La plupart des vieilles séries de jeux PC - et en particulier les séries de RPG, dungeon crawlers et compagnie - qui fleurissaient à la belle époque de MS-DOS, que certains nostalgiques, curieux, fous furieux (rayez les mentions inutiles) redécouvrent en abandonware, sont toutes passées à la trappe.
Toutes ? Non ! Il reste une série, une irréductible série dont les principaux mécanismes n'ont pourtant pas bougé depuis 1990. Spin-off tactique/gestion/RPG/Wargame de la série des
Might & Magic de
New World Computing,
Heroes of Might & Magic avec son gameplay hérité de
King's Bounty (que l'on peut considérer comme l'épisode 0 de la série) est une licence à laquelle les joueurs PC sont très attachés, et qui passe maintenant de développeur à développeur,
NWC ayant arrêté le développement de nouveaux épisodes après le quatrième. Le développeur du cinquième opus,
Nival Interactive étant rentré dans la ruée vers le Free to Play avec son MMO
WoW-like
Allods Online, c’est aux développeurs de
Black Hole Entertainement qu'
Ubisoft a confié la lourde tâche de perpétuer la série.
La famille Foldingue
La campagne d'
Heroes VI commence en prenant le contrôle de Slava, duc de griffin, pour deux petites maps tutorielles avec la faction du Havre. Cependant le destin du nobliaux est de finir assassiné par sa propre fille, et sa mort va devenir un élément déclencheur du conflit qui déchire le monde d'Ashan. Ni une ni deux, le jeu vous proposera de commencer la véritable campagne du jeu composée d'une sous-campagne par faction. Au nombre de cinq, ces factions sont toutes associées à l'un des enfants de Slava. Et il faut dire que ces enfants sont des personnages très différents. Vous aurez l'occasion de suivre Anastasya - la fille chérie à papa qui a poignardé son père sous l'effet d'un sale mind control, exécutée par son propre frère et ramenée à la mort-vie par sa tante nécromancienne -, Anton, le bon prince du Havre succédant à son père au titre de duc de Griffin, Sandor le bâtard, qui n'a jamais trouvé réconfort à la cour qu'auprès de son orc de maître d'arme, Irina la fille rebelle qui a fui après avoir été mariée à une sorte de vieux chnoque dans le but de maintenir une paix fragilisée et Kiril, le fils effacé par les exploits de son frère et de ses sœurs, tenté par les démons. Oui, les Griffin, ça n'est pas une famille comme les autres. Et finalement ce côté assez familial beaucoup plus sombre tout en restant relativement "naïf" tranche énormément avec une série pour qui développer des relations entre les personnages ou éviter le manichéisme n'ont jamais été des priorités.
Car
Heroes c'est avant tout l'Heroic Fantasy complètement fantasmée, la fantasy des blancs chevaliers et des démons enflammés, des forêts vertes fluo enchantées et des orcs qui sentent mauvais. Du classique à l'état pur, qui se retrouve dans ce
Heroes VI mais beaucoup plus sur le plan visuel que sur le plan de la narration. Attention, ne vous attendez pas à du
The Witcher, l'histoire et les personnages gardent un côté niais qui sied très bien à l'univers. Cependant, il est à préciser que la narration des précédents opus qui se présentait sous la forme d'un pavé de texte romanesque a été clairement améliorée par l’apparition de simples dialogues doublés. Les cutscenes sur le moteur du jeu censées appuyer les moments importants sont ratées cependant : leur mise en scène pauvre, alliée à des graphismes qui souffrent énormément sous l'effet du zoom, échoue à transférer les émotions voulues. Quoiqu'il en soit, la trame du jeu se montre suffisamment prenante pour scotcher le joueur durant toute la campagne. Et celle-ci est longue... très longue.
