Sitôt le tout dernier épisode de l'excellente série
Langrisser terminé,
Career Soft planche sur une toute nouvelle franchise toujours illustrée par le célèbre mangaka
Satoshi Urushihara et cette fois-ci épaulé par
Atlus. C'est la PlayStation qui accueillera ce tout nouveau tactical-RPG sorti en 1999 au Japon, et qui y restera d'ailleurs cantonné alors que la quasi-totalité des épisodes suivants auront droit à une sortie occidentale.
Non-Stop Dramatic Story
Vous incarnez Carmaine, un orphelin au passé inconnu, recueilli quelques années auparavant par Sandra la grande magicienne du royaume de Rolandia qui vous éleva comme son propre fils. Dès lors en âge de vous prendre en main, celle-ci vous autorisera enfin à explorer librement les alentours de la cité qui vous étaient auparavant interdits. Accompagné par la petite fée homoncule nommée Tippi ainsi que votre demi-sœur Louise, vous commencez alors peu à peu à en apprendre un peu plus sur le monde extérieur et notamment l'existence des Growsians, un peuple ancien aujourd'hui disparu qui était capable d'utiliser l'énergie environnante afin de se doter d'impressionnants pouvoirs magiques. Seuls quelques élus comme Louise, nés sous certaines conditions, possèdent néanmoins encore cette faculté et se retrouveront malgré eux au cœur de la terrible guerre qui se profile à l'horizon entre les trois puissances du continent.
Les premiers pas de Carmaine dans la capitale seront l'occasion de façonner les caractéristiques de départ de votre personnage selon ses actions, une marque de fabrique de la série depuis ce premier épisode.
Growlanser est un RPG classique dans son déroulement, à l'image d'un
Suikoden ou d'un
Final Fantasy sur la même machine, avec ses déplacement entre les villes, ses interactions avec les habitants et les nombreux protagonistes secondaires, et où l'exploration est une partie importante dans la progression de l'histoire. La seule différence étant son système de combat purement tactique, impliquant donc une gestion de l'espace et du déplacement, à l'instar d'une série hybride comme
Arc The Lad. Les épisodes suivants s'orienteront d'ailleurs de plus en plus vers du T-RPG pur et dur pour revenir finalement à la formule du premier opus dans les derniers
Growlanser.
Non-Stop Dramatic Battles
Cet aspect stratégique demeure d'ailleurs l'une des plus grandes réussites du soft tant les développeurs ont su mettre en place des objectifs de victoire aussi variés qu'originaux. Occire tous vos adversaires ne sera que rarement la condition à remplir afin de remporter un combat. Escorter des individus, piéger des troupes, fuir un champ de bataille, ou bien encore détruire un pont pour entraver la progression de l'ennemi seront monnaie courante dans Growlanser. D'autant plus que le temps jouera très fréquemment un rôle essentiel puisque nombre de batailles devront être gagnées dans un délai chronométré, histoire de pimenter l'action et d'ajouter une tension supplémentaire. Le jeu surprend constamment et on ne peut jamais savoir à l'avance ce que nous réserve la prochaine escarmouche. Cette manière de renouveler l'action en permanence apporte une certaine fraîcheur au soft qui ne tombe jamais dans la répétitivité, et dont beaucoup de RPG devraient franchement s'inspirer. De plus, l'intensité de certaines batailles, renforcée par de nombreux dialogues ponctuant les différents tours de jeu, achève de donner un goût épique plus que bienvenu à l'ensemble.
Autre particularité du jeu par rapport à la grande majorité des T-RPG, le système n'utilise pas de cases pour les déplacements car chaque personnage possède son propre niveau de célérité pour se mouvoir sur le terrain, modifié par l'équipement et l'expérience bien entendu. Un semi-temps réel donc, d'où se greffe l'initiative de chacun à la manière d'un Grandia, avec l'éventualité de voir son action retardée à chaque coup porté. Du reste, le panel des possibilités offertes durant les affrontements demeure relativement classique, à savoir attaquer, défendre, faire usage de magie et d'un objet, ou bien encore de laisser l'intelligence artificielle faire tout le boulot. Vous pouvez cependant vous amuser à programmer cette dernière en élaborant des directives par défaut pour plus de commodité. Sachez enfin que l'expérience engrangée ne sera pas le seul moyen de renforcer votre équipe puisque vous bénéficierez également de compétences à améliorer grâce à des points obtenus à chaque niveau supplémentaire. Ces skills englobent la magie en général, mais aussi les aptitudes martiales pures tels que l'augmentation des attaques critiques ou encore la possibilité d'ajouter des effets divers tels que la paralysie ou l'empoisonnement. De nouvelles compétences se débloqueront bien entendu avec le temps, mais certaines pourront cependant être gagnées en récompense d'un adversaire vaincu.
