Sorti tardivement en 1997 sur super famicom, Dark Law est le dernier titre d'une série atypique de rpg japonais aux évidentes influences de jeux de rôle occidental, à savoir Dark Lord en 1991, puis Wizap! en 1994. Toutefois, à l'instar de la fameuse trilogie de Quintet sur la même machine, seuls les thèmes abordés et les mécaniques de jeu unissent les différents opus entre eux, excluant donc l'obligation de les faire dans un ordre précis. Et ça tombe plutôt bien car Dark Law : Meaning of Death est probablement le plus réussi de tous et tranche littéralement avec ce que l'on a l'habitude de voir sur la 16 bits de Nintendo en matière de RPG.
Lawful Evil
Dès l'écran titre on devine assez aisément que l'on ne va pas avoir affaire à un énième clone de Dragon Quest, mais à quelque chose de beaucoup plus sombre. Les couleurs sont globalement plus ternes, le propos est sérieux et le chara-design réaliste, bien que les sprites restent malgré tout en SD. Contrairement à la plupart des jeux de rôle japonais sur console de cette époque, le jeu n'impose pas de personnages prédéterminés, mais vous invite à créer votre groupe en attribuant des points dans les différentes caractéristiques, typique des RPG européens ou américains. L'implication de vos héros dans le scénario sera donc plus subtile qu'à l'accoutumée, moins centrale par rapport à ce que l'on trouve habituellement dans la production nippone. Ici ce n'est pas l'histoire qui s'articule autour des personnages, mais bien l'inverse.
N'allez donc pas croire que la narration est inexistante, bien au contraire, elle prédomine et donne toute sa dimension au jeu. Son déroulement est à ce titre plutôt original et non linéaire, puisque la progression dans l'aventure ne vous sera pas imposée. En effet, vous incarnez un groupe de mercenaires évoluant dans un monde en proie aux ténèbres, avec comme toile de fond un Mal ancien tapi dans l'ombre, menaçant de se réveiller à tout moment. À partir de là, plusieurs choix s'offrent à vous. Premièrement, vous pouvez partir explorer la redoutable grotte scellée, une sorte de gros donjon à paliers, auquel vous pouvez accéder à tout moment et explorer au rythme qu'il vous plaira. Deuxièmement, au gré des nombreuses conversations avec les villageois de l'unique ville de la région, vous pourrez accepter différentes missions qui correspondent toutes à un chapitre dédié.
Life is an illusion
Ces petites histoires, toutes plus ou moins liées à la trame scénaristique de fond, représentent la plus grande force de
Dark Law. Pas seulement parce qu'elles sont intéressantes, mais parce que le joueur n'est pas obligé de les accomplir ni de les réussir pour continuer l'aventure. En somme, le jeu se rapproche beaucoup d'un véritable JDR papier où les êtres humains gravitant autour de vos personnages vivent ou meurent sans avoir une fin prédéterminée et où les "héros" ne peuvent pas toujours triompher. Il est même carrément possible d'abandonner une quête, un chapitre donc, en laissant derrière vous un pauvre malheureux qui ne survivra pas sans votre aide, sans que cela n'affecte votre progression vers la fin du jeu.
c'est à ce niveau là que l'on se rend compte à quel point
Dark Law est beaucoup plus centré sur l'histoire qu'il raconte que sur l'aspect combat, pourtant si prépondérant dans les RPG Japonais. D'ailleurs, la résolution d'un chapitre octroie une somme de points d'expérience très conséquente, bien supérieure à ce que rapporte les affrontements contre les différents ennemis, à l'instar de jeux particulièrement centrés sur le dialogue, comme
Planescape Torment par exemple. Le titre privilégie donc l'ambiance et le récit avant tout, donnant l'impression au joueur de participer à cet univers où tout n'est pas scripté et gravé dans le marbre, comme souvent dans ce type de jeu à cette époque. Et pour aller jusqu'au bout des choses, plusieurs fins sont d'ailleurs disponibles selon l'accomplissement ou non de certains objectifs.
Only Death is Real
Cela étant dit, bien que placés au second plan, les combats n'en demeurent pas moins un passage obligé pour espérer arriver au terme de l'aventure, et le moins que l'on puisse dire c'est que ce ne sera pas une partie de plaisir. Autant être franc dès le départ, Dark Law est difficile, voire très difficile, et le jeu ne fera rien pour vous rendre la tâche plus aisée. Les ennemis font mal, vraiment mal, et ce, dès les premiers rencontrés. Qu'à cela ne tienne, il vous suffit d'acheter de meilleurs équipements ou potions dans les magasins de la ville comme dans n'importe quel RPG, n'est ce pas ? Et bien non, ça ne marche pas comme ça ici. Car l'argent sera votre premier souci en débutant Dark Law, la quasi totalité des créatures ne donnant absolument aucune pièce d'or en récompense de leur défaite. Le seul moyen de commencer à gagner de l'argent sera de choisir une profession auprès de la guilde, qui vous permettra d'obtenir des compétences, et surtout un petit salaire, mais seulement si vous gagnez un niveau. Autant vous dire que vous serez fauchés durant une bonne partie de l'aventure, les pièces d'équipement coutant généralement un bras.