On prend la même et on recommence
Ne vous attendez pas à des bouleversements complets de gameplay, car Heroes VI reste un Heroes, et ses mécaniques sont celles d'un Heroes. Pour la faire courte (et ainsi pouvoir me concentrer sur les principales modifications), Heroes VI est un jeu au tour par tour, mêlant gestion, stratégie, tactique et jeu de rôle. Le joueur contrôle une ville au début du jeu qu'il peut améliorer (pour améliorer son revenu, pour recruter de nouvelles créatures pour son armée, etc) via l'écran approprié pour un certain coût en ressources. Ces ressources sont éparpillées sur la map où l'ont peut également trouver des mines de ces ressources assurant un revenu quotidien du moment qu'on est capable de la défendre. Pour aller récupérer ces ressources, le joueur dispose d'un héros ayant un potentiel de mouvement par tour. Il pourra déplacer ce héros sur la carte pour s’affranchir de monstres neutres, récupérer des trésors (ressources, expériences, objets magiques, etc.), conquérir des villes ennemies...
Lorsque combat il y a, une transition intervient pour faire basculer le joueur sur la map de combat, qui est très similaire à celle d'un T-RPG quelconque. L'armée du héros se trouvera d'un côté celle de son adversaire de l'autre et l’affrontement commence.
Si les mécaniques principales de la série ont été conservée, Might & Magic Heroes VI sait parfois se différencier de ses aînés. Le premier changement et le plus important peut-être concerne le développement de votre héros. Celui-ci comprenait, dans les épisodes précédents, une part importante d'aléatoire. À chaque niveau passé, il vous fallait choisir entre 4 compétences sélectionnées grâce à un système semi-aléatoire (les probabilités étaient influencées par l'orientation de votre personnage à la base). Maintenant c'est fini, vous choisissez un héros orienté Might (attaque physique, cri de guerre, etc) ou orienté Magic (sorts) et tout un arbre de compétences s'offre à vous. Sachant que les héros orientés Might auront accès au dernier pallier de skills Might et inversement pour les héros Magic, il vous suffira de poser votre point de compétence à chaque niveau pour construire votre personnage. On note également un système d'alignement (Tears ou Blood) plutôt sympathique qui évoluera selon votre style de jeu et qui vous fera gagner deux compétences bonus. Le développement du héros gagne donc en stratégie et vous permet d'exploiter à fond le gameplay de votre faction.
Une autre différence notable est la gestion des mines. Auparavant, il suffisait de passer sur une mine pour la capturer et vous octroyer leur revenu régulier salvateur. Cela rendait très efficace le "harrass" avec un héros sous-entraîné qui partait sillonner la carte pour vous reprendre vos mines. Ici, la carte est divisée en zones d'influence. Ces zones d'influence sont "dirigées" par une forteresse (ville ou bastion) qu'il faudra obligatoirement capturer pour vous octroyer les mines alentours. Autrement dit, il vous faudra stationner un héros dessus pour vous en assurer le contrôle. C'est une manière très efficace d'éviter l'abus de "harrass" tout en laissant viabilité à cette stratégie (en effet stationner un héros à poil sur une mine pourra être très rentable étant donné la rareté des ressources, sans parler du mouvement que devra gâcher votre adversaire pour venir vous déloger).
Enfin, troisième différence majeure, les gemmes, le souffre et le mercure ont disparu pour tout centraliser sur le cristal. Le nombre de ressources tombe à quatre (pierre, bois, or, cristal) et la facilité tendrait à crier à la casualisation. La réalité est tout autre, car si les ressources sont moins nombreuses, les bâtiments sont plus cher et l'échange de ressources au marché devient beaucoup plus délicat, obligeant à faire des choix drastiques dans la création de bâtiments en ville, ou dans le recrutement des créatures.
Pour en terminer avec les changements principaux de gameplay, on notera la possibilité de se téléporter entre les villes si le bâtiment adéquat a été construit, ou encore la possibilité de transformer une ville conquise en une ville de votre faction moyennant ressources. Ces deux options tendent peut-être à simplifier un peu le jeu mais prennent vite leur place dans les stratégies du jeu car les bâtiments de téléport et la transformation de ville coûtent cher.
