à concevoir qu'il n'aurait pas été possible de gérer le menu à tout moment en dehors des combats. C'est en plus ce à quoi nous avait habitué la série jusqu'alors...
Autre aspect dérangeant des phases d'exploration, cette fois-ci lié aux musiques : les affrontements sont très fréquents, si bien que le thème de combat se lance régulièrement pour s'interrompre une fois la menace passée, et reprendre quelques pas plus loin... Les musiques sont donc, à l'image du soft en général, répétititves. De plus la plupart sont reprises des opus précédents, mais on commence à avoir l'habitude avec ce genre de soft, pas très peaufinés en général, sur DS...
Encore là ce n'est pas trop mal, on n'est pas concentré sur les visages !
Finalement ce qui pourrait sauver le jeu c'est son système d'évolution pour le moins atypique. Plus question de level up et d'équipement en armes et armures, dans 358/2 Days tout cela est présent sous forme de panneaux à positionner sur une grille d'évolution. Concrètement, il faut bien comprendre que pour monter d'un niveau, il vous faudra acquérir un certain nombre d'exp d'une part, puis positionner le panneau obtenu (Niv. +1) sur la grille, pour que le boost de stats soit effectif. Idem si vous souhaitez utiliser une magie de type Brasier, Foudre... Sans oublier qu'il faut gérer la géométrie de certains panneaux : vous pouvez ainsi installer des panneaux spéciaux, qui améliorent tout autre panneau inséré dans un contour bien défini. Par exemple, vous pouvez prendre un panneau qui permettra pour chaque magie de type Glacier placée d'être utilisée trois fois au lieu d'une. Idem, les niveaux supplémentaires peuvent être multipliés par 2, 3... Ce système comporte donc pas mal de subtilités, d'autant que la grille grandit au fur et à mesure de votre progression dans le scénario. Les possibilités sont donc accrues à terme, et la customisation est très plaisante.
358/2 Days est donc bien la suite spirituelle à Chain of Memories, dans le sens que ces deux jeux sont finalement les plus orientés RPG de la série. La part d'action est importante, mais généralement sans les bonnes associations de panneaux, vous manquerez d'efficacité. On passe en définitive une bonne partie de son temps à refaire les associations de panneaux, à la manière des équipes de démons dans Devil Survivor. À la différence du titre d'Atlus, 358/2 Days est cependant très accessible, même en mode expert. En cas de game over, il est possible de reprendre l'affrontement là où il en était (en combat commun, les ennemis éliminés ne réapparaissent pas). Pour les boss il faudra repartir de zéro, mais on finit par en venir à bout. En fait le plus frustrant lors de ces affrontements, ce sont les dégâts démesurés que ceux-ci peuvent vous infliger (en mode expert tout du moins). Il n'est pas rare que pour un problème de caméra ou de par un manque d'agilité vous vous retrouviez coincé face au boss, qui peut alors vous tuer en 2 ou 3 coups (ou une vingtaine à laquelle il est difficile d'échapper). Il faut donc recharger sa partie jusqu'à assimiler les mouvements de la créature, afin de mieux la vaincre.
Vous reprendrez bien une petite glace à l'eau de mer, n'est-ce pas ?
Conclusion : Au final 358/2 Days laisse un sentiment mitigé. D'un côté, la perspective d'incarner Roxas, même au travers d'évènements déjà connus, est intéressante : cela offre un autre angle de vue sur la trame de la série, et le personnage avait sûrement ému bon nombre de joueurs lors de son apparition dans Kingdom Hearts II. Ces derniers seront donc ravis d'en apprendre plus sur sa personnalité. Seulement, le scénario se dévoile trop tardivement (sur les cinq dernières heures de jeu) pour émouvoir complètement. Il aurait sans doute été de bon ton de permettre au joueur d'incarner en alternance les personnages de Roxas, Axel et Xion : tous possèdent des interrogations qui leurs sont propres, et différents éléments de réponse aux interrogations du joueur. L'histoire est finalement assez mal amenée, alors que changer de personnage (lorsque l'un des trois disparaît subitement, par exemple) aurait probablement rendu la trame plus accrocheuse. En l'état, on enchaîne les missions de façon mécanique, sans y mettre tout son coeur. Un peu comme le jeune Roxas qui ne sait pas trop qui il est, le titre de Square Enix, en nous entraînant dans ses errances, peine à convaincre pleinement.
+ Des personnages annexes plutôt bien développés
+ Un final épique à tous les point de vue
+ L'orientation RPG prononcée du soft
+ Une superbe 3D sur DS
- Peu de cinématiques
- Manque d'originalité général
- Les importants problèmes de caméras
- L'aspect répétitif et rébarbatif des missions
- L'intrigue qui fait “rajoutée” au fur et à mesure
- C'est quand même idiot (et laid) de faire de la 3D sur DS
Note Indicative : 12/20