Parmi les critiques que l'on rencontre dans les tests de RPG, on retrouve souvent le manque de difficulté, la linéarité et le sur-guidage du joueur. A l'inverse, la série
SaGa a la réputation de poser de nombreux défis, que ce soit dans la complexité du gameplay, la liberté offerte ou simplement la difficulté des combats. Moins connu que son successeur,
SaGa Frontier ne va pas à l'encontre de la renommée de sa famille. Quinze ans après sa sortie, voici une rétrospective sur un RPG rompant complètement avec les codes des productions classiques.
Sept héros, sept voyages
Alors que la majorité des RPG japonais propose de suivre pas à pas une histoire, guidant le joueur par la main au gré des cinématiques et autres cut-scenes qui dévoilent de nouvelles facettes du scénario, SaGa Frontier se distingue très vite par un rythme de jeu radicalement différent.
On nous demande d'emblée de sélectionner un héros parmi les sept proposés. Quelque soit le personnage choisi, nous assistons d'abord à un chapitre introductif, plus ou moins long, décrivant le background et la quête du héros. Une fois ces informations obtenues, nous sommes transportés dans l'une des (très nombreuses) planètes composant l'univers futuriste de SaGa Frontier. Et voilà. Nous sommes directement confrontés à l'une des caractéristiques du jeu qui risquent de décourager une grande partie des nouveaux venus : la non-assistance. Nous recevons peu d'informations sur le monde futuriste qui nous entoure, sur les nombreux lieux que l'on peut visiter et sur la marche à suivre en vue de l'accomplissement de notre objectif. On se sent seul face à un univers immense, seul face à l'ignorance et aux monstres féroces qui jalonnent ces terres inconnues.
Quoi de mieux que des compagnons pour combattre la solitude ? La seconde étape de notre voyage consiste à rassembler une équipe de combattants qui, s'ils ne nous donneront pas d'indication sur la suite de notre quête, permettront de tenir tête aux viles créatures nous assaillant. Pour rencontrer nos futurs alliés, il faudra d'abord ... nous informer ! C'est en discutant avec la populace des différentes planètes que l'on obtient des indications sur la localisation des personnages jouables. Un total de quinze alliés peuvent nous accompagner, beaucoup plus étant recrutables. Attention cependant que lors de certaines quêtes, certains personnages rejoindront automatiquement l'équipe, expulsant au hasard d'anciens membres. Il est ainsi indispensable de ne pas surcharger son équipe afin de parer à cette éventualité, au risque de perdre l'un des piliers du groupe. Le recrutement n'est pas un paramètre à négliger, d'autant plus que chaque personnage se distinguera plus ou moins des autres en combat.
Que ce soit en vue de poursuivre notre quête ou de recruter des compagnons, il nous faut voyager. Les déplacements d'une planète à l'autre s'exécutent automatiquement, en s'adressant aux employés portuaires et en sélectionnant la destination désirée. On pourrait regretter l'impossibilité d'explorer de fond en comble l'espace inter-galactique dans lequel baignent les différentes planètes. Cela n'enlève pourtant rien à l'immensité de cet univers : les planètes sont en nombre bien plus élevé que ce qu'il est nécessaire d'explorer pour arriver au terme d'un des sept scénarios. Chaque lieu affiche un level design propre, le tout servi par des graphismes colorés très agréables à l’œil. Il est en revanche parfois difficile d'évaluer la perspective de certaines zones : il ne sera pas rare de vouloir atteindre une porte qui se trouve en réalité à un niveau de hauteur bien différent.
Connaître ses alliés pour vaincre ses ennemis
Outre le besoin de considérer la venue inopinée de certains alliés, le recrutement est une phase particulièrement critique qui aura un impact significatif sur la difficulté des combats au tour à tour. De nombreux paramètres peuvent influer non seulement sur l'efficacité d'un personnage, mais plus globalement sur l'harmonie et l'équilibre de l'équipe.
De nombreux combattants à recruter parcourent l'univers de SaGa Frontier. Chacun d'eux appartient à une certaine race (humain, mystic, robot ou monstre), laquelle détermine comment il peut évoluer. Ainsi, les statistiques des humains peuvent augmenter en fin de combat selon les capacités que ceux-ci ont utilisées ; celles des robots sont fixées par les équipements qu'ils portent ; enfin, les mystics et monstres doivent absorber les créatures affrontées. Dans le cas des mystics, un maximum de trois emplacements sont prévus pour absorber les monstres. Intégrer un monstre sur un emplacement déjà occupé éliminera les bonus attribués par les monstres précédents. Les mystics sont ainsi des personnages particulièrement versatiles et malléables à souhait.
