Disgaea n'est pas passé inaperçu en France, au moins au point de vue critique : le Tactical Rpg de ce groupe inconnu sous nos latitudes (Nippon Ichi) a été très bien accueilli et pouvait même être admiré en première ligne dans les magasins spécialisés (et même un peu moins spécialisés parfois). Cependant, le tarif auquel on a pu rapidement se le procurer (neuf) porte à croire que le succès critique n'a pas été accompagné du succès "joueur" qu'il méritait. Le jeu n'a-t-il pas été vanté simplement parce qu'il était l'un des rares représentants du genre à sortir chez nous ? Ne s'agit-il pas au fond d'un "petit" Tactical qui ne saurait ravir que les joueurs les moins avertis ou, au mieux les enfants?
Sous ses airs d'introductions au genre, par son côté rigolo et coloré, Disgaea est une excellente surprise qui pourrait combler même les spécialistes.
Sympathy for the Devil ( Jagger / Richards... ah, non, Nippon Ichi Software )
Disgaea (intégralement en anglais, ce qui n'a pas empêché mon petit frère - alors âgé d'une grosse dizaine d'années - d'y jouer) nous compte le destin du "Netherworld", un monde plus souterrain qu'autre chose au sein duquel les valeurs prônées sont le meurtre, le vol, la trahison. Comme l'écrivait l'auteur du "Gentil petit diable" (Pierre Gripari), là-bas, "c'est bien d'être méchant". Or, ce monde vient de perdre son roi (ne me demandez pas d'écrire son nom) dont le fils (un jeune diablotin de plus de 2000 ans) doit prendre la place. Ce fils, c'est Laharl, le héros principal de l'aventure. Et la fête commence lorsque votre valet (Etna) tente de vous réveiller d'un long sommeil. Vous explorez quelque peu le château dont vous êtes désormais le souverain pour vous apercevoir rapidement que depuis la mort de votre père, tout le monde ne rêve que d'une seule chose, à savoir vous prendre votre place. Vos talents de tacticiens vont être mis à rude épreuve puisqu'il va falloir ramener à la raison quelques seigneurs un peu trop vindicatifs.
Le contexte, enrichi de milles rencontres et de la visite de lieux divers et variés est le point de départ d'un scénario qui n'est pas, à vrai dire, très complexe : vous allez certes rencontrer des anges et des humains, certains personnages qui ne sont pas toujours, ni ceux que l'on croit, ni dans le camp dans lequel nous les mettons a priori (il n'y a pas ici de méchants ni de gentils, mais plutôt des méchants gentils, des méchants méchants et des très méchants destructeurs). La richesse du soft ne se situe pas ici, mais plutôt dans l'ambiance étrange qui se met en place petit-à-petit : nos petits diablotins (et autres) sont très attachants, et leur méchanceté rappelle le plus souvent nos propres caprices, les anges sont bons mais un peu naïfs (un beau spécimen vous accompagne tout au long de l'aventure). Vous rencontrerez quelques humains, quelques-uns sont mauvais, quelques autres sont rigolos. Les dialogues qui ponctuent l'avancée du scénario donnent une tonalité dérisoire au scénario, les éclats de voix sont légions, les disputes habituelles et aucun personnage ne peut se retenir plus de deux répliques avant de dire une absurdité. Laharl, Etna vont parcourir le Netherworld et rencontrer quelques camarades aussi "touchés" qu'ils le sont eux-mêmes. L'ambiance de Disgaea est donc tournée du côté de l'humour, même si quelques moments font place à l'émotion, et si la confrontation perpétuelle entre des "peuples" si différents donne lieu à quelques réflexions bien vues (et cependant traitées avec la légèreté qui convient ici).
La réalisation est satisfaisante, les dialogues sont statiques mais les arts sont sympa, la 3D des combats n'en met pas plein la vue mais suffit à immerger le joueur dans la barbarie colorée qui caractérise Netherworld. Les musiques sont particulières dans la mesure où elles sont justement, au service de cette ambiance si décalée. Elles ne restent pas dans les annales, mais ce n'est pas ici le but. Bref, couleurs, musiques et répliques sont au service d'un environnement dans lequel on est aspiré après quelques heures de jeu seulement.
