Deus Ex, titre affilié à la catégorie FPS-RPG (qui n'avait pas beaucoup de représentants à l'époque) se plaçait dans un univers cyberpunk sorti tout droit de l'imagination de Warren Spector (qui avait notamment travaillé sur les deux System Shock). Le titre connut un succès critique tout bonnement hallucinant à sa sortie, grâce à la richesse de son gameplay ainsi qu'à la profondeur de son scénario, notamment. Les ventes du jeu sont cependant faibles par rapport à ce succès médiatique. Malgré cela, aujourd'hui, c'est le soft de Ion Storm qui vient à l'esprit des joueurs lorsqu'on parle de FPS-RPG, un véritable jeu culte qui se devait d'avoir une review ici. Je tenterai donc de rendre justice au soft avec ces quelques lignes.
Alors, toujours aussi culte ou a-t-il mal vieilli? Après une grosse demi-heure passée à configurer toutes les commandes possibles, on tâte enfin le soft et on l'examine...
Un univers cyberpunk au service d'un scénario dantesque
Dans un futur proche sur notre chère planète Terre, le joueur incarnera JC Denton, l'un des premiers humains modifiés par des implants de nanotechnologies qui décuplent ses capacités physiques et psychiques. Tout droit sorti de l'académie, il est très vite intégré à l'UNATCO, une agence Américaine de lutte contre le terrorisme. L'identité du personnage n'est donc, ici, pas au choix du joueur, la seule personnalisation que vous pourrez effectuer est la sélection d'un portrait parmi les différents types proposés, qui sont ma foi peu nombreux.
Dans ce futur proche (la date n'est jamais indiquée dans le jeu), le monde est en proie à une pandémie, la Peste Grise, et chaque jour une partie de la population mondiale est anéantie. Les hommes ne sont pas restés les bras croisés, et après collaboration entre les États, un vaccin a été mis au point : L'Ambroisie. Celui-ci a déjà fait ses preuves et est très efficace, mais il n'est disponible qu'en de très faibles quantités et est donc distribué aux personnes considérées comme essentielles à la société. Cette politique aboutit à un monde déchiré dans lequel une partie de la population est exclue et condamnée à mort (à long terme), infectée par cette nouvelle forme de Peste. La Poussée du Terrorisme vient de ce phénomène : les exclus, refusant leur sort, se forment en groupuscules comme le NSF aux USA ou le groupe Silhouette en France, qui tentent de dérober des cargaisons d'Ambroisie aux autorités. C'est là que l'UNATCO intervient, et donc JC Denton, qui aura pour première mission de libérer le QG de l'UNATCO basé sur Liberty Island, récemment attaqué par un groupe du NSF. Bien entendu, n'étant pas qu'une machine, notre JC National se rendra vite compte de la subjectivité de la notion de terrorisme, et que l'ennemi de l'UNATCO sait des choses qui ne lui ont pas été communiquées.
Le scénario de
Deus Ex profite d'un background étoffé et le joueur est en permanence informé des événements précédant l'aventure par des livres ou des bases de données informatiques. On est littéralement happé dans cet univers sombre et réaliste : une vision négative du progrès, une vision du Monde en crise et englouti sous les conflits locaux. Cette trame est cependant dirigiste, il n'y a pas de place pour des choix influençant réellement l'aventure, mis à part dans la toute dernière heure de jeu où un choix parmi trois sera imposé, menant à l'une des trois fins (ce qui permettra aisément de toutes les visionner) dont une, extraordinaire et magnifique. Pour finir, pas d'inquiétude, l'histoire - basée notamment sur la théorie du complot - est prenante, bien rythmée, profonde et bourrée de retournements de situation. Se déroulant aux quatre coins du globe, elle entraînera JC Denton de New York à Paris, en passant par Hong Kong. Une perle...
(Kivi propose une analyse très complète de cette histoire ici. Article qui devrait ravir les amateurs de ce genre d'écrits)
La dure vie d'un agent cybernétique.
Le soft se divise en « Missions » : le joueur est lâché dans une zone où il aura un objectif principal à accomplir, agrémenté parfois d'objectifs secondaires rapportant des récompenses. Ces zones sont généralement constituées de lieux de rencontre avec des PNJ comme des bars ou des hôtels, ainsi que du « niveau » en lui-même où doit être réalisé l'objectif principal. Un aspect très RPG, donc, que ces interactions, qui permettront de faciliter votre mission par l'obtention de codes d'accès, identifiants aux terminaux de sécurité, ou bien des munitions... vitales. Même si ces zones sont généralement assez petites, elles disposent d'une agréable quantité d'objectifs secondaires à accomplir, de salles secrètes contenant de petites joyeusetés à découvrir, des PNJ vendant différents accessoires, bref tout pour préparer votre mission principale et développer votre personnage en vue des épreuves qui l'attendent. La succession de missions sera parfois entrecoupée de phases dans une base amicale où vous trouverez également infirmerie, labo de nano-modification, armurerie et autres secrets...
