Voilà bientôt 20 ans que les amateurs de science-fiction post apocalyptique ont eu droit à leur petit coin de paradis avec la sortie en 1997 du premier Fallout. Si les deux premiers épisodes affirmaient totalement l'orientation RPG de la saga, la reprise de l'univers par Bethesda Softworks avait révolutionné la série en 2008, en prenant cet aspect hybride entre le RPG et le jeu d'action en vue FPS/TPS. Malgré quelques récalcitrants, cette nouvelle formule avait été plutôt bien accueillie. Notamment, grâce à un travail de qualité réalisé par les studios à l'origine de la saga The Elder Scrolls, qui avaient su apporter leur maîtrise du monde ouvert, de l'immersion et de la liberté de jeu. Après deux épisodes à succès, et un silence de 5 ans, il est temps pour les joueurs de découvrir, ou retrouver, l'ambiance chaleureuse et radioactive des terres désolées de l’Amérique.
Il y a des jours comme ça...
La Guerre, la guerre ne meurt jamais...
C'est cette idée qui nous trotte dans la tête, alors qu'on s'admire dans le miroir de la salle de bain. À la différence des gens trop "classiques", qui se contentent de se brosser les dents ou de se raser, notre rituel du matin consiste à remodeler notre visage afin qu'il nous convienne parfaitement ; sous le regard admiratif de notre moitié, qui ne peut s'empêcher de nous faire un compliment pour chaque partie de notre anatomie modifiée. On y passe un certain temps, car les possibilités sont nombreuses, et on sera en mesure de travailler le moindre détail de notre apparence. Cicatrices, imperfections cutanées, des cernes et du maquillage, c'est notre visage et on en fait ce que l'on veut.
Notre faciès défini, on démarre sa matinée en buvant un bon café soigneusement préparé par notre robot domestique. Il fait beau, les oiseaux chantent, on aime sa petit famille, et même ce représentant des abris anti-atomiques Vault-Tech, venu frapper à la porte pour un sondage, ne saurait troubler notre quiétude...ça aurait vraiment pu être une bonne journée. Mais non. Au lieu de ça, on apprend au journal télévisé que la guerre a éclaté, et que les premières bombes atomiques ont été larguées. On est forcé de fuir la maison pour chercher refuge sous terre, et au final on tombe dans un bon vieux traquenard de scientifiques, de ceux qui nous promettent un nouveau départ pour ensuite nous enfermer dans un caisson de cryogénisation. On décongèle 200 ans plus tard dans un état pire qu'un lendemain de fête de la Saint Patrick, avec une première vision dramatique : un enfant kidnappé et le monde à la surface devenu un désert aride et radioactif, peuplé de créatures mutantes très agressives.
Il y a des jours comme ça...
Pourquoi j'ai pas pris la pilule bleue?
"Bienvenue dans le monde réel", c'est ce message que l'on reçoit en pleine face alors que la porte de l'abri 111 se referme dernière nous, et on se fait alors cette réflexion (la fameuse) propre aux jeux Bethesda : "Bon et je vais où maintenant?"
Nous voilà désormais dans le Commonwealth, vestige déstructuré de la ville de Boston, qui s'étend à perte de vue. Le format monde ouvert, déjà bien intimidant dans les précédents opus de la saga, donne davantage le vertige sur la nouvelle génération, avec une distance d'affichage impressionnante. De même, ce paysage dévasté transmet parfaitement cette sensation que la vie s'est brusquement arrêtée, pour donner naissance à une nouvelle réalité. Si la quête principale ne nous cantonne qu'à quelques lieux parmi les sites les plus importants, ce nouveau territoire offre son lot de découvertes et de sources d'étonnement pour tout pèlerin qui prendra le temps de papillonner.
Bien évidemment, nous sommes loin de la promenade touristique et explorer rimera souvent avec danger. De longues marches sont à prévoir et certains imprévus viendront ponctuer nos pérégrinations d'un soupçon de stress. Guerre des gangs, agressions, bestioles qui jaillissent du sol et orages radioactifs, autant d’événements aléatoires qui renforceront l'immersion et imposeront une attention de tous les instants. Malgré le risque encouru, on se prête volontiers au jeu de l'aventurier, car la scénographie nous y invite. Sans casser son homogénéité, la région offre une diversité de panoramas, tout en conservant une transition logique entre chaque zone, et on se surprend à faire halte lors de la découverte d'une plage ou d'un coin de forêt, par simple envie de profiter de l'atmosphère. La richesse des lieux est soutenue par une direction artistique aboutie, qui s'est offerte une bonne cure de jouvence. Exit les longues routes goudronnées de Fallout 3 ou le désert infini de New Vegas, l'architecture du Commonwealth se veut plus complexe et tortueuse, mais également bien mieux fournie et détaillée.
