2024 est l’année qui voit enfin sortir deux mastodontes du jeu vidéo, venus tout droit de studios asiatiques en plein essor : Stellar Blade et le très peu médiatisé Wukong. Seules quelques rares images ou vidéos présentaient jusque là vaguement le jeu, qui devait offrir des graphismes révolutionnaires, avec une utilisation maîtrisée du nouveau moteur d’Unreal. Wukong était donc attendu au tournant pour ses qualités graphiques. Et c’est à peu près tout. Pour le reste, on savait vaguement que le jeu était un soul-like se déroulant dans la mythologie chinoise.
Un succès mérité
Et pourtant, à sa sortie, le jeu s'est vendu à des millions d’exemplaires seulement en quelques jours pour se hisser dans le top 10 de Steam. Les raisons de ce succès sont à chercher bien sûr dans la qualité du soft, mais aussi dans sa philosophie : proposer un jeu qui ne suit pas l’exemple des dernières productions américaines, moralistes, manichéennes et infantilisantes. Je dis "infantilisantes" car il suffit de jouer à n’importe quel jeu sorti après 2010 pour se retrouver avec des aides placées partout, tout au long de l’aventure : des cartes ultra-détaillées avec déplacements instantanés, des icônes qui vous disent où aller, des baisses de difficulté automatiques à chaque combat raté, des actions à réaliser affichées au-dessus des protagonistes, des scènes d’action qui se résument à marteler le bouton A du début à la fin... Ici, rien du tout ! Vous êtes livrés à vous-mêmes. Pas de cartes (bon, un patch a tout de même amendé cela...), pas d’icônes, pas de baisse de difficulté, pas d’explications, rien. Le jeu va vous faire suer, et c’est ce que cherchent les joueurs en 2024.
Dur dur d'être bébé !
Avant toute chose, sachez que Wukong n’est absolument pas un soul-like. Il n’y a pas de mort avec perte d’objet définitive, ni d’univers médiéval, ni rien d’autre qui puisse s’en rapprocher, à part son niveau de difficulté. Et oui, il faut le dire : le jeu est dur, très très dur, et si vous n’aimez pas suer sur la manette, passez votre chemin. Wukong est assez proche d’un jeu d’aventure-action linéaire classique mais avec une difficulté démentielle en plus. Les combats fonctionnent comme dans Stellar Blade, c’est-à-dire avec des attaques, des parades, des esquives, à réaliser au bon moment, mais avec un timing beaucoup plus serré, des barres de vie ennemies bien plus longues, et des morts quasi-instantanées lorsqu’on est touché. À chaque boss, on se dit après 30 minutes : non, vraiment, c’est pas possible, là ! Et puis on s’y remet le lendemain et puis le surlendemain. On jette la manette. On jure. On loupe le boss à un coup près, après avoir transpiré toutes les gouttes de son corps. Et puis on finit par y arriver. Et là, c’est presque comme atteindre l’orgasme. On hurle dans toute la maison, on se sent puissant. Mais bon, je pense que la sensation ne plaira pas forcément à tout le monde. Et j’avoue que c’est dur à supporter pour l’entourage également.
Concernant l’évolution des compétences du personnage, cela passe comme d’habitude par un arbre de compétences. Sachant que cette fois, aucune indication très claire n’est donnée sur ces compétences - ou bien peut-être sont-elles mal traduites ? Ce qui fait que l’on met du temps à comprendre leur intérêt, pourtant plus que nécessaire pour avancer dans le jeu. C'est dommage, mais Youtube vous aidera clairement sur ce point.
Unreal five !
Parlons maintenant de la question graphique. Parce que le jeu était tout de même vendu comme une démonstration de l’Unreal 5. Et bien sachez que, effectivement, on en prend plein les mirettes. Sur PC en tout cas, le jeu tourne bien en high avec une RTX3070ti, mais, le soft étant assez gourmand, je pense que le faire sur PS5 revient moins cher que sur PC pour un rendu sûrement très proche. Les décors sont splendides, voire photo-réalistes dans de nombreux lieux. Les personnages sont superbement modélisés et animés. Petit bémol pour l’eau tout de même, qui bouge très peu ou n’éclabousse jamais lorsque le personnage principal s’y déplace. Je trouve aussi que l’exploration manque un peu de souplesse, avec des zones entières qui ne sont pas visitables, alors qu'elles sont visibles. Un peu frustrant, mais on comprend qu’il y ait des limites imposées pour garantir la qualité graphique.
Mythologies chinoises
L’univers du jeu, qui reprend le célèbre roman chinois de Saiyuki, l’histoire de l’homme singe, devenu Son Goku au Japon, est vraiment sympa et dépaysant. J’ai été surpris de voir à quel point le folklore chinois et l’architecture bouddhiste étaient proches de ce qu’on peut voir au Japon. Les musiques sont superbes, et les personnages hyper charismatiques. Pour autant, on aura du mal à se plonger dans le scénario, assez décousu et énigmatique si l’on ne connait pas le roman. Peu d’efforts ont été faits pour les novices - ce qui est, d'une certaine manière, une qualité, de ne pas prendre les gens pour des idiots, et de leur laisser le soin de se cultiver. La traduction française est par contre vraiment nulle et n’aide pas non plus à l'immersion (point déjà regrettable concernant l’arbre de compétences). Dommage, surtout quand on voit le travail effectué sur les doublages chinois, qui sont justes énormes.
Chaque fin de chapitre donne aussi lieu à une petite vidéo, assez déconnectée du scénario. Ces vidéos peuvent être visionnées indépendamment du jeu, et je recommande vivement de les regarder quand bien même vous ne feriez pas le jeu. On peut les trouver facilement sur Youtube (par exemple dans cette playlist sur ma chaîne). Ce sont de petits courts métrages magnifiquement réalisés, avec à chaque fois des techniques d’animation et de narration différentes. C’est une preuve certaine de la qualité artistique du soft, et cela participe à l’enrichissement de l’univers du jeu.
Cela ne gênera surement personne à part moi, mais sachez tout de même que le jeu n’est sorti en version physique ni sur PC, ni sur PS5. Encore une perte pour l’histoire du jeu vidéo, que nous regretterons dans quarante ans, alors que nous lançons toujours des cartouches physiques en plastique « non-dégradable » de Sonic ou Mario sur Megadrive et Nintendo.
Wukong est donc un jeu vivement conseillé en cette année 2024, riche en productions de qualité. Exigeant, bien réalisé, proposant un univers travaillé, Wukong propose une expérience de jeu qui pourra tout de même rebuter ceux qui ne supporteront pas sa difficulté outrancière. Il aurait aussi gagné à être mieux traduit et moins décousu du point de vue scénaristique.