Fruit de l'imagination fertile de Masuda Shôji (
Tengai Makyô Manjimaru,
Linda³),
Ore no shikabane wo koete yuke est une œuvre résolument à part dans le monde très codifié du jeu de rôle. Véritable simulation généalogique couplée à une forme particulièrement originale de Dungeon-RPG, "
Oreshika" impose un rythme aux antipodes des habituels jeux du genre. Initialement sorti en 1999 sur Playstation, ce titre à l'énigmatique couverture est progressivement devenu culte auprès des japonais, au point d'avoir droit a un remake sur PSP en 2011.
Mort
L'histoire vous place dans la peau du dernier survivant d'une famille maudite et décimée par le puissant démon Shuten Dôji, dans le japon féodal de la période Heian. En effet, bien qu'il épargna votre vie, le perfide Oni vous affligea de deux terribles malédictions à vous et à votre clan tout entier, le vieillissement accéléré de votre corps et l'impossibilité d'enfanter. Condamné à grandir et à mourir beaucoup plus rapidement que la normale sans pouvoir procréer et ainsi rétablir une descendance, votre lignée est vouée a disparaître. C'est alors que, inquiets de la situation dans le monde des humains, les Dieux décidèrent d'intervenir en vous octroyant le pouvoir de vous unir avec les divinités afin de perpétuer votre sang et de vous venger de l'infâme créature maléfique. Des générations de guerriers se succéderont alors durant des années, jusqu'au jour ou vos héritiers seront assez forts pour le vaincre et enfin lever l'horrible malédiction.
Le jeu vous propose tout d'abord de créer votre personnage, homme ou femme, d'établir son nom de famille, son prénom, ainsi que sa date de naissance. Vient ensuite le moment de s'accoupler avec l'une des quatre divinités disponibles au départ, afin d'avoir votre premier enfant. Chacune d'elle ayant une affinité particulière envers l'un des quatre éléments fondamentaux qui composent un individu, à savoir le Feu, l'Eau, le Vent et la Terre, votre choix déterminera en partie ses caractéristiques. Et enfin, le soft vous offre le luxe de pouvoir décider vous-même de la durée de vie de l'aventure parmi quatre options, le jeu adaptant les récompenses pour accélérer ou ralentir la progression. Une idée de génie pour les joueurs les plus pressés qui pourront boucler l'histoire entre 20 et 30 heures, et les autres qui peuvent s'attendre à passer 40, 50 voire 100 heures dessus.
Vous êtes maintenant dans votre demeure, au sein de la capitale dévastée par les hordes démoniaques, qui sera en quelque sorte votre quartier général dans lequel vous gérerez votre clan. Mais sachez que vous ne serez pas seul puisque vous pourrez compter sur l'aide inestimable de la pétillante Itsuka, une envoyée des Dieux qui vous apportera tout son soutien en plus de vous prodiguer de précieux conseils tout au long de l'aventure. Et vous en aurez bien besoin au vu de la tâche qui vous attend, car entre la reconstruction de la ville, les expéditions dans les donjons, la descendance à assurer ou bien encore les nouveaux-nés à entrainer, vous avez intérêt à bien vous organiser.
Naissance
Vous passerez donc le plus clair de votre temps à naviguer entre le volumineux et très complet menu de votre maison, et l'exploration des lieux infestés par les démons hors de la cité. Ce fameux menu tout d'abord, vous permettra de gérer un grand nombre de paramètres tels que le statut de vos héritiers, l'inventaire de vos possessions, l'accouplement avec les divinités, les magasins, le budget alloué à la capitale, votre arbre généalogique, et j'en passe. Les donjons quant à eux serviront non seulement à renforcer vos personnages mais aussi et surtout à engranger des "points d'offrande", indispensables afin de concevoir avec les Dieux et ainsi garantir les futures générations. Car avec une progéniture dont l'espérance de vie ne dépasse que rarement une année et demie, assurer régulièrement des naissances deviendra très vite votre priorité.
Le principe du jeu est finalement assez simple. Combattre des créatures afin de remporter le maximum de points d'offrande, et ensuite utiliser ces mêmes points pour obtenir une descendance avec une divinité de plus en plus puissante. Les générations suivantes seront donc progressivement plus fortes, vous permettant d'affronter de plus grands démons rapportant encore plus de points, et ainsi être en mesure de mettre un terme à la menace de Shuten Dôji et la double malédiction qui pèse sur votre clan. On alterne donc entre l'éradication de monstres et la naissance de nouveaux enfants, chacune de ces activités consumant un mois de la vie de votre famille.
Dans Oreshika, les jours défilent en semi temps réel, ce qui veut dire que si le temps est arrêté lorsque vous vous trouvez dans votre maison, il s'écoule rapidement à l'intérieur d'un donjon. Représenté par une sorte d'horloge composée de petites flammes bleues en haut à gauche de l'écran, ce compteur symbolise la durée maximale dont vous disposez pour votre expédition, entre dix et quinze minutes environ soit un mois dans le jeu. Il vous sera ensuite proposé de rentrer à la capitale ou bien de continuer votre expédition au risque de fatiguer prématurément vos combattants.
Châtiment
Un choix de huit classes guerrières vous est proposé pour vos futurs enfants, parmi lesquelles on retrouve les classiques sabreurs et archers, mais également des catégories beaucoup plus singulières comme les danseurs ou les canonniers. Chacune d'entre elles possède bien évidemment ses propres particularités, comme le fait de pouvoir attaquer toute une rangée pour l'utilisateur d'un naginata ou bien encore de viser les ennemis situés à l'arrière avec un arc. De nombreuses techniques se débloqueront au fil de la montée en puissance de votre groupe, comparable à la magie dans un RPG traditionnel, mais aussi d'autres uniques pour chaque corps d'arme, qui consommeront la barre de "santé" de chaque personnage. Différent de l'habituel score de points de vie également présent ici, cet attribut mesure tout simplement l'espérance de vie d'un individu. Un paramètre très important à ne surtout pas négliger, tout comme la loyauté de vos enfants, elle aussi quantifiée.