Toutefois, le réalisme ne se mesure pas qu'à la qualité des décors. La véritable immersion se fait lors de l’interaction avec les habitants, et il faut avouer que le jeu faute quelque peu sur ce point. Le charadesign a, certes, subit un rafraîchissement notable, affichant une physionomie bien plus agréable pour les individus lambda et les compagnons charismatiques. Mais on constate, cependant, ce défaut récurent (propre aux RPG occidentaux) qu'est la duplication des visages. En effet, bien qu'ils soient massivement présents, nombreux sont les PNJ clonés, dont la différence physique ne se limite qu'à une moustache en plus ou une couleur de cheveux différente. Cette petite déception, aggravée par une animation corporelle et faciale un brin robotisée fait apparaître un contraste malheureux, car on oscille entre le plaisir d'immersion, pierre angulaire de la saga, et ce moment où une technique imparfaite nous sort de notre abandon à l'univers du jeu. Bien que, globalement, Fallout soit beau, on aurait souhaité une optimisation de certains détails graphiques et surtout une diversité plus importantes quant à l'apparence des modèles humains, surtout vu les possibilités de façonnage du visage. Au final, les félicitations reviennent surtout au bestiaire qui fait honneur aux précédents volets, avec des créatures toujours plus inquiétantes et immondes. Mention spéciale pour les goules, dont la vivacité n'a rien à envier aux zombies de World War Z.
Vous êtes S.P.E.C.I.A.L. !
Affronter les dangers du nouveau monde ne se fait pas sans moyens. Comme de coutume, nos différentes actions rapportent des points d’expérience et chaque niveau gagné octroie un point de compétence à dépenser à notre guise. La nouveauté (ou différence, les avis divergent) concerne le système d'évolution et surtout sa simplification. Si on nous proposait, jusqu'à présent, de choisir parmi différents archétypes, chacun conférant des avantages et des inconvénients, le nouveau système se présente comme une banale grille d'aptitudes à débloquer. En augmentant nos attributs de base, on pourra peu à peu "Acheter" les talents qui s'y rapportent, sous réserve d'avoir le niveau minimum requis. On notera aussi que, malgré la présence du module d'assistance de ciblage VAST offerte par ce bon vieux Pip-Boy, il sera judicieux de faire rapidement évoluer son adresse et son endurance sous peine de connaitre un début de partie pénible. Effectivement, les affrontements dans Fallout 4 ont considérablement gagné en nervosité. Les ennemis ne font pas de cadeaux et, malgré une IA toujours aussi faiblarde, commettent beaucoup moins d'erreurs que nous durant un combat. Fini donc de se la jouer pur-sang, il faudra désormais apprendre à viser droit et si possible entre les deux yeux, afin de tuer rapidement l'adversaire tout en économisant des munitions.
On s'aperçoit alors que, encore une fois, le titre a, non seulement, été pensé pour une l’expérience de jeu optimale en vue FPS mais également pour une jouabilité PC. Mais Fallout se définit comme un RPG orienté Action, c'est pourquoi il est difficile d'accepter, après trois épisodes, qu'une vue à la troisième personne n'offre pas la même clarté de gameplay, ou qu'il soit moins évident de tirer dans le mille sur console. En définitive, il faudra rusher quelques heures afin de gagner de menus points de compétences, qui permettront d'acquérir la dextérité d'un pistolero. Progressivement, on verra avec soulagement cette difficulté s'estomper au point de renverser la tendance et de rendre l'aventure presque trop facile. Quoi qu'il en soit, en cas de combat ardu, on peut bien évidemment compter sur une ribambelle de compagnons qui mettront leurs talents...non, bien sûr que c'est une plaisanterie... Hélas, le système des partenaires a été copié sur celui de Skyrim dans les grandes largeurs...Et à la lourdeur près. Dextérité risible, tout comme la résistance aux dégâts. Pathfinding en papier crépon et le fameux "Mais sors du milieu ! Tu vois pas que j'essais de viser là !". Autant de grands classiques du genre qui finiront très vite par agacer au point de ne solliciter son acolyte que pour ce qu'il sait faire de mieux : la mule.
