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Operation Abyss: New Tokyo Legacy

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Operation Abyss: New Tokyo Legacy
Une expérience qui tourne mal
On n'attendait pas Experience Inc., studio de développement japonais spécialisé dans le Dungeon-RPG PC typé Wizardry, sur le terrain des consoles lorsqu'ils sortirent Demon Gaze en 2014. Si le jeu fut diversement accueilli, les uns critiquant son fan-service lourdingue et son classicisme quand les autres louaient au contraire son côté old-school remis au goût du jour et la qualité de ses portraits, il ne faisait guère de doute que le jeu ronronnait parfaitement tel quel. Avec plus de 200 000 copies vendues à travers le monde, ce fut une vraie réussite pour le développeur. Pour le coup, on attendait donc le studio au tournant en cette mi-2015, depuis l'annonce d'Operation Abyss, très proche de son aîné aussi bien visuellement que sur le concept. Il paraîtrait logique, l'expérience aidant, d'éviter les écueils du passé pour produire un jeu de meilleure qualité. Monumentale erreur.

C'est que le début, d'accord, d'accord.

Le fait est qu'Operation Abyss, loin d'être comme on pourrait le croire une "suite spirituelle" de Demon Gaze, est en fait un remake Vita de deux jeux estampillés Experience Inc. Il s'agit de Generation Xth : Code Hazard et Code Breaker, tous deux sortis sur PC en 2008. Pour l'occasion du remake, le développeur s'est servi de son succès inattendu : deux modes de jeu sont ainsi disponibles, le premier (Classic) gardant le système original de création de personnages au travers d'avatars au look humain mais au charisme d’huître qui changent au gré des équipements portés, l'autre (Basic) offrant un choix d'apparence parmi quelques portraits prédéterminés mais détaillés, comme Demon Gaze pouvait le faire. Toujours est-il que si l'ensemble du jeu transpire l'influence de ce dernier, les mécaniques de jeu, elles, sont d'époque. Et c'est là où le bât blesse.

Les premiers pas dans un jeu, à plus forte raison dans un long RPG, sont primordiaux pour l'instauration du rythme et du feeling. En tant que premier contact, ce sont eux qui vont conditionner l'appréciation du joueur sur une bonne partie de l'aventure. Qui vont, également et surtout, déterminer l'équipe que vous suivrez tout au long du jeu. Malheureusement, cet aspect-là d'Operation Abyss est foiré. Seules quelques scènes agrémentées de CG viennent égayer un scénario autrement bien morne, tournant autour d'une équipe d'étudiants dont le patrimoine génétique alimente les capacités hors-normes, qui leur serviront à mener l'enquête dans des cas de disparitions liées à des apparitions monstrueuses dans la capitale nippone. Une petite équipe qui servira d'agents actifs d'une organisation bien plus vaste.
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On commence donc par une longue phase de création de notre Xth Squad, sans trop savoir à quoi correspondent toutes les statistiques et les classes que l'on choisit puisque le jeu échoue à expliquer simplement ses mécaniques, préférant les reléguer au fond d'un menu. Un vrai tutoriel n'aurait pas été de trop, et l'équipe ainsi créée ne ressemble pas à grand-chose. Sur le fond, d’abord, puisqu'il est peu probable que le nouveau venu réussisse à créer une équipe de six personnages parfaitement élaborée (même en choisissant avec soin les classes et races les plus adaptées d'un point de vue combat) quand il ne peut savoir par avance à quel point certaines, comme l’Academic qui ne paye pas de mine, seront cruciales pour son avancée future ? Sur la forme ensuite, car des options de personnalisation manquent, que ce soit en mode Classic qui fixera une improbable dégaine à l'équipe lambda, ou en mode Basic dont les portraits trop peu nombreux limitent la customisation à du palette-swap. De fait, les combattants contrôlés n'ont ni le charisme d'un personnage travaillé en amont, ni les bénéfices d'un modelage à l'envie du joueur, et s'avèreront complètement plats sur la longueur. Et cet échec n'est que le premier d'une longue série.

Il y a une raison si les protagonistes des JRPG ont souvent la dégaine de l'adolescent sûr de lui et au potentiel d'évolution bien visible : même si ce stéréotype est souvent pointé du doigt, cela permet au joueur de base de s'identifier à lui, et donc de vivre l'aventure plus intensément. Plus généralement, il est nécessaire que le joueur tienne à l'avatar qu'il contrôlera pendant des dizaines d'heures. Or cette règle ne peut s'appliquer à Operation Abyss, puisque le protagoniste, celui à qui s'adresseront les personnages tout au long du jeu, est tout simplement absent, seulement montré dans l'ombre de temps à autres histoire de dire qu'il existe, et sa seule intervention dans le jeu se résume à diriger l'équipe reléguée au rang de pantins sans âme. Âme qui fait finalement défaut à l'entièreté des mécaniques du soft.
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False Detective

