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Chroniques du J-RPG : le marché salon actuel confronté à son déclinLe cas Final Fantasy XIII : l’enfant terrible
Venons-en maintenant à l’inénarrable Final Fantasy XIII. Non pour en faire une critique, mais pour analyser le phénomène qui en découle, qui cristallise une bonne partie des problématiques du J-RPG actuel. Le but ici n’est pas non plus de faire un historique du développement et de ses déboires. Une petite mise en contexte reste tout de même nécessaire.
Présenté à l’E3 2006 à Los Angeles en même temps que la compilation Fabula Nova Crystalis qui l’accompagnera, Final Fantasy XIII attise forcément les foules. Héritier d’un épisode et d’une saga acclamés par la critique et première itération de la série principale sur la nouvelle génération, il nourrit plus d’un fantasme. Après trois dernières années faites de hauts et de bas dans le développement, notamment à cause de la mise au point du moteur maison Crystal Tools, une démo voit le jour dans le Blu-Ray japonais de Final Fantasy VII Advent Children en avril 2009. La sauce monte fortement jusqu’à la sortie japonaise du jeu en décembre de la même année, exclusivement sur Playstation 3. Soyons clair, les leaders d’opinion de la presse japonaise acclament le jeu. Famitsu lui attribue un 39/40, tandis que Dengeki veut lui attribuer un 120/100. Les lecteurs de ce magazine lui attribuent la place de second meilleur jeu de l’année tandis que les lecteurs du Famitsu lui accordent le titre de meilleur jeu de tous les temps. D’autre part, les forums français et américains commencent à avoir quelques retours des forums japonais. Et ce qui frappe tout de suite l’opinion, c’est la linéarité des cartes qui circulent sur le net. Trois mois plus tard les occidentaux découvrent par eux-mêmes la bestiole. Le jeu est en effet linéaire mais récolte de très bonnes voire d’excellentes notes dans la plupart des grands titres de presse jeu vidéo. On retiendra tout de même Edge qui lui taille un short en lui attribuant cinq sur dix, principalement à cause de la linéarité. Sur Metacritic ou Gamerankings, la note presse tourne autour de 82, moins que celle des opus Playstation et Playstation 2 qui se situe aux alentours de 90. Les bons points qui sont retenus en général par les journalistes sont le dynamisme du gameplay, les relations intéressantes entre les personnages, les graphismes ahurissants ou encore la bande-son. Dans les mauvais points, plus rarement évoqués, la linéarité revient assez souvent, bien que certains l’apprécient. L’histoire aussi n’a globalement pas convaincu, ainsi que le manque d’interactivité ou l’absence de villes. Bref, passé la réception critique, il s’agit de parler des joueurs et de ce que la division dans la communauté qui a suivi la réception de ce jeu révèle sur le J-RPG. Soyons clair, pour quiconque fréquente les forums, deux groupes assez distincts s’opposent, quelle que soit leur taille (ce n’est pas l’important ici). L’un appréciant Final Fantasy XIII pour son parti pris drastique de renouvellement du genre, et un autre, peut-être plus conservateur et représentatif de la frange core gamer, qui crie un petit peu au scandale devant un tel retour en arrière. Le premier avancera en général comme argument que la saga Final Fantasy a toujours redéfini le genre J-RPG avec le premier opus à paraitre sur une génération de consoles (Final Fantasy, Final Fantasy IV, Final Fantasy VII, Final Fantasy X) et que la linéarité et l’absence de ville, etc, justifie l’histoire (ndlr : il s’agit de fuir son destin dans une course jusqu’à peu près la fin du jeu puisque vous êtes pourchassé). Le second quant à lui dira de but en blanc que l’on a supprimé ici les éléments qui faisaient d’un RPG ce qu’il était (l’interaction avec l’environnement, l’exploration, les villes, les PNJ), en plus de rajouter que le gameplay est abrutissant