Bien amer face à de tels bras cassés, on a tendance à craquer, et à vouloir faire payer le monde entier. Mais, ce n'est pas aussi simple. Car si nos "auxiliaires de combat" sont susceptibles de nous tourner le dos à force de désaccords moraux, on s'aperçoit que, dans le Commonwealth, les gens sont plutôt bonne pâte. À la différence des terres désolées ou du Mojave, nos actions, mêmes les plus condamnables, ne feront pas de nous l’ennemi public numéro un. Certes, certaines décisions lors des quêtes peuvent avoir des conséquences sur le long terme et on ne nous tendra pas l'autre joue en cas d'agression. Mais aucune crainte à avoir concernant notre réputation auprès du voisinage. La suppression pure et simple des points de Karma fait mal, car cela faisait partie intégrante de la saga. Une décision qui écorche la sensation de libre arbitre mais qui a le mérite d'être en adéquation avec la personnalité du héros et surtout sa position dans l'histoire.
Au travail Cendrillon !
Fini de jouer les méchants donc ? Mais il y tant à faire en tant que bon samaritain. Durant la traversée du Commonwealth, on sera amené à croiser de nombreuse communautés, chacune ayant ses problèmes et, le cas échéant, besoin de notre aide. À l'image des épisodes précédents, la trame principale fait office de colonne vertébrale du jeu, à laquelle viennent se greffer de nombreuses branches, que sont les quêtes de factions. On retrouve des habitués, comme la Confrérie de l'Acier, mais également de nouveaux groupes, tels que le réseau du rail ou les miliciens. Une faction possède son propre arc scénaristique, ses propres opinions et idéaux, et il ne tiendra qu'à nous d'y adhérer, ou pas. Sachant que vouer allégeance à un clan pourra éventuellement faire d'un autre notre ennemi. Également, des quêtes orphelines seront disponibles, la plupart d'entre elles n'apporteront rien de plus qu'un butin rare. D'autres, plus complexes, feront carrément office d'histoires de poche. Reste enfin les services divers, plus basiques, qui consistent à aider un individu en particulier, la plupart du temps il s'agira de tâches répétables permettant de gagner un peu d'argent. C'est d'ailleurs une composante bien moins vitale qu'auparavant, car jamais un Fallout n'aura autant mis l'accent sur l'aspect "Do It Yourself" ! Pour une fois, récupérer la moindre bricole sur une étagère a réellement son importance. Que ce soit pour fabriquer et améliorer son équipement, ou bien participer à la reconstruction de la région à la travers la gestion des colonies.
C'est la grande nouveauté présentée par cet opus, et un véritable jeu dans le jeu. Pas moins d'une trentaine de zones pouvant être nettoyées de la vermine, afin d'y convier quelques âmes errantes pour y établir des habitations. Il faudra donc retrousser ses manches afin de déblayer le terrain, recycler des matériaux pour obtenir des matières premières, et se lancer dans la construction. Les possibilités sont très nombreuses, mais les développeurs n'ont pas oublié que le crafting n'est pas le loisir de tout le monde. Aussi, pour les plus passionnés (et surtout les plus patients) il sera possible de façonner chaque mur de chaque bâtiment. A l'inverse, ceux qui n'ont pas de temps à perdre, et désirent s'adonner de manière plus superflue à cette activité, opteront pour des structures "clé en main". Mais la gestion d'une colonies ne se limite pas à donner un toit et un lit aux habitants. Il faudra également veiller à ce que chaque campement dispose des ressources suffisantes pour se nourrir, se défendre, se reposer, le tout proportionnellement à sa taille et au nombre de colons. Ainsi, le but de la manœuvre sera de maintenir un taux de bonheur correct, et surtout d'éviter les ravages d'une attaque de pillards. On aura la possibilité de participer à la défense des colonies en cas d'assaut, si toutefois on parvient à revenir à temps sur les lieux du conflit. Tout cela impose donc une certaine rigueur et gérer jusqu'à trente zones peut s'avérer très complexe sans organisation.
Et si avec tout ça, on est toujours pas rassasié, il reste encore de nombreux secrets à découvrir en explorant les divers endroits abandonnés. De nombreux objets uniques à collecter, les quêtes proposées par nos compagnons afin de faire copain-copain voir plus si affinité, des histoires, des problèmes, des recherches à effectuer et des combinaisons de jeu à expérimenter, qui feront passer la durée d'une vingtaine d'heures en ligne droite au quintuple, si on a le souci du travail bien fait.