En plus de se différencier dans leur méthode d'évolution, les races disponibles présentent des divergences dans l'apprentissage de capacités, c'est à dire les techniques de combat et les magies. Un humain peut apprendre une nouvelle capacité en utilisant certaines autres qu'il a auparavant acquises, chacun étant spécialisé dans l'un ou l'autre type. De surcroît, chaque type de magie possède un antagoniste, et il est impossible d'apprendre les magies les plus avancées à la fois d'un certain type et de son contraire. A l'instar de nombreux autres aspects du gameplay de SaGa Frontier, le choix d'un type de magie ou l'autre aura d'importantes implications sur la performance de l'équipe. Un mystic peut également apprendre des magies ; en revanche, ses techniques de combat sont limitées à celles des monstres qu'il aura absorbé. De façon similaire, un monstre apprend de nouvelles aptitudes en absorbant ses semblables. Enfin, les capacités des robots sont principalement déterminées par ses équipements ; d'autres peuvent être apprises en éliminant des machines en combat.
La pléthore de compagnons combinée avec les différentes possibilités d'évolution fait de la gestion d'équipe un processus à la fois très complexe et personnalisé. Il est particulièrement ardu de découvrir une équipe à l'harmonie parfaite ; il ne faut ainsi pas hésiter à remettre en question sa composition en plein milieu de l'aventure. Une bonne préparation facilitera grandement les combats dont la difficulté peut augmenter de manière imprévisible. En particulier, les boss constituent des défis titanesques où un petit détail dans la tactique exécutée peut faire la différence entre victoire écrasante et défaite annihilante.
Entre rejouabilité et redondance
Un RPG représente souvent un investissement en temps plus conséquent que dans d'autres jeux. Certains joueurs aiment être immergés dans un titre pendant une cinquantaine, voire une centaine d'heures sans interruption, tandis que d'autres privilégient les cycles plus courts au risque de connaître la lassitude. Un avantage indéniable de SaGa Frontier est sa durée de vie particulièrement extensible. Les scénarios étant relativement indépendants, on peut sans problème se concentrer sur une seule des sept quêtes, ou au contraire les enchaîner toutes d'une traite ou en plusieurs sessions. Comptant une petite douzaine d'heures pour une première partie et une dizaine pour chaque suivante, la durée de vie de l'aventure peut ainsi s'étendre d'environ 10 à 70 heures. Aucune sorte de New Game + n'étant proposée, chaque nouvelle quête donnera cependant une impression de retour à zéro, au risque d'engendrer une certaine redondance.
Deux aventures partagent vraisemblablement des similitudes, tant au niveau des personnages rencontrés et recrutés que des lieux visités. L'objectif de parcourir la totalité de l'univers sera ainsi atteint au bout de la troisième ou quatrième partie. Cependant, au fur et à mesure des aventures, nous nous rendons compte que chaque scénario est ancré dans une histoire plus globale, bien que beaucoup plus implicite. Il est par exemple particulièrement agréable d'obtenir des informations sur un ennemi que l'on a terrassé lors du voyage d'un héros précédent. Globalement, le scénario explicite est malheureusement limité, la plus flagrante preuve étant l'écran "The End" qui apparaît lorsque le coup final est porté au dernier boss, sans qu'aucun épilogue à l'aventure ne soit contée. Ce manque d'intérêt scénaristique constitue une malheureuse entrave à la rejouabilité.
Outre ces considérations historiques, force est de constater que l'expérience acquise lors d'une première partie est mise à profit pour contrer la difficulté globale du jeu. Tant la constitution du groupe que l'évolution des personnages deviennent des processus que l'on maîtrise progressivement. En particulier, on appréhende la complexité du gameplay avec de plus en plus d'aisance. Au fur et à mesure des parties, la stratégie et la préparation prennent ainsi le pas sur le grinding intensif. Ce sentiment d'amélioration continu est fort agréable. Pourtant, on finira par suivre la même ligne directrice d'une nouvelle partie à l'autre, ceci créant une redondance certaine.
SaGa Frontier est un RPG à découvrir pour qui n'est pas frustré devant le manque de guide et les exigences d'un gameplay travaillé. Les joueurs se plaisant à être minutieux dans la composition et la préparation de leur équipe y trouveront en revanche leur bonheur. Sans qu'il soit inoubliable, particulièrement dans son histoire, sa durée de vie flexible fait du titre de
Squaresoft un élément de choix lors d'une période creuse ou d'une transition entre deux titres plus conséquents.
10/03/2013
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- Gameplay travaillé et exigeant
- Durée de vie flexible
- Liberté offerte au joueur
- Univers vaste
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- Manque d'accessibilité
- Scénario très pauvre
- Faiblesses dans la narration
- Redondance entre les sept parties
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TECHNIQUE 3.5/5
BANDE SON 3/5
SCENARIO 2.5/5
DUREE DE VIE 4/5
GAMEPLAY 5/5
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