"It's not just about the game. It's about the conversation afterwards" (Il ne s'agit pas simplement du jeu. Il s'agit de la conversation qui en découle), telle est la devise de la jeune entreprise SRRN Games. Loin des bien-connus ténors du RPG mais pas simples amateurs pour autant, ses développeurs ont l'ambition de proposer des œuvres ne brillant pas par leurs effets spéciaux mais par la profondeur de la discussion qu'elles suscitent. Ash constitue la première expérience de cette équipe aux intentions plus qu'honorables.
Ambiance réaliste et peu habituelle
Ash nous place dans la peau de Nicholas et Damien, deux mercenaires au passé mystérieux, l'un vétéran et l'autre jeune intrépide, se rémunérant de diverses missions, dangereuses ou non, que leur confient les citoyens de l'empire d'Aghaus. Après une mission réalisée d'une main de maitre pour le compte de la ville de Nikel, nos deux héros se voient immédiatement confier une nouvelle tâche par l'ancien de ladite cité : enquêter sur les disparitions mystérieuses se produisant dans la mine de Nikel, principale source de revenus des citoyens. Après discussion entre les deux protagonistes, ceux-ci acceptent la mission moyennant, en bon mercenaire, un paiement en conséquence. Peu après le début de leur périple, Nicholas et Damien sont attaqués par des êtres humains aux allures lugubres. Malgré l'anxiété résultant de ce combat, ils décident de poursuivre leur exploration. Finalement, ils parviennent au fin fond de la mine, où ils sont immédiatement assaillis par un monstre ! Après avoir mis celui-ci en déroute, les deux mercenaires sont éblouis par une lumière verte qui fait entrer Nicholas en syncope. A son réveil, il découvre que son bras est envahi d'une noirceur inquiétante. S'ensuit alors un périple afin de découvrir le mystère entourant le bras du mercenaire.
En dépit d'un bon début, le scénario proposé par SRRN Games s'essouffle rapidement au fur et à mesure de l'avancement du jeu, jusqu'à sombrer dans le désintérêt le plus total. Fort heureusement, les dialogues originaux, proposant situations et répliques que l'on n'a pas l'habitude de voir dans les jeux du même genre, fournissent une seconde vigueur à ce titre. Ce sont d'ailleurs les petites touches d'humour décalé, les chamailleries et autres querelles plus ou moins sérieuses qui reflètent la volonté de SRRN Games de proposer un jeu créatif. Ces dialogues, loin des habituels clichés du RPG, fournissent une crédibilité importante au titre. On est ainsi rapidement plongé dans un cadre émotionnel réaliste. L'intérêt du scénario proprement dit est grandement relancé vers la fin du jeu. Les dernières scènes, en particulier, suscitent véritablement la curiosité et l'envie de s'essayer au second chapitre d'Ash.
Combats old-school, bugs old-school
Nous sommes avertis dès les premières minutes de jeu : Ash est un RPG old-school sur beaucoup de points, en particulier son gameplay. Les combats se déroulent en tour par tour. L'ordre d'action est déterminé par l'agilité de chaque monstre et personnage. Lorsque le tour d'un personnage survient, celui-ci peut attaquer, utiliser une aptitude, lancer un objet, passer son tour ou fuir. Les aptitudes sont gagnées en augmentant de niveau, celui-ci étant commun à toute l'équipe. En conséquence, un personnage ayant perdu tous ses points de vie en fin de combat ne recevra aucune pénalité de points d'expérience. Cette particularité est bienvenue étant donné la difficulté relative du titre. Assurément, SRRN Games a souhaité nous rappeler l'époque où foncer tête baissée dans un donjon menait inéluctablement au "Game Over". Cette impression se fera d'ailleurs sentir dès le premier donjon, dont les monstres annihileront facilement notre équipe sans préparation appropriée. Fort heureusement, l'anéantissement ramène au dernier changement d'écran effectué. Peu de temps de jeu est donc perdu.
