[Review] Fire Emblem : Radiant Dawn, d'Intelligent Systems
Par Shadow, le 18/07/2009 à 20h55 (4054 vues)
On continue sur Fire Emblem, et même sur la série dans la série, puisque Radiant Dawn est la suite directe de Path of Radiance (sorti sur GC). Et avec ce jeu, Intelligent Systems nous offre sans doute l'un des meilleurs opus de la franchise, très rythmé de bout en bout, il propose une aventure particulièrement épique. Et vu les bases considérables de gameplay apportées par son prédécesseur, Radiant Dawn s'en tire sans mal en tant que chef d'oeuvre du genre sur la Wii de Nintendo...
Introduction : Série de Tactical RPG réputée au Japon, les Fire Emblem n'ont connu la gloire en occident qu'à la sortie du septième opus, sur GameBoy Advance. Depuis, la France a accueilli chaque volet comme il se doit. Sorti sur Nintendo Wii l'an dernier au Japon, l'attente d'une localisation du dixième épisode fut longue, et la publicité pour sa sortie quasi inexistante. Ceci s'explique en partie par le fait que le jeu ne correspond pas à la direction prise par Nintendo avec la console. Ce qui ne dispense en aucun cas de s'intéresser à ce Fire Emblem : Radiant Dawn...
Le jeu nous conte les aventures de la Chevelure d'Argent, Micaiah, qui n'est autre que le commandant de la Brigade de l'Aube. Ce mouvement de résistance est apparu à Daien pour lutter contre l'oppression de Begnion, qui a pris le contrôle du territoire suite à la guerre qui s'est déroulée il y a trois ans. On découvre bien vite que Micaiah n'est pas une fille comme les autres, avec son “don” : elle possède la faculté de soigner les blessés, en échange d'une partie de son énergie vitale. Son protecteur, Sothe, s'inquiète de la voir en faire usage, car les forces de Begnion la repèrent facilement lorsqu'elle fait usage de ce pouvoir. La Brigade de l'Aube étant en sous-effectif et bénéficiant de trop peu de soutien, ses membres sont amenés à fuir pour trouver refuge, et, ils l'espèrent, des alliés.
À ceux qui s'inquiéteraient d'un début semblant un brin classique, il ne s'agit là que des premiers chapitres, servant d'introduction à la véritable trame scénaristique. Et les aventures de Micaiah n'en constituent pas le seul centre d'intérêt. Le jeu nous permet en effet d'incarner différents groupes de combattants, ce qui rend la narration particulièrement dynamique, garantissant des émotions d'une rare intensité. En outre, l'univers qui s'ouvre à nous est d'une grande cohérence ; dans Fire Emblem : Radiant Dawn on rencontre des personnalités fortes, avec des psychologies parfois très mystérieuses jusqu'à la fin de l'histoire. Même si certains personnages vont endosser le rôle de "grands méchants", il est déjà moins évident de parler de manichéisme, au vu des batailles qui nous attendent...
Les conflits opposent principalement les Beorcs et les Laguz. Les Beorcs sont les êtres humains du continent de Tellius dans lequel le jeu se déroule. Ses représentants comptent sur leurs généraux et stratèges pour triompher des combats. Les Laguz comptent plusieurs espèces, chacune capable de se transformer en un animal particulier (chat, tigre, corbeau...). Leur force est alors décuplée (sous forme humaine ils ne se révèlent pas très endurants). Les Beorcs comme les Lagus sont victimes de discrimination, d'où le recours inévitable à la violence. Il peut être bon de jouer à Fire Emblem : Path of Radiance pour davantage faire connaissance avec l'univers de Tellius. Sachez cependant que le continent sus-cité se révèle sous un tout nouveau jour dans cet épisode ; et il n'est donc en aucun cas indispensable de terminer l'opus Game Cube pour apprécier le jeu. Cela aidera néanmoins, notamment au niveau de la compréhension du background.
Quelques cinématiques permettent d'apprécier les évènements importants au cours de la partie. De toute beauté, elles sont cependant beaucoup trop rares. À de nombreuses reprises dans l'aventure, je me disais que telle scène aurait eu beaucoup plus d'impact sur le joueur si une cinématique l'avait présentée (au lieu de simples échanges de dialogues et quelques vagues mouvements de main). On notera cependant que ces séquences animées sont plus nombreuses et surtout plus consistantes que sur l'épisode sorti sur Game Cube.
