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Transistor

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Transistor
Let the Music Heal Your Soul
Quand l'aventure Supergiant Games commence en 2009, personne ne pariait vraiment sur cet énième studio composé majoritairement d'anciens de chez Electronic Arts. Pourtant il aura fallut moins de deux ans pour ce que petit studio marche dans la cour des grands avec Bastion, petite perle à la fois musicale, artistique et narrative, qui a offert au studio moult récompenses et surtout une très forte aura auprès du public (deux millions de ventes cumulées, tout de même !). Donc quand le studio annonce le développement d'un nouveau jeu, Transistor, autant dire qu"il était attendu au tournant. Le Kid avait placé la barre assez haute, de quoi sera donc capable le duo composé de Red et de Transistor presque trois ans après ?

La cité des rêves

Imaginez une ville où vous pouvez devenir ce que vous voulez. Où mal logement et famine n'existent pas. Où les habitants décident au jour le jour des couleurs qu'aura le ciel et des évènements qui rythmeront la journée. Une ville utopique qui existe, et qui porte le nom de Cloudbank. Un paradis artificiel qui va se transformer en enfer bien réel en l'espace d'une nuit : une mystérieuse entité répondant au nom de Process, apparue d'on ne sait où, se met alors à ronger la ville pan par pan et à éliminer toutes les formes de vie qu'elle peut croiser. Et sa progression accélère de minute en minute.

Au milieu de ce chaos se trouve Red, flamboyante chanteuse qui a perdue sa voix et son compagnon lors d'une agression aussi soudaine que violente. Ivre de vengeance elle se lance alors à la poursuite de la Camerata, organisation responsable de son chagrin, avec l'espoir de retrouver ce qui lui a été volé et de comprendre pourquoi elle a été visée. Son seul allié dans cette quête sera l'arme du crime, une curieuse épée cybernétique répondant au nom de Transistor, et qui semble avoir abrité l'âme de son défunt amour. Et ce n'est pas le seul secret que renferme ce mystérieux artefact...

La première chose qui frappe en jouant à Transistor, c'est que Supergiant Games réutilise les mêmes ficelles qu'avec Bastion à savoir un personnage muet (Red) et un narrateur (Transistor) qui nous amène le scénario et le background au fil du jeu. Mêmes ficelles mais à une différence près : Transistor n'est pas juste un narrateur, il est également un élément actif et majeur dans l'intrigue. Au fil de l'aventure, des révélations et des magnifiques cut-scenes, il fera ainsi part de ses états d'âmes, de ses inquiétudes, de son attachement pour la belle Red avec une sincérité palpable. Un très bon boulot qu'on doit à Logan Cunningham, déjà narrateur sur Bastion. On note également un travail sur la narration passive du titre, puisque chaque compétence acquise par Transistor et chaque tableau visité sera l'occasion d'en apprendre plus sur Cloudbank. On pourra suivre la progression du Process à travers les nombreux terminaux disséminés dans la ville, dont un particulièrement marquant avec cette journaliste décidée à faire son travail jusqu'au bout, qui elle aussi nous "accompagnera" pendant tout le jeu jusqu'à l'ultime message indiquant que la faucheuse approche et qu'elle n'a pas de regrets... Un travail de narration et d'ambiance exemplaire jusqu'à la très émouvante fin, mais qui se met au service d'un scénario tout de même vague. On en saisit les grandes lignes durant l'aventure, cependant même en mettant bout à bout tous les éléments offerts par le jeu on a la désagréable impression d'avoir plus de questions que de réponses sur cette intrigue sentant bon le cyber-punk. Les topics à spoilers et interprétations fleurissent aussi vite sur le web que le Process corrompt Cloudbank, à se poser la question d'un univers volontairement évasif ou d'un scénariste qui a raté le coche.
Transistor
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Transistor, transit et tords transits

Dirigiste à l'extrême, Transistor invitera donc à balader Red dans une succession de ruelles, de toits et de places qui seront aussi rectilignes que magnifiques à admirer. Le gameplay du jeu est intégralement tourné vers la baston, chaque nouveau tableau sera donc l'occasion d'une joute avec les Process. Chaque combat commencera de la même manière, avec l'apparition d'une zone de combat délimitée et des Process qu'il faudra abattre pour pouvoir avancer. Et pour se battre, Red dispose de deux armes imparables face à ses ennemis.

