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Chained Echoes

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Chained Echoes
Romantisme allemand
Chained Echoes présente cette particularité d'être l'oeuvre d'un seul homme ou presque : l'allemand Mathias Linda, qui semble avoir digéré l'âge d'or du RPG japonais pour donner naissance à un jeu par lequel il souhaite nous faire ressentir ces mêmes sensations. Derrière ce projet ambitieux, dont les inspirations sont nombreuses et revendiquées, se cache une merveilleuse surprise.

L'Âme du Monde

Dès les premières minutes, que ce soit par la présence d'énormes "armures célestes" ou parce que le personnage se réveille, il est impossible de ne pas penser à deux monstres, Chrono Trigger et Xenogears, qui s'affirment ainsi comme les deux principales sources d'inspiration de Mathias Linda. À cela, il sera possible d'ajouter un petit air de Seiken Densetsu dans l'exploration au fil des pérégrinations de Glenn et de ses compagnons. Finalement, cela n'a rien d'étonnant : le RPG japonais n'a jamais caché ses influences occidentales et encore moins allemandes. Que l'on pense simplement aux titres de la Xenosaga ou au fond du propos de son illustre ancêtre. Chained Echoes, ayant savouré et médité l'héritage japonais, sonne ainsi comme un retour à l'envoyeur et confirme que le J-RPG a définitivement fait le tour du monde.

Chained Echoes
Chained Echoes

Des voyageurs sans fin

Côté scénario et ambiance, par-delà les visibles clins d'oeil à Chrono Trigger, c'est davantage du côté du grand Xeno qu'il faut se pencher pour trouver une filiation. En effet, derrière l'histoire d'un conflit armé et de nations qui se déchirent en prenant pour toile de fond la possession et la maîtrise d'une arme qui détruit régulièrement le monde (le "Grimoire"), Chained Echoes nous sert une intrigue où les échos ressentis par les personnages finissent par indiquer la voie d'une série de réincarnations. Très habilement mis en scène afin de ménager le suspense et les surprises, la superposition des identités, en plus de donner beaucoup de coffre à un univers dont le tyran Frédérik ne sera finalement qu'un superbe faire-valoir, donne lieu à des moments poignants et insuffle au jeu une vraie dimension psychologique et philosophique.
On peut ainsi distinguer deux strates dans le scénario et dans la narration de Chained Echoes - feuillage qui n'est pas sans rappeler les constructions les plus rigoureuses des épisodes de la série de référence que constitue Final Fantasy. Une guerre dans laquelle se retrouvent plongés pour des raisons géographiques et personnelles les héros, implique le destin d'un continent tout entier. Mais, en surplomb, une histoire de dieux et de maléfices scellés - le tout dans l'ombre peut-être bienveillante d'une Église millénaire. Si le premier tiers sert l'exposition et nous emmène doucement vers le premier antagoniste clairement identifié, la suite bascule dans l'extraordinaire, épaissit les personnages et provoque une multitude de bouleversements.
Toutefois, sans aller jusqu'à parler sur ce point de bémol, certains personnages laissent derrière eux quelques questions sans réponse et la fin ne résout finalement pas la dimension cosmologique évoquée par le scénario : doit-on y voir des maladresses ? Un signe d'inachèvement ? Plus probablement, la porte ouverte à une suite...
Chained Echoes
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Un risque de surchauffe !

