Drakengard est un jeu dont l'identité n'a laissé personne indifférent, que ce soit pour ses lacunes techniques prononcées ou pour son ambiance malsaine et dérangeante.
Cavia réitère l'expérience cette fois-ci sur consoles HD avec
Nier, et il est tout à fait légitime à la vue des quelques vidéos et captures d'écrans, de douter de la qualité du travail fourni par les développeurs et de leur progression depuis
Drakengard. Mais attention, gare aux préjugés, car vous pourriez le regretter amèrement !
OVNI en approche.
Quiétude d'un matin printanier
Imaginez-vous quelque part. De préférence dans un de ces endroits bucoliques que nous connaissons tous, un de ceux qui conviennent si bien au départ d'une aventure, quelle qu'elle soit. Dans cet endroit où calme et sérénité règnent en maîtres sur les vertes étendues champêtres, où rien ne saurait déranger la vie des pauvres mais paisibles paysans. Tel est le cadre initial aux pérégrinations de votre héros (que vous nommerez comme bon vous semblera).
Passé un court prologue pour le moins énigmatique se déroulant plus de 1300 années avant les évènements du jeu, le joueur se voit donc attribué les commandes d'un père prêt à tout pour sauver sa jeune fille, Yonah, d'une terrible maladie mortelle : la nécrose runique. Intriguant, ce début de jeu soulève bien des questions sans réponses et nous pousse à vouloir en savoir plus. Et il ne tiendra qu'à vous de savourer ce scénario extrêmement bien construit, véritable condensé d'émotions fortes. Les révélations s'enchaineront les unes après les autres, les découvertes se bousculeront, les retournements de situation bouleverseront littéralement le cours de l'histoire et les larmes couleront. Tragique, dramatique, inévitable, fatal, tel est le sort qui semble être réservé à tous les êtres de ce monde étroit en perdition. Et, malgré la lutte acharnée menée par nos héros, le malheur et la désillusion demeureront les seules issues possibles, même dans les moments les plus heureux. Pas de méchant en ce monde, ni de gentil, seulement des personnes ou entités luttant pour leur survie, pour que perdure leur volonté dans cet univers voué à l'extinction.
La fin ne viendra d'ailleurs que partiellement clôturer l'œuvre, bien qu'époustouflante et accablante. En effet, afin de mieux comprendre le monde de Nier, de le cerner véritablement et de l'appréhender correctement, plusieurs "fins" sont disponibles. Il s'agit plus en réalité d'ajouts scénaristiques sur une certaine période du jeu, proche de la fin, qui permettent de voir le scénario d'un autre œil, de changer totalement sa vision des évènements alors qu'ils restent les mêmes. Répétitif ? Assurément, mais quasiment indispensable pour tout assimiler.
D'autre part, les doublages extrêmement convaincants et la mise en scène du titre confèrent une puissance telle aux moments forts que chaque parole prononcée, chaque regard échangé, nous transcende et nous fait frissonner. Et rien de tout cela n'aurait été possible sans des personnages d'exception. Un casting où aucun protagoniste n'est lésé, où tous sont approfondis et ont parcouru des chemins douloureux qui expliquent leurs faits et gestes. Aucun choix inconsidéré de la part des développeurs n'a été fait, tout en finesse et avec précision. Les personnages arrivent ainsi à transmettre leurs émotions avec une telle aisance que cela en devient déconcertant.
Autant dire qu'au final, l'ambiance qui résulte de cette alchimie presque parfaite est des plus singulières. On se retrouve plongé dans une histoire crue, dénuée de tabou, emplie de mélancolie et de tristesse, qui puise sa source dans des thèmes dérangeants comme la mort et la fatalité. Loin des clichés des RPG japonais habituels, Nier se veut mature et propose une expérience de jeu comme bien peu ont su le faire.
Enrobage raté ?
Moche, faible, indigne, voilà les principaux reproches fait au jeu lors de la campagne de communication. Et malheureusement on ne peut nier l'évidence, niveau technique, ce n'est vraiment pas du caviar ! Les bugs de collision sont monnaie courante et il ne sera pas rare de voir pixeliser le sol si l'on approche la caméra au plus près. Ainsi, vous aurez l'occasion de voir votre héros traverser des poteaux ou encore des ennemis dépasser des murs. Tout cela est vraiment très peu convaincant et fait penser à feu, notre bien aimée Playstation 2. Mais fort heureusement, dans la logique des choses dirais-je, aucune chute de framerate n'est à déplorer et les éléments du décor n'apparaissent pas au petit bonheur la chance comme dans un
Magna Carta 2 pour rester sur le même support, ils sont bel et bien présent dès votre entrée dans la zone. Et enfin, on peut encore se consoler en se disant que la direction artistique prise par le jeu rattrape en partie ses lacunes techniques pour quiconque saura l'apprécier à sa juste valeur. Néanmoins, après un certain
Final Fantasy XIII, le joueur aura le droit à une bonne douche froide.
