Après un
Tales of the Tempest assez mauvais pour être renié par
Makoto Yoshizumi lui-même (le producteur de la série), les
Tales of ont tenté de se refaire une santé sur DS fin 2007 avec
Tales of Innocence. Très bien reçu par les joueurs et la presse (avec notamment un remarquable 35/40 de la part de Famitsu), le jeu semblait posséder de grosses qualités, mais n'eut hélas jamais droit à une sortie occidentale, à l'instar de son ainé. Grâce au formidable travail de la team d'
Absolute Zero, on peut enfin profiter du jeu entièrement en anglais.
Malheureusement, sa flatteuse réputation est peut-être un brin usurpée...
Ava-tare
Dans un monde une nouvelle fois en proie aux affres de la guerre, le puissant royaume de Regnum cherche à mettre la main sur les Avatars - êtres en qui sommeillent des pouvoirs mystérieux - afin de les utiliser au sein de son armée.
On incarne Luca Milda, le stéréotype du jeune sans histoire qui passe aussi inaperçu que l'annonce d'un nouvel épisode d'
Harvest Moon. Timide, réservé, un brin autiste et intello, Luca est une proie idéale dans les rues de Regnum lorsque l'on cherche une victime pour faire rédiger ses devoirs à sa place ou accomplir des petites taches de larbin. Alors qu'il est envoyé par ses "bourreaux" pour acheter des hot dogs, Luca cède la précieuse cargaison à une jeune fille affamée qui vient de le bousculer, Iria Animi. Traquée par une mystérieuse milice, celle-ci va entrainer Luca dans sa fuite, avant de se faire encercler, acculer. Luca va alors réveiller les pouvoirs d'Avatar qui sommeillaient en lui, et découvrir qu'il n'est rien de moins que la réincarnation d'Asura, un grand seigneur de guerre qui tenta jadis d'unifier les royaumes terrestres et célestes. À son tour recherché par les forces armées, Luca va décider de quitter sa famille, sa patrie, ses amis qu'il n'a pas, afin d'en découvrir plus sur sa vie passée au cours d'une grande quête initiatique.
Le jeu prend le parti de nous faire vivre uniquement l'aventure présente et de faire découvrir peu à peu les évènements passés et les liens qui unissaient les différents personnages au travers de flash-backs. Comme le célèbre roman/film qui fait office de sous-titre d'article, le jeu s'articule autour d'un dilemme jamais bien résolu, non pas ici entre passion et raison, mais sur la position à adopter vis-à-vis de sa vie antérieure. Doit-on assumer les actes passés, chercher à atteindre les mêmes buts, s'entourer des mêmes personnes ?
Le principe d'alternance est intéressant et captive quelques heures, mais on se rend bien vite compte que le scénario essaie d'être faussement complexe et s'embrouille tout seul. On connait les grandes lignes dès le départ, et les quelques révélations et retournements de situation sont plutôt prévisibles et ne surprendront pas grand monde, le tout dévoilé au cours de séquences très bavardes, vite endormantes, et surtout très niaises.
Triste constat en effet, le jeu est totalement desservi par un casting lamentable. Si le design signé
Mutsumi Inomata est plutôt correct, l'innocence, ou plutôt la niaiserie des personnages est vite insupportable. Tous ceux qui voyaient en
Tales of Symphonia le maitre du genre peuvent déjà réviser leur jugement,
Tales of Innocence a beaucoup à lui apprendre. La palme revient au héros, qui sous ses
faux airs de Trunk raté n'évolue absolument pas au cours du jeu, et emprunte toutes les tares possibles aux anciens héros de la série. En résultent des cut scenes molles et vite ridicules qui enlèvent toute crédibilité au scénario, plombées de surcroit par des écrans noirs superflus entre deux scènes du même dialogue. Les méchants n'échappent pas à la règle, et sont tous insipides voire risibles, comme le récurrent Hasta, croisement improbable entre un mongolien et
Rotka.
Pour aller à l'essentiel (ce que les scènes du jeu font si mal), c'est nul.
Fly to the sky
Principale critique formulée à l'encontre de
Tales of the Tempest, la médiocrité du système de combat.
Alfa System a entendu les cris des fans enragés et a complètement revu sa copie.
