Plus besoin aujourd'hui de présenter Mistwalker, créé en 2004 par Sakaguchi et Uematsu, qui a su faire ses preuves avec Lost Odyssey et Blue Dragon sur XBOX 360. Le studio n'a par contre jamais vraiment brillé pour son choix de plateforme. Des J-RPG sur une console américaine, puis Last Story sur une WII en fin de vie, et finalement des jeux exclusivement développés sur smartphone depuis 2012. Malgré des jeux de qualité, on peut difficilement dire que Mistwalker ait fait les bons choix pour gagner en succès. Nous allons tester aujourd'hui leur dernier né sur IOS, nommé sobrement Fantasian.
C'est bô !
Fantasian (on excusera Mistwalker son manque d’inspiration concernant le choix du nom du jeu) a su faire son petit effet dans la presse spécialisée, en présentant en détail sa démarche artistique, qui consistait non pas à créer un jeu en 3D ou en image de synthèse, comme cela est le cas dans 99% de la production vidéoludique, mais en filmant des décors réels. Des maquettes très bien désignées et extrêmement détaillées, comme j’ai pu le vérifier, en parcourant les nombreux décors inspirés du jeu. Le point de vue de la caméra et le parti pris esthétique n’est pas sans rappeler le travail effectué par les développeurs à l’heure de gloire de la PS1. On nage en pleine nostalgie. Et c’est bon de retrouver tout ce travail, ce soucis du détail à notre époque. Bien sûr, le budget étant plutôt limité, on n’est loin d’avoir autant de variété ou de zones d’exploration que sur un FF7, mais bon, vous en aurez pour votre argent. On ne peut malheureusement pas en dire autant du character designer. Dommage que Mistwalker n’aie pas compris que la force de jeux comme Blue Dragon ou Lost Odyssey venait pour une bonne partie d’un gros travail sur le design des personnages. Le héros est juste une coquille vide sans caractère. Si seulement il possédait des répliques dignes d’interêt ou au moins un but dans la vie, cela aurait pu le sauver. Mais rien n'y fait. Ni son look, ni sa place dans le scénario. Le reste du groupe s’en sort un peu mieux, mais dépasse rarement le niveau des personnages d’un Tales par exemple.
Mou du genou
Le scénario du jeu ne vole jamais très haut. La première partie du jeu laissait espérer le contraire, avec des scènes mémorables et une aventure bien rythmée. Malheureusement, la seconde partie n’est que prétexte a du boostage d’xp et de résolutions de mini-quêtes. Le jeu prend bien 80 heures pour être achevé en ligne droite, ce qui est bien trop pour si peu de contenu scénaristique. À la fin, Fantasian essaie de surfer sur la vague théologique, façon Xeno, sans jamais arriver à effleurer la puissance du jeu culte de Square. Encore une fois, on a l’impression d’être en face d’un Tales of dont la réalisation aurait été confiée à Square. Trop long donc pour un jeu de ce niveau. 30 ou 40 heures auraient suffit, plus quelques quêtes optionnelles amusantes. Je dis bien optionnelles, car ici le jeu nous force littéralement à faire toutes les sous-quêtes du début à la fin, sous peine de se retrouver bloqué par manque d’XP ou d’armes assez puissantes. La musique par contre est juste magnifique. Même si Uematsu recycle ostensiblement pas mal de thèmes de Lost Odyssey, cela reste un grand plaisir pour les oreilles.
Let's fight !
