Pour la première fois depuis ses débuts, la série Pokémon se lance sur une console de salon via un épisode principal. La 8e génération que nous propose Game Freak est-elle à la hauteur de la Switch ? Cet épisode sera-t-il celui de la révolution ou l’épisode de trop ? C’est ce que nous allons voir.
Galar la belle
Pokémon Epée et Pokémon Bouclier mettent directement dans le bain : pas d’écran titre, pas de menu, juste une cinématique présentant le monde de Galar, instaurant instantanément son ambiance. Nous sommes accueillis non pas par le traditionnel professeur local, mais par Sheroz, président de la ligue et d’un immense conglomérat. S’ensuit la présentation du maître de la région, Tarak, avec la présentation de son Dracaufeu, et de la nouveauté de ces jeux : le Dynamax.
Direct, le jeu nous plonge dans son ambiance, celle des stades où les arènes ont une place plus importante que jamais. Du design des arènes à celle des champions, la mise en scène, les tenues que vous porterez à chaque challenge, l’omniprésence du défis des arènes dans les dialogues, tout est fait pour justifier ce voyage initiatique et donner une sensation d’épreuve sportive, avec un coté impressionnant. De fait, quasiment toute l’aventure ne tournera qu’autour de ce dernier. Les légendaires, la Team Yell et autres passant complètement au second plan.
Visuellement, le jeu est beau, sans être incroyable graphiquement ; si certaines textures sont vraiment en deçà, les couleurs chatoyantes et tous les détails disséminés, tant dans les maisons que les routes, donnent un certain cachet à ces jeux. On passera sur les reflets dans l’eau et les ombres, mais globalement ça fait le café, la direction artistique y étant pour beaucoup, le cell shading utilisé et le chara design donnent presque l’impression de jouer à l’animé. Presque.
L’une des "nouveautés" de ces opus est le fait d’avoir les pokémons sauvage se baladant librement sur la carte. Bien que cela s'annonçait déjà durant l’ère 3DS, et que Pokémon: Let’s Go! soit le premier à l’introduire véritablement, ici, les pokémons ne sont pas des modèles 3D en roue libre se baladant au hasard sur des routes, ils sont ici ont plus « vivants », réagissant au joueur, que vous siffliez ou vous contentez d’approcher. Certain vous agresseront, d’autre vous regarderont, curieux, et d’autre vous fuiront. La plupart resteront enfermés dans leur zone d’herbe tandis que d’autres apparaîtront au milieu d’une route. Ce n’est pas encore parfait, et certains pokémons ont clairement des déplacements hasardeux et chaotiques (pour ne pas dire qu’ils tournent sur eux-même) du fait de leur zone d’apparition minuscule, mais c’est un début. Les rencontres aléatoires sont elles toujours de la partie, un point d’exclamation apparaissant dans les hautes herbes pour indiquer la rencontre. Ainsi, il est possible d’esquiver toutes les rencontres à sa guise en traversant une route… en théorie.
Un gameplay toujours aussi bon
Pokémon Epée et Pokémon Bouclier sont des épisodes tout nouveaux-tout classiques, contrairement à Let's Go qui étaient des remakes et qui lorgnaient sur les mécaniques de Pokemon GO. La capture se fait lors de combats, après avoir affaibli le pokémon adverse. Des objets peuvent être tenus, les œufs font leur retour, ainsi que les talents, de nouveaux pokémons leur apparition, comme de nouvelles attaques, de nouveaux talents, de nouveaux objets, etc…
Dans les nouveautés, la principale est la mécanique de Dynamax / Gigamax : durant 3 tours, le pokémon voit ses PV augmenter, et ses attaques devenir bien plus puissantes en plus d’avoir des effets secondaire (changement de météo, apparition de terrains, baisse ou montée de stats, etc).
Le Gigamax est une variante du Dynamax où le pokémon voit son apparence modifiée et se voit doté d’une capacité Gigamax signature. Nous ne parlerons pas ici de l’impact sur la stratégie, mais uniquement de leur utilisation durant l’aventure. Contrairement aux Méga-évolutions et attaques Z des épisodes précédents, le Dynamax n’a lieu que dans des endroits précis : les arènes, et les raids Dynamax (en plus de ne pas nécessiter d’objets) De ce fait, vous ne pourrez dynamaxer vos pokémons que face à d’autres personnages qui le pourront aussi, ce qui permet d’équilibrer les forces. Visuellement impressionnant au début, de part les effets de lumière et visuels des attaques, la mécanique s’essouffle vite, du fait que vos adversaires ne dynamaxeront que leur tout dernier pokémon, les affrontements de deux dynamax ressembleront vite à des combats classiques… un peu dommage.