parce qu’il faut juste appuyer sur l’attaque automatique en permanence. Si je crée une dichotomie aussi forte entre ces deux extrêmes, ce n’est pas pour déterminer qui de l’un ou de l’autre a raison, mais pour mettre en exergue les rapports conflictuels amenés par l’hybridation du genre J-RPG en général. Ne nous le cachons pas, Final Fantasy a toujours été un chantre du genre et a bien souvent servi de modèle pour les J-RPG à suivre. Les conflits et les problèmes qu’il soulève sont ceux des J-RPG de sa génération. Ici, comme on a pu le voir, c’est clairement la mise en forme de l'hybridation qui pose problème aux core gamers. Le rythme effréné et en ligne droite du titre est clairement puisé dans le jeu d’action-aventure ou dans les TPS. L’attaque automatique quant à elle est là pour faciliter la tâche aux nouveaux arrivants casuals qui ne sont pas familiers de la licence. On retrouve par conséquent ici toute la problématique des japonais à composer avec un public occidental de plus en plus large tout en rassurant sa frange traditionnelle qui se fait de plus en plus minoritaire. Cependant, tandis que l’on pourrait catégoriser Final Fantasy XIII comme très hybride, sa suite directe, Final Fantasy XIII-2, destinée à rectifier le tir, serait plutôt à ranger dans la catégorie pas assez hybride pour contenter le monde casual. Et pour cause, ce second épisode s’est vendu à 2,76 millions d’exemplaires, soit moins de la moitié des ventes de son ainé. Pourtant, autant dire que de façon assez objective, cet opus a corrigé les défauts qui étaient reprochés à son prédecesseur par certains joueurs : moins linéaire, plus ouvert, une histoire un peu plus alambiquée, des villes, des PNJ, etc. Ce qui, potentiellement, a pu le rendre moins attirant ou moins accessible pour les joueurs plus occasionnels. Néanmoins, le jeu a peut-être également pâti d’un certain bad buzz autour de son ainé. Pour que tout ceci s’éclaircisse un peu plus, faisons une analogie avec Final Fantasy X et Final Fantasy X-2. Ceux-ci se sont respectivement vendus à huit et cinq millions trois cents mille exemplaires. La séquelle s’est donc vendue à hauteur de 66% des ventes du premier épisode. Ce pourcentage est de 40% pour Final Fantasy XIII-2, soit 26% de moins que pour Final Fantasy X-2. Quoi qu’il en soit, des facteurs ont dû jouer pour que l’on se retrouve avec une telle "baisse" des ventes. A savoir tout de même que le succès critique de Final Fantasy XIII-2 fut à peu près similaire à celui de son ainé en moyenne, mais les commentaires étaient beaucoup moins clivant et disparates, pour sûr. Sans doute car les joueurs furent moins nombreux à s’y essayer. L’autre problème du J-RPG soulevé par Final Fantasy XIII, c’est cette relation un peu ambivalente que le genre entretient avec l’occident. On se souvient en effet que dans les premiers temps du développement du jeu, Square Enix jurait ses grands dieux que le titre resterait une exclusivité Playstation 3. Et cela peut se comprendre, surtout après qu’il ait vu les ventes peu réjouissantes des RPG japonais sur Xbox 360 au Japon. Mais comme ils sont rusés chez cet éditeur, ils ont trouvé la parade en sortant le jeu sur Xbox 360 seulement en occident. Cela s’inscrit également dans une optique de conquête de l’occident, mais cette fois-ci en évitant les pertes sur investissement en occultant le Japon sur Xbox 360. Stratégie consciencieusement reprise par From Software pour Dark Souls d’ailleurs. Maintenant, après la passade du treizième épisode et ses clivages, après les déclarations de Motomu Toriyama selon lesquelles Final Fantasy XIII se rapproche d’un FPS et qu’il ambitionne faire un Final Fantasy par an dans le meilleur des cas, après la saga Final Fantasy XIII qui, selon l’avis de certains, semble s’éterniser, y’a-t-il un risque de ringardisation, de désacralisation de la saga aux cristaux ? La question reste ouverte. |