En toute harmonie
Et vient enfin le moment de parler de l'OST. Cette bande son qui confère son identité au jeu, qui lui donne un cachet unique, une façon de se démarquer des productions actuelles en quelque sorte. Ici, point de thème de combat en rock progressif façon Sakuraba ou bien de pistes nerveuses. Tout se fait en douceur, en essayant d'immerger le joueur dans cette ambiance si particulière et de rester dans cette mélancolie qui sied à merveille au jeu. Et pour ce faire, Emi Evans, chanteuse de nationalité anglaise, interprète quelques chansons (au nombre de 18) sur les airs mélodieux du compositeur Keiichi Okabe, accompagnée bien souvent par des chœurs. Rien de bien surprenant jusqu'ici si ce n'est le nombre de pistes chantées. Mais voilà, la belle diva innove et choisit d'interpréter ses chansons dans des langues inventées, sorties directement de son imaginaire, bien qu'inspirées en partie des langues latines européennes. Saluons tout de même l'originalité de cette prouesse et la qualité du rendu, déroutant en premier lieu, puis jouissif lorsque l'on a saisi qu'il faut faire tomber les œillères qui s'étaient formées suite à l'accumulation des standards du RPG.
Beat them all or not ?
Ce fut un grand débat durant longtemps mais
Nier s'avère être un A-RPG pur et dur, et mature qui plus est. Certes, le cœur du gameplay fait véritablement penser à du Beat Them All comme le sont les
Devil May Cry and Co, mais le constat est là, tous les électrons qui gravitent autour font de
Nier ce qu'il est, explications...
Explosives et sanglantes sont les deux mots qui qualifieraient le mieux les phases de combat tant elles peuvent se révéler être d'une violence inouïe. Il ne sera pas rare qu'une bonne partie des murs de la pièce soient repeints avec les gerbes de sang qui émanent des ennemis. Mais le gameplay est bien loin de se limiter à cela, et pour cause, il revêt un aspect Shoot Them Up non négligeable. Cette fois ci en 3D (mais aussi avec certains passages en 2D), les adversaires vous envoient des projectiles de toutes part et il vous incombe alors de les éviter en usant de vos talents d'acrobate afin de ne pas finir anéanti. Ces feux d'artifices redoubleront d'intensité lors de vos affrontements contre les boss, véritables joutes épiques lorsqu'il s'agira des plus imposants d'entre eux.
D'entrée de jeu, le gigantisme de ces adversaires évoque les combats menés corps et âme dans les donjons d'un
The Legend Of Zelda Ocarina of Time. Mais lorsqu'en plus on découvre que ces échauffourées sont découpées en plusieurs étapes, le rapprochement est très vite fait avec la saga du petit bonhomme vert. On participe alors à des combats d'une rare intensité et qui comportent une part de stratégie certaine. Il n'est pas impossible que certains d'entre vous ressentent des sensations similaires à celles transmises dans
Shadow of The Colossus. Quant au reste,
Nier ne se targue pas (loin de là) de posséder un système innovant, il adopte donc en conséquence un simple système de niveau avec points d'expérience et les statistiques qui suivent, ainsi qu'un procédé d'amélioration de l'équipement des plus basiques qu'il soit. Comme quoi, il faut croire que le jeu qui prétendra bouleverser tous les codes du RPG n'est pas encore de ce monde.
Un léger côté MMO
Si
Nier ne peut se féliciter de posséder une très longue durée de vie en ligne droite si l'on a pour but de voir uniquement la fin normale, il peut se vanter de posséder un contenu optionnel conséquent qui saura ravir les aficionados d'annexes en tous genres. Cependant, celui-ci peut se révéler à la fois laborieux, ennuyeux ou bien au contraire extrêmement intéressant. En effet certaines quêtes, outre nous faire ramasser trois champignons et collecter deux peaux de vaches ne servent pour ainsi dire à rien et n'ont aucun intérêt si ce n'est un motif pécuniaire. En revanche, certaines annexes ont le mérite de raconter une histoire et de nous faire interagir avec les habitants des cités, elles en viendront peut-être même à vous émouvoir.
Par ailleurs, des "distractions" comme la pêche - au maniement laborieux au départ - ou le jardinage viendront égayer vos journées pour peu que l'on aime les passe-temps façon
Harvest Moon.
Pour finir et sans désépaissir le mystère qui règne autour de lui, Weiss, le livre volant qui vous accompagnera tout au long du jeu servira d'inventaire "couteau-suisse". En effet comme l'avait tenté
Avalon Code (mais de bien piètre façon), on retrouvera nombre de fonctionnalités au sein de cet ouvrage. Subtil moyen pour faire un petit peu de lecture.
Nier, c'est avant tout une ambiance de folie servie sur un plateau d'argent par une bande son de maître qui colle parfaitement au jeu et ne semble pas pouvoir s'en dissocier ; un torrent d'émotions ininterrompu qui débite un flot surpuissant de tristesse. La fatalité semble s'abattre sur les protagonistes comme elle s'abat sur le joueur. Une enclume qui viendrait s'effondrer là où la douleur nous consume déjà. Vu de cette façon là, le gameplay du jeu paraît n'être qu'un simple outil. Mais pourtant Nier arrive à en tirer une partie de son identité si puissante et unique. Il suffira alors de passer outre une technique médiocre pour découvrir un jeu qui recèle en lui quelque chose d'inexplicable et de singulier.
23/04/2010
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- Thèmes abordés
- OST magnifique et parfaitement adapatée
- Une identité unique
- Un gameplay original
- Bonne replay value
- Les Boss
- Un scénario et des personnages travaillés
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- Technique qui laisse à désirer
- L'acquisition de toutes les fins : démarche répétitive
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TECHNIQUE 2.5/5
BANDE SON 5/5
SCENARIO 4.5/5
DUREE DE VIE 4/5
GAMEPLAY 4/5
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