Devenez géostratèges, révolutionnez le T-RPG
Disgaea est un Tactical Rpg en apparence très classique : les personnages peuvent attaquer, utiliser un objet, bouger ou exécuter une technique (qui consomme des SP) en fonction de sa classe ou de sa personnalité propre (concernant les personnages singuliers). Cependant, en combat déjà, on note quelques originalités : vous pouvez porter vos coéquipiers pour leur faire franchir des précipices (ou porter des adversaires pour éviter qu'ils attaquent, au risque de succomber sous le poids de leurs fautes). Par ailleurs, les dégâts infligés de manière successive sur le même adversaire sont majorés (on peut appeler cela un "combo" même s'il n'est question ni de bas-MK, ni de quart de tour) et une certaine disposition de vos combattants permet de produire des attaques groupées. Par ailleurs, le terrain de combat est occupé par des "géocases" et des "géosymboles" qui modifient ses propriétés (HP +, téléportation...). L'explication ne peut se faire que par l'exemple tant ce système est unique. Imaginez... Le terrain comporte des cases rouges, des cases jaunes, des cases bleus. Sur une des cases rouges se situe un géosymbole (disons... vert) avec pour effet téléportation. A la fin du tour, tous les personnages se trouvant sur une case rouge se trouve téléportés ailleurs sur la carte. Et les effets sont variés ! Par ailleurs, la "géostratégie" permet non seulement de modifier les propriétés des cases, mais également de les supprimer purement et simplement, et également d'infliger des dégâts aux combattants qui se situent sur elles. Si vous détruisez le géosymbole qui se trouve sur une case dont la couleur n'est pas la même que la sienne, une réaction en chaîne s'en suit. Par exemple, si vous détruisez le géosymbole vert qui se trouve sur une case rouge, toutes les cases rouges deviennent vertes, infligeant au passage des dégâts. Et si vous arrivez à créer une réaction en chaîne qui induise, au prix d'une seule attaque, plusieurs changements de couleurs, non seulement les dégâts sont très importants, mais vous faîtes monter une barre de bonus en vertu de laquelle vous obtenez des récompenses à la fin des combats. C'est compliqué parce que c'est nouveau, mais c'est très sympa et très tactique.
Disgaea, c'est... PRESQUE trop !
Cependant, la véritable originalité et la véritable force de Disgaea se situe ailleurs, dans la gestion. Deux types de personnages s'offrent à vous : les personnages de scénario et les mercenaires ("les canailles" qui vous servent d'armée, comme le disait le dos de la boite française). Les classes sont innombrables (sans compter les monstres) et lorsqu'un de vos personnages en crée un autre, ils deviennent maîtres et disciples et peuvent utiliser (
lorsqu'ils se trouvent l'un à côté de l'autre) les mêmes sorts, et finalement les faire leurs. Un bon moyen pour faire de Laharl une machine à tuer. Chaque personnage peut équiper n'importe quel type d'arme, même si ses compétences sont définies a priori par son profil. Les armes permettent d'apprendre les sorts qui y sont attachés. Mais la nouveauté, c'est que non seulement le niveau monte jusqu'à 9999 (mais ça peut monter très vite - cf "Cave of Ordeal 3") mais en plus, vos personnages peuvent transmigrer : moyennant de la Mana (et c'est peut-être pour cela qu'il n'en reste qu'une sur Legendra - je sors), le personnage retourne au niveau 1, peut changer de classe, mais conserve ses sorts et gagne quelques points de statistiques de bonus.
