Après avoir participé en tant que directeur artistique sur
Terraria, le game designer
Tiyuri monte son propre studio,
Chucklefish Games. Son ambition : créer un bac à sable immense en scrolling 2D, à base de craft, de construction et d’exploration de galaxies entières. Pour cela, les développeurs vont grandement s’inspirer de
Terraria, tout en agrémentant la formule d’idées piquées un petit peu partout dans la masse de titres sandbox qui ont colonisé le jeu vidéo ces dernières années. Actuellement en bêta,
Starbound ne cesse de voir son contenu évoluer au fil des mises à jour. L’indigestion guette.
Odyssée spatiale
Lorsque l’on se retrouve propulsé sur notre première planète, les possibilités qu’offrent Starbound peuvent donner le tournis. Un mécanisme de quête viendra accompagner le joueur déstabilisé, le temps d’un cours tutoriel, avant qu’il ne soit totalement lâché dans l’inconnu. C’est le premier reproche que l’on peut faire. Si l’air de liberté est enivrant, Chucklefish le rend quelque peu vicié en ne détaillant qu’une toute petite parcelle des possibilités qu’offre son titre.
Peu importe cependant pour le joueur assidu de sandbox, désormais rompu à la consultation de wikis en tous genres. Il ne se dégonflera pas et prendra plutôt vite ses marques, confronté aux mécaniques habituelles du genre, dont la colonne vertébrale est le craft. Jardinage, minage, farm de monstres, cuisine, autant de processus indispensables à la progression qui sont placés au cœur de l’expérience. Tout comme dans Terraria, on additionnera nos tables de travail et autres forges afin de garnir comme il faut son inventaire et monter en puissance au fur et à mesure que l’on débloque de nouveaux items et équipements.
La formule reste efficace ici et marche du tonnerre, car polie jusque dans les moindres détails, avec un bon nombre d’activités disponibles. La fonte de vos centaines de minerais après une après-midi au charbon constitue toujours une récompense grisante, de même que la récolte de vos plantations lorsque vous rentrez au bercail après une dangereuse session d’exploration de planète. D’autant plus que Starbound est très permissif assez tôt. Comprenez qu’un bon nombre des activités sera présent dès le début du jeu ou presque.
S’égarer dans l’espace
La configuration de Starbound justifie l’accès précoce à un tel éventail de processus de craft. Le jeu de Chucklefish prend en effet le parti de défaire la quasi-totalité des chaînes imposées par une structure progressive de l’avancée in-game. Il y aura bien évidemment quelques paliers inéluctables à franchir, représentés par des boss, mais entre-temps le joueur se voit offrir la possibilité d’explorer des millions de planètes à sa guise, avec comme base permanente son vaisseau.
Pour qu’une telle prouesse soit possible, Chucklefish a utilisé la génération procédurale, une technique qui permet de mêler l’aléatoire avec des éléments fixes, et ainsi de ne pas perdre de temps à designer chaque petit bout de terrain sur lequel le joueur posera ses pieds. Une technique déjà utilisée dans Minecraft ou bien dans une majorité de rogue-likes.
Et ne soyons pas de mauvaise foi, la variété des éléments fixes dans Starbound est bien plus grande que dans Terraria. On y trouve plus de biomes différents, de type d’arme, de villages, de donjons, etc. Dans l’absolu, l’ainé ne tient pas la comparaison avec son petit frère, bien plus fourni, prêt à surprendre à chaque coin de planète. Ou presque.
Car Starbound est méchamment plombé par deux grosses tares qui ont trait à la nature même de son game-design : le vide et la répétition aléatoire. Le premier conjugué avec le second laisse la porte ouverte à la redondance d’un cycle lacunaire. Comprenez bien : la génération procédurale implique la répartition aléatoire de ressources fixes, créant de ce fait des planètes très déséquilibrées dans l’intérêt qu’elles présentent pour le joueur. On aura approximativement autant de chances de tomber sur un bout de caillou peuplé que sur un désert ludique qui ne propose aucun donjon, aucun challenge, aucun événement.
Et ne jamais en revenir
Second effet pervers de cette configuration, on croisera les éléments fixes les plus fréquents à de très nombreuses reprises, jusqu’à l’indigestion. On pense notamment aux classiques villages, qui ne représentent même plus une surprise ou un émerveillement après la petite dizaine d’heures de jeu. Tandis qu’il sera d’un autre côté extrêmement compliqué de trouver des édifices fixes rares, nous forçant à nous trimbaler inlassablement et péniblement de planète en planète jusqu’à trouver le Graal. Sauf que lorsque l’on sait à quel point les voyages en vaisseau sont coûteux en ressources minières, les séances d’archéologie forcées sur des planètes qui ne nous intéressent pas auront tendance à agacer.
De façon assez ironique, Starbound possède en réalité une structure très proche de la lacunaire de l’infiniment petit plutôt que de la variété de l’espace. Si les légers changements de charte graphique d’un biome à un autre sont appréciables, ils ne parviennent pas à cacher la répétition du vide et le manque de canalisation de l’expérience de jeu. Car contrairement à un Terraria qui proposait une expérience dense, inventive et rythmée, bien que sur un espace restreint, Starbound voit bien trop grand et se perd dans sa prétention de gigantesque sandbox. Son étalage n’a d’équivalent que son mauvais équilibrage, transformant ce qui devait être une quête initiatique spatiale en une succession de frustrations dans un univers frappé par le sceau de l'impersonnel et de la vacuité.
Alors évidemment, on retiendra un certain nombre de bonnes idées qui viennent saupoudrer nos pérégrinations, telles que les instruments (on peut importer des musiques), les mini-boss, ou la patte graphique délirante, mais il ne s’agit là que d’accompagnements qui ne peuvent malheureusement sauver le plat principal. Ce dernier reposant sur le principe de la boulimie du craft et de l’exploration, si cette mécanique n’est pas optimisée à fond, le rendu final ne peut-être satisfaisant dans un tel bac à sable. Il ne reste plus qu'à espérer que dans les mise à jour venir, Chucklefish parvienne à dynamiser son jeu et à travailler sur l'équilibrage de ses algorithmes en revoyant certaines fréquences d'apparition. Cependant, la nature profonde du problème nous rend pessimiste.
Preview basée sur la version 8.1 du titre, aucun avis rendu ici ne reflète un avis définitif sur le jeu fini qui n'est pas encore sorti.
Starbound s’égare et se disperse dans l’immensité qu’il a tenté de mettre en place. Au lieu de nous placer dans un simple système solaire et de condenser l’expérience pour la rendre plus maîtrisable et mieux équilibrée, Chucklefish préfère faire péter les stats pour voir qui a la plus grosse. On ne peut nier un travail de fond sur quelques features originales et les éléments fixes du jeu, d’une grande variété dans l’absolu, mais toutefois tellement redondants une fois placés dans un contexte de génération procédurale gigantesque. Au final, Starbound, c’est comme manger centimètre par centimètre un Carambar qu’on a étiré sur un demi-mètre pour faire durer le plaisir. Le goût qu’on aime tant est présent, mais cependant si tristement faible en bouche que l’on préférerait pouvoir le croquer à pleines dents. Il est trop tard néanmoins, vous avez fait la connerie de croire qu’en l’allongeant ça serait meilleur.
25/02/2014
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