[Review] Root Letter, de Kadokawa Game
Par Shadow, le 21/12/2016 à 23h10 (7499 vues)
Catégories : Animation/manga, Preview & Review, Shônen - Seinen


Dernière review pour cette année 2016, avec un visual novel sorti il y a peu sur les cartouches PS Vita et blu-ray PS4. Je vais, après les fêtes, me lancer dans l'écriture d'un petit article sur Trails of Cold Steel II, que je vous proposerai début janvier si tout va bien. En attendant, direction le Japon, avec ce Root Letter...



Introduction :
Le projet de Kadokawa fut annoncé plus tôt cette année pour une sortie mondiale, ce qui n'est pas chose commune pour le genre du visual novel. Dès lors, on était un peu curieux de voir ce qui allait nous être servi : un road trip japonais ? Une romance interactive ? Un visual novel plein de mystères ? Et bien maintenant qu'il est sorti, voyons voir ce qu'il en est...


Un personnage assez attachant qu'on rencontre au cours de notre périple

Le jeu s'ouvre de façon assez particulière, sans réelle introduction : nous incarnons un jeune homme, dont on ne verra (forcément) jamais les traits, et on n'entendra pas non plus sa voix. Approchant de la trentaine, notre protagoniste retrouve par hasard une lettre reçue d'une anncienne correspondance, remontant à sa dernière année de lycée. Cette lettre fait revenir des souvenirs, et intrigue car il s'agit de la dernière lettre d'une jeune fille, Aya Fumino, qui avoue... avoir tué quelqu'un. Ni une ni deux, le jeune homme, toujours célibataire, décide de partir à la recherche de l'ancienne lycéenne, dans l'espoir de retrouver une amie, et peut-être plus que ça...

Il faut reconnaître que les artworks présentés jusqu'à la sortie de Root Letter étaient plutôt alléchants, plantant des décors réalistes et des personnages plutôt bien dessinés. On avait donc une curiosité grandissante pour le VN, pour peu qu'on apprécie ce genre de productions. Et il y a des bonnes surprises une fois la partie lancée, qui viennent renforcer nos attentes.


Premier bon point : si le jeu est linéaire, il laisse néanmoins une certaine liberté au joueur dans les actions réalisables. Déjà, l'intrigue se façonne au fur et à mesure de la progression dans les souvenirs du protagoniste : à chaque chapitre, une lettre est relue par celui-ci, ce qui lui remet en mémoire la réponse qu'il pense avoir écrite à l'époque (au choix du joueur !). Dans les derniers chapitres, selon les réponses données, le dénouement pourra changer d'une extrême à l'autre, et on est un peu trop dans les extrêmes justement, mais nous y reviendrons.

Il est aussi à noter qu'on peut explorer chaque environnement visité (pour trouver un indice notamment), discuter avec les personnages rencontrés. Il est dans ce cas-là régulièrement nécessaire d'utiliser des objets en sa possession pour faire avancer la conversation. De même, une option spéciale permet au protagoniste de s'arrêter deux minutes pour réfléchir à la marche à suivre. Facultative la plupart du temps, cette commande permet principalement de rappeler au lecteur ce qu'il faut faire pour progresser, mais certaines situations ne pourront se débloquer qu'en utilisant cette option ! La plupart des discussions se font de manière ordinaire, en présentant des objets ou en posant une question (parmi plusieurs choix). En revanche, Aya avait des camarades de classe pendant son année de terminale, et ce sont curieusement les plus difficiles à faire parler sur le devenir de leur ancienne amie. Dans de telles situations, le « Max Mode » peut aider à faire « craquer » la personne en face (pensez Phoenix Wright, en plus simple). Ce moment dans l'enquête consiste à choisir la phrase et le ton à employer pour inciter son interlocuteur à répondre aux questions. Le tout s'opère à la manière d'un mini-jeu de rythme, puisque les choix changent en quelques secondes. Bref, le « gameplay » propose de bonnes idées en piochant un peu chez les Acte Attorney, un peu chez les Dangan Ronpa, pour ne pas lasser le lecteur.


Malheureusement cela ne suffit pas à dynamiser le récit, qui s'enfonce à mesure qu'on en découvre les ficelles. Si l'on reste charmé par le dépaysement visuel offert, on est en revanche plus dubitatif concernant les personnages, réalistes mais peut-être un peu trop, apparaissant assez transparents au final. Le protagoniste n'est guère mieux, apparaissant comme quelqu'un d'agressif, d'inquiétant (c'est vrai, qu'a-t-il à s'acharner dans une telle recherche ? Et tout ça parce qu'il a relu une lettre écrite il y a 10 ans...). Mais il est loin d'être le seul à montrer certains côtés dérangeants de sa personnalité, puisque les « amis » d'Aya ont tous des démons qui ressortent de façon discrète ou excessive selon leur tempérament.


On pourrait aussi mentionner les musiques, qui installent avec maestria une monotonie dans la progression : chaque décor doit forcément être accompagné par sa musique, pas une autre... Y compris lorsque certains thèmes un peu plus épiques démarrent, le jeu n'hésitera pas à casser l'entrain du pauvre lecteur qui aura changé de décor. C'est assez lamentable à faire, ce genre de constat, pour un jeu en 2016. Mais l'intrigue est sans doute la pire des déceptions, puisque la conception des différentes routes la rend schizophrène ; en gros chaque dénouement explique la disparition d'Aya Fumino avec une base commune, mais part dans une direction différente. Et autant on peut comprendre et accepter certains dénouements, autant les conclusions fantastiques ou irréalistes n'ont pas leur place dans cette histoire, avec ce cadre de départ. On peut en sourire un instant, mais au final le tout apparaît assez grotesque (la fin incohérente et brusque de Cursed Letter) ou pathétique (Government Conspiracy). En fait, les points négatifs mentionnés dans ce pargraphe me donnent à penser que le développement a été réalisé en vitesse accélérée dans les dernières semaines, au sacrifice d'un projet au départ plutôt louable. Dommage.

Les personnes qui ont pré-commandé le jeu chez certains revendeurs auront cependant un objet plutôt intéressant à conserver : l'artbook présentant les décors et les personnages du jeu. Et j'irais même jusqu'à dire que je ne vois pas d'intérêt à se procurer le jeu sans ça, car l'objet nous rappelle la qualité principale (et presque la seule) du VN. Et il y a même une petite interview de deux responsables du projet à lire pour les petits curieux.



Conclusion : En fait seule la fin normale de Root Letter (Crossing Paths) paraît plausible, et la vraie fin est prévisible. C'est alors que vient la question : pourquoi lire, si on s'attend au dénouement ? On se demande finalement si ce VN n'aurait pas été mieux s'il n'avait proposé qu'une seule route (avec une « véritable » vraie fin, obtenue après de réels efforts), en s'autorisant un développement plus conséquent de l'univers et de ses personnages. En l'état, on a l'impression que les développeurs s'éparpillent pour proposer beaucoup d'approches, mais sans véritable fil rouge. On ne retient donc de Root Letter qu'une ambiance schizophrène et plutôt malsaine. C'est dommage, pour une fois qu'un VN sort en France en format physique...


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