Introduction : Nouvelle spin-off pour la saga Kingdom Hearts, Birth by Sleep (BbS) se pose comme une préquelle aux opus PS2, se déroulant quelques années dans un passé que l'on a juste pu apercevoir via Kingdom Hearts II. Outre la plate-forme adoptée, une première pour la série, on a envie de croire qu'il s'est opéré un changement dans la série, quelque chose qui va rendre cet opus différent. Et à en juger par l'attente qu'il a pu suscité, tel le prochain Final Fantasy, il semblerait que la série Kingdom Hearts puisse enfin tenir sur ses deux jambes sans l'aide de personne...



Commençons par une première précision : les scénaristes de la série Kingdom Hearts étant particulièrement retors dans certaines tournures des évènements, il est évidemment préférable d'avoir découvert les opus sortis sur PS2 avant de s'attaquer à BbS. Néanmoins, on peut tout à fait concevoir qu'un néophyte trouve de l'intérêt dans le jeu pour son seul gameplay... Même s'il risque de manquer pas mal de clins d'oeil au cours de sa partie.

L'histoire de BbS est celle de Ventus, Terra et Aqua, trois jeunes gens élevés par un même maître, Eraqus. Ce dernier, désirant assurer la pérennité du titre de maître de la Keyblade, a entraîné Terra et Aqua afin que l'un d'entre eux soit digne de porter un tel fardeau. Le soft s'ouvre sur l'arrivée de Maître Xehanort, fidèle ami d'Eraqus, qui vient assister au couronnement du prochain maître. Seulement l'épreuve ne se déroule pas tout à fait comme prévu, et nos trois héros devront se défaire de quelques boules d'énergie manipulées par une force obscure. Suite à un duel entre les deux concurrents, Eraqus désigne son successeur : ce sera Aqua, pour avoir fait démonstration de la force de son coeur, par opposition à Terra qui a laissé ses ténèbres l'envahir.

Suite à cette courte introduction, il s'opère un premier clivage entre nos trois héros. Aqua et Terra sont chargés d'éliminer une menace ayant envahi les mondes voisins, les Unversed, tandis que Ven fait la rencontre d'un garçon masqué lui disant que Terra va changer, pour ne plus jamais être le même. Pour des raisons différentes mais avec un objectif bien précis en tête, chacun de ces jeunes gens s'embarque à la découverte des mondes alentours, et l'aventure débute alors réellement.


Nomura avait beaucoup d'ambition pour BbS, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il a tenu toutes ses promesses. Le fait de séparer l'aventure en 3 parties distinctes permet au joueur de découvrir les pensées intimes de chaque protagoniste, et d'assister ainsi à la présentation de 3 points de vue bien différents. La magie opère tellement bien qu'on se prend à adhérer aux pensées des personnages. Et cela a de quoi laisser rêveur : lors d'une scène commune à 2 ou 3 des héros, on sera dans un premier temps dans l'incompréhension totale face à la réaction de l'autre, pour se retrouver à le soutenir lorsqu'on en arrivera à l'incarner ! Vraiment, dans BbS l'immersion est totale. Au point que la fin est vraiment à pleurer à cause de notre impuissance à aider ceux que l'on a tant aimé. Sans vous spoiler le dénouement de l'intrigue, on peut s'en douter au vue des vidéos diffusées dans Kingdom Hearts II, ou encore d'une phrase qu'Aqua prononce en tout début de partie...

L'immersion est encore renforcée par le fait que l'on puisse choisir d'incarner qui l'on veut en premier. Mine de rien cela est loin d'être anodin : il revient au joueur de décider de la lecture qu'il souhaite avoir de l'oeuvre. Un ordre dicté veut que l'on suive Terra, puis Ven et enfin Aqua dans leurs péripéties. Le candidat ayant échoué à devenir maître propose en effet une grande force physique, faisant de lui le plus accessible de tous pour démarrer. De plus, l'histoire a été plus ou moins conçue pour commencer avec lui : par exemple, aucune mention n'est faite des Unversed dans l'histoire de Ven, qui s'enfuit sur un coup de tête, et cela pourra dérouter ceux qui ont commencé avec lui. Néanmoins, il n'est pas inconcevable de parcourir l'histoire de Ven puis celle d'Aqua, pour finir avec Terra ; en effet les fins des deux premiers sont intimement liées, et le personnage de Terra, plutôt solitaire, laisse ainsi planer le doute le concernant, jusqu'à ce qu'on décide de l'incarner. Sans parler du fait que son boss de fin est de loin de le plus épique de tous les boss du jeu (et de la série ?). Bref, c'est à vous de voir comment vous voulez prendre le récit, et c'est là toute la force de ce BbS.


Mais ce n'est pas non plus sa seule qualité, en effet le moteur du jeu est vraiment bluffant. Regorgeant de scènes cinématiques (intégralement doublées) pour le mettre en valeur, il ne faiblit pas non plus lors des phases de gameplay, même si l'on dénote quelques fausses notes (le château de Maléfique connaît une baisse de framerate assez déconcertante). En fait BbS est à l'opposé totale de son confrère Ys Seven, puisqu'il a choisi d'insister sur la qualité graphique, au risque de nécessiter des temps de chargement alarmants. Il est en effet assez horrifiant de constater que même en pompant plus de 600Mb de votre carte mémoire, certaines scènes peuvent charger près de 15 secondes ! La majeure partie du temps cela reste acceptable (notamment entre les transitions d'écran, heureusement), mais cela peut entacher le plaisir du jeu de temps à autre, même si la qualité graphique justifie ce petit désagrément.

