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Persona 2: Innocent Sin
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Persona 2: Innocent SinBe(at) your true self
Persona est une série à l'histoire un peu chaotique. En premier est venu Megami Ibunroku Persona, premier épisode pas vraiment resté dans les mémoires et massacré sur l'autel de l'adaptation. Ensuite est venu la duologie Persona 2 : Innocent Sin, jamais sorti du japon pour des raisons morales et historiques, et Eternal Punishment, seconde partie de l'histoire, lui sorti aux USA. Les américains ont donc eu la fin avant le début. La vie a continué, Persona 3 est sorti, et d'un coup la série est revenue dans les mémoires. Parallèlement à ça, une équipe de traduction se penche sur le cas Innocent Sin, et un patch de traduction est lâché sur le web un beau jour d'octobre 2008, permettant d'enfin avoir accès à toute la série dans la langue de Shakespeare. Entre-temps, le succès de la série a explosé avec Persona 4, faisant cogiter Atlus quant à refourguer les vieux épisodes ; et ça tombe bien, la PSP en a fait une spécialité. On nous refile donc Persona premier du nom mais dans sa version originale, pourquoi pas. Mais surtout, on nous octroie Persona 2: Innocent Sin, qui daigne enfin sortir du Japon et en plus dans une version remakée.
Alors qu'est ce que ça vaut ? Why so serious?C'est une journée comme une autre à Sumaru, petite ville (fictive) côtière japonaise. Seulement si on omet le fait que des rumeurs de plus en plus persistantes et qui semblent devenir réalité surgissent un peu partout ; notamment celle du Joker, ce mystérieux individu capable d'exaucer les vœux les plus chers si on daigne l'invoquer... Des choses qui semblent peu importer à Tatsuya Suou, lycéen quelque peu asocial et fan de bécane, désigné malgré lui comme type le plus cool du Seven Sisters High School où il étudie. Contre son gré, il se retrouve impliqué dans une gue-guerre avec le lycée voisin, du moins dans une vendetta menée par son boss Eikichi "Michel" Mishina, punk narcissique un peu efféminé sur les bords. Tatsuya part donc dard-dard au duel, suivi par Lisa Silverman, blondasse de service totalement folle de lui... pour au final se rendre compte d'un quiproquo assez cocasse, durant lequel les trois loustics révéleront leurs Personae : leurs alter-ego. Les discussions vont bon train et l'histoire des rumeurs vient naturellement sur le tapis, le rituel du Joker également. Celui-ci est alors accompli afin de prouver son caractère factice... mais qui à la surprise générale, réussit ! Seulement, le clownesque personnage n'est pas décidé à exaucer les souhaits cette fois-ci, préférant révéler une haine innommable et soudaine envers Tatsuya. Suite à quoi il s'enfuit en emportant les âmes des potos d'Eikichi en promettant une punition pour les erreurs du passé. La fine équipe abasourdie se lancent alors à la poursuite du Joker, et croise ainsi la route de Maya Amano et Yukino Mayuzumi (venant, elle, de Persona premier du nom) journalistes au magazine Coolest. Lesquelles se joignent à ce jeu de chat et de la souris avec l'homme en blanc et des questions plein la tête, mais surtout la mort aux fesses.
Cette journée qui avait banalement commencé à Sumaru devient alors le début d'un chaos sans nom... Brillant scénaristiquement en 1999, Persona 2: Innocent Sin l'est encore en 2011. Quelque chose que le départ un peu mou et basique ne laisse pas vraiment envisager, juste avant que les engrenages ne se mettent en place et que l'ambiance et le récit explosent à la face du joueur. Le principe des rumeurs devenant réalité sert de ciment au scénario et au gameplay (vous voulez un nouvel équipement, faire apparaitre des monstres ou changer la structure des donjons ? lancez une rumeur !), la technologie et la folie de l'information typique de notre ère en renforçant la puissance. Puis tout devient de plus en plus démesuré au fur et à mesure que le récit du jeu progresse tambours battants et s'enfonce dans la noirceur, comme une réponse à la folie qui gagne Sumaru au fil de l'histoire. Au programme : actes terroristes, sectes, nazis, ruines Maya et vieille prophétie, tout un programme qui est malgré tout d'une cohérence rare. Le casting du jeu n'est pas en reste, intimement lié à ce chaos rampant, tous les personnages révélant ainsi de multiples facettes et une densité insoupçonnée au fur et à mesure de l'histoire, toujours rappelés à leur statut de simples humains se battant contre le destin. L'humain et les relations sont d'ailleurs au centre de tout, et les démons, eux-mêmes humanisés et dotés de personnalités - une chose qu'il a été dommage de perdre par la suite - n'étant qu'une conséquence dans l'histoire. Il y a également un souci du détail de tous les instants qui est vraiment plaisant et donne un vrai cachet à cette ville (notamment le fait de pouvoir régulièrement parler à ses équipiers ou à des PNJ pour connaitre leurs avis et sentiments vis à vis des situations). On trouvera également des caméos à droite, à gauche, à l'importance très variable pour signaler des liens avec d'autres jeux de la franchise, chose qui plairait aux initiés.