La musique adoucit les meurtres
Et il n'y aura pas d'excuses pour ne pas partir en ballade, car tout bon back-packer qui se respecte ne voyage pas sans son walkman. Le Pip-Boy propose, une fois de plus, d'écouter la radio tout en arpentant les chemins de l'Athènes de l'Amérique, et on peut dire que les amateurs de "Oldies But Goldies" seront comblés en matière de sélection musicale. On retrouve les bons vieux standards des années cinquante, qui font toujours leur petit effet en se mélangeant au visuel apocalyptique du paysage, ainsi qu'une station proposant des œuvres de musique classique. La radio permettra également de capter des messages émis depuis des zones limitées, afin d'activer certaines quêtes ou, parfois, des signaux de détresse, qui feront appel à votre âme de sauveur du Commonwealth.
Un talkshow peut également être entendu pour ceux qui se sentent seuls sur la route. Une émission qui prouvera que, pour une fois, la localisation française, bien qu'irrégulière dans sa tonalité naturelle, constitue une bonne surprise. Il semblerait qu'un effort ait été fait au niveau du doublage, et cela est justifié, car Fallout 4 est le premier jeu des studios Bethesda où le héros s'exprime de vive voix. Même si cette innovation fait que l'on s'identifie moins au personnage, cela donne une dimension plus cinématographique à l'ensemble des cutscenes, confirmant ainsi le souhait apparent des développeurs de faire évoluer le concept de sa licence. L'ambiance intimiste demeure maintenue par les bruits d’environnement, qui rendent ce monde plus vivant que jamais. Il n'est pas rare de traverser une ruelle et d'entendre des échos de fusillade provenant du quartier voisin ou bien des bribes de musique provenant d'une maison au loin. Quant aux compositions originales du titre, elle sont dans la pure tradition de ce que Inon Zur a pu produire pour les épisodes précédents. Un remaniement du thème principal magnifique et adoucit. Des musiques d'ambiance discrètes, mais assorties au contexte pesant de l'univers. Chaque élément sonore, qu'il soit mélodique ou vocal, s'accorde à l'image.
Au vu de l'actuelle scène du RPG occidental, Fallout 4 remplit le costume et demeure ce qui se fait de mieux. Les développeurs démontrent une fois de plus la maîtrise de leur domaine, bien que certaines choses agacent encore et toujours. Pour l'avenir de la licence, on attend un futur sans avantage pour les adeptes du FPS possédant une machine de guerre en guise de PC. Un futur sans impardonnables défauts non corrigés, car on compte sur les praticiens du modding pour régler le problème. Malgré tout, on est encore une fois victime de l'effet Bethesda. Ce moment où l'on se dégoûte soi-même car on passe son temps à critiquer un jeu dont on ne peut se passer. Pourquoi ? Et bien tout simplement car c'est un bon jeu, une bonne expérience...Un bon RPG. On abdique alors, plein de honte et on s’avoue à soi-même que ce titre est sans doute l'un des meilleurs produits en 2015. Cependant, on ne pourra jamais cessé de détester et d'aimer Fallout 4. C'est un combat, et tout le monde sait que la guerre...ne meurt jamais.
Un très bon Fallout avec son habitude plein de contenu nous permettant de voyager ici et là dans un univers toujours plus réussi. Dommage qu'une certaine lassitude puisse se faire ressentir après avoir terminé l'histoire principale et plusieurs quêtes annexes.
Un très bon Fallout avec son habitude plein de contenu nous permettant de voyager ici et là dans un univers toujours plus réussi. Dommage qu'une certaine lassitude puisse se faire ressentir après avoir terminé l'histoire principale et plusieurs quêtes annexes.
Fallout 4 frustre autant qu'il passionne. Plus orienté grand public que jamais au sein de la série, il en décevra certains à cause de ses dialogues édulcorés ou de son histoire en retrait. Ceci étant, ce Fallout 4 reste un RPG très solide et nous livre une exploration grisante grâce à son univers particulier. Un peu fainéant par moment, laissant l'impression qu'il aurait pu encore mieux faire sur divers points et bénéficier d'une meilleure finition, il n'en reste pas moins un jeu à la fois amusant et agréable à parcourir et c'est bien là l'essentiel.
Fallout 4 frustre autant qu'il passionne. Plus orienté grand public que jamais au sein de la série, il en décevra certains à cause de ses dialogues édulcorés ou de son histoire en retrait. Ceci étant, ce Fallout 4 reste un RPG très solide et nous livre une exploration grisante grâce à son univers particulier. Un peu fainéant par moment, laissant l'impression qu'il aurait pu encore mieux faire sur divers points et bénéficier d'une meilleure finition, il n'en reste pas moins un jeu à la fois amusant et agréable à parcourir et c'est bien là l'essentiel.