En 12 ans d’existence et autant d'opus principaux (en comptant les versions modifiées), les Monster Hunter se sont rapidement imposés comme l'un des piliers de l'A-RPG. Les versions portables notamment ont captivé des millions de joueurs à travers le monde, et si la série prend un malin plaisir à cultiver l'immobilisme les joueurs en redemandent. La licence est donc bankable, et l'annonce d'un épisode anniversaire pour 2015 n'aura surpris personne. Pour fêter cela dignement, Capcom a préféré une anthologie plus qu'un positionnement comme épisode de nouvelle génération. Pourtant, bien loin du simple spin-off, Monster Hunter X (de son nom original) est sans aucun doute l'épisode qui renouvelle le plus le genre, depuis très longtemps. Ce qui n'était pas difficile.
Ctrl+C, Ctrl+V sauvage
En apparence, c'était mal parti. Si l'on note quelques éléments graphiques vaguement plus animés qu'à l'accoutumée (herbes hautes, vol d'oiseaux),
Monster Hunter Generations ressemble en tous points au
Monster Hunter 4U sorti un an plus tôt, qui lui-même reprenait déjà peu ou proue le moteur et les caractéristiques des précédents. Les grands monstres comme les petits retrouvent la place qui a toujours été la leur, avec quelques menues variations de comportement et d'attaques, et si sept petits nouveaux font comme toujours leur apparition, rien ne vient fondamentalement chambouler les chasses et les cueillettes. Aucun nouveau type d'armes en vue, les armures et les talents associés sont en grande partie identiques, les objectifs pas plus inventifs qu'avant (cueillette, transport d'objet, chasser ou capturer un ou plusieurs monstres), le farming toujours aussi encouragé, lent et frustrant, puisque l'aléatoire y occupe toujours une bonne place. Et pourtant le jeu reste fun.
À leur arrivée au village de Bherna, l'ermite charge les chasseurs d'en protéger les alentours menacés par les monstres du fait de leur proximité avec la Frontière Jurassique - la seule nouvelle zone du jeu. Cela passe d'abord par l'apprentissage du métier à ramasser les champignons, puis chasser le gibier avant de passer à de plus gros morceaux qui constitueront les quêtes clés. En retour, celles-ci débloqueront les fameuses quêtes Urgentes qui opposeront le joueur à de fortes têtes comme le Malfestio, sorte de chouette géante capable d'endormir et désorienter les imprudents. Si le village abrite la Wycadémie, université responsable de l'étude des monstres et accessoirement guilde locale, le jeu ne se montre pas très pédagogue dans le cheminement à suivre pour progresser : les quêtes clés ne sont toujours pas facilement repérables dans la masse, et surtout des travaux en apparence annexes et quelconques sont en fait obligatoires à la poursuite de l'aventure.
Best-of oblige,
MHX fait revenir d'anciennes bases sur le devant de la scène. Pokke, Kokoto, Yukumo, trois villages tirés respectivement de
MHFU,
MH et
Portable3rd et qu'on retrouve ici presque intacts, tout comme les zones de chasse environnantes. Eux-aussi ont besoin de nos services et les chefs de villages nous chargeront régulièrement de tâches serviles comme l'extermination de jaggis ou la récolte de champignons. Seulement ces quêtes soporifiques ne sont pas négociables, car nécessaires pour débloquer les monstres à abattre, et notamment introduire les nouveaux venus. Mieux vaut donc s'en acquitter rapidement plutôt que de devoir enchaîner les missions trop faciles juste pour atteindre la suite. Ceci dit, vers la fin du jeu elles seront l'occasion de relever des défis plus corsés et obtenir de fastes récompenses.
C'est une vingtaine de zones de chasse au total qu'on pourra parcourir, bien plus qu'à l'accoutumée. On sent malheureusement que
Capcom n'a pas souhaité autant peaufiner cet aspect du jeu que le gameplay, car on n'y trouve plus aucune trace des anciennes étendues d'eau dans lesquelles nager librement, et les niveaux à hauteurs variables qui faisaient tant pour la verticalité de
MH4U ne se débloquent que très tardivement, dans la partie Haut Rang du jeu. De même, le virus de frénésie et le système de Wyvpierres sont totalement absents de
Generations. Les zones ont donc subit de lourds remaniements, et si les plus anciennes incluent désormais des rebords permettant de sauter sur les monstres pour les monter (fonctionnalité qui heureusement demeure) les changements semblent parfois réalisés à la truelle et peu inspirés. Constat similaire du côté des monstres, pour continuer à parler statistiques. Le jeu inclut pas loin de 70 grands monstres issus de la série, dont sept têtes originales, mais le classicisme de la plupart des petits nouveaux n'arrive pas à compenser l'oubli de bête iconiques comme le regretté Diablos.