La duologie Persona 2 est probablement celle qui représente et exploite le mieux le concept de Persona, dans cette série du même nom. Un scénario qui propose également une seconde lecture un peu plus recherchée, pour qui voudra creuser un peu plus les thèmes du jeu en allant lorgner du côté de Carl Gustav Jung, père de la psychologie analytique, dont beaucoup de travaux et réflexions servent de bases au soft (jetez un coup d'oeil ici, bon nombre de ses thèses sont expliquées et mises en relation avec les jeux, mais attention ça SPOILE !). Un récit sombre et génial, des personnages de fou, une ambiance travaillée, que demander de plus ? On pourrait se plaindre de la légère censure subie par le soft, plus "morale" qu'autre chose - qui explique d'ailleurs pourquoi le jeu n'a jamais franchi les frontières nippones à l'époque PSX, au contraire de la suite qui est bien arrivée aux USA - mais cela reste un petit prix à payer pour profiter du jeu. BricoramaEn ce qui concerne le gameplay du jeu, on a ici à faire à une structure classique exploration/combats au tour par tour, et qui reprend certaines bases de Persona premier du nom. On profite désormais d'une vue isométrique pour l'exploration, vue que l'on retrouve dans les combats qui auront lieu dans des arènes fermées, inspirées du design du donjon arpenté. Les Personae et leurs innombrables sorts sont encore et toujours la force de frappe première, et comme d'habitude dans un Megaten tout sera un jeu de maitrise des forces et des faiblesses. On dispose de la possibilité de changer de Persona à volonté, quelque soit le membre, en faisant attention aux affinités. Fort utile pour l'exploitation des Fusions Spells, des combinaisons de sorts qui requièrent de deux à cinq (toute l'équipe, quoi !) membres pour être effectuées. Bien plus puissants et utiles que les sorts normaux, ils seront la clé du succès de nombreuses batailles. Encore mieux, finir un combat avec un Fusion Spell permet parfois d'engranger un bonus : augmenter les stats d'une persona, lui donner un nouveau skill ou lui permettre de muter en une autre Persona. Toutes ces choses étaient déjà présentes dans la version en 1999, et sont retranscrites telles quelles dans ce remake, logique me dira t-on. Et bien, qu'est ce qui a changé donc ?
Pour faire ça en un seul mot : L'INTERFACE. Le jeu bénéficie d'une refonte intégrale à ce niveau, et c'est tant mieux. Ceux qui ont joué à la version PSX sauront de quoi je parle, tellement l'ergonomie de cette version était - pour être poli - immensément naze. On dispose désormais d'une mini-carte qui se complète (même si vous ne gagnerez rien à tout compléter, hormis un peu de fierté) et d'une boussole plus précise en exploration, de l'affichage sur le côté des HP/SP et des personnages P3/P4 style. En combat, on peut choisir un ordre fixe d'intervention des personnages, sélectionner et placer les Fusions Spells AUTOMATIQUEMENT via un menu (croyez-le ou non, sur PSX, il fallait fréquemment casser l'action pour se noyer dans les menus et choisir les bons skills, remettre les personnages dans le bon ordre), lancer ou arrêter l'auto-battle d'une seule touche, et enfin on peut également zapper les animations. Une interface dans l'air du temps, agréable et ergonomique, qui gomme tous les défauts de son ancêtre qui ne semblait avoir que ça. Comble du bonheur, on peut toujours sauvegarder où l'on veut, quand on veut. Bref, la peinture est refaite et cela brille de mille feux. Seulement les fondations, elles, sont toujours semblables, et même un peu chancelantes. Et cela concerne tout ce qui va tourner autour des démons et des Personae. Toujours à la manière du premier opus, on dispose en combat de la possibilité de rentrer en contact avec ses adversaires. On choisit la ou les personnes qui vont alors interagir, et on peut ainsi attendre quatre réactions différentes : intérêt, peur, colère ou joie. L'intérêt va servir à obtenir des cartes liées à l'arcane du démon interrogé, indispensable si on veut invoquer de nouvelles Personae dans la Velvet Room. La joie va permettre de forger un contrat avec le démon, offrant alors plus d'interactions : provoquer de nouveau la joie chez un démon sous contrat va permettre d'obtenir des objets, de l'argent, voire même d'apprendre et répandre des rumeurs. Tandis que provoquer l’intérêt chez un démon sous contrat va permettre d'obtenir des cartes de tarot vierges (que l'on pourra transformer en n'importe quelle arcane) en plus de celles de son arcane. Vous suivez ? La colère et la peur quant à elles cassent un contrat, si contrat il y a, et placent l'ennemi soit dans un stade de peur (qui l'affaiblira) ou de mécontentement (qui fera l'inverse).