Si Chained Echoes récite d'élégantes gammes touchant à ses personnages et à son intrigue, le battle system (plus encore que la gestion) le distingue absolument. Les combats au tour par tour reposent essentiellement sur la présence d'une jauge qui comprend trois zones. Quand la zone centrale de "synergie" avantage l'équipe, la "surchauffe" les affaiblit. Or, tout l'enjeu consiste à faire monter ou baisser cette jauge par les actions d'un type approprié, lequel varie au fil des tours - tandis que les actions ennemies ne peuvent que la pousser vers la droite et vers le rouge. C'est bien simple : toutes les actions ont un sens dans des affrontements au cours desquels les compétences et le maniement des T(echniques) P(oints) font lois. Ajoutez à ceci une gestion des compétences et de l'équipement qui substituent presque entièrement les rares montées de niveau à la suite des combats de boss. Vous obtenez un jeu d'un niveau stratégique exceptionnel. À ce titre, la difficulté dépend non seulement du type de jauge choisie dans les paramètres du jeu mais aussi du degré de préparation et de la tactique adoptée pendant le combat. Chained Echoes ne pardonne ni les errances ni le bourrinage stupide.
Comme si cela ne suffisait pas, le jeu débloque un système de combat différent lorsque nos quatre pilotes enfourchent enfin leurs gears... euh, leurs armures célestes, bien sûr. Bien que légèrement modulés, ces affrontements aux chiffres impressionnants mobilisent la même gestion de jauge et supposent la même stratégie, en particulier concernant les builds d'équipement.
Il est vrai que l'on s'arrachera parfois les cheveux contre quelques boss un peu trop chanceux. On pourra regretter que les pièces d'équipements d'armures célestes tombent un peu par vagues à la fin du jeu. Si le système de gemmes et d'amélioration d'équipements est une bonne idée sur le papier, leur coût et l'investissement en temps les rendent légèrement too much. On en vient à camper sur son équipement de peur d'avoir à tout reconstruire. C'est comme si le système était presque trop riche pour le commun des mortels, tout en demandant une précision et une rigueur qui ne laissent pas vraiment le choix de s'en détourner.
À une époque où l'uniformisation du gameplay semble devenir la règle, Chained Echoes marque une identité claire et fait la part belle à l'intelligence, à la patience et à la stratégie. C'est, en dépit des quelques bémols énoncés ci-dessus, une incontestable réussite.
Chained Echoes
Chained Echoes

Le bel et vaste Valandis

L'intrigue se déroulant sur un unique continent, l'exploration n'en reste pas moins au coeur du gameplay. Les zones sont grandes (trop presque, et nous reviendrons sur le problème du cadrage), les trésors nombreux, les villes vivantes et les grottes profondes. Dans l'ensemble, la variété semble avoir été le maître mot de la création. On pourra peut-être regretter ce style vraiment très pixel-art qui rend les personnages un peu froids et les décors un peu cubiques mais des environnements comme les caves à vin ou le continent suspendu font chaud à l'âme. Le Valandis, que l'on pourra (selon une tradition bien établie) fouiller de fond en comble, tantôt à pied, tantôt en volant dans l'armure, se traverse finalement au volant d'un aéronef bienvenu. La sensation d'immensité, mais aussi de maîtrise de la géographie, s'avère de plus en plus gratifiante à mesure que le jeu se déploie.
Puisque l'on se penche sur l'esthétique, comment ne pas faire une place de choix à la musique ? Là encore, nous touchons presque au chef-d'oeuvre ! Aux côtés de très athlétiques thèmes de combat (dont les derniers boss marquent le couronnement absolu) se distinguent des mélodies que l'on fredonnera assez vite, tant lorsque l'on gambade dans les champs que lorsqu'on visite les villes. Si le générique porte un élégant merci à Nietzsche, Chained Echoes s'inscrit également dans la lignée glorieuse de la musique allemande.
Cependant, impossible de refermer ce paragraphe sans pointer un défaut, ou plutôt un parti-pris tout à fait discutable. Au fil des heures apparaît une drôle de sensation dans l'exploration des zones ouvertes : une frustration latente s'installe tant il semble impossible de tout voir. En effet, les zones sont si grandes que l'on s'y perd. Or, là où les épisodes 2D (et assimilés) de Zelda semblent, rétrospectivement, avoir trouvé la formule et le cadrage qui permettent tout à la fois le repérage et l'exploration, Chained Echoes se perd dans une immensité dont les centres et les grandes articulations paraissent introuvables. Au final, le joueur finit par errer selon des trajectoires stupides afin de faire suivre la caméra pour visiter tous les recoins afin de se livrer à des collectes somme toute assez annexes, voire même pour trouver son chemin.
Chained Echoes
Chained Echoes
Accumulant des qualités de gameplay, une belle consistance esthétique et un scénario tout aussi profond que bien mené, Chained Echoes est tout simplement un excellent RPG qui devrait ravir quiconque aime se plonger dans une intrigue où s'entrechoquent les intérêts contraires (et parfois mal compris) de personnages qui ne se sont pas encore découverts eux-mêmes. Disposant tout à la fois d'une identité forte et affichant clairement ses belles inspirations, Chained Echoes prouve que ce genre a tout à la fois le passé et l'avenir devant lui.

