An 2000 de notre ère, la Playstation domine outrageusement le paysage vidéoludique mondial, et le RPG ne fait pas exception. Avec ses
Final Fantasy,
Suikoden,
Valkyrie Profile,
Xenogears,
Chrono Cross ou
Star Ocean 2, la console s'est déjà dotée de titres qui forgeront sa légende à jamais. Mais malgré quelques noms inoubliables comme
Alundra ou
Legend of Mana, l'Action-RPG n'était pas vraiment à la fête, surtout quand il s'agissait de passer dans la troisième dimension. Peu après
Threads of Fate et
Brave Fencer Musashi qui tentaient de faire décoller le genre,
Namco tente sa chance en ressuscitant une vieille licence avec
Dragon Valor, l'héritier des
Dragon Buster. Si les deux jeux de
Squaresoft étaient perfectibles,
Dragon Valor ne leur arrivera finalement pas à la cheville.
Chronique d'un jeu en retard sur son temps.
Une histoire de famille
Comme pour affirmer une filiation à un genre auquel il n'appartient qu'à moitié,
Dragon Valor reprend les vieux clichés et une trame maintes fois vus dans les RPG.
Clovis, le héros du jeu, dont le nom rend hommage à celui du premier
Dragon Buster, rentre paisiblement à son petit village de Brize pour profiter de la vie, la vraie, avec sa sœur Elena. Quelle n'est pas
sa stupeur de découvrir le village à feu et à sang, ravagé par un dragon ! Après qu'Elena ait passé l'arme à droite dans ses bras désarmés, Clovis va alors avoir l'illumination : il est en fait un Dragon Valor, chevalier capable de vaincre les dragons qui semaient jadis la terreur sur le monde. Et nous voila devant le retournement de situation le plus improbable de l'histoire du RPG, un
twist des années 2000, un cliffhanger digne de celui du grand Silverster : au lieu de continuer paisiblement à mener sa vie, Clovis va partir vers le royaume de Raxis pour traquer le dragon, se venger et trouver l'amour !
Vous l'aurez compris, bien qu'il s'articule essentiellement autour des dragons, le scénario du jeu ne vole pas bien haut.
Heureusement, les développeurs ont repris un vieux concept qui avait fait des miracles sur
Phantasy Star III,
Dragon Quest V ou
Fire Emblem 4 : le système de générations.
Dragon Valor s'étend ainsi sur cinq chapitres qui nous amènent à contrôler le ou les rejetons de chaque héros, avec plusieurs embranchement possibles au niveau du choix des lieux, qui aboutissent sur des dulcinées et donc des enfants différents. C'est en tout trois routes différentes que le jeu propose, même si dans tous les cas plus des trois quarts du jeu restent communs.
Une bonne idée qui donne un peu de piment à la trame assez plate en dehors du dernier chapitre, même si la mise en œuvre est plutôt bancale. Sachant que chaque chapitre dure à peine deux heures, on ne s'attache jamais vraiment à son héros, et on a parfois du mal à trouver une quelconque ressemblance physique entre les parents et leur(s) enfant(s). Pire, tous les personnages du jeu se jouent quasiment de la même façon, ce qui les rend quelque peu impersonnel en dehors des cut scenes. Finalement, des RPG précurseurs en la matière s'en sortaient beaucoup mieux, même si l'intention reste louable. Dommage.
BTAction-RPG
Dragon Valor est un curieux mélange entre Action-RPG pour le déroulement général et Beat Them All une fois dans les lieux.
Depuis ses cartes de chapitre en 3D précalculée qui resteront comme les seuls passages plutôt sexy, le jeu nous invite à valider le prochain lieu que l'on souhaite visiter, ce qui donne une petite illusion de liberté. Illusion seulement, car en dehors de trois ou quatre passages, on se cantonne à choisir entre le lieu suivant et la boutique du coin. Les boutiques sont uniques, proposant chacune des ventes, rachats ou trocs spécifiques, si bien qu'on aura tout intérêt à systématiquement les visiter.
Les différents donjons sont assez classiques, avec pour but de trouver la sortie et d'accéder au lieu suivant. Au départ, on se contente d'utiliser les quelques coups et magies à disposition pour nettoyer chaque salle et accéder à la suivante, à la manière d'un pur Beat Them All. Mais au fur et mesure de l'avancée, les énigmes commencent à se faire plus présentes et évoluées, les séquences de sauts millimétrés plus oppressantes, les lieux plus grands et complexes, et on bascule totalement vers le côté Aventure de la force, avec un grand A.
