Persona est une série complexe. Elle se détache des MegaTen par le fait que le jeu s'attarde désormais sur les humains alors que la démonologie est passée à la trappe. Mais le contexte plus relationnel permet d'explorer des sentiments différents et surtout de plonger dans les délires de l'inconscient et de la psychanalyse grâce aux multiples facettes de la personnalité.
"I dreamt I was a butterfly. I couldn't tell if I was dreaming. But when I woke, I was I and not a butterfly. Was I dreaming that I was the butterfly, or was the butterfly dreaming that it was me? Even if there's a difference between the butterfly and I, the distinction isn't absolute. And there is no relationship of cause and effect." Soshi.
Les personnages de Persona sont une clique d'étudiants qui se retrouvent pour jouer à un "jeu" appelé Persona, consistant à invoquer des esprits via certains rituels. Les jeunes seront frappés par une lumière qui les fera tous rêver d'un papillon et de Philemon, un étrange homme masqué qui vous révèlera l'utilité de vos Personae. Après votre réveil à l'école vous irez voir votre amie malade, Mary, qui soudain sera prise de convulsions puis quelque chose jaillira pour tout évanouir dans une lumière blanche. Dès lors, vous vous rendrez compte que la ville est ajustée différemment et qu'elle est infestée de démons, dû à une machine construite par le scientifique Guido.
Êtes-vous la seule conscience qui partage votre existence ? N'y a-t-il pas quelqu'un d'autre à l'intérieur de vous qui influence jusqu'à vos pensées ? L'aspect philosophique du jeu vient des Personae. Chaque humain possède plusieurs "lui" qui prennent la priorité les-uns sur les autres à tour de rôle, suivant la situation. Chaque "soi" est appelé une Persona. Le monde plus ou moins réel pour quelqu'un est celui où la personne a trouvé son idéal et permet de contrôler chacune de ses Personae. Mais la plupart des personnes sont en quêtes de leurs idéaux ce qui fait que chacune de leurs Personae vivent dans des mondes différents. L'un des gros éléments scénaristiques du jeu est la quête de Idéal Mary, qui n'est autre que la Mary qui a trouvé sa raison de vivre. Lors de votre partie, vous croiserez plusieurs Mary, chacune reflétant une Persona différente. Viendra alors la quête de donner à cette Mary un idéal.
Il faut vraiment voir cela comme plusieurs mondes qui ont une existence parallèle, avec les mêmes protagonistes et les mêmes lieux. Seulement, il y aura quelques différences dues au fait que chaque monde aura les Personae différentes de chaque personne.
Les joueurs de Xenogears auront reconnus le principe des différentes personnalités de Fei, si cela peut vous aider à comprendre, prenez cet exemple : Id est la persona cruelle de Fei, Coward est la persona lâche de Fei.
Ici dans Persona, une partie de votre équipe sera conviée à des doutes et des délires schizophrènes sur leur inconscient, alors que l'autre partie sera moins atteinte par ces questions et sera plutôt la pour encourager/taquiner/aider l'équipe. Il n'y a pas que ça, car dans Persona vous aurez souvent des choix moralistes à faire, dans la pure lignée "MegaTenienne", pour décider de la fin. Car dans Persona, il n'y a pas de vrai méchant, le manichéisme est peu présent et vous serez confronté à des situations qui prouveront votre honnêteté, ou pas. Voilà donc un scénario encore résolument relationnel, dans la ligné de SMT1. Personnellement, je reprocherais que le jeu est essentiellement basé sur les humains, et qu'en bon fan de SMT2 j'ai du mal à voir les démons en tant que simples " ennemies " sans histoires, et de plus, ce scénario relationnel évite un peu les côtés occultes et métaphysiques des MegaTen. Mais c'est cela Persona, principalement une histoire d'humain et les 2 suites prendront le même chemin.