Le jeu s'affranchit du
Tri-Linear Motion Battle bien mal repris de
Tales of Rebirth, et compile les meilleures idées de la série : le Free Run (déplacement libre) de
Tales of the Abyss et les Aerial Combos de
Tales of Destiny Remake. On se retrouve donc avec des combats en temps réel incroyablement dynamiques et jouissifs qui donnent leur pleine mesure après une première partie de jeu sans défi. Il est alors possible de réaliser des enchainements de folie, lors desquels on peut rapidement changer de leader pour empêcher les ennemis de retoucher terre avec les techniques adéquates. Les possibilités pour paramétrer l'IA des alliés sont vraiment nombreuses, et on peut définir les priorités à adopter. On évite donc les comportements absurdes qui nous oblige à sans cesse aller dans les menus pour les recadrer. Tout ceci ne sera pas de trop pour se défaire des derniers boss qui sont sans pitié et promettent quelques joutes épiques, ou dans le donjon bonus de 100 étages qui abrite les ennemis les plus coriaces.
Au fur et à mesure des coups portés et bloqués, on remplit pour chaque combattant une jauge de tension qui possède bien des vertus une fois remplie entièrement. En plus de voir la puissance du concerné décuplée, on peut alors déclencher "l'Infinite Jam" qui permet de geler le temps et d'enchainer tranquillement ses coups, système qui n'est pas sans rappeler le Climax de
Tales of Legendia. Surtout, c'est uniquement dans cet état que l'on peut lancer les fameuses furies, les Hi-Ougi, à la puissance dévastatrice.
Au final, on obtient l'un des meilleurs systèmes de combat de la série, vraiment très complet.
Mais les combats ne sont pas les seuls à avoir bénéficié d'une attention particulière de la part des développeurs.
Le jeu introduit un système de styles que l'on peut associer à chaque personnage selon son bon vouloir. Similaire aux classiques systèmes de classes/jobs dans l'esprit, il permet non seulement d'orienter les stats de ses personnages, mais aussi d'obtenir des skills que l'on peut ensuite assigner. Une bonne manière de construire une équipe personnalisée et équilibrée.
Toujours dans le rayon de la customisation, on peut désormais améliorer ses armes à l'aide de minerais qui attribuent divers effets intéressants aux armes, comme la régénération de points de vie ou magie.
Comme Luca n'a pas d'ami, les développeurs ont pensé à lui, et tout au long du jeu on renforcera les relations entre les personnages, ce qui donnera accès à de petites scènettes spécifiques. Pas forcément très intéressantes, elles ont au moins le mérite d'être présentes.
Enfin, comme tout gros RPG qui se respecte de nos jours, le jeu propose un système de guildes et de missions qui permet de se remplir les poches et de gagner des points de grade, que l'on dépensera pour préparer un bon New Game+ ou pour s'approvisionner en recettes. Souvent là pour décorer dans la série, celles-ci retrouvent leurs lettres de noblesse dans
Tales of Innocence, et permettent de réellement faire la différence, avec des gains énormes (HP+40%, par exemple) durant plusieurs combats. Pratiques voire indispensables sur la fin du jeu pour affronter de violents boss.
En somme, on se trouve face à un système incroyablement complet qui tient sans problème la dragée haute à ceux des meilleurs épisodes de la série.
Hélas, un grand système de jeu ne fait pas un grand jeu...
C'était trop beau...
C'était trop beau, et Alfa System est vite retombé dans ses travers de développeur de petits spin-off.
À trop peaufiner le système de jeu, les développeurs en ont oublié l'essence même d'un jeu, celle qui permet de le rendre inoubliable : le plaisir. Et c'est bien là tout le problème, le jeu devient vite lourd.
Après un début plutôt rythmé et entrainant, on est amené à effectuer une multitude d'allers-retours fastidieux un peu inintéressants et vite pesants. On se retrouve entrainé dans des lieux de plus en plus longs, mais toujours aussi peu imaginatifs et bien construits. Aucune énigme, aucune finesse, on se contente d'essayer de trouver le bon embranchement pour aller au bout, avec des affrontements bien trop présents. Comble du mauvais gout, il faudra régulièrement reparcourir tout le donjon à l'envers pour en ressortir, une horreur.