Tout le sel de l'interaction sera donc de trouver le bon moyen d'approcher le démon, sachant que chacun possède ses propres traits de caractère : par exemple interviewer avec Maya flattera les démons idiots de nature, mais fera peur aux timides ; faire danser Lisa provoquera l'euphorie chez les joyeux et la colère chez les sages et les pessimistes. Nouveauté du remake, on a désormais un indicateur d'humeur, chose vraiment bienvenue quand on sait à quel point ces contacts pouvaient parfois être troubles auparavant (par exemple, on pouvait augmenter colère et intérêt en même temps sans le savoir). Ce jeu relationnel avec les démons est amusant et bien pensé, même si un peu poussif à la longue. Je parlais de la Velvet Room un peu plus haut, Igor et sa smala sont évidemment toujours dans la place. C'est un endroit dans lequel on ira souvent faire un tour, principalement pour invoquer de nouvelles Personae (et écouter Belladonna). Ici, point de fusions, on invoque en fonction de son niveau (avec une différence maximum de 5, au niveau 20 vous pourrez invoquer des Personae lvl 25 au plus par exemple) et surtout selon le nombre de cartes dont on dispose, en faisant son choix dans un compendium plutôt bien fourni. C'est là qu'on voit l'importance des cartes vierges, étant donné que certaines familles ne trouveront jamais représentant sur le terrain. Les Personae ont un niveau fixe qui n'augmentera jamais, plus indicatif de leur niveau de puissance qu'autre chose, la seule petite possibilité de customisation étant le fait de pouvoir leur coller, à la création, un sort supplémentaire via une carte, et de booster un peu ses stats via une autre. Bref c'est pas mal sur le papier, jusqu'à l'utilisation de son premier allié où l'on s’aperçoit de ce qui est probablement l'une des pires idées de l'histoire de l'univers Megaten.
Et cette idée, ça s'appelle le rang. Chaque Persona dispose d'un rang, qui commence à 1 qui va jusqu'à un maximum de 8. Une Persona commence au rang 1 avec un skill (ou deux si spellcard), et gagnera l'accès à toutes ses capacités au fur et à mesure que le rang augmentera, chose qui se fait quand des skills sont utilisés. Seulement, cette montée de rang est MONSTRUEUSEMENT LENTE. La méthode la plus rapide et efficace reste de coller un sort de soutien/soin à la création si la Persona n'en dispose pas de base, et de le spammer via l'auto-battle jusqu'à la pénurie de MP, chose d'un grand intérêt ludique. Bien sûr ce n'est pas obligatoire, on peut également se contenter de renouveler un minimum sa petite armée au fil du jeu en comptant sur les bonus des Fusions Spells pour rester à niveau (chose très possible), soit de se contenter "de ce que qu'on aura" au gré des combats. Mais dans tous les cas, il est dommage de subir une mécanique aussi archaïque, qui n'a AUCUN INTÉRÊT autre qu'ennuyer, limiter et frustrer le joueur. Le pire, c'est qu'elle sera reprise dans Eternal Punishment. On dispose également de la possibilité de retourner les Personae à Igor en échange d'objets parfois très utiles (par exemple des éléments requis pour invoquer certaines Personae) mais seulement si la Persona est, vous l'avez deviné, rang 8. RAHHH ! Autre chose qui fait hérisser les poils, c'est la fréquence de rencontre des ennemis qui est monstrueusement élevée, et qui va de paire avec des loadings constants, même après installation. On ne peut pas faire cinq pas sans se faire agresser, et autant vous dire que les donjons sont longs, très longs, et parfois très labyrinthiques ; on bouffe du combat aléatoire à toutes les sauces. D'autant plus que ces donjons sont rarement visitables plus d'une fois et qu'ils renferment des trésors uniques qui demanderont donc une fouille de fond en comble. De plus - mauvaise nouvelle encore - dans ce remake la difficulté a été revue à la baisse, même le mode hard arbore de faux airs de balade de santé tant les ennemis offrent une piètre résistance : on se balade, on active l'auto-battle, on nettoie tout en 20 secondes chrono, un mars et ça repart (un conseil, faites muter une Pixie en Burai ou recrutez Nemesis, deux Personas accessibles très tôt et disposant de Estoma, sort évitant les combats aléatoires). La finalité de l'équation, c'est que le tout est d'une répétitivité rapidement gavante. En parallèle, le jeu a gardé son principe de régénération des SP (un pas = un SP regagné), donc autant dire qu'on n'est jamais vraiment inquiété par une pénurie en plein donjon. On peut même rire au nez de Trish, la fée grippe-sou dont on n'utilisera jamais les services exorbitants pour se soigner. Jamais inquiété tout court, il faudra attendre plus de la moitié du jeu pour rencontrer des boss fights offrant un peu de défi. Même sans parler de "casualisation", cette manie symptomatique et récente de vouloir tout faciliter fait plus de mal que de bien.