Affûtage
Dire que MHX ne fait aucun effort serait injuste : quelques améliorations sont à noter, par-ci, par-là. On appréciera la collecte rendue plus aisée par la possibilité de laisser le bouton enfoncé pour cueillir ou dépecer plutôt que de bourinner la touche comme un professionnel de Track&Field, ainsi que des points de collecte légèrement plus généreux et un livreur qui pourra, en plein milieu d'une quête, se charger de rapporter quelques-unes de nos possessions au village. À se demander comment le développeur a pu ne pas y penser avant. Les points de Wycadémie glanés à force de hauts-faits pourront servir de monnaie d'échange pour les menus travaux exécutés par les felynes, comme la chasse aux monstres ou le troc de matériaux, et même remplacer l'argent pour payer certains marchands ou manger un bout à la taverne locale. Clairement ça n'est pas la révolution, mais la suite s'en rapproche.
Pour changer un peu de l'ordinaire, nos compagnons felynes (les Palicos) qui habituellement jouent un simple rôle de sidekicks pourront enfin prendre la place du personnage principal. Ces Miaroudeurs disposent en effet d'un mode dédié, dans lequel ils iront griffouiller du monstre en personne. Dans cette configuration, nos compagnons à poils ne sont pas limités par une jauge d'endurance mais disposent de combos évolués et rapides, d'armes de mêlée et à distance, de talents et coups spéciaux, et peuvent facilement se cacher en attendant que l'orage passe, histoire de compenser leur plus faible puissance d'attaque. Le village offre d'ailleurs pléthore d'options de personnalisation de nos amis à poils, de l'armurier felyne au dojo qui se chargera d'apprendre talents et techniques à nos compagnons. Enfin, si ce mode de jeu peut être utilisé pour toutes les missions en solo comme en coopération, on trouve un certain nombre de quêtes et de défis en arène dédiés à cette nouvelle fonctionnalité. L'un dans l'autre, les Miaroudeurs sont un poil moins techniques à maitriser que les habituels chasseurs eu égard aux systèmes plus simplistes, mais constituent un ajout rafraîchissant - et parfaitement facultatif - à l'univers Monster Hunter.
Toujours aussi importante dans l'expérience de jeu, la phase d'équipement (armes et armures) a subit quelques menus changements. En effet, si les précédents opus utilisaient une approche linéaire de l'amélioration d'arme, MHGen opte désormais pour un système par paliers. Concrètement, les armes possèdent désormais des niveaux de puissance (influant sur la puissance et le tranchant - ou les types de tir disponibles dans le cas des armes longues portée), à débloquer à force d'ingrédients plus ou moins rares. Ce n'est qu'en atteignant un certain rang d'upgrade qu'une arme peut être transformée en une version améliorée - pas forcément plus puissante, mais différente. Une double-lame aquatique pourra ainsi troquer une partie de sa puissance brute pour l'ajout de l'élément glace avant de booster ses caractéristiques uniques à force de niveaux. Dans un sens, le principe n'est pas si différent de l'ancien, il rationalise simplement l'évolution de l'arme à une vision moins complexe, épurée. Cela sans perdre la diversité et la richesse qui a fait le succès des jeux. Même constat de changement dans la continuité du côté des armures : l'amélioration d'une pièce d'équipement peut désormais passer non plus par la seule pierre d'armure de niveau croissant, mais aussi par l'adjonction de pièces indifférenciées du monstre associé. Pour le coup, cet ajout paraît superflu tant la valeur nécessaire s'obtient sans efforts. Si des ajustements ont été faits au niveau de l'affichage des dégâts potentiels des armes, le système reste un bordel sans nom que seule l'utilisation d'une calculatrice et des wikis pourra rendre bittable. Au moins cela contribue-t'il toujours à fédérer une communauté soudée dont la capacité d'émulation n'est plus à démontrer.
Not even my final form
Mais c'est bien le gameplay qui a subit les changements les plus importants. Jusque-là, les nouveaux épisodes s'étaient contentés de rajouter ponctuellement des armes et d'affiner leur maniement. Notons par exemple, ici, l'ajout des enduits offrant divers effets à l'Epée & Bouclier. La série s'était donc bien gardée de toucher au feeling général, s'enfermant dans un conservatisme presque dogmatique, refusant même de modifier les problèmes d'ergonomie. Seule concession, l'incorporation d'un viseur permettant de s'orienter dans la direction générale du monstre depuis les opus 3DS, probablement ajouté dans le seul but de compenser les soucis de caméra, du fait de l'absence d'un vrai stick droit sur portables. Bref, la formule demeurait immuable et il faut bien le dire vieillissante, incapable d'attirer les joueurs réfractaires à son credo. C'était en tout cas avant Generations, qui vient pour la première fois dépoussiérer la série principale de manière intelligente : avec l'ajout des Styles et Arts de Chasse.
