A chaque génération de consoles ses jeux se pavanant à la vue de tous, et également son lot de jeux plus confidentiels, tapis dans l'ombre en espérant un jour pouvoir grapiller un peu de cette lumière. Sorti en 2007 en Europe, Falling Stars du studio Ivogalmus est ainsi resté dans l'ombre de jeux quelques peu surfaits sortis la même année -Valkyrie Profile 2, Rogue Galaxy ou Final Fantasy XII par exemple, la plèbe laisse vraiment tout passer !-, sans même avoir eu le temps de faire valoir ses atouts insoupçonnés : retour donc sur ce RPG Lituanien (et dieu sait qu'ils sont rares!) 'pour les enfants' qui cache bien son jeu, dont notamment un incroyable double niveau de lecture !
Falling Spirit
Protégé par les esprits, le petit monde de Dazzleon est pourtant sur le point de connaitre les heures les plus sombres de son histoire, pires que celles narrées par votre cousin lorsqu'il bosse chez Amazon pendant la période de Noël. L'éveil d'un sombre pouvoir inquiète le roi des Esprits, qui dépêche un de ses sujets pour aller enquêter sur place. L'intéressé prend alors le contrôle du corps de Luna, jeune habitante de ce monde, et ne tarde pas avant de trouver le fieffé responsable : Matt, l'oncle de Luna, qui dans ses recherches géologiques a mis au jour d'anciennes recherches alchimiques qu'il utilise pour pervertir la faune et la flore, et également un peu lui même. Bien décidée à stopper son oncle, Luna pourra alors compter sur l'aide providentielle de Komi, sorte de koala-ours bleu bien plus puissant qu'il n'y parait. Et il faut au moins ça pour stopper la vague de créatures agressives qui se balade désormais dans Dazzleon.
Faisant fi de toute introduction,
Falling Stars jette directement le joueur dans l'action en lui donnant immédiatement le contrôle de l’héroïne et en le laissant libre de ses actions. Un bon point alors que l'aventure débute à peine, et ce bien en marge de tous ces RPG ne décollant qu'après 1, 2, 3 heures de jeu ! Une rapide assimilation des commandes passée et la porte de la maison de Luna franchise, l'aventure commence enfin. Et attention à ne pas sous-estimer la puissance textuelle de l'aventure : certes Dazzleon est à peine plus grand que la moitié du village Kokiri de
Ocarina of Time, oui il ne comporte qu'une dizaine d'habitants, certes l'existence de gros temps de chargement entre chaque zone porte à interrogation ; mais les rapports de Luna avec ses compatriotes incarneront nombre de thématiques modernes ou philosophiques qui rattraperont tout ça. Il faut savoir aller au delà des apparences car même si le jeu possède un niveau d'écriture similaire à celui d'un enfant de CM1, le sous-estimer signifiera passer à côté de riches discussions sur la vacuité de l'existence, l'égalitarisme, la place de la religion, la recherche post-sociétale du bonheur, le post-structuralisme ou encore l'opposition entre modernisme et traditionalisme. Et tout ça traité avec intelligence, sans censure aucune, dans un maelstrom verbeux et réfléchi que même Nietzsche en Super Saiyan 4 n'aurait pas osé imaginer. Une vraie réussite.
La chenille qui devient papillon
Lancée sur les routes de Dazzleon, Luna est totalement libre de ses mouvements. Bien sûr dans de la limite des routes disponibles (il faut savoir que
Falling Stars a été la source d'inspiration n°1 de
Motomu Toriyama pour la structure de
Final Fantasy XIII !) et de sa barre d'endurance. Plutôt lente et robotique dans ses mouvements - probablement par souci contemplatif, un personnage lent offre ainsi plus de temps pour s'imprégner de la direction artistique, bien vu l'artiste ! - Luna dispose d'une barre de sprint qui se vide en quelques secondes mais nécessite quelques minutes pour se regonfler. Un aspect qui se veut réaliste dans la perception de l'individu (qui n'est qu'un être humain, après tout) et que chacun jugera à son niveau.
Figure centrale de Dazzleon de par son volontarisme et son courage, Luna va également devoir veiller au maintien de la cohésion sociale dans la contrée en plus de ses obligations storyliennesques. Un effort nécessaire et payant dans la mesure où toutes les récompenses et les conclusions qu'elle accumulera, elle comme le joueur, lui seront utile tant matériellement que moralement dans son évolution en tant qu'entité humaine. Ainsi, pas moins de 18 quêtes et 7 activités, toutes différentes, seront réalisables : sauver un chaton en empilant des coussins, nettoyer le sol d'un labo, livrer des médicaments ou capturer des lapins ne sont que quelques-unes des tâches que Luna pourra réaliser pour aider son prochain. Néanmoins certaines ne seront pas facile à déclencher, et il faudra jouer avec l'intersubjectivité et la notion de critique apparente des habitants de Dazzleon pour pouvoir leurs décrocher plus de mots que d'habitude. En effet, par le biais d'un système de changement de costumes, Luna pourra influencer l'appréciation des habitants à son égard. Une étape nécessaire et ardue pour obtenir des objets rares et des sous. Bien sûr vous pouvez également outrepasser toute cette partie, mais ça serait renier l'incroyable apport culturel, sociétal et ludique de l'ensemble.