Les combats se déroulent sous la forme d'un tour par tour des plus classiques, avec la possibilité de placer vos membres sur deux lignes à l'instar d'un
Suikoden. Les ennemis sont toujours visibles sur la carte et il suffit de les toucher pour engager un affrontement, ceux-ci pouvant parfois compter un grand nombre d'adversaires. Néanmoins, terrasser le leader du groupe mettra systématiquement fin à l'escarmouche, au détriment toutefois de la quantité d'expérience et de points d'offrande. A noter d'ailleurs que bien que les personnages évoluent grâce aux victoires remportées, il n'y a pas de niveaux à proprement parler, simplement une augmentation de leurs caractéristiques et de leurs attributs.
Libération
Un mot enfin sur la réalisation globale du titre, mélange de 3D pour la représentation des donjons et des personnages et en 2D pour tout le reste. L'aspect le plus réussi étant sans conteste cette inspiration des estampes japonaises en ce qui concerne les différents décors de combat et le design des créatures. Les graphistes ont effectué du très bon travail de ce côté-là, donnant véritablement un cachet unique à l'atmosphère du jeu. Le bestiaire n'est lui non plus pas en reste en proposant une grande diversité de monstres issus du folklore traditionnel nippon, et des boss parfois magnifiques. Le tout est accompagné d'une OST de qualité, certainement pas la plus marquante qu'ait connu la Playstation en matière de RPG, mais contenant tout de même un certain nombre de pistes vraiment très agréables qui vous trotteront longtemps dans la tête.
A noter que ce remake PSP, non content de proposer une très jolie refonte graphique plutôt réussie dans l'ensemble malgré des modèles 3D un peu simplistes parfois, apporte pas mal de nouveautés à un soft déjà bien complet. Parmi les plus notables, citons par exemple la possibilité de forger des katanas familiaux uniques dont la puissance et les capacités augmentent avec les années, élever vos défunts en divinités avec lesquelles vous pourrez enfanter, ou bien encore un mode de jeu supplémentaire à débloquer une fois l'aventure terminée.
Renaissance
Vous l'aurez donc compris, Oreshika n'est pas vraiment un titre comme les autres et ce pour de nombreuses raisons. Son rythme, son système obligeant le joueur à devoir constamment revoir son équipe, sa liberté dans la progression de l'aventure, ses nombreux à-côtés comme la reconstruction de la capitale afin d'ouvrir plus de commerces ou de temples, ses donjons n'apparaissant qu'à certains moments de l'année, et tant d'autres choses encore. Bien entendu, l'originalité à elle seule n'a jamais suffit à faire un bon jeu. Alors s'il fallait énumérer ses défauts, je dirais qu'un très léger sentiment de répétitivité pourrait peut-être être ressenti par une tranche de joueurs ou encore que la fin me parut malheureusement trop courte. Mais en dehors de ça... Ore no shikabane wo koete yuke est tout simplement monumental.
Non content d'avoir accouché d'un concept absolument génial, Masuda réalise ici un game design parfait couplé à un gameplay incroyablement addictif. La structure des différents extérieurs est exemplaire de par leur architecture labyrinthique et leur exploration progressive, tandis que la sensation de montée en puissance de génération en génération est subtile mais réellement jouissive. Même ce temps qui passe inéluctablement au fil des saisons et à vitesse réelle dans les donjons, totalement justifié par le thème même du jeu mais pouvant paraitre comme un facteur un peu stressant et déstabilisant au départ, ajoute énormément de piment à l'action. Le tout enrobé par une belle histoire, savamment distillée tout au long de l'aventure, dont les moments forts ont été réalisés sous forme de dessins animés relativement longs et de bonne qualité. Au final, les heures de jeu s'enchainent à une vitesse folle, au gré des morts et des naissances, sans jamais lasser.
Rares sont les jeux a posséder une identité aussi marquée, encore moins avec une telle inventivité à presque tous les niveaux. Oreshika réussit pourtant le pari de réunir tous ces éléments de manière intelligente et cohérente, avec un gameplay peaufiné jusque dans les moindres détails. Une leçon de jeu vidéo, tout simplement.
Ore no shikabane wo koete yuke est sans aucun doute l'un des RPG les plus novateurs jamais créés. Son concept unique associé à un game design de folie lui ont amplement fait mériter son statut de jeu culte. Son gameplay extrêmement complet et chronophage, sa durée de vie paramétrable ainsi que sa difficulté bien présente, mais parfaitement dosée, parachèvent cette extraordinaire expérience. Un titre définitivement marquant voire inoubliable, à l'aura bien particulière et digne des plus grands chefs d’œuvre du genre.
21/11/2013
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- Le concept génial et très addictif
- Le game design parfait
- Les graphismes à l'inspiration proche des estampes japonaises
- La durée de vie potentiellement énorme et paramétrable
- L'histoire dramatique soutenue par des dessins animés très réussis
- La difficulté très bien dosée
- La grande liberté offerte au joueur
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- Peut paraitre répétitif pour les moins réceptifs au style D-RPG
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TECHNIQUE 3.5/5
BANDE SON 3.5/5
SCENARIO 3.5/5
DUREE DE VIE 5/5
GAMEPLAY 5/5
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