Ces modifications de gameplay apportent une dimension plus pragmatique, plus stratégique au gameplay de
Heroes, mais lui font perdre un peu de sa féérie dans la même lancée, et connaissant les communautés basées sur les licences PC pour leur relatif intégrisme, il est fort probable que le jeu soit relayé au même rang que
HoMM4 qui apportait lui aussi en son temps de nombreux changements appréciables au gameplay de l'adulé
HoMM3.
Heroes VI sort également son épingle du jeu grâce à un contenu véritablement monstrueux. Le mode solo composé d'une campagne de 5 cartes (dont certaines sont plus longues que le dernier million-seller du FPS en date) par faction, et d'un prologue et d'un épilogue de deux maps chacun, vous occupera pendant 70 heures très facilement. Bien entendu, les différences de gameplay entre les différentes factions (Inferno, Havre, Nécropole, Bastion et la petite nouvelle du Sanctuaire, au design asiatique très réussi) ne rendront jamais le jeu répétitif. On pourra rouspéter sur le manque de factions. Il est vrai qu'il manque le Donjon ou encore les elfes des précédents opus (qui arriveront probablement sous forme de DLC). Bien entendu ce mode solo très riche s'associe à un mode multijoueur qui vous scotchera de nombreuses heures supplémentaires. Le mode Hotseat, alimentera vos soirée geek entre potes... La recette
Heroes, pizza, bière peut sonner particulièrement beauf aux oreilles mais celle-ci a largement fait ses preuves depuis la sortie de
Heroes II.
Graphiquement, le jeu s'en sort avec mention. Les cartes sont détaillées et extrêmement jolies, et la direction artistique est globalement dans l'esprit de la série avec beaucoup de hauts et quelques bas (la faction Havre, toujours...). Bien entendu, techniquement le jeu n'est pas le plus avancé de sa génération (euphémisme inside) mais reste toujours agréable à l’œil tant qu'on évite de zoomer sur les maps. Les animations sont inégales mais seront au final totalement satisfaisantes pour le rôle qu'elles ont à jouer, c'est à dire mettre vaguement en scène les combats. On pleurera par contre en voyant à quoi a été réduit l'écran des villes, une fenêtre très moche avec un tout petit artwork. Une belle trahison par rapport aux anciens opus, qui réussissaient, grâce à ce fameux écran, à transformer chaque construction de bâtiment en véritable récompense visuelle.
La bande-sonore est également de bonne facture. Les vieux de la vieille seront ravis de retrouver quelques remix de
Heroes II, les autres apprécieront des reprises de
Heroes III et
V ainsi que les nouvelles pistes qui sont globalement toutes aussi réussies. Dans sa globalité, l'OST retranscrit très bien l'univers et la direction artistique du jeu.
Might & Magic Heroes VI est un excellent jeu. Plutôt bien réalisé, disposant d'un mode solo conséquent, à la narration efficace et bénéficiant des mécaniques éprouvées de la saga, il saura captiver le joueur pour peu qu'il adhère à la "mollesse" relative du genre et qu'il accepte l'univers Fantasy complètement fantasmé, classique au possible de la série. Mais c'est en mode Hotseat qu'on y passera le plus de temps, à faire des parties qu'on ne terminera jamais sur des cartes gigantesques et très jolies. Et si l'on peut regretter qu'une partie du charme et de la féerie de Heroes ait été détruite par la disparition de tout aléatoire - auparavant omniprésent - on ne peut qu'admettre le gain stratégique qui en résulte. Rien de bien nouveau sous le soleil en somme et c'est tant mieux, Heroes reste Heroes et on ne lui en demandait pas plus.
02/12/2011
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- Mode solo gargantuesque
- Mode Hotseat
- Gameplay toujours aussi riche et prenant
- Une narration améliorée
- Très soigné graphiquement
- Plus stratégique, plus pragmatique...
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- ...Mais du coup moins féérique
- Le massacre de l'écran des villes
- Un soupçon de simplification
- On se serait bien passé de Uplay
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TECHNIQUE 4/5
BANDE SON 4/5
SCENARIO 3.5/5
DUREE DE VIE 4.5/5
GAMEPLAY 4/5
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