Martialo-psychanto-ludisme
L'autre partie du jeu touche au combat, et c'est le partenaire de Luna, Komi l'ours-koala bleu, qui sera le principal acteur de cette partie. Mais au préalable, il faudra d'abord provoquer le combat, chose qui se fera au contact de petites boules colorées se baladant sur le terrain. Et rien qu'avec cet aspect, le jeu offre déjà une petite leçon de vie sur la notion de rapport au danger : on pourrait croire que l'étalage de couleurs va crescendo en fonction du degré de dangerosité, que nenni, on peut très bien se faire dérouler par l'occupant d'une innocente boule couleur verte ! Méfiance et révision des codes établis, Falling Stars vous inculque encore une fois quelque chose.
L'affrontement en lui même conserve cette notion de dangerosité. Ne jamais sous-estimer son adversaire, faire face à toutes les éventualités, car un combat n'est gagné qu'au moment ou l'un des deux adversaires est à terre, et ce au terme d'un dantesque affrontement au pierre-papier-ciseaux. A chaque fois que la barre d'action se remplit, la boule de poil bleue va, comme son adversaire, avoir le choix entre une attaque faible, moyenne ou forte, tandis que la partie adverse va avoir un choix similaire mais en défense. Faire correspondre deux éléments identique résultera en une réduction de dégâts, l'inverse provoquera des dégâts 'proportionnels' à l'écart entre les deux choix (autant dire qu'on déguste bien si l'adverse choisi une attaque forte et que l'on choisi une défense faible). Seule lueur d'espoir dans la furie des combats, un message lors du tutorial qui nous prévient que les ennemis ont un enchainement bien précis de mouvements ; mais très vite on s’aperçoit que c'est une stratagème malfaisant visant à déstabiliser le joueur, le comportement plus qu’aléatoire des adversaires ramenant à la réalité du combat, dure, inflexible, parfois injuste. Une philosophie martiale dans sa forme la plus pure, avec une petite touche métapsychique digne de Fight Club quand on voit l'état euphorique de Komi à chaque affrontement.
Komi gagnera des niveaux et donc des points de statistique au fil des combats (d'ailleurs je ne sais toujours pas à quoi sert l'endurance, ça n'augmente ni les PV et ça ne réduit pas vraiment les dégâts, ce jeu est vraiment plein de mystères). Tel un sportif espagnol, il sera également possible d'augmenter drastiquement ses performances en lui faisant ingurgiter diverses mixtures qu'on peut obtenir auprès des amis de Luna, moyennant finance. Luna aura également la possibilité d'apprendre des tours à Komi en plus de pouvoir apprendre elle-même des sorts de magie blanche et d'utiliser des objets en combat pour transformer son champion en véritable Chuck Norris du monde animal ! Une véritable relation symbiotique entre l'humaine et son compagnon marsupial, qui pourrait presque être qualifiée de maternelle, et qu'on pourrait presque métaphorer comme la puissance de l'amour et de l'amitié surclassant toutes les épreuves du quotidien. Et il faudra au moins ça pour affronter les caprices de Dame Fortune, qui mettront à rude épreuve ce lien tout comme la patience du joueur, véritable gladiateur dont l'endurance et la fougue seront les seules armes pour faire face à des duels variant du longuet au très longuet en passant par l'interminable.
Monet x Picasso dans ma cathodique
Transcendant littéralement les codes du jeu-vidéo sur le fond, le développeur s'est également défoncé pour créer l'esthétique, l'univers qui pourrait au mieux contenir tant de puissance vidéoludique. Optant pour un choix de couleurs pastels collant parfaitement à l'univers, Falling Stars transforme un simple décor qu'on jugerait enfantin en une véritable œuvre impressionniste qui n'est pas sans rappeler du Manet ou du Gonzales, ou la déstructuration formelle propre et la notation du fugitif sont bien sûr de rigueur. Un exercice qu'un Aonuma impressionné voudra réitérer, non sans mal, avec The Legend of Zelda : Skyward Sword. Le chara-design s'inscrit dans cette lignée perfectionniste avec un impressionnant souci du détail, ou expressions et gestuelles s'accordent parfaitement avec l'histoire dans ce qui constitue les prémices d'un ascenseur émotionnel qui prend aux tripes. Le point d'orgue étant la bande son, qui même si elle ne brille pas par son nombre de pistes (qu'on peut compter sur les doigts d'une main - enfin, des deux mains) enchante les tympans par ses rythmes enivrants, ses recherches composites osées et surtout une magnifique maitrise du klaxon pouet pouet dans certaines pistes et dans les nombreux effets sonores.
Comptez environ 8-10 heures pour une première partie, une expérience à éventuellement renouveler car le jeu dispose de trois modes de difficulté, sans compter les nombreux tableaux de scoring pour ceux aimant se dépasser. N'oublions pas non plus de citer le fait que le jeu est disponible en cinq langues en plus d'un prix tout petit, preuve que le développeur a mis toutes les chances de son côté pour diffuser son œuvre au plus grand nombre.
Bon, sans déconner : qu'est ce que c'est que ce truc ? Quand bien même ce jeu vise les jeunes joueurs, sortir un tel bouzin est presque criminel et dégouterait presque du RPG plutôt que d'en faire une porte d'entrée. Il n'y a rien à en tirer tant du point de vue narratif que ludique ! Encore durant la période des 16/32 bits et en comptant sur l'inadvertance des parents le développeur aurait pu en tirer quelque chose, mais au 21ème siècle, surtout pendant l'ère de la Playstation 2...?
07/10/2014
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- Un RPG Lituanien dans vos RPG finis
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- Bwwwehehehehe
- Mwahahaha
- Aha...ahahaBWAAHA !
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TECHNIQUE 0.5/5
BANDE SON 0.5/5
SCENARIO 0.5/5
DUREE DE VIE 1/5
GAMEPLAY 0.5/5
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