Les ennemis ne donnent pas d'EXP, nos héros ne passent pas de niveau. Pour autant, il ne faudra pas négliger le côté action lorsque le jeu nous le permet, car il ne sera pas rare que les ennemis laissent derrière eux des objets qui augmentent les caractéristiques du héros (HP, MP, attaque, défense), de l'argent pour s'approvisionner dans les boutiques (notamment en amélioration de stats), ou carrément des grimoires de magies. Bien que l'on soit relativement limité en points de magie, les sorts permettent réellement de faire la différence pour attaquer, se soigner, ou encore jouer malin, en utilisant par exemple le sort d'invisibilité pour traverser une salle trop dangereuse pour le joueur peu doué comme
Rotka. Sans être vraiment exigeant, le jeu peut vite sanctionner toute mauvaise passe et il faudra alors prier pour que les prochaines potions de régénérations (qui se consomment instantanément, il n'y a pas d'inventaire) se trouvent dans une salle proche. Les ennemis ne sont pas forcément difficiles, mais il faudra bien analyser leur façon d'attaquer pour ne pas foncer dans le tas aveuglément sur la fin, le début ressemblant plus à une grosse boucherie. Heureusement pour les mauvais, on peut sauvegarder à tout moment sur la carte, et les lieux sont relativement courts, il y aura donc peu à refaire en cas d'échec critique.
En fin de chapitre, notre dragon valor doit affronter un valeureux dragon au cours de joutes plutôt techniques et intéressantes, qui obligent à utiliser intelligemment la petite panoplie de possibilités à la disposition de nos héros.
Court mais peu intense
Malheureusement, le jeu montre vite ses limites et ses défauts.
Le fait que tous les héros se jouent exactement de la même façon rend vite les combats assez lassants, et même les différents niveaux de magie ne renouvellent absolument pas le gameplay, qui est tout de même assez limité. Quand on en arrive à espérer d'avoir bientôt fini un lieu qui dure à peine 15 minutes, le constat est sans appel. Il est rare qu'un jeu qui dure moins de 10h arrive à ennuyer le joueur dès la moitié, mais Dragon Valor réussit cette prouesse avec panache et élégance, même si la dernière heure de jeu sauve un peu l'ensemble.
Mais le pire reste surement l'ergonomie adoptée dans les boutiques. Au lieu de proposer plusieurs choix d'objets directement à l'écran comme dans la plupart des RPG, Dragon Valor innove et fait tout sous forme de dialogues. Riche idée ! Il faudra donc attendre que le marchand débite lentement ses propositions pour pouvoir les refuser afin de défiler et d'atteindre l'objet ou le troc désiré. Un système lourd et incroyablement mal conçu, qui matérialise à lui seul le vieil adage "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?".
Tout ceci viendra vite doucher les envies des plus téméraires qui voulaient découvrir tous les embranchements possibles, car il faudra faire trois fois le jeu pour tout voir, avec la majeure partie commune à refaire entièrement à chaque fois.
Mais les problèmes du jeu ne s'arrêtent pas là, malheureusement...
Dragon Horror
Dès les premières minutes, ce qui frappe est la faiblesse de la 3D proposée. Protagonistes mal modélisés, textures plates, pixellisation à outrance, décors un peu vides, déformation constante, le jeu semble tout droit sorti d'une époque où les développeurs se faisaient la main sur la console... en 1994. Les dragons sont particulièrement décevants, étant la plupart du temps ridicules et bien moches. Quand on pense aux jeux, et notamment RPG, sortis à la même époque, on se demande comment une telle horreur a pu voir le jour. Les cuts scenes piquent particulièrement les yeux avec des gros plans sur les personnages inexpressifs, dont les polygones se chevauchent tranquillement. Restent quelques effets lumineux assez corrects et une animation qui ne souffre d'aucun ralentissement ni manque de décomposition. Heureusement qu'entre chaque lieu, les jolies cartes en 3D précalculée permettent de souffler avant de replonger dans la joyeuse bouillie de pixels.
La bande son a au moins le mérite de ne pas laisser de trace indélébile dans les mémoires, avec des thèmes moyens qui auraient gagné à se renouveler un peu plus, mais toujours de circonstance et parfois entrainants. Le travail fourni par
Ayako Yamaguchi et
Nobuhiro Ouchi fait tout même pâle figure par rapport aux compositions des RPG de la même époque. Quelques mois plus tôt sortait
Chrono Cross, et
Final Fantasy IX n'allait pas tarder à suivre...
En plus d'être laid,
Dragon Valor ne propose aucune réelle identité graphique, et c'est bien ça le plus triste.
À mi-chemin entre l'Action-RPG et le Beat Them All,
Dragon Valor rate presque tout ce qu'il entreprend, en exploitant mal les embryons de bonnes idées qu'il contient, comme le système de générations. Il n'y aura finalement pas grand chose à retenir (dans les deux sens) du très laid titre de
Namco, si ce n'est qu'il est idéal pour meubler son temps libre entre deux grosses sorties avec sa petite durée de vie.
Un concurrent "de choix" pour
Alundra 2, qui a sévi la même année.
11/07/2010
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- Jouer sur plusieurs générations avec embranchements
- Les derniers lieux, plutôt réussis
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- Très laid, même pour l'époque
- Répétitif et court
- Les cut scenes sont ridicules
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TECHNIQUE 1.5/5
BANDE SON 2.5/5
SCENARIO 2.5/5
DUREE DE VIE 2/5
GAMEPLAY 2.5/5
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