Commençons par ces derniers dont le concept est simple : il s'agit ni plus ni moins d'attaques spéciales débloquées au fil du jeu, dont l'utilisation est liée à une jauge qui se remplit à mesure des coups portés avec l'arme. Une partie d'entre eux est d'utilité générale (l'un permet de réaliser une esquive rapide en cas de besoin, qui rengaine directement l'arme et possède une période d'invulnérabilité prolongée) mais le cœur du système est d'offrir trois Arts différents et spécialisés pour chaque arme, qu'il s'agisse d'attaques directes ou de buffs passagers. Ainsi l’Épée & Bouclier pourra exécuter jusqu'à 5 coups directs successifs sur un monstre, le Corps de Chasse pourra jouer en une seule fois toutes ses mélodies de boost sur son seul porteur, quand l'un des arts des Doubles Lames doublera les coups du joueur durant quelques dizaines de secondes, augmentant de fait sa puissance d'attaque d'un bon tiers. Et les autres sont du même tonneau. Si les Arts sont d'utilité variable (parfois excessivement puissants, parfois complètement nazes) on saluera leur présence qui étoffe bien le panel de coups utilisables tout en rendant les combats un peu plus dynamiques. Et ça n'est rien à côté des Styles.
Avec 14 types d'armes très diversifiés dans leur maniement, des talents d'armure capables de modifier en profondeur la façon de combattre, et les préférences personnelles des joueurs en sus, la série était déjà - si l'on minimise son immobilisme - un modèle de diversité. Et si qu'on multipliait ça par quatre ? C'est ce que les Styles se proposent de faire.
Sur le papier, les quatre Styles de Chasse définissent les attaques utilisables par le personnage avec l'arme équipée mais aussi les avantages et faiblesses qu'ils lui procurent. Prenons le style Guilde comme exemple. Il s'agit du maniement original des armes directement repris des précédents volets. Rien de vraiment neuf, si ce n'est l'intégration de deux emplacements pour Arts de Chasse qui font leur apparition sur l'écran tactile. Un style plutôt standard en définitive, pour ceux qui ne souhaitent pas changer du tout au tout leur façon d'aborder le jeu, ou tout simplement s'habituer dans un premier temps aux nouveautés. Le second Style, Guerrier, modifie déjà plus la surface : en ajoutant un troisième emplacement d'Arts d'abord, en boostant le remplissage de la jauge ensuite, ce qui en fait la configuration rêvée pour tout miser sur les Arts. Cependant ce style modifie en profondeur les coups et combos des armes mais aussi leurs fonctionnalités. Les Doubles-lames perdent ainsi leur jauge d'archidémon, et il en va de même pour le reste de l'arsenal, modifiant ça et là les enchaînements de coups et features par rapport au style standard.
Arrêtons-nous un instant le temps de digérer ces informations. On entend déjà les puristes hurler à la mort à la simple évocation de ces modifications, mais peut-être devraient-ils cesser de jouer les vierges effarouchées et admettre que ce changement a du bon. Loin de pervertir le système en le transformant en un action-RPG flashy pour noobs amateurs de presse-bouton sans réflexion, les Styles et Arts de chasse offrent avant tout une plus grande diversité dans la manière d'aborder les combats, de manier les armes, et ce en conservant la maniabilité rigide et technique que nous aimons tous.
Git Gud
En parlant de technicité, attardons-nous sur les deux derniers Styles. Première remarque, ces deux-là ne possèdent qu'un seul emplacement d'Art, et reposent donc beaucoup moins sur cette fonctionnalité ; et c'est bien normal, puisque leur intérêt est qu'ils apportent deux propriétés radicalement différentes de ce qui s'était fait jusque-là.
Le style Aérien remplace ainsi la roulade de base par un petit saut qui, s'il possède des capacités d'esquive inférieures à la normale, prend tout son sens quand il heurte un monstre, un objet (une bombe par exemple) ou même un compagnon : au moment de l'impact, le joueur est propulsé dans les airs pour retomber plus loin, ou abattre son arme en piqué sur un monstre. Bien que ce saut n'ait que de faibles capacités de limitation des dégâts (l'invincibilité est courte et le chasseur reste quelques instants immobilisé à l’atterrissage, à la merci d'un prédateur), lorsqu'il est employé à bon escient il peut infliger quelques dégâts, mettre le joueur hors de portée en le propulsant au dessus d'un ennemi, et surtout déséquilibrer le monstre pour le monter comme un cow-boy de rodéo pour l’éreinter, fonctionnalité introduite dans
MH4U. Il est difficile de maitriser ce style qui est une arme à double tranchant, puisque le temps passé en l'air n'est que peu utilisé à faire des dommages et peut s'avérer dangereux en cas de mauvais timing, mais, une fois bien assimilé, sera un argument de poids pour rendre les affrontements rapides autant que gracieux.
