Né d'un défi pendant la
Ludum Dare puis transformé en "vrai" jeu par la suite,
Evoland est resté dans les mémoires avant tout par son concept : proposer un jeu évolutif cherchant à retracer l'histoire et l'évolution de 30 ans de RPG. Un trip nostalgique qui a vite montré ses limites et qui a reçu des avis relativement mitigés, mais un trip portant une idée au potentiel énorme. Et ça
Shiro Games l'a bien compris, puisque le studio bordelais a rapidement annoncé son intention de rempiler pour un second volet. Exit l'évolution et bonjour le voyage à travers les âges cette fois ci,
Evoland 2 le bien nommé se voulant plus riche, plus ambitieux tout en ne se limitant plus à la seule famille des RPG. Un sujet aussi casse-gueule que le voyage dans le temps, et tout ça juste six mois après que son grand frère soit sorti ? Voyons voir ça.
La loi de Murphy
Amnésie rime souvent avec ennui, et ce n'est pas l'histoire du jeu vidéo qui dira le contraire. Et c'est aussi ce que Fina, jeune habitante du village Nibiru, a dû se dire quand elle s'est vue envoyée 50 ans dans le passé en voulant aider Kuro, jeune rouquin à la mémoire qui flanche et retrouvé peu de temps auparavant dans la forêt surplombant son village. Un retour dans cette zone, une rencontre avec trois démons et un champignon géant peu amical, l'explosion d'un étrange pilier lié à l'antique civilisation des Magi et hop, les voilà plongés dans une époque qui, jusqu'à présent, n'existait que dans livres d'Histoire. Il s'agit maintenant de retrouver le chemin de la maison et si possible en évitant de provoquer des paradoxes temporels.
Passé dix bonnes minutes de prologue,
Evoland 2 pose donc ses bases : des voyages dans le temps signalés par un changement graphique, une foultitude de genres vidéo-ludiques mis en lumière et surtout des références à foison au jeu vidéo et à la pop-culture. Certes il n'est pas le premier à le faire, mais peu l'ont fait à un rythme aussi soutenu : que ce soit visuel, textuel ou ludique, c'est un véritable festival (
admirez donc une liste ici), parfois bien grossier, parfois bien subtil, qui ne s'arrêtera qu'à la conclusion et qui sera l'occasion pour les protagonistes de régulièrement briser le quatrième mur pour signaler leur incrédulité ou leur étonnement face à ces phénomènes qui leur sont étrangers. Et même s'il faut bien avouer que cet empilement a quelque chose d'un peu lourdingue à la longue, difficile de ne pas lâcher un sourire idiot à chaque clin d’œil reconnu. Quant à l'histoire en elle-même, elle est plutôt classique et suit un déroulement conventionnel sur fond de voyage dans le temps, avec des twists pour régulièrement relancer la machine. Ajoutons un casting attachant et mine de rien pas si cliché que ça, et l'on sent dans cette aventure une vraie volonté de construire quelque chose. Malheureusement, son manque global de punch et le déroulement parfois bien nébuleux des évènements ne lui rendent pas service, et l'on a vraiment du mal à se sentir concerné par les enjeux. Entre fun et sérieux la balance va surtout pencher du côté du premier, et au final on ne retiendra vraiment que ça.
Rock'n'Age
Le déroulement, très dirigiste dans la première moitié et totalement libre dans la seconde, amènera notre équipe de choc à visiter quatre époques épousant chacune un style bien différent : l'antiquité possède un grain d'image digne de la Gameboy, le passé ressemble à de la Game Boy Color / Advance, le présent arbore une robe 16-bits tandis que le futur est tout de 3D habillé, et chaque époque possède sa propre bande-son et effets sonores. Le travail de cohérence aurait été parfait si l'interface ne restait pas figée, sans parler de ce très agaçant inventaire format liste déroulante, mais l'ensemble est relativement plaisant. A la manière d'un Chrono Trigger, les pérégrinations de nos joyeux drilles à travers les âges seront l'occasion de constater les effets du temps sur leur univers voire même d'influer dessus au fil de l'intrigue, un exercice rondement mené et sans fausses notes même si on regrettera qu'il se limite quasi-exclusivement à l'intrigue : il faut dire que ce monde n'est pas très grand et que sorti de l'histoire, il n'a pas grand chose à offrir.
