Aksys fait partie de ces petits éditeurs qu'on apprécie énormément, nous amateurs de jeux de niche (et surtout de RPG), car il fait preuve d'une volonté constante de localiser ce type de soft et fournit invariablement un travail de qualité. Donc quand le studio annonce qu'il va se lancer dans la création en plus de l'édition
en co-développant son premier RPG, du nom de Magus, ça attire forcément l'attention.
Mais passé le premier trailer l'attention s'est lentement muée en suspicion à cause du manque de communication de
Aksys et d'une première salve d'images pas très engageante, choses qui se rajoutent au fait que
Black Tower, partenaire de
Aksys dans l'histoire, a pour seul passif
un jeu smartphone aux critiques moyennes.
Magus étant désormais disponible, la magie est-elle au rendez-vous ?
Chauve et revanchard
L'histoire de
Magus commence dans une prison du royaume de Waterfall, une prison dont le héros a eu tout le temps de compter les briques et pour cause : il y est enfermé depuis qu'il est enfant et bénéficie depuis tout ce temps d'un régime pain/eau/torture. Bref, pas la chose la plus agréable qui soit, le pire étant qu'il ne sait pas pourquoi il est enfermé. L'arrivée d'une nouvelle prisonnière, du nom de Kinna, lui donne alors un début de réponse : il est un Dieu, un humain pouvant utiliser la magie, et mieux encore un Dieu destiné à, euh, une grande destinée genre dominer le monde. Kinna lui apprend également la nature de son pouvoir en tant que Dieu, à savoir la magie Chromatique qui permet d'absorber les couleurs pour les transformer en sorts. Sacrément en forme pour un type censé avoir vécu l'enfer pendant plus 30 ans, notre loustic choppe tout de suite le truc et prend la poudre d'escampette, non sans avoir repeint les murs du donjon d'un joli rouge-pauvre-soldat-qui-veut-juste-faire-vivre-sa-famille. Accompagné de Kinna, il décide alors d'entamer un voyage pour lever le mystère entourant son existence, et dans la foulée faire payer au royaume de Waterfall ces longues années d'enfermement.
Un pitch de départ casé en deux minutes (véridique), et c'est parti pour l'aventure avec un chauve ayant le charisme d'une huître, qui se retrouve protagoniste d'un récit qui ferait passer les premiers
Final Fantasy pour des trésors d’ingéniosité. Vraiment, rien n'est à sauver dans le tissu narratif du jeu. Le background est inexistant, la trame en elle-même part dans tous les sens et peine à former un tout même en ingurgitant les longues tirades de Kinna entre chaque mission, et les dialogues sont à l'image des personnages, c'est-à-dire affreusement plats. Il y a bien une tentative d'implication dans le rôle en donnant à Magus un système de choix de répliques façon Paragon / Renégat à la
Mass Effect, mais ça n'a aucune conséquence sur l'histoire, à part faire sourire le joueur de par le ton cynique et sadique de certaines répliques qui font de Magus un psychopathe en puissance. Le script nous fait également supposer que c'est un ado en mal de vivre qui a participé à la l'écriture. Magus nous propose également un choix à la toute fin de l'histoire puisque le jeu comporte deux fins, aussi moyenne l'une que l'autre. Bref c'est vide, c'est creux, on aura mieux fait de laisser le doigt sur X pour faire défiler les dialogues à toute vitesse histoire de se concentrer sur l'aspect jeu.
Chromatiquement morne
Magus est un Action-RPG on ne peut plus classique : on avance en défonçant tout sur son chemin, on récupère de l'équipement, des objets et surtout des points d'expérience, une montée en niveau étant synonyme de points de statistique à investir. Le jeu fonctionne sur un système de missions avec pour point de départ la Tour, repère de notre sorcier. La particularité du gameplay de Magus va provenir de la fameuse magie Chromatique, qui permet d'absorber les couleurs pour en faire des sorts. Plus précisément d'absorber le rouge, le vert et le bleu sur des éléments du décor, des éléments qu'on peut difficilement rater tellement ils se distinguent du reste de l'environnement, façon touriste parisien à Marseille. Magus a ainsi accès à trois branches de magie différentes, avec trois niveaux d'attaque. Les attaques simples prennent la forme de boulettes tirées sur l'ennemi et les attaques fortes se traduisent par une attaque plus lente mais plus puissante. Ces deux types d'attaques ne consomment pas de mana. Le troisième niveau ce sont les 'Chroma-Skills', débloquées au fil de l'histoire et des points investis dans l'arbre de compétences, qui eux vont consommer du mana. Chaque branche offre une dizaine de capacités, réparties entre compétences offensives et compétences de soutien.