L'évolution de l'histoire a une structure bien précise ; comme les autres représentants de la série, Fire Emblem : Radiant Dawn est découpé en trois phases principales par chapitre : une première partie scénaristique, une phase de combat, et pour terminer une nouvelle session de dialogues. Ainsi progresse l'histoire du jeu, et c'est toujours aussi efficace : l'alternance entre histoire et gameplay est savamment dosée. Qui plus est, régulièrement un narrateur nous résume les récents évènements, ce qui accroît encore l'immersion d'une part, et cela renforce, d'autre part, l'aspect "légende moyenâgeuse" du soft. En dehors des cinématiques peu fréquentes, on entend donc assez régulièrement ce personnage “omniscient”. On soulignera à ce titre la qualité de la traduction, avec des doublages français convaincants, et un niveau de langue recherché.
Avant une bataille, il est vital de se préparer convenablement. On a en effet très vite accès à un quartier général d'où l'on pourra superviser nos troupes en vue des combats à venir. Les bonnes idées de Fire Emblem : Path of Radiance font une nouvelle apparition, avec certains éléments repensés, rendant le système plus souple.
Il est tout d'abord possible d'organiser les objets, les répartir entre les membres de l'équipe, les stocker dans la réserve... Divers magasins permettent de s'approvisionner, mais le plus intéressant reste la forge. Elle permet de customiser des armes, en modifiant des paramètres (attaque, précision... Il y a même une petite fantaisie, qui consiste à pouvoir changer la couleur de l'objet !), via des sommes d'argent à débourser de manière croissante. Enfin le système va un peu plus loin qu'avec Path of Radiance, et donne une utilité aux fameuses “pièces”, dont on se demandait bien quel pouvait être l'intérêt. Elles servent en fait, une fois qu'on a forgé une arme, à sélectionner une carte parmi plusieurs retournées ; en cas de chance, la création se verra attribué un bonus supplémentaire (donc gratuit) de stats. Bien sûr, vous n'êtes pas à l'abri de tomber sur une carte vierge -sans aucun effet-...
Il est possible d'attribuer à une unité de l'expérience bonus, acquise en fin de bataille selon divers critères. On peut également attribuer des capacités, qui permettront de faire la différence en combat (déclenchement aléatoire d'une double attaque, gain d'expérience doublé...). Par rapport à son prédécesseur, Radiant Dawn permet de retirer pour ré-attribuer à loisir la plupart desdites techniques ; autant dire qu'on profite bien davantage du système, qui prend une toute nouvelle dimension. De plus, chaque unité apprend automatiquement, passé un certain stade, une compétence propre à son type de combat, ce qui accroit encore la diversité des guerriers recrutés.
Le Soutien permet de créer une relation entre deux personnages ; s'ils sont proches sur le champ de bataille (éloignés de trois cases tout au plus), ils bénéficient alors d'un bonus de statistiques. Une relation s'intensifie si vous faites participer régulièrement les unités concernées dans un même combat. Après avoir créé une nouvelle affinité ou en avoir renforcé une, un dialogue est débloqué entre les deux protagonistes sur le champ de bataille.
Si le Soutien s'est assoupli dans Fire Emblem : Radiant Dawn (le "périmètre d'affinité", dans lequel le bonus de stats est attribué, s'est agrandi), ça n'est pas globalement pour le meilleur. Les échanges que l'on peut débloquer ne sont désormais constitués que de petites phrases. Pire encore, elles n'ont aucun enchaînement logique (le style étant très impersonnel).
Dans de précédents opus, ces phrases enrichissaient de manière considérable les psychologies des divers protagonistes. Et dans Radiant Dawn, on a davantage l'impression de contrôler des individus auxquels on aurait pu coller des numéros en guise de noms, que ça n'aurait pas changé quoi que ce soit. Mis à part les personnages principaux, on n'apprend presque rien sur les unités que nous dirigeons (et c'est là que n'avoir pas joué à Path of Radiance peut se révéler le plus handicapant, puisqu'on ne s'attarde pour ainsi dire jamais sur beaucoup de personnalités présentées, supposées connues).
De plus il n'est désormais possible d'avoir qu'une affinité par protagoniste ; toutefois une relation au meilleur rang peut, dans cet épisode, être remplacée par une nouvelle affinité.
Si l'on pourra se plaindre de l'extrême linéarité du soft, il existe cependant la possibilité de converser avec quelques protagonistes, via la partie Info. Ceci permet d'obtenir plus de renseignements sur l'univers du jeu, ainsi que des objets rares ou de l'argent. Enfin, la Bibliothèque regroupe des renseignements sur l'ensemble des personnages (vivants ou décédés) faisant partie de l'histoire de Tellius. Celle-ci se remplit au fur et à mesure de notre avancée, et il peut donc être intéressant de s'y arrêter régulièrement pour faire le point sur les informations acquises au cours de la trame principale.