La première, c'est le Turn() System. Il permet à Red de stopper le temps et d'imputer une série de de mouvements ou de capacités qui prendront la forme d'un enchainement quand le temps reprendra son court ; chaque action grignotera plus ou moins grandement la jauge de Turn() en fonction de sa puissance, jauge qu'il est possible de détricoter à l'infini tant que l'on n'a pas appuyé sur le bouton de validation. Red est invincible pendant toute la séquence d'imputation et d’exécution, mais devient vulnérable à sa conclusion car la jauge devra se recharger tandis qu'une partie des capacités sera inaccessible pendant ce laps de temps. A chaque activation du Turn(), il s'agira donc d'optimiser au mieux l'utilisation de ses compétences pour en coller un maximum dans les dents des Process, tout en veillant à garder une porte de sortie pour éviter la déculottée (par exemple, en concluant l'enchainement avec un skill de déplacement rapide ou en allant se cacher derrière des murets). Si la barre de vie de Red tombe à 0, alors elle perdra temporairement la capacité équipée la plus puissante. Chose qui pourra se répéter trois fois - si vous avez quatre capacités équipées, donc - avant le game-over.
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La seconde arme de Red, c'est bien sûr le Transistor. Plus précisément, les compétences que l'on peut équiper sur cette curieuse épée. Au fil des level-up et du scénario, Red obtiendra un total de seize compétences et chacune d'entre elle aura son propre profil, avec trois effets bien distincts : effet actif, effet secondaire, effet passif, lesquels se manifesteront selon l'emplacement qui sera donné dans la barre de compétence. On pourra affecter quatre skills actifs au maximum, et rattacher à chacun un maximum de deux compétences secondaires pour en additionner les effets. Pour illustrer, en affectant les compétences Load() qui génère des explosifs et Spark() qui fragmente une attaque à la compétence active Ping(), on passe d'un petit laser à un triple tir explosif (voyez les deux images ci-dessous). Les compétences passives elles, ne dépendent d'aucune autre. Attention cependant car chaque compétence possède un 'coût mémoire', mémoire que le Transistor possède en quantité limitée. Et on se prend vite au jeu des mélanges de compétences, le nombre de combinaisons possibles est très vaste et les applications en combat très nombreuses, chacun peut trouver chaussure à son pied entre dégâts directs, capacités tirant le plein potentiel des attaques sournoises, d'autres centrées sur le contrôle des unités ennemies, etc. D'autant plus que les combinaisons peuvent être essayées et inter-changées librement pour peu que l'on soit à proximité d'un point de sauvegarde, très nombreux à travers l'aventure. Le seul véritable bémol viendra de l'interface, assez casse-bonbons dans son utilisation et pas toujours très claire dans les descriptions des effets.

Autant d'éléments qui font du système de combat une création aussi surprenante que géniale, mais auquel la structure du jeu ne rend pas vraiment honneur. Avec le bestiaire pour commencer, car le Process ne brille pas vraiment par la diversité de ses membres et de leurs panels de mouvements. Les boss en donneront cependant pour votre argent. De plus, l'aspect très dirigiste du jeu donne très vite une impression de répétition d'un même schéma : nouvelle zone > combat > narration, là ou son ainé cassait régulièrement ce rythme. Moins de combats mais des situations plus diversifiées aurait été un plus.
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Avec un T comme Terriblement magnifique

Artistiquement, Transistor c'est du bonbon pour les yeux et les oreilles. Littéralement. La direction artistique du jeu, très angulaire et urbaine, est à tomber de par la beauté de ses décors, la qualité de ses animations, de ses artworks et aussi de par l'ambiance générale qui s'en dégage. Qui plus est, elle est en parfait accord avec la progression de l'histoire : on passera progressivement d'un Cloudbank lumineux, mégapole brillante de mille feux et multipliant les plans majestueux pour nous prouver sa grandeur, à un Cloudbank d'un blanc presque irréel, signe de l'activité du Process. Darren Korb, toujours en charge de la musique, s'est lui amusé à mêler guitares, electro, jazz et quelques touches de hip-hop pour composer la bande-son très sombre et laconique de Transistor. Ses compositions renforcent énormément l'ambiance et l'immersion dans l'univers, et transcendent même quelques scènes grâce à la beauté des vocalises accompagnant certains morceaux. Je conseille à ceux voulant faire le jeu de ne pas écouter l'OST avant, dans la mesure ou certaines de ces pistes chantées sont liées à l'histoire et sont potentiellement sources de spoil.

