Quand Gradius rencontre The Legend of Zelda.
Étrange hybridation entre deux genres diamétralement opposés, Sigma Star Saga ose le Role-Playing-Space-Shooter. Une approche toutefois déjà abordée par
The Guardian Legend dix-sept ans auparavant, qui avait déjà su faire ses preuves. Alors quand
WayForward reconnu pour avoir réussi une jolie surprise en sortant un titre plus que convaincant sur la déjà-morte Game Boy Color, Shantae, on a de quoi être intrigué par Sigma, sortant lui aussi sur une console en fin de vie. On se lance alors dans cette aventure, presque unique en son genre, en espérant découvrir quelque chose de… nouveau ? Qui sait...
Kill ze Krills.
Nous y sommes : les aliens ont envahi la Terre. Des Krills. Et pour montrer leur supériorité, ils n’ont rien trouvé de mieux que d’aller forer un énorme trou en plein milieu de l’océan Atlantique. Forcément, le dérèglement que cela a engendré fut catastrophique et des millions de morts sont à déplorer. Alors les humains se mirent à combattre, avides de revanche.
Cela fait maintenant soixante ans.
Vous, vous contrôlez Ian Recker, le commandant de l’escadrille Sigma Star. Vous représentez l’élite de la nation et êtes, d’entrée de jeu, chargé de repousser une attaque alien. La mission est un succès mais vous perdez tout de même tous vos coéquipiers durant la bataille. Un bilan amer pour Recker, qui le fera savoir à ses supérieurs. Ces derniers sont cependant ravis et le commandant Tierney lui confie alors la mission de sa vie : s’introduire dans le camp ennemi comme agent double pour enquêter sur une étrange arme que semblent mettre au point les Krills. La survie de l’humanité, voire de l’univers dépend alors de votre réussite.
Alors ok, a posteriori, on nage en pleine série B. On croit voir le topo dans sa globalité et, jeu américain oblige, on sent le discours patriotique pointer le bout de son nez avec un joli drapeau flottant au gré du vent près de la Maison Blanche.
Détrompez-vous, Sigma Star Saga va très vite prendre le contrepied de vos a priori et va, petit à petit, les démonter l’un après l’autre. On va rebondir de twist en twist, de retournement de veste en révélation incroyable pour terminer sur un sauvetage de l’univers en bonne et due forme. Il y a de tout, de l’attendu et du surprenant et au final, ce mélange se révèle assez riche pour convaincre.
On remarquera au passage que la qualité des dialogues est plutôt dans le haut du panier. Loin des grandes phrases pompeuses propres au genre, la nuance sera souvent le maître mot et évitera l'écueil du manichéisme habituel le plus basique. Mieux, l’humour noir est omniprésent et le rapport entre Recker et Psyme arrivera souvent à vous faire décrocher un sourire bienvenu.
Bon, vous n'échapperez tout de même pas à la réflexion habituelle sur les méchants-qui-ne-sont-pas-des-mechants-mais-si-en-fait-mais-pas-que-parce-que-choucroute, ni sur les trahisons téléphonées dès le début de la partie, mais tout cela s’imbrique parfaitement et arrive à offrir une aventure pour le moins rafraîchissante durant plusieurs dizaines d’heures de jeu.
À vrai dire, au ressortir de l’aventure, le constat est sans appel : c’est bien son scénario qui nous a tenu en haleine de bout en bout. Un personnage principal cynique, deux acolytes féminines réussies et une galerie de personnages, certes stéréotypée mais parfaitement exploitée.
Son défaut majeur sera alors sa narration, dépendante d’un gameplay trop classique, hachant constamment chaque phase via une exploration et des combats bien trop redondants.
Ze Legend of Recker
Comme énoncé précédemment, le jeu va vous mettre aux commandes du Sigma Ship dès la première seconde. Une bonne grosse phase de Shoot’em Up qui va vite vous annoncer la couleur : il va falloir s’accrocher. Terminer cette introduction en vie ne sera pas forcément de tout repos et fera certainement fuir certains joueurs trop peu attentifs. Une difficulté pas des plus amicales mais qui va très vite s’effondrer par la suite pour ne remonter qu’en toute fin de partie. Sauvé !
Par la suite, on repasse sur notre ami Ian Recker, en vue du dessus et hop, à nous l’exploration. Ces phases à pied s’apparentent au plus basique des A-RPG : déplacements, éradication de monstres et énigmes riquiquis quand ce n’est pas un élément du décors qui vous bloque la route. À l’image de notre cher Link, Recker devra d’abord récupérer un outil/arme précis(e) pour élargir son champ d’exploration. Ainsi, si vous ne vous déplacez qu’avec un petit pistolet en début de partie, vous récupérez au fil des chapitres un sonar, des bombes glissantes, des ailes et même un téléporteur. Bref, toute la panoplie pour atteindre la moindre petite plateforme qui osait vous faire front.