Maintenant que les préparations sont terminées, rentrons dans le feu de l'action ! Pour commencer, il faut sélectionner (et éventuellement positionner) les unités. Puis les hostilités commencent ; enfin pour cela, il faut tout d'abord se déplacer et effectuer une action. Bouger prend en compte les paramètres intrinsèques de l'unité, mais aussi de l'environnement : par exemple, une unité à cheval a une capacité de déplacement accrue dans les plaines, mais lorsqu'elle doit traverser des buissons, elle sera ralentie. De même, malgré leur faible capacité de déplacement en règle générale, les mages se dirigeront plus aisément dans le désert. Dernier point, exclusif à cet opus : la 3D se révèle cette fois-ci utile, et ainsi les terrains prennent un peu de relief. Comprenez que désormais les différences d'altitude sont prises en compte ; par conséquent, si une unité adverse se trouve en contrebas, vous pourrez la viser avec une grande précision. Dans l'autre sens, les coups ont très peu de chance d'être portés.
La majorité des actions ne déstabilisera pas le connaisseur de Tactical : on se place où l'on souhaite et on peut attaquer un ennemi, utiliser un bâton de soin ou un objet, etc.. En cas d'attaque, une fenêtre vient détailler les informations à prendre en compte, permettant de vérifier la pertinence de l'action. Il faut notamment prendre en compte les dégâts infligés, mais aussi la puissance de l'éventuelle contre-attaque de l'adversaire. Enfin, ne pas négliger le taux de critique (s'il existe), car au cas où un tel coup serait porté, les dégâts seraient multipliés par trois !
À chaque utilisation, une arme s'use et si c'est un objet, les réserves diminuent ; d'où la nécessité de vérifier les objets de chaque unité dans le camps. Par ailleurs, il faut savoir que les lances ont l'avantage sur les épées, qui ont l'avantage sur les haches, qui ont l'avantage sur les lances (les archers sont en dehors de ce système). De même pour les tomes de magie, avec l'existence de magie blanche, élémentaire... En particulier, malgré leur grande force physique, les Laguz possèdent généralement une faiblesse à un élément bien précis, les mettant en danger face aux mages (et réciproquement, puisque ces derniers ont rarement une bonne défense).
Un système à prendre en compte, la commande Sauver. Celle-ci permet à une unité ayant les possibilités physiques, d'en prendre une autre sous son aile. Ce système n'est pas sans risque : l'unité "deux en un" sera alourdie, et donc ralentie dans ses mouvements. Cela signifie qu'elle sera handicapée si elle devait livrer combat : l'esquive sera moins évidente, et l'ennemi pourrait lancer deux attaques au lieu d'une... Avant de confirmer le transport d'une unité, son “Poids” s'affiche, permettant de se renseigner sur les conséquences qu'aura l'action.
Comme le montrent les quelques images du jeu, la qualité graphique n'est pas au rendez-vous. C'est plus flagrant lors des animations en combat, où les textures manquent clairement de détail et de finition. La différence avec le Game Cube n'est pas nettement visible... Il est cependant possible (conseillé) de passer ces séquences. Il ne reste alors plus qu'à regarder les unités sur la carte, certes ce n'est pas très joli, mais le jeu est suffisamment immersif lors de ces joutes pour qu'on finisse par oublier ce problème. Cette immersion est en partie due aux musiques. Tournant forcément en boucle vu la durée de certaines batailles, elles donnent cependant la petite touche épique, et juste, qu'on attend d'un tel jeu. Certaines pistes sont vraiment très réussies, comme Ike's Theme, et c'est avec plaisir que l'on retrouvera certaines de ces musiques dans Super Smash Bros. Brawl...
L'aspect "légende moyenâgeuse" de l'histoire est encore accentué par de petits détails in game. Par exemple lors de plusieurs missions, il faut se contenter d'une poignée de personnages jouables pour faire reculer l'ennemi. Afin de les épauler, des combattants vont les accompagner : sur le terrain, cela se traduit pas la présence d'unités annexes. Elles ne sont pas directement contrôlables, mais peuvent agir dans le sens des ordres que donnent votre général. Dans ces situations, on a vraiment le sentiment de diriger une armée en marche pour la guerre (et pas seulement cinq ou six personnages aux pouvoirs surhumains).