Quant aux raids, s’ils sont agréable au début, ils deviennent trop vite une routine, sans compter qu’ils n’ont d’intérêt que si vous jouez en ligne ou en local : les pnj ayant des pokémons plus ou moins douteux, selon votre chance. Et cela crée un déséquilibre, vos premiers raids en ligne se verront parfois non gratifiants du fait qu’un des joueur emmènera un pokémon bien trop puissant qui tuera en un coup la cible de votre raid (en plus de vous spoiler potentiellement des créatures), tandis que les derniers seront infaisables si vous ne parvenez pas à rassembler suffisamment de joueurs, car pour le redire les dresseurs gérés par l'IA sont… nuls. Notons la disparition totale des Méga-évolutions et attaques Z, laissant le Dynamax comme seule star de ces jeux, mais également la disparition de certaines attaques (qui impacteront surtout la stratégie), une première pour la série.
Dans les à-cotés, nous avons le Poké-Service, qui permet de faire gagner de l'expérience à vos pokémons en les envoyant en mission et qui vous fera gagner un objet à la fin. Hormis donner l’impression d’utiliser les pokémons dormant dans le PC, cela n’a aucun intérêt, exception des missions donnant des « EV » (missions déblocables à partir de la quatrième arène). Et c’est tout. Il y a également le Poké-camping, dont le mini jeu de la balle à lancer se trouver vite lassant et à l’intérêt limité. Et le curry, qui rappelle les poffins de la 4e génération. Amusant au début, le mini jeu s’avère lui aussi lassant rapidement, et le curry n’apporte au final pas grand chose il soignera l'équipe, donnera de l'expérience et fera grimper la jauge d'amitié, fonction bien sûr de la qualité du curry. Seuls les complétionnistes voulant compléter leur curry-dex y passeront du temps, les autres feront vite autre chose, surtout que faire grimper les jauges concernées peut se faire bien plus vite avec d'autres méthodes.
Des choix douteux
Autre chose regrettable, Pokémon Epée et Pokémon Bouclier sont pauvres. La quantité de contenu fait défaut, tous les poncifs habituels de la série montrent vite leurs limites. La Team du jeu, censée nous mettre des bâtons dans les roues, a si peu d’intérêt que sa disparition du scénario n’aurait rien changé. Ce ne sont pas des antagonistes mais des obstacles, rien de plus. Les légendaires, malgré leur introduction dans l’aventure et l’intrigue sous-jacente, n'apparaissent au final qu'en bon deus ex machina et ne servent qu’au climax du scénario, rien de plus. Même le plan du grand méchant n’a aucun sens, sortant de nulle part et au tout dernier moment, sans aucun développement. En fait, il y aurait pu ne pas y avoir de méchant dans ce jeu, et les événements auraient pu tout de même se produire ! Les scénario des précédents épisodes ne volaient pas forcément haut, mais depuis Noir et Blanc, on sentait une montée en qualité d'écriture, avec parfois des réflexions intéressantes. Ici, rien…
Les routes sont également de grands couloirs. Si l’ambiance est réussie, l’exploration a elle aussi disparue. Une ligne droite, avec un peu de hautes herbes dans les coins, et 2 - 3 dresseurs, qui se franchissent en quelques secondes… Soleil et Lune proposaient des plaines plus grandes sur 3DS ! Seul les Terres Sauvages relèvent le tableau, mais sous ses airs de mini open-world, on a surtout l’impression de retrouver des routes dignes des épisodes Gameboy et DS. Malheureusement, les Terres Sauvages, en plus de lacunes techniques, manquent d’identité et le fait qu’elles soient composées de plein de petites zones ayant chacune leur faune et leur météo quotidienne font un peu gloubi-boulga indigeste et incohérent.
Mais ces Terres Sauvage montrent l’un des soucis de la série dont elle doit se défaire : sa caméra.
Si dans les Terres Sauvages, la caméra est libre (une première dans la série), c'est une toute autre histoire dans les zones fermées. La caméra reste fixe et, malheureusement, engendre quelques soucis de lisibilité. Ainsi, se diriger vers la caméra empêche de bien appréhender l'environnement et, de ce fait, il n'est pas rare de rentrer en collision avec un pokémon non visible ou un mur peinant à être anticipé. À noter que dans certaines zones particulières, comme la route 9, se diriger vers la caméra la fait se positionner au dessus et non plus de côté.