Six planètes à explorer, six gros clichés ambulants : la planète de feu, de glace, de la forêt, de sable, des fantômes et enfin… le gros QG des méchants. Au sein de ces six environnements, outre votre mission principale, vous pourrez vous aider de vos outils pour dénicher un maximum de modules d’upgrade pour votre vaisseau. Car oui, l’unique et passionnante activité annexe de Sigma Star Saga sera de trouver de malheureux coffres contenant des upgrades dont la très très grande majorité sera inutile. Extase.
Un résumé, histoire de bien cerner le classicisme presque irritant de l’exploration ?
Arrivée sur une planète, on s’y paume, on cherche quoi faire pour notre mission principale, on déniche des upgrades et on passe à la phase narrative suivante à grands coups de backtracking bien vilain pour retourner au vaisseau mère. En soit, ce n’est pas mauvais, on a vu bien pire. Mais l’aspect ultra redondant et la totale absence de quête annexe ou d’intérêt tiers est vraiment à déplorer.
Surtout que… Tous les dix pas, à vous les joies du pew-pew spatial !
Aero R-Sigma Starius
Sigma Star Saga intrigue principalement pour ce point : l’aspect Shoot’em up.
Ce dernier se déploie dans les combats aléatoires et certaines phases de scénario. Votre héros est téléporté vers un vaisseau aléatoire qui devra traverser un mini-stage, lui aussi aléatoire, peuplé d’ennemis. Votre but étant d’en tuer un certain nombre prédéfini (écrit en gros et jaune en haut à droite de l’écran) avant de pouvoir retourner sur la terre ferme.
Facile ? Dans la majorité des cas, oui. Mais il y a des nuances.
Tout d’abord, votre vaisseau est choisi aléatoirement parmi une galerie de cinq ou six disponibles. Cela va du très gros et lent, au minuscule très rapide. Vous l’aurez compris : le gros aura du mal à éviter les murs dans des cavernes très exiguës quand le minuscule va aller très vite s’empaler dans le premier ennemi à cause de sa vitesse. À vous de bien dompter chacun des vaisseaux pour en tirer le meilleur parti.
Fort heureusement, ils auront tous le même type de tir que vous aurez configuré dans votre menu, à l’aide des upgrades trouvées. À vous de choisir ce qui vous convient le mieux. Pour ma part, j’ai très vite opté pour un module de tir automatique (pour éviter les crampes aux doigts à force de tapoter A), avec une bullet de grosse taille lâchant des petites caisses de soin aléatoirement lors des impacts. Oui, trois éléments de configuration sont à votre disposition (trajectoire du tir / forme du tir / bonus). Autant vous dire que le nombre de configurations possibles est assez gigantesque.
Ensuite, chaque planète offre environ cinq mini-stages différents qui seront pris, eux-aussi, aléatoirement au moment de la téléportation. Et histoire de pimenter encore plus l’ensemble, le nombre d’ennemis à tuer dans ces stages sera lui aussi aléatoire (ou presque). Cela va bien évidemment de la simple dizaine qui ne vous prendra que quelques secondes à occire, à 99 où, là, il vous faudra vous armer de patience et de dextérité.
Et vous ajoutez aussi à tout ceci quelques stages contenant un unique Boss à défaire. Il y a là aussi entre trois et cinq boss optionnels par planète. Offrant pour l’occasion un bien plus gros tas d’expérience que leurs congénères minuscules.
On évolue comment, du coup ?
L’expérience s’acquiert lors des phases de shoot. Et aucunement en exploration. De ce fait, tuer les ennemis avec votre petit pistolet est en soit… inutile.
Avec votre vaisseau, chaque ennemi tué laissera derrière lui une petit gemme d’expérience qu’il vous faudra récupérer. Un quota qui varie selon la difficulté/puissance de l’ennemi.
Car si la difficulté était assez haute en début de partie, elle diminue très vite grâce à l’abondance des combats aléatoires. Si certains mini-stages semblent difficiles en arrivant sur une planète, on se retrouve très vite en sur-level pour tout défoncer sans problème.
Special Missions
Dernier élément à aborder avant d’avoir fait le tour du gameplay : les missions spéciales, se révélant être les phases les plus intéressantes du jeu. Lors de certains évènements, on vous mettra aux commandes d’un vaisseau pour accomplir un objectif bien particulier. L’avantage ? À vous les joies d’un stage long, au level design pensé pour l’occasion et se concluant sur un Boss. Exactement comme le niveau servant d’introduction, c’est certainement l’élément offrant le plus de fraîcheur à l’aventure, outre les dialogues pimentés, bien entendu. Et comme toute bonne chose, il n’y a malheureusement que très/trop peu de ces stages. Moins d’une dizaine.