Le personnage devient également plus fort en vertu d'un bon équipement, et là c'est une révolution qui assure des centaines d'heures de jeu (sans rire) : vous pouvez pénétrer dans chaque objet. A l'intérieur, des cartes de combats se succèdent, et chaque victoire assure une augmentation des statistiques de l'objet en question. Pour avoir une bonne épée, une bonne armure, rien de tel qu'une petite virée dans le monde des objets, infiniment riche, d'autant plus que certains objets présentent jusqu'à cent niveaux ! Bref, tout est mis en place pour faire de vos personnages des machines à tuer, ce qui n'est pas indispensable pour qui veut finir le jeu (un niveau 90 suffira) mais se révèle de première nécessité pour qui veut se faire les plus gros boss (niveau 6000 recommandé).
Pour débloquer de nouveaux lieux, de nouvelles options dans les boutiques, il vous faudra faire une demande devant l'assemblée mystique, dans laquelle vous pouvez bien sûr corrompre les monstres qui y siègent, au prix d'objets que vous leur donnerez. Si cela ne marche toujours pas, prenez les armes et combattez dans l'assemblée. C'est par ce biais que vous aurez accès aux dernières cartes bonus Cave of Ordeal ! Cave of Ordeal !), ou encore à diverses options vous facilitant la tâche (baisse des prix, augmentation ou baisse du niveau des ennemis). Pour conclure sur ce point, le système de Disgaea est infiniment riche, et tout se passe dans votre château, ou vous pouvez également faire des achats ou vous faire soigner à l'hôpital.
Le but de Disgaea est ouvertement de vous faire jouer à n'en plus finir, pour en faire le tour, il faut sans doute des centaines d'heures, d'autant plus que le new game plus est de rigueur, vous permettant de conserver vos statistiques, de découvrir les multiples fins et vous poussant à devenir toujours plus fort. Il est fort prenant de chercher la puissance, d'autant plus que le défi est à la hauteur, avec notamment quelques boss (optionnels) d'une puissance incroyable, mais cela a aussi son pendant : Disgaea demande beaucoup de votre temps et tend parfois vers la Pokemonïte ("j'entraîne ! j'entraîne ! j'entraîne" - notez que je n'y ai jamais joué). La durée de vie est énorme, presque infinie pour une vie humaine et celui qui a le temps de s'y investir trouvera là de quoi s'occuper.
On pourra toujours reprocher à Disgaea d'être trop axé sur le levelling à tel point que le scénario finit par passer au second plan,et que la Tactique peut rapidement disparaître derrière le déluge de puisance. Cependant, le levelling n'est pas ici synonyme de répétition incessante : entre le monde des objets, la possibilité de recommencer l'aventure en conservant vos statistiques et les nombreux défis proposer en marge de la quête principale, vous en aurez pour votre argent. Disgaea, en apparence très classique, est d'un gameplay redoutable et - comment dire ? - "addictif". Les batailles demandent la mise en oeuvre d'une tactique nouvelle en vertu du système de géostratégie et l'ambiance à quelque chose de rafraîchissant. Si ce n'est pas le jeu du siècle, il propose un bon nombre de nouveautés qui en font un jeu unique qui ravira ceux qui prendront un peu de temps pour en pénétrer la richesse. Disgaea est un très bon Tactical, qui peut servir d'introduction au genre tant la difficulté est en quelque sorte laissée à la liberté du joueur ( qui s'impose les défis qui lui conviennent ) et que je recommande à tous. Si vous aimez, je ne puis que vous inciter de vous tourner vers La Pucelle: Tactics, Soul Nomad and the World Earters, ou encore vers le chef-d'œuvre qu'est Phantom Brave.
20/03/2007
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- Une ambiance nouvelle et riche, servie par des personnages sympas, des graphismes colorés et une bande-son correcte
- Une richesse proprement démoniaque au point de vue de la gestion des troupes
- Un gameplay novateur
- Une durée de vie infinie
- L'humour omniprésent
- La prise en main reste progressive et le jeu est accessible à tous
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- Le scénario décevra les habitués du genre
- L'ambiance ne plaira pas à tous
- Beaucoup de levelling
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TECHNIQUE 3/5
BANDE SON 3/5
SCENARIO 2/5
DUREE DE VIE 5/5
GAMEPLAY 4.5/5
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