Le jeu adopte la désormais classique présence des ennemis à l'écran, donnant la sensation que l'on peut les éviter et décider quand se battre. Mais comme les héros puent un peu, les ennemis les sentent de loin et leur foncent littéralement dessus, on se retrouve avec une fréquence de combat abusive et abusée, qui monte vite à la tête, surtout dans un jeu qui fait sa petite trentaine d'heures en ligne droite. Heureusement, le jeu regagne un peu en intérêt et rythme sur la fin.
Autre problème majeur, l'obtention des Ougi est vraiment trop restrictive. Il faut monter trois styles au niveau 15 pour débloquer un style secret, qu'il faut ensuite lui-même monter niveau 10. Concrètement, le joueur qui fera la quête principale en ligne droite n'aura pratiquement aucune chance d'y avoir accès... pour peu qu'il sache comment les obtenir.
Mais une fois qu'on les a vus et qu'on s'est rendu compte qu'ils sont laids et ne servent pas à grand chose - ils cassent les combos, pourtant le point essentiel durant les combats un peu chauds - on comprend que Namco ait voulu les cacher.
Enfin, les missions de guilde sont juste nulles, impliquant seulement d'aller faire un certain nombre de combats ou d'aller trouver une personne précise dans des donjons de guilde générés aléatoirement. Bref, difficile d'y trouver un quelconque intérêt, d'autant qu'il faudra en aligner un sacré paquet avant d'avoir accès aux récompenses intéressantes.
... mais c'est très beau quand même
Tales of the Tempest était complètement moche,
Innocence est une renaissance à ce niveau. La 3D du jeu est bien fine, colorée, et évite le côté Super Deformed que l'on voit maintenant dans toutes les grosses productions et qui devient un peu impersonnel. Le design est ainsi plus fidèlement restitué à l'écran, et permet des animations plus souples, pour un rendu super dynamique lors des combats. Les attaques sont superbes et impressionnent visuellement, en dehors des Ougi, un peu décevants. Les décors du jeu ne sont pas en reste, très variés, avec parfois des effets saisissants, comme les coulées de lave dans le volcan, parfaitement modélisées. Cerise sur le gâteau, même la carte du monde - traditionnel problème de la série - est très bien réalisée et toujours fluide.
Sans conteste l'un des plus beaux RPG full 3D sur le support, tout juste regrettera-t-on une caméra parfois mal placée qui empêche de voir les ennemis de loin.
Parfois un peu laxiste sur la série, le grand
Motoi Sakuraba a laissé sa place à la bande son à
Kazu Nakamura. Après quelques heures de jeu, on a vite compris que le résultat n'est pas meilleur que sur le précédent épisode, c'est à dire qu'on se retrouve face à une OST correcte mais sans saveur et trop peu variée. On peut trouver à redire sur le travail de
Sakuraba, mais au moins il y a toujours (au moins) un ou deux thèmes marquants. Ici, rien.
Heureusement, les doublages sont eux de bonne qualité et surtout très nombreux, permettant d'accompagner énergiquement les dialogues à rallonge du scénario. Dommage que les très nombreuses scènettes n'aient pas bénéficié de la même attention, on finit par saturer lorsque l'on atteint sa cinquième dans la minute.
Pour finir, saluons le travail de l'équipe d'
Absolute Zero, qui propose un script propre et sans faute notable ou bug. Pour une première version, c'est remarquable.
Passer après
Tales of the Tempest n'était pas bien difficile, et
Tales of Innocence le surpasse aisément. Malgré tout, le jeu déçoit quelque peu. Si le système de jeu et la technique corrigent parfaitement le tir et sont très bons, le titre est plombé par des donjons vite insupportables et un casting parmi les plus mauvais de la série. Un
Tales of finalement assez moyen qui aura du mal à s'imposer sur une console incroyablement fournie.
Espérons que
Tales of Hearts ait encore fait franchir un palier, pour enfin pouvoir s'exciter sur un
Tales of sur DS.
20/07/2010
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- Excellent système de combat
- Techniquement impeccable
- Gros contenu
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- Casting raté
- Des donjons sans imagination
- Caméra souvent mal placée
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TECHNIQUE 4/5
BANDE SON 2.5/5
SCENARIO 2.5/5
DUREE DE VIE 4/5
GAMEPLAY 4/5
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