Si ce n’était que l’exploration qui avait disparu… Mais à côté de cela le jeu est parsemé de petites choses mal pensées et / ou contradictoires ! Comme le fait qu’il favorise l’aspect stratégique et compétitif avec les aromates, les modifications de la pension pour les attaques, des DT (Disque Technique, capacités à usage unique, similaire aux CT avant la 5e génération), etc… alors qu'à coté, les EV sont une purge (pas accès aux protéine, zinc etc avant la dernière ville), que les baies baissant les EV sont compliquées à avoir (car soumis à la RNG), et que métamorph n’est accessible qu’à la toute fin du jeu…
De même, le scénario qui gagne en cohérence en ne faisant pas du joueur le héros deus ex machina qui sauve le monde alors qu’il a touché son premier pokémon il y a une heure, arrive tout de même à nous frustrer car les autres personnages vivent des rebondissements qui nous sont interdits ; la partie multijoueur facile d’accès mais mal foutue dans son système d’échanges (et pas de GTS, une première depuis Diamant / Perle !) ; suppression d’une partie du Pokédex, joue trop sur la nostalgie…
On peut noter également que les options pour régler les différents éléments sonores du jeu (musique, bruitages et cris des pokémon) sont un objet donné par un pnj random qu’on peut esquiver sans le savoir ! On verra le verre à moitié plein en disant qu’au moins, l’option existe… pour une fois.
Mais la plus grosse doléance concerne la durée de vie. Outre une aventure d’à peine une vingtaine d’heures selon comment vous jouez et d’une mini quête pour affronter le légendaire en post ligue… il n’y a rien. Pas de concours, pas de nouveaux lieux, juste une tour de combats classique, le pokédex à compléter (chose qui se fait aisément), et la partie en ligne, tournois et combats. Pas de quêtes annexes comme dans (ultra) Soleil / Lune, pas de Pokéathlon, pas de culture de baies, de mini jeux comme le surf démanta ou l’ultra-exploration, même niveau méthodes de « shasses », on est au strict minimum…
Bien que cela rejoigne la volonté des développeurs de faire des jeux courts et accessibles, on se retrouve ici avec un jeu snack, qui se consomme rapidement, rien de mémorable, aucune résistance, on finit le jeu et on passe à autre chose, ça a comblé un petit trou, en attendant mieux, ou l’épisode de l’an prochain…
Une technique trop mitigée
Et cette absence de quantité n’est même pas contrebalancée par la qualité. La distance d’affichage est ridicule et si cela aurait pu passer pour les terres sauvage, c’est moins tolérable dans les lieux fermés (la caméra de coté n’arrange pas les choses). Le popping des éléments interactifs animés est très présent, là où le reste est plutôt bon. Des textures pas incroyables, surtout pour quelques arbres, et les roches et les modèles des pokémon qui n’ont pas changé, ainsi que leur animations, rendant la disparition du pokédex national d’autant plus incompréhensible. Les humains sont ceux qui s’en sortent le mieux à ce niveau là, mais voir des lèvres bouger de la sorte sans doublage est assez déroutant. Et ces derniers ont une fâcheuse tendance au sourire, même dans les moments tendus ou dramatique.
À rajouter dans les choix discutables, celui de faire des terres sauvage, la première zone ouverte de la série, un hub multijoueur : en ligne, les freezes sont assez présents.
Ce qui est dommage avec ces jeux, c’est qu’il est plein de détails, de petites intentions, qu’il a de bonne choses à proposer et, malgré ses défauts, il reste agréable à parcourir. Mais clairement, il manque trop de contenu, est gâché par de mauvaises idées et de vieux poncifs datés. En ressort un bon jeu, mais rien de plus, faisant office de snack. Et si c’est cela l’avenir de la série, c’est définitivement quelque chose de triste vu son potentiel.
Si vous attendiez une révolution, passez votre chemin ! Malgré quelques avancées, la série semble s’enfoncer toujours plus dans certains de ses travers. Un bon jeu, sûr, qui vous fera passer du temps, recommandé pour ceux qui veulent un jeu à la cool et les enfants, mais pour le reste, on trouve bien mieux, tant sur le support que dans la série.
12/02/2020
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- Un monde encore plus vivant
- Les musiques, variées, évolutives, et de qualité
- Un gameplay toujours aussi efficace
- Les terres sauvage, une bonne idée à perfectionner
- Une difficulté plutôt équilibrée…
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- … Si on utilise pas tous les objets de soin que donne le jeu
- Une durée de vie ridicule
- Une histoire très mal fichue
- Quasiment aucun contenu annexe
- Peu de moments mémorables
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TECHNIQUE 2.5/5
BANDE SON 4/5
SCENARIO 1.5/5
DUREE DE VIE 2.5/5
GAMEPLAY 4.5/5
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