Globalement, la base d'
Evoland 2 est celle d'un A-RPG relativement basique : un système de gain de niveaux, trois statistiques attaque / défense / points de vie, un système d'équipement, on ne contrôlera que Kuro durant l'aventure et ses compagnons interviendront sous la forme de coups spéciaux qui seront sollicités pour casser du streum et résoudre des puzzles. Mais on ne se contentera pas de juste agiter une épée au fil de l'aventure car on fera face à de nombreuses variations de gameplay : un petit remake Ryu vs Akuma (
Street Fighter) d'un côté, du combat façon
Bejeweled contre des nains de l'autre, un hommage à peine appuyé au
Professeur Layton par ici, on saute sans cesse du coq à l'âne durant l'aventure,
Evoland 2 tenant plus que bien sa promesse d'en faire voir de toutes les couleurs au joueur. Cet étalement des genres est original et frais, mais donne aussi naissance à un étrange paradoxe : d'un côté cette multitude de gameplay empêche de réellement en exploiter la substance et l'ensemble se cantonne à du très classique. De l'autre le studio semble être parti du principe qu'un joueur de
Evoland 2 est déjà familier avec tous ces styles de jeu, ce qui demandera parfois un apprentissage par le Game Over pour palier au manque d'explications. Quand en plus on n'est pas vraiment fan de tel ou tel genre, autant dire que ça passe un poil plus mal.
A l'inverse, posséder une expérience d'un genre rend les séquences bien monotones, plus encore quand elles s'étirent sans réelles raisons ; les passages RPG du jeu (un niveau en mode tour par tour avec de l'
ATB et une série d'affrontements en mode
T-RPG) se distinguent ainsi par leurs longueurs et leurs lenteurs. Pour pinailler, on pourrait également mettre sur la table quelques approximations et de très irritants problèmes de hitbox qui nuisent à certaines séquences, notamment celles tirant vers le
shoot'em up ou le passage en mode
Runner Game. Sûrement par facilité, on a également accès à l'inventaire RPG quelque soit la phase de jeu (allez hop, une petite potion de soin en plein VS fighting !), un truc qui nous fait dire que le studio aurait pu mieux bosser la forme, au moins pour respecter la cohésion des genres. Histoire de ré-employer certains mots, ce mic-mac d'expériences est original et frais, mais souffle au final le chaud et le froid entre la curiosité de voir ce que le jeu nous réserve, le rythme haché qu'il impose malgré lui, et le fait que les nombreux gameplays qu'il brasse n'iront jamais plus loin que les 30 secondes nécessaires à leurs découvertes.
Trip rétro sinon rien
D'un point de vue esthétique,
Evoland 2 continue à cultiver cet art du paradoxe : autant la partie 3D de l'aventure, liée au futur, est assez plate et passe-partout, autant on sent un amour certain pour le pixel et pour tout une époque du jeu vidéo dans les environnements variés, colorés et fournis que nous servent les balades du passé au présent. L'OST du jeu est un peu le reflet de la partie graphique, les thèmes musicaux modernes font triste mine face aux compositions plus 16-bits. On retiendra principalement dans ces compositions celles desservant les passages les plus actions du jeu car elles y apportent une pêche supplémentaire, tandis que les musiques liées à l'exploration et aux villages, bien plus sages, sont moins mémorables. La cohérence son/époque est quasi-respectée à travers tout le jeu,
Shiro Games ne lui tordant le cou que pour proposer deux très bon morceaux "rock-rétro" (
The Ghost Forest et
Fightning Magus).
Comptez une quinzaine d'heures pour boucler l'aventure principale, auxquelles on pourrait en rajouter quelques-unes en intégrant les objectifs annexes : amasser les 61 cartes de Game of Cards, un jeu de cartes pas fou-fou et reposant beaucoup sur la chance, dénicher tous les morceaux d'Orikon pour fabriquer l'équipement ultime et trouver les 30 étoiles, de purs objets à collecter.
Touche-à-tout volontaire mais parfois bien maladroit, pitre dont la bonne humeur fait qu'on lui pardonne cet indécrottable désir de toujours attirer l'attention, Evoland 2 est à l'image de son ainé mais en plus peaufiné, à savoir un soft bourré d'humour et au concept vraiment génial mais dont l'application montre assez rapidement ses limites. On sent vraiment dans cette manière d'utiliser les styles et les codes du jeu-vidéo un amour certain des développeurs pour ce média, et malgré ses tares et un sacré déficit de personnalité, Evoland 2 est un peu plus qu'un énième jeu sympa avec plein de références dedans. La prochaine fois qu'on vous en parle ou que Steam vous met le nom en pleine face, pensez à donner une chance à ce charmant petit jeu.
28/02/2016
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- Le melting-pot des genres
- Une blinde d'humour, de références et d'hommages
- La cohérence son/époque/image
- Les morceaux rétro-rock
- Un récit pas si niais que ça...
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- ...mais qui manque de folie
- Le rythme cassé de l'aventure
- Certaines phases de gameplay approximatives
- Le voyage dans le temps qui ne sert qu'au scénario
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TECHNIQUE 3.5/5
BANDE SON 4/5
SCENARIO 3.5/5
DUREE DE VIE 3/5
GAMEPLAY 3.5/5
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