Comptez cinq à sept heures pour boucler le jeu, un peu plus si vous vous attardez sur les défis : il existe une zone spéciale, accessible ponctuellement durant l'aventure, qui permet de s'adonner à des missions bien typées qui n'ont rien à voir avec le scénario, et qui testent la rapidité d'action, la dextérité et l'ingéniosité du joueur. On y trouve aussi une salle d'entrainement, avec des mannequins ne demandant qu'à se faire massacrer. Ceux voulant profiter du gameplay au maximum se pencheront sur les Limiteurs, qui permettent de renforcer la puissance des Process en échange de bonus d'exp, et également sur le New Game+, dans lequel on recommence une partie avec son niveau, ses compétences et un bestiaire s'adaptant à notre puissance. Le New Game + est le seul moyen de libérer tout le potentiel de combat du Transistor, mais cette seconde partie n'apportera pas plus éclairages sur l'histoire.

Transistor
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Avec Transistor, Supergiant Games ré-affirme son statut de petit qui a tout d'un grand. Le studio avait frappé là ou il fallait - au coeur - avec Bastion et réitère avec Transistor : artistiquement magnifique, musicalement magique, le jeu donne vraiment envie d'aller jusqu'au bout pour voir la conclusion de sa belle et triste histoire, et le gameplay surprend par ses possibilités contrairement à son ainé qui était assez classique. Dommage que le dirigisme assumé du jeu le prenne à contresens. Ceux n'ayant pas apprécié l'audace narrative de Bastion devraient peut être laisser sa chance à Transistor, qui peaufine de bien plus belle manière ce type de conte. Il est juste dommage que le scénario soit si nébuleux, et en conséquence bien trop frustrant par le fait qu'il pose plus de questions qu'il ne donne de réponses...

24/05/2014
  • Direction artistique sublime
  • Bande son qui l'est tout autant
  • Narration audacieuse et narrateur excellent
  • Système de jeu original
  • Les défis et la difficulté paramétrable
  • Un poil trop dirigiste
  • Bestiaire faiblard
  • L'histoire très évasive
  • L'interface du Transistor pas très ergonomique
7.5

TECHNIQUE 4.5/5
BANDE SON 5/5
SCENARIO 2.5/5
DUREE DE VIE 2/5
GAMEPLAY 4/5
Transistor > Commentaires :

Transistor

7.5
8

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7 commentaires
Sphynx

le 18/09/2018
10
Gros coup de coeur que ce Transistor.

Digne successeur de Bastion, il en reprend le principe tout en renforçant les meilleurs traits : une narration forte, une direction artistique fantastique, une histoire solide et une ambiance unique. Il en reprend aussi le dirigisme et la répétitivité, mais cela pour mieux guider le joueur/spectateur le long d'une trame scénaristique touchante et tragique à la fois. C'est à mes yeux une condition nécessaire, et donc un défaut qui n'en est pas vraiment un, pour proposer un jeu avec une histoire et une ambiance de ce niveau.

Car c'est là que le jeu prend toute sa valeur : dans son ambiance unique et originale, minimaliste et pourtant poétique, autant dans ses décors somptueux que que dans sa narration "nébuleuse" (comme le disait Elincia plus bas). On ne nous donne pas les réponses à toutes nos questions, et on laisse notre imagination déambuler et reconstruire cette ville en décomposition. Les personnages sont riches et subtiles, et savent rester loin des clichés du genre. Le thème de la ville utopique et ultraconnectée y est traité de façon intelligente, à même de faire réfléchir après coup une fois passée la beauté de la fin du jeu, sublime elle aussi.

Certes l'aspect ludique passe au second plan, alors même que le système de combat était bien pensé malgré sa relative rigidité. Il aurait pu être poussé plus loin, il en avait le potentiel. Mais cela n'aurait-il pas empêcher le joueur de s'immerger dans le lyrisme que dégage le titre ?