Dernier style, et non des moindres, le Bushido est certainement celui qui demande le plus de sang-froid. Sa principale caractéristique est de se jouer tout en esquive (ou en garde, pour certaines armes). Réaliser une roulade en direction d'un monstre au moment même ou celui-ci nous attaque permet, au lieu de se prendre le coup de plein fouet, de passer instantanément au travers un peu à la manière d'un
samurai de chanbara. Non content de proposer une atténuation totale des dégâts, la demi-seconde qui suit est l'occasion d'enchaîner sur une contre-attaque, une nouvelle esquive ou même sur un nouveau type de coup. Un manieur de marteau pourra ici réaliser une charge améliorée, ou bénéficier directement d'une charge maximale dans le cas d'un archer.
Le propre du système, c'est de permettre d'apparier librement armes, Styles et Arts avec les limitations d'usages histoire de ne pas trop déséquilibrer les débats. On constate pourtant vite que tout ne se vaut pas, que les styles s'accordent mieux avec certaines armes qu'avec d'autres. A l'instar du style Guerrier, les deux autres modifient également les combos disponibles, comme les Doubles-lames aériennes qui perdent la fameuse danse démoniaque mais gagnent un coup tournoyant en mode démon. C'est finalement une histoire de trouver ce qui nous correspond, ce qui nous amuse, comme cela l'a toujours été.
Comme toujours, MHGen impulse une mauvaise rythmique, en ne débloquant la majeure partie de ses fonctionnalités qu'à l'entrée dans les quêtes de rang Expert, soit probablement après une bonne quarantaine ou cinquantaine d'heures de jeu selon votre rythme, puisque cela impose d'en passer par les quêtes de guilde. Et même une fois bouclée la totalité des quêtes Expert, n’espérez pas avoir débloqué tout l'éventail des missions et des monstres, certains ne pointent leur museau qu'à un très haut rang de chasseur, comme l'Ukanlos et l'Akantor au RC60+ soit des dizaines d'heures de farm. Malgré le contenu nolifesque (quêtes du Village, des PNJ, de la Guilde, de l'Arène, des Miaroudeurs, évènements et défis, Hyper-monstres et bêtes exotiques), la série se laisse toujours aller à mettre en avant la répétition et le jeu coopératif en ligne (en général bien plus rapide) plus que de récompenser le chasseur solitaire par des défis recherchés et rémunérateurs. Toujours ce triomphe de la quantité sur la qualité, efficace mais usant.
En résumé, MHGen n'est pas original dans le déroulement du jeu mais vaut surtout pour son système de combat amélioré, bien plus varié qu'à l'accoutumée. Nombre de joueurs expérimentés trouvent cet épisode un peu plus simple que les précédents, conséquence probable de l'influence des Styles et Arts de chasse qui peuvent être exploités, dans une certaine mesure pour faciliter l'esquive ou le DPS. On peut difficilement leur donner tort, mais si certains anciens Némésis reviennent trop tôt dans le jeu (comme le Rathalos ou le Nargacuga) pour effrayer autre chose que les novices, les nouvelles bêtes noires ne sont pas pour autant toujours simple à gérer, et le jeu nous oppose amplement de quoi se briser les dents. D'autant que des versions Exotiques ultrapuissantes des prédateurs viendront tenter de nous boulotter à la fin du jeu. Long, dense, prenant, bien que parfois redondant et frustrant du fait de son habituel farming, Generations fête dignement cette première décennie de Monster Hunter. À voir si la prochaine sera enfin l'âge de la maturité.
S'il n'en avait été des styles et arts de chasse, Monster Hunter Generations eut été un jeu paresseux. Peu de changements, encore moins d'améliorations, et sur le plan du level-design la quasi-perte des gimmicks des épisodes précédents couplée à l'unique nouvelle zone donnent l'impression étrange de parcourir une compilation plus qu'une nouveauté. Le contenu gigantesque contentera les nouveaux venus, les autres risquent d'avoir une trop grosse sensation de déjà joué. Pourtant la seule intégration de ces audacieuses mécaniques au système de combat suffit à rehausser l’intérêt du vétéran, de par la diversité qu'elles proposent.
10/10/2016
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- Beaucoup de zones et de monstres pour un contenu encore augmenté
- Les styles et arts de chasse sont un apport réel à un excellent gameplay
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- Par nature redondant avec les anciens
- Restent nombre d'améliorations à entreprendre
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TECHNIQUE 3.5/5
BANDE SON 3.5/5
DUREE DE VIE 5/5
GAMEPLAY 4.5/5
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