Non-Stop Dramatic Dialogues
Dès le début, le titre de
Career Soft enchante le joueur avec une réalisation technique très soignée, digne d'une Playstation en fin de cycle. D'un point de vue graphique,
Growlanser arbore une belle 2D certes moins colorée et variée que le splendide
Tales of Eternia, mais suffisamment fine et détaillée pour la rendre très agréable. Les sprites et leurs animations sont eux aussi tout à fait correct, à l'exception peut-être des ennemis de base dont le design plutôt quelconque fait pâle figure comparé au reste du casting. Mais ce qui permet de rendre l'univers plus vivant encore est la présence d'une quantité astronomique de voix doublées. Toutes les scènes importantes, et même d'autres de moindre envergure, ont en effet droit à un jeu d'acteur globalement de très bonne qualité. Car si la pratique du doublage s'est grandement banalisée dans les jeux vidéo sur console à partir des années 2000, à l'époque de la première console de Sony l'exercice demeurait relativement discret en matière de RPG. Ainsi, à l'instar d'un
Valkyrie Profile aux nombreux dialogues parlés,
Growlanser impressionne par son imposante masse de textes interprétés, surtout au vu de la longueur de l'aventure proche des soixante heures de jeu.
C'est d'autant plus appréciable que son scénario est loin d'être inintéressant et nous plonge au milieu d'un conflit entre différents royaumes, un thème cher à
Career Soft, tant la guerre et son absurdité demeurent une constante dans la série et un point commun à tous les épisodes. D'ailleurs, un autre aspect essentiel de ce titre réside dans le fait que vos choix influenceront réellement certains évènements, ce qui aura pour conséquence de modifier des tronçons de l'histoire d'une partie à une autre ainsi que la fin bien évidemment.
Growlanser implante ainsi une notion de préférence comme dans un
Sakura Taisen, changeant donc l'ending et les scènes que vous obtiendrez selon votre comportement et vos actions vis-à-vis de vos compagnons. Parallèlement à cela, force est de reconnaître que les personnages ont fait l'objet d'un soin tout particulier grâce à la patte si particulière d'
Urushihara, et sont dans l'ensemble plutôt attachants, même si l'on n'échappe pas complètement à certains stéréotypes féminins indéfectibles. Rien de bien méchant cependant, le casting restant tout de même très satisfaisant. Le constat est en revanche un peu moins glorieux au niveau de l'OST composée par
Noriyuki Iwadare, assez passe-partout dans l'ensemble à l'exception de deux ou trois pistes.
Non-Stop Dramatic Flaws
Fort malheureusement, quelques défauts agaçants entachent tout de même l'expérience et l'empêche de peu d'atteindre l'excellence. Le pathfinding de nos héros tout d'abord, vraiment laborieux durant les combats. Il suffit de combattre dans un lieu un tant soit peu exigu pour que nos héros se bloquent les uns contre les autres sans arriver à progresser par eux-mêmes. L'obligation de modifier manuellement leur trajectoire avant de leur ordonner d'attaquer est du coup parfois assez pénible, surtout lors d'un affrontement tendu, et peut provoquer quelques crises de nerfs dont on se serait volontiers passé. S'ajoute à cela une redondance dans les allers et retours entre les différentes villes plutôt lourdingue à force, et ce même avec la possibilité de se téléporter très tôt dans le jeu. Ce dernier aspect s'illustre particulièrement avec le dernier véritable point noir de ce premier Growlanser, à savoir des dernières heures de jeu poussives et décevantes.
En toute honnêteté, l'histoire aurait mérité de se terminer une dizaine d'heures plus tôt tant l'ultime ligne droite fut ennuyeuse. A partir de ce stade j'ai le sentiment que les développeurs ont décidé de meubler le récit avec des combats inutiles et répétitifs afin de gonfler une durée de vie pourtant déjà très satisfaisante. Le jeu, qui jusqu'alors avait su proposer une grande inventivité dans ses batailles se fourvoie alors dans une overdose d'affrontements qui se ressemblent tous avec en prime des facilités scénaristiques peu crédibles, même pour un univers de science-fiction ou de fantastique. C'est vraiment dommage au vu de la qualité générale de ce titre qui n'a pourtant pas à rougir face aux mastodontes de l'époque. Car malgré cette erreur de jeunesse, Growlanser demeure une valeur sûre de la Playstation et un excellent RPG, qu'on se le dise.
En dépit d'une intelligence artificielle parfois défaillante et de quelques maladresses dans les dernières heures de jeu, Growlanser s'impose néanmoins comme un incontournable de la PS1. A mi-chemin entre Tactical et Classical, ce premier épisode pose les bases de cette longue série aux combats toujours aussi intenses et variés. Doté d'un scénario prenant et d'une réalisation technique faisant honneur au support, il saura satisfaire les amateurs de RPG désireux de découvrir toutes les perles du genre sur la toute première console de Sony.
20/06/2014
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- Grande variété dans les affrontements
- Les nombreux doublages
- Réalisation 2D soignée
- Des personnages attachants
- Grande durée de vie
- Les fins multiples
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- Dernières heures de jeu décevantes
- IA des alliés perfectible
- Trop d'allers et retours
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TECHNIQUE 3.5/5
BANDE SON 2.5/5
SCENARIO 3/5
DUREE DE VIE 4.5/5
GAMEPLAY 4/5
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