Comme support à son scénario, Operation Abyss s'échine à multiplier les concepts brumeux, entre dimensions parallèles, espace-temps, BloodCode et autres. Un jargon assez rapidement imbitable mais aussi très accessoire, mêlé à des personnages secondaires presque transparents, deux défauts qui obligeront le joueur à se concentrer sur l'exploration de donjons finalement très lisse. La progression dans le jeu est en effet constituée de simples missions à endosser pour notre équipe de détectives en herbe façon club des cinq. Certaines sont consacrées à la chasse aux Variants (les ennemis locaux) les plus meurtrières, d'autres plus scénarisées serviront à justifier les expéditions dans les nouveaux donjons principaux. Mais d'autres encore se payent le luxe d'être à la fois inutiles et rébarbatives, comme celles qui vous enverront retrouver une fliquette curry-vore en passant essentiellement par les menus de déplacement sur la petite dizaine d'écrans qui constituent la ville.

En plus de combattre les Variants, les activités du Xth Squad incluent de nombreuses phases d'enquêtes. Un bien grand mot utilisé pour décrire ce qui n'est finalement que successions incessantes d’allers-retours entre les 5-6 écrans du jeu, à parler au seul PNJ qui s'y trouve qui aura ou non quelque chose d'important à vous apprendre. La forme que prend le jeu peine à rendre intéressantes ces enquêtes, tout comme les relations qui se forment - mais de très loin - avec les camarades de classe. Toutes proportions gardées, des séries comme les Persona ont fait bien mieux en la matière, au point que l'on hésite fortement à comparer ces deux séries. Ces moments auraient pu être l'occasion de diversifier le gameplay, mais ne sont que des temps morts qui pèsent sur le rythme du jeu. Pire, vous pouvez vous retrouver - grâce à la magie de la traduction pas toujours au point - à repasser en boucle les mêmes dialogues des mêmes personnages en essayant d'atteindre celui qui ferait supposément avancer l'intrigue.

Il y a quelque chose de l'auto-sabordage dans la manière du jeu de mettre lui-même des bâtons dans les roues de sa progression. En outrepassant, par un cheminement de pensée simple, les règles arbitraires fixées par le développeur, le joueur risque de se retrouver coincé de longues minutes ou de tourner en rond. Qu'il s'agisse d'un dialogue à déclencher au cours des phases d'enquête, ou d'une case spécifique à atteindre dans les dédales, il est aberrant de voir que la completionnite du joueur peut se retourner contre lui : pourquoi diable votre cible se trouverait-elle soudainement dans une salle que vous avez traversée des dizaines de fois auparavant, dans un donjon déjà exploré de fond en comble ? Pourquoi devez-vous rendre compte de l'avancée des investigations au quartier général pour avancer dans l'intrigue, quand ceux-ci se contenteront de donner leur aval sur la poursuite d’un coupable dont on connaît déjà l'identité ?
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Dragging one's feet in a dungeon

Bref, passons au cœur du jeu qui, en bon Dungeon Crawler, devrait mettre l'emphase sur lesdits donjons. Tout comme beaucoup de ses prédécesseurs, Operation Abyss oblige à s'y aventurer case par case, pas à pas, sans pouvoir éviter les ennemis qui surviennent au gré de la RNG. Les décors ternes se suivent et se ressemblent (souterrains, égouts, la routine) en dévoilant peu à peu une carte qui à l'instar d'un Etrian Odyssey - mais en low-cost - demande au joueur d'annoter les points importants. Mais si le décor est relativement connu, il n'en va pas de même pour la cadence de l'exploration qui multiplie les allers-retours laborieux, les labyrinthes incohérents, les dalles piégées et surtout les portes closes et escaliers cachés.

Certaines classes que l'on pourrait classifier comme "utilitaires" se retrouvent ainsi impossible à remplacer. C'est notamment le cas de l'Academic déjà évoqué plus haut, qui endosse le rôle de couteau suisse du groupe, aussi bien serrurier que démineur. Si ses compétences en combat se limitent grosso modo à quelques sorts de buff, ses capacités uniques vous obligent presque à en faire un pilier de l'équipe, à moins d'accepter de ramer à obtenir les objets en fin de combat, et découvrir les innombrables pièces cachées à l'aveugle. Le Mage, lui, est facilement substitué par un attaquant physique sur le plan offensif, mais certains sorts vous permettront de traverser quelques zones retorses avec plus de facilité. On regrettera au passage le fait que malgré la présence d'un système de changement de classes des personnages, celui-ci soit rendu obsolète par l'absence de réels bénéfices (comme une multi-spécialisation). Et quand certains objets permettent d'émuler les particularités de ces classes, on ne peut pourtant s'empêcher de regretter le rétrécissement des possibilités viables sur la création d'équipe.