Ça c'était pour le gameplay sur le papier, et en application ça donne une petite catastrophe. L'exploration pour commencer : au total, Magus c'est un total de sept cartes dont deux inaccessibles une fois l'introduction passée, avec un level-design pauvrement agencé, des couloirs à foison et des points d'exclamation partout au cas où vous vous perdriez (auquel cas il faudra penser à consulter ou arrêter le jeu vidéo si c'est effectivement le cas). Il suffira donc d'avancer en dealant avec des vagues d'ennemis qui partagent toutes le même comportement, à savoir foncer façon kamikaze. D'ailleurs l'équipe de développement n'a pas pris la peine d'ajuster les effets en fonction du type d'ennemi rencontré, les humains beuglent et saignent de la même manière que les squelettes et les licornes tueuses bipèdes (car oui, il y a des licornes tueuses bipèdes). On additionne ces ennemis stupides au fait que Kinna est un tank invincible et que Magus devient vite surpuissant, et on voit toutes les finalités du gameplay durant les quinze premières minutes.
Le jeu se transforme vite en shoot'em up où il suffit de tourner en rond et faire du gauche-droite avec l'attaque faible (qui pour rappel est illimitée !) pour faire tomber les ennemis comme des mouches. Même pas la peine de dégainer les Chroma-Skills, qui de toute manière ratent une fois sur deux vu que la gestion des hitbox est foireuse et que le système de visée est plus hasardeux qu'autre chose. Seuls les sorts de soutien seront véritablement utiles, comme celui qui permet de multiplier sa vitesse par trois ou la téléportation comme la réduction de taille, qui permettent d'accéder à des coffres inaccessibles par la voie normale. Il peut également frapper au corps à corps ou assommer ses ennemis, feature quelque peu inutile quand on peut les exploser à cinquante mètres de distance. De plus notre sorcier peut devenir une véritable quincaillerie ambulante - bracelets, ceintures, joyaux, tatouages, colliers, boucles d'oreilles ! - pour augmenter sa puissance. Mieux encore, en finissant le niveau des Mines on obtient les services d'un NPC qui transforme les objets inutiles en bonus de stats permanents (et il y a un autre NPC qui lui, permet d'identifier les runes, qui elles aussi augmentent la puissance du bestiau !). On va dire que c'est 'logique' avec le fond du jeu car on incarne un Dieu. Cependant cette surpuissance pète toute notion de difficulté, déjà pas bien haute à la base, dès la première heure. Le bon côté c'est que le jeu n'en dure que trois (voire quatre si vous cherchez les trésors cachés).
Retour en 2000
Techniquement, le jeu est plus digne d'une fin de cycle de Playstation 2 (et encore) que de Playstation 3. C'est moche, lambda, on sentirait presque les textures rougir de honte à chaque fois qu'on frotte d'un peu trop près les murs. Le character-design est formidablement générique en plus d'être moche et de n'avoir aucune âme. Il est même parfois flippant quand on voit de très près - trop près même - la tronche de certains personnages : notre héros avec son crâne en peau de fesse, son bermuda fashion, son armure en plastique et ces curieuses chaussures en forme de... pieds de lézard (?) reste toutefois le champion durant tout le jeu. A noter que certaines pièces d'équipement changent l'apparence de notre olibrius, et faute de le rendre potable, ça le rend un peu moins pire à regarder. L'animation en général n'est pas en reste, aussi tristounette que rigolote à admirer entre un Magus qui semble avoir deux patates greffées à la place des pieds et des ennemis qu'on croirait équipés de patins à roulettes tant ils font de gracieux mouvements pour se déplacer. Vous rajoutez à ça des bugs de collision à foison (j'ai pu faire l'un des combats les moins épiques de toute ma vie de joueur avec un boss coincé, tête à l'envers, dans un brasero) et des ralentissements dès que le jeu affiche un peu trop d'animations à l'écran, et c'est la totale.
Il n'y a rien, honnêtement rien, à tirer de Magus : le manque de budget flagrant additionné à une réalisation maladroite offre un cumul de lacunes qu'on pourrait presque qualifier de surréaliste, surtout en 2014. Mais curieusement, je conseillerais à tous ceux pouvant l'obtenir d'une manière ou d'une autre de s'y essayer, histoire de voir ce qu'est un vrai mauvais jeu. D'autant plus qu'il est très court, pas bien difficile et qu'il peut occasionner de bonnes tranches de rires. Bien plus qu'un faux-départ, c'est carrément un calage au démarrage pour le studio Black Tower. Comment Aksys a-t-il pu se laisser embringuer dans cette histoire ?
08/05/2014
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- ...un cumul de défauts qui le rend "amusant"
- Un trophée Platine en cinq heures
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TECHNIQUE 1/5
BANDE SON 0.5/5
SCENARIO 0/5
DUREE DE VIE 0.5/5
GAMEPLAY 1/5
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