18/02/2024
  • des types qui se réincarnent au fil d'un scénario bien mené
  • un battle system stratégique, tactique et valorisant
  • un monde cultivé de ses multiples inspirations
  • une bande-son magistrale
  • l'exploration desservie par des zones bizarrement organisées
  • la gestion des armes invite au conservatisme
8

TECHNIQUE 3/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 4/5
DUREE DE VIE 4.5/5
GAMEPLAY 4/5
Chained Echoes > Commentaires :

Chained Echoes

8
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2 commentaires
Faizon

le 05/02/2024
8
Impression un peu paradoxale de mon côté pour Chained Echoes, avec hommages (très) présents aux JRPG "de la grande époque" mais en même temps peut-être un peu envahissants, et renforçant un côté où on va comparer le jeu à ses devanciers, pas forcément à son avantage (notamment car l'impact nostalgie est passé par là) ; les éléments de modernisation sont globalement très bien pensés (cf. ce que dit Bao juste en dessous sur le système de combat), avec malgré tout une forme de limites (cf. Bao également), qui se ressent aussi de manière plus globale dans l'aventure, où on peut avoir au final une forme de sentiment d'enfermement dans la facette d'exploration.

L'interface est clairement très discutable, avec un sommet au niveau de la gestion des cristaux, une vraie tannée à gérer (et accessoirement quelque chose qui peut clairement casser le jeu si on optimise un peu son équipe - j'ai fini la partie avec la même équipe de 4 sans jamais utiliser le très intéressant switch de personnages en combat).

Si la fin très ouverte peu avoir un côté frustrant, le discours tenu par celle-ci est plutôt original, et assez bien trouvé (remontant de fait ma note finale d'un bon demi-point).
Bao

le 18/02/2023
8
Le titre est joli, l'OST est correcte, il s'inspire et rend hommage à tout plein de JRPG mythiques autant dans son histoire que ses mécaniques, tout en arrivant à avoir arrive à avoir sa propre personnalité. Jamais pu me faire à l'interface par contre (notamment la façon dont fonctionne l'achat/vente), globalement pas très pratique.

Le rythme du jeu est exemplaire, peut être même trop : le jeu a une histoire intéressante, enchaine twists, lore et dialogues sans s'arrêter (la première partie du jeu est assez étouffante, en ce sens), mais sans prendre le temps de se poser 5 minutes pour laisser le temps de digérer. Tout l'arc dans la région qui commence par Sh par exemple, ça s'est fini par un haussement d'épaules de ma part. Ca se retrouve avec les personnages, même si le casting est bon et diversifié, ils n'ont pas l'air "d'exister" en dehors de l'histoire et je m'y suis pas spécialement attaché. Je trouve d'ailleurs la fin plutôt symptomatique de ça : même si compréhensible elle est difficile à avaler, et ça aide encore moins qu'elle soit expédiée de la sorte et que nombre d'éléments précédemment introduit soient mis ainsi sous le tapis. Peut être dans une suite ?

Le système de combat est une des plus grandes réussites du titre, c'est tout un cumul de petit petits éléments (notamment le fait qu'on regen HP/SP à chaque combat, ou qu'infliger des statuts anormaux est viable jusqu'à la fin de l'aventure) qui font qu'il n'est jamais lassant, jamais une corvée, surtout les boss qui sont une petite épreuve à chaque fois. C'est même étonnant que ce système de duo de personnages / de switch n'ai jamais été pensé jusqu'ici, ça permet à la fois d'exploiter toute l'équipe en plus de l'aspect stratégique que ça apporte.

Le fait d'avoir opté pour un leveling lié à l'histoire et à l'accomplissement de divers objectifs (listés dans une grille) est un choix intéressant, le revers étant que c'est plutôt flou dans son fonctionnement et dans le sentiment de montée en puissance, et que le fait d'avoir des emplacements limités pour les compétences fait qu'on a vite tendance à verrouiller sa façon de jouer. Le grind et les combats aléatoires sont mis au second plan au bénéfice d'une très bonne exploration qui apportera toujours quelque chose au joueur, il y a aussi un système de forge et de cristaux pour améliorer les performances de l'équipe, mais c'est trop mal branlé et agaçant (mon conseil, s'y intéresser que vers la fin quand l'équipement sera définitif, on peut aisément s'en passer durant l'aventure).

Bref une très sympathique et riche aventure, encore plus quand on sait que Chained Echoes est un projet porté par une seule personne. C'est même plutôt amusant (et triste ?) de se dire qu'un mec seul, sur un fauteuil quelque part en Allemagne, a été capable de capter de ce qui fait un bon JRPG, quand des studios nippons mettent des équipes entières sur un projet pour espérer toucher du doigt quelque chose.
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