L'exploration des donjons, qu'ils fassent partie de l'histoire ou des missions annexes, ne parvient donc pas à accrocher le joueur, un comble également causé par la présence de choix bloquants assortis d'une ergonomie perfectible qui entravent le plaisir de jeu. Devoir quitter le donjon pour faire monter les personnages de niveau est une mécanique d'un autre temps qui ne fera pas l'unanimité, même si on s'en accoutume. C'est également le cas du système de sorts, qui à la différence des skills ne puissent pas dans les MP mais utilise les "charges" limitées par niveau de sorts, qui augmente avec le niveau du personnage. Certes ce choix n'est pas nouveau, le premier Final Fantasy l'utilisait déjà ou plus récemment Dark Souls avec le succès qu'on lui connaît. Mais ici, voilà encore un élément loin d'être optimal dont on se serait passé.
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Retour vers le passif

Côté combat règne le même sentiment de pauvreté. Rien que de très banal dans ces joutes au tour par tour, où vos combattant répartis sur deux lignes (on aura à cœur de disposer les plus robustes à l'avant tandis que les cérébraux seront pour une fois au fond, à côté du radiateur) lancent les actions déterminées en cadence avec les ennemis. Mais une mécanique banale peut-être réussie, c'était d'ailleurs le cas de Demon gaze - encore, oui - qui parvenait à rendre les combats à la fois tactiques et rythmés grâce aux différentes classes à l'utilité bien spécifique et soutenue par le système d'évolution. Mettons-ça sur le compte d'une mauvaise calibration (à ce niveau, c'est intentionnel) mais il n'en est rien ici : l'évolution paresseuse des combattants les laissent sans vraie variété pendant une grande partie du jeu, et même les quelques techniques disponibles n'auront quasiment aucune influence sur la manière de les utiliser. Les combattants frappent, les healers aussi en lançant occasionnellement un soin, les tanks manquent d'options pour exercer leur sacerdoce, comme les autres classes du reste. Le pire étant que les trop nombreux combats aléatoires sont souvent très long, opposant l'équipe à parfois cinq, six vagues d'ennemis voire plus, histoire d'ajouter la lenteur à l'inintérêt. On aura donc tôt fait de laisser son doigt appuyé mollement sur le bouton de sélection, qui enverra les dernières actions effectuées vaincre sans trop de mal les ennemis de base.

Et si les boss peuvent éventuellement poser un challenge plus corsé, ne serait-ce que par leur puissance et leur résilience, ils ne demandent pas pour autant de changer radicalement de stratégie ; au pire, les techniques ultimes – dont une jauge d’Unity débloquant quelques attaques spéciales et options tactiques – et l’amélioration de l’équipement se chargeront de les mettre à terre. Le système d’évolution de l’armement illustre par ailleurs parfaitement le souci principal du jeu, avec ses possibilités sympathiques mais gangrenées par cette foutue ergonomie. Impossible de savoir précisément à l’avance à quoi servent les améliorations, quelle puissance d'attaque aura une arme, ou si l’un des objets non identifiés de votre capharnaüm ne cache pas une pépite. D'autant plus dommage que les possibilités sont nombreuses et personnalisables en puissance d'attaque, variables diverses (boost contre un élément ou un type d'ennemi par exemple) et même apparence (dans le mode Classic uniquement).

Vous voilà donc à arpenter sans vrai but des donjons qui n'ont ni queue ni tête, passant les combats avec une seule touche grâce aux ennemis généralement impuissants - mini-boss compris - et qui ne vous rapporteront guerre que quelques objets pour la plupart inutiles, en double, et à identifier. Un par un. Heureusement que l'inventaire peut contenir jusqu'à mille objets inconnus, j'avais justement envie de faire des tâches rébarbatives.

Arrêtons ici de tirer sur l'ambulance avant que cela ne ressemble à de l'acharnement. Les quelques bonnes idées consenties par le jeu ne suffisent pas à rattraper ses errements, et si le résultat n'est pas une infâme bouse son extrême fadeur ne le portera pas au pinacle des niches japonaises où se bousculent déjà nombre de bonnes surprises de ces dernières années.
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Deux réflexions me viennent pour conclure sur cette expérience ratée du développeur du même nom. Tout d'abord, si beaucoup des problèmes évoqués s'expliquent par la vétusté du matériau original, était-il vraiment nécessaire d'aller déterrer cette vieille licence pour en obtenir un résultat si médiocre ? Ensuite, était-il pertinent d'alimenter l'attente des joueurs ayant apprécié Demon Gaze en mettant Operation Abyss sur le même tableau, quand ce dernier ne pouvait manifestement que les décevoir, et ainsi constituer un potentiel frein pour leurs futures productions tel le très anticipé Ray Gigant ? Les Dungeon-crawlers ne manquent pas sur portables ; peut-être ce naufrage annoncé ne s'imposait-il pas.

28/02/2016
  • Long…
  • Possibilités nombreuses…
  • Design soigné et personnalisation louable…
  • …mais répétitif.
  • …mais mal exploitées.
  • …mais pas assez évoluée.
  • Et des choix aussi désatreux que l'ergonomie pour plomber le tout.
4

TECHNIQUE 2.5/5
BANDE SON 3/5
SCENARIO 2/5
DUREE DE VIE 3.5/5
GAMEPLAY 2.5/5
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