Un autre point, récurrent de la série : la mort. Les protagonistes s'engagent dans une guerre et c'est loin d'être anodin. Si les coups portés sur le champ de bataille s'avèrent trop importants, l'unité meurt. Il n'y a pas de sort de résurrection, pas de parchemins sacrés ; il est donc possible de perdre définitivement une de vos unités. Et cela mettra parfois fin à la partie. D'une manière générale, on peut afficher un game over en n'ayant pas atteint l'objectif d'une mission, notamment lorsqu'il s'agit de défendre un trône, une entrée de château... Les retournements de situation étant nombreux (au sein même d'une bataille), il faut donc se tenir prêt à improviser à tout moment. D'autant que l'Intelligence Artificielle permet aux ennemis de s'organiser de façon réfléchie, et parfois surprenante. Cependant les néophytes peuvent se rassurer, le jeu inclut trois modes de difficulté, dont les deux premiers permettent de sauvegarder en cours de bataille à tout moment durant le tour du joueur. Et les tutoriaux devraient vous être grandement utiles au besoin.
Cependant, il y a un défaut de calibrage entre les missions, ce qui est assez gênant. Le groupe de Micaiah étant ce qu'il est, les batailles auxquelles ses membres devront faire face peuvent se révéler particulièrement difficiles. À l'inverse, lorsqu'on incarne des vétérans tels que les mercenaires de Ike, tout se fait sans problème, et le jeu retrouve son côté "bourrin" qu'il avait dans Path of Radiance. Le jeu est également vicieux au point de nous donner un grand nombre d'unités jouables (plusieurs dizaines), seulement toutes ne sont pas utiles, loin de là. Les Laguz sont critiqués comme étant des “gouffres à XP”, et comme ils sont assez nombreux il faudra s'efforcer d'entraîner les unités qu'on juge plus utiles (même si plus faibles a priori). Le tout aurait gagné à être plus uniforme, car c'est assez paradoxal de devoir affronter des unités qui ont évolué, alors qu'on a guerre pu faire progresser notre poignée de soldat (quand on reprend le contrôle d'un certain groupe après plusieurs chapitres).
En revanche, on prend plaisir à retrouver les têtes connues, grâce au character design qui s'est amélioré depuis le Game Cube. Certains de ces protagonistes révèleront par ailleurs des personnalités insoupçonnées, éloignant un peu le jeu des clichés habituels. On note un changement aussi au niveau des classes, la majorité des unités débutant après une première promotion, il y aura désormais un nouveau rang d'évolution.
Riche dans ses possibilités, la quête retiendra le joueur quarante à cinquante heures en mode Normal. En terminant ainsi le jeu, le mode Extrême (le plus haut niveau de difficulté) est débloqué, et il est possible -une première dans la série- de recommencer une partie en New Game +. À noter qu'en rejouant par ce moyen, le scénario offre une alternative au joueur lors de certains évènements-clés. Enfin, divers artworks et musiques sont disponibles une fois le jeu terminé, ainsi que les scènes de dialogues débloquées (celles-ci pouvant légèrement varier d'une partie à l'autre). Les complétionnistes pourront également tenter de débloquer l'intégralité des dialogues de Soutien de Path of Radiance (nettement plus intéressants en l'occurrence), en re-chargeant différentes parties dans un New Game + de Radiant Dawn. Divers petits bonus appréciables sont offerts via ce transfert de données, notamment des augmentations de statistiques et la conservation des “pièces” pour la forge.
Conclusion : Une chose est certaine, Fire Emblem : Radiant Dawn va vous faire passer un excellent moment sur Wii. Pour peu que vous soyez sensible à l'héroïc fantasy avec un univers riche et cohérent, vous vivrez des moments intenses, tant certaines batailles sont éprouvantes. Alterner les groupes permet d'expliquer leur situation respective, et les développeurs prennent ainsi le joueur à témoin ; en cela, l'expérience a quelque chose d'unique. Le titre d'Intelligent Systems, loin d'être sans défaut, réunit cependant tous les ingrédients pour se laisser apprécier, si tant est qu'on ait la volonté de creuser un peu pour trouver son bonheur. L'impact qu'il aura sera grandement renforcé si vous avez joué à Path of Radiance, même si, dans l'absolu, Radiant Dawn se suffit à lui-même grâce à la présentation pertinente de son univers.
+ Excellente initiation au genre (présentation de l'univers et trois modes de difficulté)
+ Le plaisir de retrouver des têtes connues (connaisseurs)
+ Un transfert des données de Path of Radiance bien vu
+ Évolution du gameplay et de l'intrigue (plus poussés)
+ De magnifiques (et plus nombreuses) cinématiques
+ L'ambiance médiévale parfaitement retranscrite
- Encore trop peu de cinématiques
- Le remaniement du système de soutien
- Les graphismes ont peu évolué depuis le Game Cube
- Mauvais calibrage des unités, beaucoup “sans potentiel”
Note Indicative : 17/20