Je ne taris donc pas de compliments sur le titre, car j'avoue qu'il s'agit pour moi d'un des plus beaux jeux auquel j'ai joué et que je suis complètement sous le charme. Je n'utilise pas cet argument souvent, mais ce jeu est à prendre comme une œuvre d'art, avec tous ses partis-pris nécessaires à l'expression d'une idée dans laquelle on propose de se plonger. Un niveau que très peu de jeux narratifs ont réussi à atteindre. Il est rentré dans mon panthéon, et mérite amplement sa réputation et plus encore.


+ Minimaliste, poétique, subtile, intelligent
+ Son ambiance unique
+ Sa narration superbe et son histoire
+ Sa direction artistique exceptionnelle

- Dirigiste et répétitif
- Un poil rigide
Mikaya

le 04/10/2015
8_5
Ce jeu recommandé par plusieurs personnes du forum a vraiment fait son effet.
Une Direction artistique bien à lui, avec des CG magnifiques, le tout servi sur une BO excellente pour narrer une tragédie moderne et informatique...
Le jeu dispose en plus d'un gameplay des plus original et se risque à quelques nouveautés, ce qui se fait rare à l'heure actuelle.
Le déroulement est assez dirigiste dans l'ensemble, mais le jeu vaut vraiment le détour.
Je me suis tellement pris à l'histoire et au gameplay, que j'ai finis le jeu à 100% avec l'intégralité des succès une valeur sure à ne pas en douter !
Faizon

le 02/08/2015
7_5
Une très belle ambiance, une identité graphique et sonore remarquable, un système de combat plutôt original, beaucoup de points forts pour Transistor, qui permettent de globalement faire fi de ses quelques défauts, parmi lesquels on peut citer un côté parfois un peu fastidieux (compensé par une narration toujours bien mené), et une certaine rigidité de gameplay. Mais quand, comme ici, l'enrobage et le contenu s'entremêlent si bien, il serait malvenu de bouder son plaisir.
Medion

le 27/04/2015
7_5
Transistor m'a littéralement transporté.
Distillant son histoire touchante par bribe, le jeu sait tenir en haleine tout le long, cumulant narration intelligente, ambiance folle et gameplay tout simplement génial.
Certes, ça se finit un peu vite. Certes, le challenge aurait pu être un brin plus relevé. Reste que le titre fait partie des expériences qui marquent, et permet à l'inusable 2D de nous faire vivre encore quelques belles heures.
Selene

le 14/07/2014
Edité le 14/07/2014
7_5
Comme son prédécesseur, Transistor nous en met plein les yeux et les oreilles et c'est l'essentiel.
La voix off n'est plus un simple narrateur mais carrément l'ami de l'héroïne, prisonnier du Transistor et on s'attache très vite à ce duo.
Il est vrai que l'histoire est évasive mais j'ai trouvé qu'on savait suffisament de choses. Après tout, à quoi bon parler et s'expliquer quand il ne reste plus rien autour de vous ?
Au niveau des combats, j'ai préféré les techniques et les armes bien plus funs et dynamiques de Bastion. Là c'est plutôt mou car il faut mettre en 'pause' pour que les coups portent mieux.

Bref, si vous avez aimé Bastion, n'hésitez pas à tester celui-ci. Vous gagnerez un jeu fort original doté d'une belle fin émouvante.
Avril5

le 26/06/2014
Edité le 26/06/2014
8
Excellent jeu. L'histoire est touchante, quoique difficile d'accès au premier abord. Reconstituer l'ensemble du puzzle scénaristique reste malgré tout un plaisir (et pas juste une froide nécessité), d'autant que les différents intervenants sont tous très charismatiques et subtils. Rien à redire sur le gameplay, un peu trop balisé lors des phases d'exploration, mais soutenu par un battle system sans faille et plutôt bien équilibré. La bande son impose sa majesté, les pistes chantées s'inscrivent en parfaite harmonie avec les événements de l'aventure ; In Circles restera "à jamais" gravée dans ma mémoire !
Honnête bilan pour les graphismes. Dommage de ne pas avoir poussé le délire du "donjon" final un peu plus loin
Marcher au plafond, yeah !

Le périple ne s'achève pas si rapidement que ça, comptez bien une dizaine d'heures (un peu moins, peut-être) pour faire le tour des choses "honnêtement".