Et comme le moindre affrontement peut très vite tourner au massacre, il ne sera pas rare que vous finissiez dans un sale état avec tout juste quelques HP au dessus de zéro. Sans parler du fait que dès le début de l'aventure vous rencontrerez des monstres qui infligent "poison", et croyez-moi, l'altération d'état "poison" ne plaisante pas dans Dark Law. Et pour vous soigner ? L'auberge vous coutera déjà trop cher pour juste une nuit et l'église encore plus. Il ne vous restera plus que la solution la plus pénible, mais gratuite, qui consiste à se reposer à un point de sauvegarde. Pourquoi pénible ? parce que pour chaque point de vie récupéré, il faudra se reposer et appuyer sur le bouton. En effet, si votre statistique Vitalité est faible, la régénération sera faible et donc lente. Assez fastidieuse au début, cette méthode peut donc se corriger avec le temps et l'expérience, sauf si vous mettez des points dans ladite caractéristique à la création de personnage, ce que je vous conseille.
Hora Nocturna
Bon d'accord, mais la magie dans tout ça ? Après tout, un bon sort de soin et les problèmes sont réglés. Sauf que vous ne disposez d'aucun sort au commencement et que la magie s'achète en boutique et coûte évidemment cher, très cher. Alors il existe un autre moyen de payer un prix plus bas, en demandant à la guilde des magiciens de créer des sortilèges en combinant différents éléments. Cela étant dit, vous ne pourrez de toute manière pas les utiliser immédiatement car il faudra d'abord que l'un de vos héros apprenne une compétence pour pouvoir les lancer. Il en est d'ailleurs de même pour tous les objets récupérés dans les donjons, qui ne pourront pas être aussitôt utilisés et nécessiteront l'examen d'un expert au préalable pour identifier l'article en question, moyennant finance bien entendu. Bref, vous l'aurez compris, Dark Law n'épargne rien au joueur et peut décourager les moins persévérants.
Si la progression du jeu s'avère être dans le plus pur esprit d'un Dungeon-RPG, avec sa ville où l'on se prépare et son unique donjon, le système de combat quant à lui rentre clairement dans la catégorie Tactical puisque l'on déplace ses personnages sur la zone d'affrontement grâce à une jauge de mouvement. Cette dernière peut-être mise à mal si votre équipement est trop lourd, limitant vos mouvements et donc vos possibilités. Oui, le jeu n'était déjà pas assez difficile comme ça, il fallait bien pimenter un peu la chose avec une gestion du poids en plus. Mis à part ça, on reste dans du tour par tour bien classique, simple et efficace, rien à signaler.
Ars Moriendi
Comme dit précédemment, le titre assume son héritage RPG occidental, jusqu'à l'aspect aléatoire de l'augmentation des statistiques à chaque montée de niveau, sous forme de jet de dés invisibles. Il faut donc être bien attentif à ce que l'on gagne au moment du level up, quitte à relancer sa sauvegarde pour obtenir un meilleur résultat. D'autant plus qu'il est même carrément possible de perdre des points dans une caractéristique, la perfidie des développeurs n'ayant décidément pas de limite… J'insiste une dernière fois sur le caractère impitoyable et extrême du titre, bien au delà de la plupart des autre RPG sur le même support, qui ne le destine donc pas à tout le monde. Néanmoins Il faut reconnaitre que, passé la première moitié du jeu, réellement hardcore et sans concession, la difficulté tend à disparaitre petit à petit par la suite, une fois que l'on maitrise bien tous les paramètres et les avantages que le titre propose.
En ce qui concerne l'aspect esthétique, Dark Law s'en sort avec les honneurs, sans briller tout particulièrement, ce qui est fort regrettable pour un titre de fin de vie d'une machine. Les environnements, sont toutefois corrects avec parfois de beaux passages, et le jeu reste agréable à l'œil malgré une palette de couleurs peu variée. Les musiques sont du même acabit, avec de sympathiques mélodies collant plutôt bien aux situations, mais côtoyant d'autres moins agréables, à l'image du thème de la ville, franchement moyen. L'ergonomie aurait par contre gagnée à être mieux travaillée, notamment lors de la navigation dans les différents menus de la cité, pas toujours des plus aisés. Un autre point gênant réside dans le fait que la console n'enregistre pas les paramètres dans les options, particulièrement celui qui supprime le texte envahissant durant les combats. Le bouton Reset de la super famicom étant extrêmement sollicité, il faut donc toujours penser à revenir dans le menu à chaque allumage pour les décocher, sous peine de ralentir inutilement les affrontements.
Difficile de noter un titre tel que Dark Law : Meaning of Death, tant le challenge extrême du titre ne le réserve qu'aux plus persévérants, à ceux que la mort à répétition n'effraie pas. Les autres passeront probablement leur chemin dès les premières heures de jeu, laborieuses et décourageantes, pestant sur le caractère injuste du gameplay. Et c'est bien dommage, tant le jeu sait se rendre généreux envers le joueur, lui apportant un véritable sentiment de satisfaction à chaque obstacle franchi, à l'instar d'un Dark Souls par exemple. Mais quel que soit votre camp, vous y découvrirez un RPG à l'approche différente, plus centré sur la narration que sur le combat, et brillant par une relative absence de linéarité très appréciable. Avis aux amateurs.
09/03/2019
|
- Gros challenge
- Les différentes petites histoires
- Progression non linéaire
- L'influence jdr occidental
- Musicalement agréable
|
- Difficulté outrancière
- Navigation en ville pénible
- Graphiquement inégal
- Le jeu ne sauvegarde pas les paramètres
|
TECHNIQUE 3/5
BANDE SON 3.5/5
SCENARIO 3/5
DUREE DE VIE 3.5/5
GAMEPLAY 3/5
|