Cela dit, certains boss ne sont vraiment pas évident à occire du premier coup quand on ne connaît pas la technique ou le pattern adéquat. Et en cas d'échec (vous n’avez qu’une vie), c’est le Game Over direct et retour au point de sauvegarde. Ça ne pardonne pas. Mention spéciale au robot tout droit sorti des meilleurs sentai, ou au boss de fin, gros clin d’oeil à Starfox (voulu ou non). De nombreuses références sont d’ailleurs de la partie, comme le pattern mythique d’arrivée des premiers ennemis de Gradius ou certains décors organiques issu de R-Type. Les plus chevronnés d’entre vous auront tôt fait de remarquer une myriade d’autres clins d’oeil, toujours bienvenus dans un titre aussi exotique.
Une Game Boy Advance en fin de vie
Il y a quelques années encore, les consoles tiraient leur révérence en sortant les titres les plus aboutis de leur catalogue, d’un point de vue technique. Les développeurs avaient eut le temps de tirer pleinement de chaque fonctionnalité et les temps de production restant sensiblement humains, on pouvait offrir en quelques mois à peine une expérience visuelle presque inédite. Ainsi, on pourrait citer Kirby’s Adventure pour la NES, les Donkey Kong Country pour la SNES, Shantae ou Faceball 2000 pour la/le Game Boy ou encore Perfect Dark pour la N64. Et ainsi de suite pour chaque console… jusqu’à l’ère HD.
Sigma Star Saga, c’est un peu le chant du cygne de la/du Game Boy Advance. Sorti en 2005 quand la Nintendo DS faisait déjà fureur dans le monde entier, les attentes étaient relativement élevées pour le support. Et WayForward ne nous a pas déçu. La 2D utilisée pour les phases d’exploration est très fine avec de bons choix de couleurs, le tout couplé à une animation pour le moins détaillée et réussie. Sans compter le renfort d’écrans statiques vraiment sympathiques lors de certains moments clés du scénario.
Les phases de Shoot’emp Up sont bien moins détaillées en raison d’une vue bien plus éloignée (et la résolution risible du support n’aidant pas…) mais restent toujours assez lisibles. Peu de ralentissements sont à noter, sauf si vous vous amusez à lâcher des bombes, évidemment… Bref, Sigma Star Saga est joli, voire même très joli.
Ce qui fait moins l’unanimité, c’est le chara-design. Si on l’attribue à Matt Bozon, directeur du projet et créateur/directeur des Shantae, on reste très loin de la qualité visuelle de ces derniers. Sauf pour les personnages féminins, Psyme, Zelly et Scarlet, très réussis. Notre Héros, Recker, ainsi que certains vilains de l’histoire comme Bloss ou Ammer font très amateurs. Difficile d’y adhérer. Dommage.
Ajoutez à cela un manque de renouvellement global et une trop grande évidence dans les environnements (forêt puis feu puis glace, etc.) et au final, on se retrouve face à un titre qui peine à marquer les esprits. Dommage, mais un bon exemple qu’une bonne technique se doit d’être accompagnée par une direction artistique au poil.
Musicalement, on suit la même idée : une très bonne exploitation technique du support, avec quelques voix digitalisées, d’excellents sons FX et une bonne variété de sonorités et d’effets comme à l’intérieur de certaines bâtisses, mais rien de véritablement marquant ni transcendant. Sans être mauvais, il est difficile d’en ressortir en fredonnant une mélodie. On notera tout de même un réel effort de scinder les musiques d’exploration et de shoot, en donnant bien plus de rythmique à ces derniers. Cela peut sembler anecdotique aujourd’hui, mais sur GBA, ce genre d’attention était encore à noter.
Sigma Star Saga est effectivement la curiosité annoncée. Un mélange habile entre Shoot’em Up et A-RPG. Les deux styles se complètent assez bien et fournissent une expérience pour le moins convaincante. On reprochera simplement à ces deux modes leur trop grand classicisme baignant au milieu d’environnements bien trop stéréotypés. Heureusement, et à notre grand étonnement, le scénario rattrape le tout pour nous offrir une aventure captivante, riche en rebondissements, narrée par des personnages plutôt...piquants ! Un titre difficile à appréhender mais qui saura trouver son audience auprès des plus curieux d’entre vous.
11/03/2017
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- Un bon scénario
- D'excellents dialogues
- De bons personnages
- Graphiquement très joli
- Un mélange des genres réussi
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- Redondance des actions
- Classicisme global
- Stéréotypes des environnements
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TECHNIQUE 4/5
BANDE SON 3/5
SCENARIO 4/5
DUREE DE VIE 3/5
GAMEPLAY 3.5/5
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