Vous l'aurez compris, Deus Ex n'offre pas beaucoup de liberté d'exploration. On peut également remarquer que notre cher JC Denton est un animal nocturne, le scénario et le jeu se dérouleront intégralement la nuit, pas très immersif ni très libre malgré le renforcement de l'ambiance un peu glauque du titre.
Mais tous ces lieux de rencontre, au-delà de proposer un simple aspect RPG, permettent d'immerger le joueur dans l'ambiance du titre. L'ambiance cyberpunk et fortement marquée : là ou les niveaux font ressortir le côté science-fiction, ce sont ces lieux d'interactions avec la population qui montrent la dystopie du monde: les SDF sont partout dans les rues, les hôtels sont branlants et doivent accueillir les malfrats pour pouvoir se rentabiliser, certaines femmes sont contraintes à la prostitution, la majesté des villes-monde n'est plus, tout n'est qu'utopie inversée ne pouvant qu'impliquer davantage le joueur dans cette vision noire du futur.
Ce n'est donc pas forcément dans la sensation de liberté qui faudra rechercher l'intérêt de Deus Ex, mais bien dans le reste de son gameplay, qui est extrêmement bien huilé.
Deus Ex est un FPS, mais pas que...
Le système de combat n'a rien d'extraordinaire, c'est du FPS très classique. Disposant de différentes armes, il faudra tirer sur l'ennemi en visant la tête si possible pour tenter le jouissif « Head Shot » (tir à la tête) et tuer en un coup. On pourra également tirer partie du terrain en faisant exploser des barils, des caisses d'explosifs ou de gaz toxique. JC Possède 100 points de vie sur chaque partie de son corps, à savoir qu'il meurt si son torse ou sa tête perdent leurs PV , qu'il se déplace très mal si ses deux jambes sont « amorphes » et que sans bras, il ne peut plus utiliser d'arme. Pour se soigner, on retrouve les très connus Medikits.
Là où Deus Ex surprend, c'est par l'intégration parfaite d'éléments d'évolution du personnage, propre souvent au genre RPG, au système de combat FPS. En effet, lors de la création du personnage on peut répartir 5000 points d'expérience pour augmenter le niveau de maîtrise de différentes disciplines regroupant les catégories d'armes (lourdes, blanches, fusils, de poing, de démolition) et d'autres comme le piratage informatique, l'électronique, le crochetage, la nage, la médecine...
Ces catégories possèdent 4 niveaux de "Nul" à "Expert", et permettent par exemple à une arme de bénéficier d'un viseur moins large et donc d'atteindre la cible plus souvent. Cela permet également de réduire le temps de verrouillage d'une cible ou encore d'augmenter les dégâts occasionnés par cette arme. En gros, ne comptez pas trop sur le Sniper si vous avez décidé de vous la jouer gros bourrin en arme lourde (du moins au début). Les points d'expériences s'acquièrent en avançant dans la quête principale, en découvrant des secrets ou en accomplissant des objectifs annexes, de façon classique. Cet aspect RPG du gameplay est très appréciable et permet de constater une vraie évolution, une vraie montée en puissance de son personnage.
L'autre aspect RPG vient des implants que vous pouvez rajouter sur JC Denton, sous forme de Modifico-prismes trouvés lors des missions. Chaque prisme permet de choisir entre 2 implants différents qui modifient vos capacités physiques lors de leur activation (amplification des sauts, régénération, augmentation de la force pour soulever des objets plus lourds...) via l'inventaire ou via raccourcis. Ces modifications peuvent être améliorées par des amplifico-prismes, objets plus rares, il faudra donc encore choisir quelle modification privilégier. Garder une modification activée sur la durée consomme une réserve d'énergie Bio-électrique qui peut se régénérer via les objets adéquates. Enfin, pour stocker armes et objets, on dispose d'un inventaire de capacité relativement faible qui nous empêchera de trimballer tout un arsenal. Il faudra donc choisir scrupuleusement et en fonction des spécialités de JC les différentes armes à transporter.
Un côté RPG très agréable donc, qui donne l'impression d'avoir plus de prises sur son personnage que dans un FPS classique.