Bref, Transitor, ça déchire. C'est fait avec amour, passion, et, comble de la chose : ça vous prend jamais pour un con. Goty !
Elincia

le 04/06/2014
8
Cloudbank est un simulacre de société. Ville fluorescente futuriste hyperconnectée qui s’adapte au bon désir de sa population (la météo du jour est dictée par un sondage public), elle est l’effigie du techno-mondain. Paradis artificiel, œuvre trop carrée pour être honnête, la cité contrefaite de Transistor brasse les influences dans un mensonge charmant. Place d’art et de culture aux relents architecturaux vénitiens et habitée par l’intellect des Lumières – la touche pop-jazzy des flashs en plus – Cloudbank est resplendissante. Peu importe que le ciel ne soit qu’une toile vierge sur laquelle viennent s’appliquer les désirs colorés des citoyens. Le ton est modestement acidulé, fluorescent sans être tape à l’œil. Les teintes luminescentes se fondent harmonieusement dans les bâtisses de pierres polies, aux pieds desquelles se déroulent d’innombrables tapis rouges jusqu’aux quais donnant sur l’horizon azuréen. Il fait bon vivre à Cloudbank. Jusqu’à ce que le Process s’invite et joue sa danse macabre.

Il est à la fois l’ombre et le cancer de Cloudbank. Matérialisé sous la forme de robots artefacts et autres cyborgs humanoïdes qui constitueront les antagonistes, le Process est le vice caché de cette utopie. Il constitue la base mathématique qui permet de redessiner le monde ; qui a fait naitre Cloudbank en premier lieu. Programmé pour rester dans les coulisses, exécutant docilement les tâches qui lui sont incombées, le Process est propulsé sur le devant de la scène par la mafia locale. Habité par une volonté propre, il se met à coloniser Cloudbank. Dès lors deux univers entrent en conflit, celui de la rigueur machinale et de la neutralité éthérée, contre celui du brouhaha créatif et de la prise de risque artistique. Transistor narre de façon habile cette rencontre agressive entre l’obsession rationnelle et l’extravagance des sentiments. Les paysages altérés par le Process croisent un blanc inquiétant, vicié par les miasmes qui l’entourent, et la gloire passée d’une cité que l’on devine autrefois pleine de vie. Le Process infeste et s’immisce partout dans sa quête totalitaire de neutralité. Paradoxalement, le rendu visuel est on ne peut plus anarchique.

Dans cette apocalypse techno-urbaine, Red émerge en quête de réponses. Chanteuse à succès flamboyante, on l’agresse un soir de représentation. L’arme du crime, le Transistor, fait une victime : son amant. Ce dernier, dépouillé de son corps, se réincarne dans le Transistor. Red, privé de sa voix par ses assaillants, empoigne l’arme et se laisse guider par les errances vocales de son compagnon matériel. Sophistiquée, glamour, amoureuse, Red représente l’âme de Cloudbank. Elle en est à la fois le produit, l’ambassadrice et l’héroïne. La soudaineté des événements et sa brusque prise de pouvoir la condamnent cependant à l’hésitation. Laquelle se répercutera sur le joueur.

Catapulté dans le feu de l’action d’une cité en proie à la panique, il est difficile d’appréhender Transistor tant son gameplay n’est pas conventionnel. Vrai-faux jeu d’action parfois rigide, le titre de Supergiant Games mise surtout sur l’intellect de son interlocuteur qui doit constituer des builds d’aptitudes cohérents. Une fois en situation de combat, il s’agira de suspendre le temps, puis de calculer chacun de ses mouvements pour optimiser les dégâts qui s’effectueront en un clin d’œil une fois le temps rétabli. Comme si Cloudbank foudroyait les insectes qui l’incommodent.

Véritable lutte effrénée d’une ville rêveuse contre l’aliénation cartésienne, Transistor donne à voir l’affrontement persistant entre les deux faces d’une même pièce, celle de la psyché humaine. La narration nébuleuse, organisée en particules d’informations jointes timidement par le liant vaporeux qu’est Cloudbank, s’accorde avec la distorsion invasive du Process. Transistor est une métaphore filée tendre et onctueuse d’un dilemme millénaire.
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