Heureusement le gameplay en vaut la chandelle. Bien évidemment, de la construction du scénario découle le fait qu'on a accès à trois styles de jeu très différents. Ceci est d'autant plus vrai que chaque personnage visite différentes parties des mondes Disney, ce qui l'amène à faire connaissance avec des intervenants différents, et à bénéficier de nouvelles approches dans la façon de jouer. Dans la demeure de Cendrillon, Ven étant réduit à la taille d'une souris il pourra se servir de pelote de laine pour écraser ses adversaires, tandis qu'Aqua pourra faire usage du pavois du prince Philippe dans le monde d'Aurore. Il y a vraiment toutes sortes de combinaisons à effectuer, chaque personnage remplaçant qui plus est l'absence de coéquipiers par des Liens-D. Sortes de fusions/invocations, celles-ci sont vraiment utiles pour varier son style de combat face à un adversaire trop coriace.


On a également accès à des Coups de Grâce (CdG), accessibles à force d'attaquer l'ennemi, et notre palette de mouvement peut s'étoffer de différentes manières (double-saut, charge aérienne...). Mais le meilleur arrive avec le Jeu de Commandes (JdC). Celui-ci regroupe l'ensemble des commandes de combat de type magique et physique, sans oublier les objets. À force de vaincre des ennemis, vos commandes montent en niveau d'elles-mêmes, ce qui permet au final de les fusionner pour en obtenir d'autres. Le processus de fusion des commandes permet également d'associer à la nouvelle création une compétence particulière ; une fois la commande fusionnée équipée, son bonus devient actif, et peut être conservé définitivement quand la commande est maîtrisée. Les capacités modifient divers paramètres de votre protagoniste : résistance à un élément, augmentation de statistiques, dernière chance quand on a plus d'1 PV... Il y a bien entendu là matière à une customisation très complète, et indispensable pour venir à bout des plus forts adversaires !

Concernant la question de la difficulté, les versions occidentales ont bénéficié d'un total de 4 modes différents ; outre les 3 niveaux de base, il existe un Critical Mode de difficulté supérieure au Proud Mode, proposant en contre-partie une contenance du JdC accrue en début de partie. En PM la difficulté s'avère relativement homogène, saut sur la fin qui s'emballe un peu, nous opposant à de véritables assassins comparés aux boss affrontés jusqu'alors. Hormis cela, le jeu s'avère donc accessible, d'autant qu'il existe 2 niveaux de difficulté inférieure...


J'aimerais discuter d'un dernier point qui me tient à coeur pour finir, c'est “l'identité” de la série Kingdom Hearts. BbS a vraiment fait un grand pas pour l'affirmer, puisque comme nous l'avons vu l'histoire est successivement centrée sur chacun des 3 protagonistes. On retrouve toujours les rapports de Xehanort permettant d'en apprendre un peu plus sur les personnages annexes (principalement lui et Eraqus), ainsi qu'une fin secrète qui répond aux dernières questions que l'on pouvait se poser. De plus, les mondes Disney s'intègrent mieux que jamais à la trame du jeu. L'intervention de Ven, Aqua et Terra a à chaque fois été pensé en fonction de la personnalité de chacun, ce qui nous confronte à des scènes très différentes, tantôt comiques, tantôt vraiment touchantes (la relation entre Terra et Cendrillon...). Et ce qu'il y a de fort, c'est que les Liens-D représentent une connexion presque "tangible" entre les héros et un personnage d'un monde X. Comme le dit Aqua, il se forge des liens indestructibles entre tous ces acteurs aux origines diverses. C'est un message vraiment beau que véhicule le soft, sans avoir besoin d'insister, le faisant au contraire de manière subtile et très intéressante.

Enfin, et c'est un point important pour une série qui s'est fondée sur son fan service, BbS semble tout au plus n'adresser que de brefs clins d'oeil à la série Final Fantasy, qui possède ici pour seuls représentants un certain SOLDAT, et une petite créature à pompon. Il existe là encore différentes façons d'interpréter ce changement (qui reste à confirmer dans les opus à venir de la saga), mais pour ma part je trouve que c'est un signe que la série est prête à prendre son indépendance, et à s'imposer pour ses seules qualités sur le marché.


Conclusion : Très diversifié dans son gameplay (avec quelques activités annexes au combat à réaliser pour ceux qui le souhaitent), BbS s'avère véritablement prenant. Trop, peut-être (ça fait mal de se couper de la réalité, en cette période de rentrée). Jamais un jeu de la série n'a proposé une histoire aussi cohérente, aussi richement construite, et des personnages aussi attachants. Pis, le jeu transcende même le concept du “replay with another character”, en proposant 3 parties vraiment distinctes et néanmoins complémentaires. Spin-off atteignant des sommets, l'orientation RPG prononcée du soft en ravira également plus d'un. Il est presque surprenant de voir un tel jeu capable de faire l'unanimité alors qu'il a suscité tant d'attente. Et c'est pourtant avec beaucoup de modestie qu'il le fait. BbS décrit des sentiments très justes, et constitue une odyssée à vivre pour tous les amateurs de la série.

+ Les clins d'oeil aux fans de la série (tout en limitant les références à Final Fantasy)
+ Une conclusion terriblement prenante (dernier boss de Terra + Chapitre Final)
+ La boucle est (presque) bouclée, on ne se pose plus 1001 questions
+ La lecture de l'oeuvre qui est laissée au libre arbitre du joueur
+ 3 styles de combat différents à adopter et à personnaliser
+ Un renouvellement général de la série, bienvenu
+ Scènes scénaristiques entièrement doublées
+ Moteur graphique époustouflant

- Terra paraît un peu trop crédule...
- Des chargements assez affolants par moment

Note Indicative : 19/20

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