Malheureusement, le jeu a subi une localisation immonde lors de sa sortie US. C'était pourtant une idée louable de la part d'ATLUS USA de traduire ce jeu, mais lorsque les contraintes de temps et d'adaptation sont inacceptables, le résultat s'en ressent. Il y a beaucoup de différences entre la version d'origine et le résultat US. Le plus grave reste pour moi la narration nulle et souvent illogique. Les personnages se comportent comme des petits crétins et rentrent parfaitement dans un trip d'adolescent à deux balles. A cause de ça, le scénario se dévoile différemment et est moins foudroyant car les dialogues sont inintéressants au possible, bourrés de citations provenant de films et surtout très kitsch. Ajoutons à cela, les habituels changement de noms et, moins courant, un total changement contextuel. Le jeu se passe désormais en Amérique, la monnaie utilisée est devenue le dollar, et les personnages ont vus leurs graphismes et leurs situations personnelles altérés.
En plus de l'ajout d'un écran de "Now Loading", le jeu devient également plus simple. Les items coûtent moins cher, les combats aléatoires sont moins courants et les ennemis plus faibles, et les points d'expériences gagnés sont plus importants. Le jeu se voit aussi et carrément amputé d'une quête entière, laquelle menait sur une fin différente et proposait de nouvelles FMV et de nouveaux personnages. La "snow queen quest" est donc retirée, chose assez compréhensible dans la mesure où il fallait à ATLUS USA de faire de ce Persona US une sorte d'easy type. La "snow queen quest" était un donjon largement laborieux, légèrement bugué, et qui promettait quelques 13 heures de jeu sans vraie sauvegarde possible... Je pense que la suppression de cette quête est justifiée, même s'ils auraient pu faire l'effort d'adapter ça en cut-scenes pour que la version US garde ce gros élément du scénario. Le plus amusant dans tout ça est que l'arborescence du CD US possède bien les vidéos, musiques et autres images provenant de cette quête. M'est d'avis que la suppression s'est faite au dernier moment...
Le jeu se déroule comme tout RPG et les combats aléatoires sont évidemment au rendez-vous. Ceux-ci sont vraiment réussis, possèdent de grandes originalités et de nombreuses possibilités. Les combats se déroulent en vue isométrique de 3/4, dans une sorte de terrain détaché du décor sur lequel vous avez préalablement placé vos personnages de manière stratégique. Suivant leurs armes, leur Persona et leurs très nombreuses skills, les personnages doivent être placés sur le terrain pour profiter pleinement de ses avantages, en mettant par exemple les archers à distance et les combattants à l'épée au devant de la scène. Chaque personnage peut être équipé des items habituels, ainsi que d'un gun qui servira d'arme secondaire et qui sera suivant l'ennemi affronté plus utile que l'arme principale. Chaque personnage est ainsi configuré à votre guise suivant sa Persona attribuée, ses skills apprises et son arme sélectionnée, il sont maintenant près à combattre les ennemis particulièrement vils et énervants. En effet, et comme d'habitude dans un MegaTen, les ennemis sont immunisés ou absorbent certaines skills, il faut donc utilisés les bons personnages sur les bons monstres. Difficile de s'y faire au début, mais on se prend à analyser chaque ennemi bien plus vite que prévu.
Parlons maintenant des Personae, beaucoup cités lors de ce texte. Ces Personae sont à créer dans la Velvet Room, en utilisant des items et des spells cards acquises lors des négociations avec les démons. Les Personae sont des guerriers qui gagneront leurs propres skills, et possèdent leurs propres statuts (HP, MP,...). Chaque personnage peut s'attacher 3 Personae et gagnera ainsi les skills de chacune d'elles. Notons que ces Personae sont en fait de vraies entités, avec leur histoire et leur alignement, et que chaque humain ne peut invoquer qu'une Persona propre à son alignement. Les possibilités sont donc très variées, et de nombreux secrets vous attendent.
Lors des combats, vous avez la possibilité de négocier avec les démons, pour éviter les combats ou pour acquérir des spell cards. Système encore hérité des MegaTen, il est ici transcendé avec énormément de possibilités différentes suivant vos personnages, et bien sur les démons qui réagiront tous à leur manière. Le nombre de démons est d'ailleurs fort honorable, et leur connaissance est indispensable pour survivre dans les combats. Les bosses seront souvent longs et difficiles, mais leurs designs sont tellement réussis, voire parfois déroutants, que ces combats seront toujours un plaisir. Néanmoins, je conseille de s'attribuer régulièrement quelques heures de level up, sinon vous risquer de vous retrouver dans des situations critique trop souvent...