A contrario, cette difficulté peut être réduite à néant au moyen d'une défense suffisamment élevée. En effet, si la défense d'un personnage est relativement plus importante que la force d'attaque d'un monstre, ce dernier ne pourra faire aucun dégât au premier. Cette propriété mène à des corolaires inattendus et inappréciables, lesquels constituent le défaut majeur du jeu. Premièrement, la situation réciproque peut très bien se produire : une puissance d'attaque trop peu importante empêche de blesser les ennemis. De ce fait, des situations bien désagréables peuvent survenir, où l'on ne peut sortir d'un combat qu'en s'enfuyant. Contre les boss, on doit alors se résoudre à se laisser mourir ou, plus rapidement, à redémarrer le jeu. De surcroît, les combats d'Ash souffrent d'une étonnante mal conception. En effet, tous les ennemis communs attaquent inéluctablement la même personne, celle-ci changeant à chaque recrutement d'un nouveau compagnon. Ceci peut mener à des combats simplifiés ou compliqués, suivant si le malheureux est de type guerrier ou mage, respectivement. Dans le dernier cas, il devient plus efficace de laisser mourir le malheureux élu, en souhaitant que le prochain sur la liste ait une défense élevée. Combiné à la difficulté du titre, ce problème devient rapidement et particulièrement frustrant. Qu'il s'agisse d'une erreur de programmation ou d'un choix délibéré, cela nuit gravement à l'expérience de jeu. Les plus impatients auront tôt fait d'activer le mode facile, lequel réduit malheureusement à néant l'intérêt des combats, y compris les plus majeurs.
D'autres bugs sont présents dans le menu d'équipement. En principe, lorsqu'on sélectionne une pièce d'équipement dans l'inventaire, la statistique altérée est affichée en vert si l'équipement l'améliore ou en rouge dans le cas contraire. En désélectionnant l'équipement, sa valeur actuelle est indiquée en blanc. Il arrive fréquemment qu'après cette désélection, les valeurs ou les couleurs affichées soient incorrectes, ce qui se révèle peu pratique lorsqu'on souhaite, par exemple, déterminer quel serait le personnage le plus approprié pour porter une pièce d'équipement donnée.
Une réalisation artistique surprenante
Le point fort d'Ash se situe clairement dans sa réalisation. D'une part, bien que ne faisant pas le poids face aux productions actuelles, les graphismes affichent des palettes très colorées et agréables à l’œil. Les décors extérieurs, parfois vides, sont compensés par de sublimes décors de combats, ceux-ci affichant une vue type "première personne" à la manière d'un Dragon Quest. Les sprites, tant des monstres que des personnages non jouables, sont particulièrement variés et travaillés. Il arrive ainsi peu fréquemment de rencontrer deux habitants de deux villes différentes avec la même apparence. Bien que, d'après les crédits de fin, ces éléments graphiques n'aient pas été réalisés par l'équipe de SRRN elle-même, on apprécie cette intention fort louable et pourtant peu commune. Le design de Nicholas et Damien sont parfaitement appropriés au caractère des deux protagonistes. A noter que la mise à l'échelle sur iPad est relativement correcte.
D'autre part, le jeu sublime par ses choix musicaux. Bien que peu variées en raison de la brièveté du titre - comptez entre huit et dix heures pour le terminer - les musiques offrent une qualité impressionnante que l'on n'aurait pas attendue au vu du faible budget et du caractère semi-professionnel du jeu. Certaines pistes sont parfaitement dignes des productions beaucoup plus mûres. D'ailleurs, l'équipe de développement a reçu tellement d'éloges pour ces musiques qu'elle a décidé de mettre en vente la bande originale sur l'iTunes Store ! C'est assurément un point positif pour ces jeunes talents, qui laisse à nouveau de bons présages quant à la suite.
Plein de bonnes intentions, SRRN Games ne parvient pourtant pas à convaincre totalement avec ce premier essai. Entaché d'un scénario en demi-teinte et de défauts de conception, Ash risque d'en décourager plus d'un. Cependant, nous ne pouvons que conseiller ceux qui le peuvent de se procurer ce titre, ne fut-ce que pour être témoin du travail et de la motivation des développeurs ou encore pour goûter à une bande originale impressionnante de qualité pour une œuvre aussi modeste que celle-ci. Le petit prix compense la faible durée de vie.