Le bon parfum d'antanGraphiquement, le jeu n'était pas vraiment un canon de beauté et de détails sur PSX. Son passage sur PSP lui est plutôt bénéfique avec la baisse de résolution. Sauf lors des passages de contact de démons ou pendant certains passages du scénario, amenant un "zoom" sur l'action. Les sprites à peu près corrects laissent place à des bouilles baveuses de pixels. On notera une revisite plutôt convaincante du chara-design originel de Kaneko de la main de Soejima, nouveau designer attitré d'Atlus, qui donne un résultat bien plus propre et coloré qu'à l'origine. A l'inverse, bon nombre de nouvelles bouilles 100% Soejimiennes ont été rajoutées pour illustrer PNJ et consorts. Et il faut bien avouer que l'opposition entre les deux styles n'est pas vraiment homogène. On pourrait faire la même comparaison entre le nouvel opening, bien plus flashy et sur fond de j-pop, bien en marge de l'original (présent lui aussi sur l'UMD) qui lui, colle bien plus au fond du jeu.
En revanche, en ce qui concerne la bande son, c'est une réussite totale. Le nombre de pistes la composant est dantesque ; chaque lieu, chaque personnage, chaque scène dispose de son propre thème toujours en parfaite harmonie avec ce qu'il représente. Les battle themes sont puissant, notamment ceux des boss vraiment épiques, bref ça bute. Une chose qui est vraie pour l'OST originelle et qui l'est d'autant plus avec le travail de ré-orchestration effectué par Shoji Meguro pour la nouvelle, apportant une touche electro-techno-rock élevant cette bande son à un stade encore supérieur (Boss Battle Theme, Holy Spear Knights !). A noter qu'il est possible à tout moment d'alterner entre l'ancienne et la nouvelle bande son, une bien bonne initiative pour en découvrir les deux facettes. Le doublage reste le point faible sonore de cette localisation. C'est en anglais uniquement, chose un peu dommage car l'ensemble manque cruellement d'âme comparé aux voix originales. Et si au terme de près de 40-50 heures de jeu (en moyenne) vous en voulez encore, vous pouvez vous jeter sur le Sumaru Theater, autre nouveauté. Un lieu distinct des zones de Sumaru accessible à tout moment, servant à l'exploitation des quêtes créées dans l'éditeur de quêtes. On en gardera l'expérience acquise, les objets, les cards obtenues, mais on ne peut sauvegarder. On peut même importer les quêtes créées par d'autres joueurs ! Après ces quelques lignes vous vous imaginez probablement déjà les possibilités de farm d'objets ou de grind d'expérience et c'est bien normal, tout aussi normal que le cassage de rêve qui va suivre : l'éditeur de quête présent dans la version japonaise a été amputé des version US/EU. Probablement pour éviter les "dommages collatéraux" dus à imagination des joueurs vis à vis du contenu. Du coup le Sumaru Theater ne vous donnera accès qu'à trois quêtes assez courtes et pas très intéressantes (permettant d'affronter deux boss exclusifs, waho), plus là pour faire la démonstration d'un outil non disponible. Douze ans après sa sortie japonaise, Atlus répare l'erreur Tsumi en permettant au monde de pouvoir toucher à ce Persona 2 dans la langue de Shakespeare, sur une console désormais habituée à ce genre d'opérations. Scénario épique et sombre, casting attachant et complexe soutenu par une excellente bande son, refonte de l'interface brillante... Mais ce jeu accuse le poids de ses fondations vraiment poussiéreuses et récalcitrantes par moment. Après un Persona remaké dans la même veine et un Persona 3 Portable qui en fait trop, quitte à en perdre sa personnalité, le studio japonais ne semble pas trouver le juste milieu du remaking. A vous de voir quel degré de concession vous êtes prêts à tolérer pour mettre les mains sur un titre mythique (n'espérez pas y retrouver du Persona 3-Persona 4 !), et un des derniers grands softs de la PSP. Reste maintenant à observer ce que va faire Atlus avec Eternal Punishment, la suite qui corrige pas mal de défauts mais qui a déjà été localisée aux USA, en 2000.
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