Techniquement, le jeu est plutôt mitigé, il accuse son âge et sa condition de presque premier RPG de la Playstation. On peut séparer les graphismes en deux parties.
Premièrement, nous avons les donjons en 3D que l'on parcoure en vue subjective, comme dans les précédents MegaTen. Ces phases sont plutôt réussies et fluides, malgré l'impression de voir souvent les mêmes couloirs dont la seule différence est la couleur ou la texture. Mais le principal est que ces phases, qui constituent les 3/4 de vos déplacements, ne sont ni frustrantes ni trop labyrinthiques grâce à une mini-carte très représentative.
La deuxième partie correspond aux passages en vue isométrique lorsque l'on rentre dans des salles ou des boutiques. Pendant ces phases, les graphismes sont assez détaillés, dans une 3D isométrique plutôt vaste mais trop imprécise.
Enfin, nous avons la carte de la ville que l'on visitera souvent pour changer de lieu. Parlons-en de cette carte dans laquelle vous vous baladerez toujours en vue subjective, je n'ai jamais rien vus d'aussi affreux, injouable et frustrant que cette carte... Préparez-vous à souffrir avant de connaître la map par cœur et vous dirigez enfin avec précision, heureusement que ces passages sont rares.
Le jeu est parfois coupé par des FMV assez moches mais toujours intéressantes, qui fera avancer énormément la compréhension de l'histoire. Notons que Philemon est doublé par une vrai voix lors de ces cinématiques.
Musicalement ce n'est pas beaucoup mieux, la qualité générale fait très (trop) midi et c'est dommage car les compositions sont bonnes. On entend souvent des pièces de piano assez représentatives de l'ambiance, parfois profondes ou sombres, alors que les thèmes de combats très techno nous renvoient dans un monde plus trash. Il en ressort une bonne OST qui convient particulièrement à Persona, mais avec trop peu de pistes cultes ou mémorables. Malgré tout, je dis bravo pour le thème de la Velvet Room ou du Doctor's Office, toutes deux très marquantes. Les bruitages sont plutôt pas mal, ils correspondent parfaitement au type d'arme utilisé, les voix durant les combats sont bel et bien là même si elles sont loin d'être irréprochables (surtout en US), et les différents bruitages pour les démons/monstres sont parfois suffisamment dérangeants pour paraître réussis.
L'ambiance qui en ressort est donc plutôt réussie, mélangeant habilement le surnaturel, la féerie et le mystère avec un contexte totalement réaliste.
Ce Persona est un jeu théoriquement bon, mais vraiment dur à jouer en pratique. Étant assez difficile et très frustrant, il n'est pas recommandé au joueur lambda qui veut juste s'amuser avec un RPG, il conviendra plutôt au joueur préparé, qui saura s'impliquer énormément dans un jeu au déroulement laborieux et à la durée de vie presque trop longue (70 heures en version japonaise, 20 heures de moins pour la version US).
Précisons que le jeu est également sorti sur PC en version japonaise, et que cette édition contient nombre de goodies pour votre ordinateur, comme des wallpapers, des Jack Frost qui s'attachent à votre barre des tâches, un Persona phone,... La note finale indique 2.5 mais je mettrais 2 à la version US et 3 pour la japonaise.
03/11/2004
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- Le scénario réussi
- Le design de Kaneko
- Les personnages sont réels et modernes
- L'ambiance cyber-punk
- L'utilisation des Personae
- Les négociations en combat
- Des donjons satisfaisants
- Le thème musical de la Velvet Room
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- La localisation US franchement dégueulasse
- La narration US Minable (avec un grand M)
- Le contexte trop acculto-adolescent
- Un MegaTen pas basé sur la démonologie
- Peu attirant graphiquement
- La world map Hideuse (avec un grand H)
- Les musiques en midi gâchent des compositions pourtant bonnes
- Lent, rigide, lourd et vraiment frustrant
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TECHNIQUE 2.5/5
BANDE SON 3.5/5
SCENARIO 4.5/5
DUREE DE VIE 4.5/5
GAMEPLAY 3.5/5
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