Ce qui nous amène à la question des combats. Il faut le dire, durant les premières heures de jeu, il est extrêmement jouissif de retrouver un système au tour par tour digne des meilleurs FF: dynamique, intelligent, beau, fun. Sur le papier, on est vraiment sur du classique avec des menus qui permettent d’attaquer, d'envoyer des sorts, ou d'utiliser des objets. Mais le petit plus est la gestion de l’espace de combat. Les attaques peuvent être orientées de telle manière que plus ou moins d’ennemis peuvent être atteints selon l’angle de l’attaque. Autre bonne idée, le héros reçoit au bout d’un certain temps une machine permettant d’éviter les combats en regroupant les ennemis dans un espace parallèle, qui peuvent ensuite être combattus tous ensemble. Ce qui permet une économie certaine de temps, puisqu’on combat 30 ennemis d’un seul coup, plutôt que 10 fois 3 ennemis en temps normal. Le problème, par contre, est que les combats deviennent de plus en plus fréquents. On se retrouve à combattre toutes les dix secondes 30 monstres. Car si l’on n’utilise pas la machine en question, on se coltine 3 monstres tous les deux pas. Bref, les combats sont clairement trop nombreux et le fait de les combattre dans l’espace proposé par la machine (ce qui devient vite une obligation) empêche finalement de profiter de la variété des lieux en combat. Tous les combats du début à la fin n’ont lieu que dans cet espace temps parallèle. Un autre gros bémol du jeu, c'est le nombre et la puissance démesurée des boss. Si les 20 premières heures semblent équilibrées, sachez que vous passerez les 60 suivantes à enchaîner les boss. Et sur la fin, ils deviennent tellement durs, qu’on passe des heures sur chaque bestiole. Quel que soit d’ailleurs votre niveau, n’essayez même pas de bourriner un boss sans connaître ses points faibles et attaques sur le bout des doigts, sinon c’est le game over assuré. Il va falloir s’armer de patience vu le nombre de patterns que propose chaque boss. Le jeu propose aussi un arbre de compétences sympathique à débloquer, mais qui apparait bien trop tard (j’ai pu commencer à l’utiliser après 25 heures de jeu !)
IOS, smartphone, poubelle
Voilà tout pour le jeu en lui-même. Reste un point sensible à aborder pour les fans de RPGs en général et plus généralement pour notre génération de consoleux : le support. Fantasian est, il faut le dire bien haut, parce que c’est une honte, un jeu exclusivement IOS et réservé au système de location d’Apple. Cela peut avoir de minuscules avantages, comme le fait de pouvoir jouer à un jeu quasiment gratuit, si vous utilisez la période d’essai du système Arcade d’Apple. Mais quelle piètre consolation lorsque l’on voit à quel point cette formule nuit au soft de Mistwalker. Jouer à un RPG classique sur tablette ou smartphone, c'est un défi considérable du point de vue de la maniabilité. Impossible de ressentir des sensations de jeu correct rien qu’en utilisant les fonctions tactiles. Heureusement, on pourra connecter une manette Xbox Series sur la tablette puis relier celle-ci à un écran pour essayer d’oublier que l’on est sur IOS. Il faudra alors supporter des détails agaçant dûs à la mauvaise gestion des manettes par le jeu. À chaque changement d’écran, les contrôles ne se réadaptent pas à l’environnement, ce qui oblige à relâcher le stick pour remettre les pendules du jeu à l’heure et pouvoir diriger correctement nos personnages. Puis, il y a les déconnexions fréquentes de la manette, les ralentissements dûs au double écran, le manque de précision de la manette lors des combats et j’en passe. L’interface du jeu est aussi polluée par le look orienté tablette des icônes: comme les menus et les notifications. Finalement, vous ne pourrez jamais posséder le jeu, le reprendre plus tard pour le refaire en new game plus, ou le présenter à vos enfants, puisque vous n’aurez aucun moyen de l’acheter, même virtuellement. Fantasian disparaîtra du cœur des joueurs plus vite que la grippe saisonnière. Et c’est bien dommage.
Difficile de conclure cet article, sur un jeu aussi prometteur que gâché par de nombreux détails qui auraient pu être évités. Trop long, trop dur, trop classique souvent, et surtout, pas sorti sur le bon support. Fantasian reste néanmoins une expérience sympathique, presque gratuite, à essayer absolument.