Deus Ex est bien plus qu'un FPS bourrin puisque le déroulement des niveaux incite justement à se la jouer le moins rentre-dedans possible. Cela se voit au level-design qui est tout bonnement un coup de maître. En effet, pour passer d'un point A à un point B, il y aura toujours énormément de solutions : si vous excellez en piratage, piratez le système de sécurité, si vous savez crocheter... déverrouillez les conduits d'aération, si vous assurez en électronique, ouvrez une porte fermée par digicode, et si vous aimez la démolition, un petit explosif sur la porte et on en parle plus. Sachant que chaque méthode a ses pendants, une porte ne nécessite par exemple qu'un explosif alors qu'il faudra user de plusieurs passes-partout pour l'ouvrir. D'un autre côté, crocheter une serrure est bien plus discret que de la détruire, car bien entendu le bruit est géré dans Deus Ex (jusqu'à celui des pas).
Cependant, le jeu est toujours bien fait dans la mesure où même si les accessoires nous manquent (explosifs, crochets, décodeurs...) il restera d'autres solutions : passer en mode « pas subtil » en déclenchant toutes les alarmes et en affrontant tous les gardes (très difficile), passer en mode infiltration en se plaçant dans les angles morts des caméras, en évitant les déclencheurs d'alarmes et en éliminant le moins possible d'ennemis et en silence, ou encore farfouiller le niveau pour trouver des identifiants d'accès aux terminaux de sécurité.
Le level design est, sans doute, le point qui impressionne le plus dans Deus Ex, il se prête allègrement au gameplay FPS-RPG et rend celui-ci parfait ou presque... À déplorer, une IA des ennemis pas toujours au top notamment au niveau de la gestion des obstacles. Malgré ce petit défaut, le gameplay est résolument LE point fort de Deus Ex.
Technique Deus Ex
C'est sur la technique que Deus Ex peut rebuter, le Soft n'a vraiment pas bien vieilli. Les décors sont anguleux, les rares arrières-plans en 2D sont mal intégrés au jeu, les personnages sont moches, mal modélisés et les animations faciales sont minimalistes lors des dialogues. Problématique alors que de gros plans sont régulièrement effectués. Les textures ne sont pas extraordinaires mais se laissent cependant regarder sans trop saigner de l'œil. Ajoutons à cela des effets de lumière d'époque, c'est à dire pas terrible, pour un titre où l'ambiance se prêtait bien à des jeux sur l'ombre et la lumière. Techniquement tout juste correct à sa sortie, le jeu aujourd'hui est clairement douloureux pour les pupilles, il faudra passer outre cet aspect pour apprécier.
A côté de ça, la bande-son est de très bonne facture, les thèmes de combats changent régulièrement et sont excellents, tout comme les thèmes des différents niveaux. Les bruitages sont cependant d'une qualité discutable mais n'entachent pas le plaisir de jeu. Mention spéciale pour les doublages anglais que j'ai trouvé vraiment bons.
La durée de vie est d'environ d'une trentaine d'heures (pas de compteur dans le jeu, malheureusement), une durée de vie parfaite pour ne pas ressentir de lassitude, ni faire traîner le scénario en longueur. Si vous êtes du genre à finir les jeux à 100%, la replay value est grande étant données les possibilités qu'offre le level-design et le développement du personnage.
Deus Ex a marqué le genre du FPS-RPG, et pour cause, c'est un véritable bijou de gameplay alliant avec Brio FPS, RPG (évolution, interaction avec des PNJ), et parfois infiltration. Couplé à un level-design de folie, le gameplay prend une profondeur incomparable, parfait (ou presque), il sera au service d'un grand scénario et d'une ambiance cyberpunk très intéressante et immersive. Les thèmes et doublages de la bande-son rendent le soft encore plus immersif malgré des défauts de bruitage. C'est un plaisir immense de jouer, même avec les yeux qui saignent à cause des graphismes vraiment repoussants.
Un jeu excellent, un "must-try" pour tout joueur qui apprécie le RPG et idéal pour découvrir le FPS-RPG.
NB : le jeu existe aussi en version PS2, selon différentes sources moins pratique à jouer, et encore plus désastreuse techniquement (malgré des cinématiques de meilleure facture). À déconseiller, donc.
10/01/2010
|
- Gameplay profond, intutitif et agréable
- Histoire passionante et pleine de rebondissements
- Level-design!
- Les thèmes musicaux et les doublages
- 3 fins faciles à voir en une seule partie
- Durée de vie adéquate
- Grosse replay value pour les plus volontaires
|
- Quelques bruitages foireux
- Les mauvaises rides en général (graphismes, IA)
|
TECHNIQUE 2/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 5/5
DUREE DE VIE 4.5/5
GAMEPLAY 5/5
|