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The Last Story
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The Last StoryI don't want it to be the last
Réalisateur, il ne l’était plus depuis Final Fantasy V. Hironobu Sakaguchi a décidé de faire son grand retour à ce poste clé de la production avec la dernière mouture de son studio : The Last Story. On connait l’homme, son goût pour les belles histoires bien contées, son penchant pour le médiéval et les récits de chevalerie. On sait également l’expérience qu’il a accumulée au fil des années dans le domaine du J-RPG. L’ancien gourou de Square Enix est-il seulement rouillé après tant de temps à l’écart de la réalisation ? Il n’y a qu’un moyen de le savoir…
The outsiderSur l’île prospère de Lazulis, un groupe de mercenaires pauvre mais bon vivant roule sa bosse aux quatre coins de l’empire, au gré des quelques maigres contrats qu’il arrive à se procurer. Mais ce jour-ci, il n’est pas question de plaisanter. Le comte Arganan, maître des lieux, leur a confié une mission d’éradication. Pour Zael, le héros, Dagran, son ami d’enfance et les trois autres lurons de la bande Yurick, Lowell et Syrenne, il s’agit d’une opportunité qui ne se représentera plus. Celle d’entrer dans les petits papiers du comte, de devenir chevalier et enfin sortir de ce train de vie misérable qui n’en finit plus de les oppresser. Cependant au retour de sa mission, chemin faisant, Zael fait la rencontre inopportune d’une noble, plus précisément la nièce du comte Arganan. Celle-ci est promise à un destin peu reluisant aux côtés d’un aristocrate bien placé dans la hiérarchie, venant du continent. Les mariages d’intérêts, la traîtrise et la couardise règnent en effet en maître au château de Lazulis. La perversion des uns n’a de limite que la fortune des autres. Naturellement, notre héros s’éprendra bien vite de la jeune Calista, princesse en devenir. Mais alors que le mariage qui allait consacrer l’influence du comte sur le continent arrivait à son zénith, la fière forteresse marine de Lazulis essuya l’assaut d’une force ennemie : la terrible menace des Guraks.
S’ensuit une véritable histoire de chevalerie, tant dans les idéaux défendus que dans l’univers proposé. La noblesse d’esprit, l’idéalisme heureux et la pureté de l’âme figureront parmi les principaux thèmes abordés. Dans un autre registre, on discerne une morale écologiste à peine camouflée, ou encore la dénonciation de la cruauté de la guerre. Rien de bien original, vous en conviendrez. Et pour cause, le scénario de The Last Story ne surprend pas. A aucun moment. On est consterné par la façon dont le cliffhanger de fin de jeu est anticipable une dizaine d’heures avant (voire dès le début du jeu). On regrette qu’il n’y ait pas un peu plus de folie, de piquant ou d’originalité dans cette histoire qui, sur le papier, pourrait se révéler bien triste, linéaire et morne. Mais oublieriez-vous qu’il s’agit de Sakaguchi aux manettes de la réalisation ? Ce conteur hors-pair, ce génie de la narration ? Il arrive à transformer le récit le plus classique et le plus convenu en une aventure féerique de tous les instants. Et dieu sait que les artifices utilisés sont nombreux pour que le joueur soit littéralement immergé corps et âme dans ce conte merveilleux. Si l’on procède par ordre croissant d’intérêt, on aurait tendance à mentionner en premier la présence d’une voix-off pour la narration, qui fait son incursion lors des ellipses narratives. Le langage utilisé fait directement penser à celui de l’écrit, du conte, du roman. Puis vient ensuite l’unité de lieu qui caractérise le jeu. N’espérez pas voyager par-delà vents et marées, l’univers de The Last Story est assez restreint puisque centré sur une île-continent. D’où le fait qu’une certaine redondance puisse se faire sentir, bien que Mistwalker ait bien réussi à diversifier ses environnements en dépit de cette contrainte. Toujours est-il que cela crée un aspect confidentiel qui, à force, instille chez le joueur un sentiment de chez-soi, de foyer, propice à l’immersion dans l’histoire et au laisser-aller. Maintenant, il faut mentionner l’extraordinaire vivacité de l’univers de The Last Story. Il s’agit là sans doute d’une des raisons les plus importantes pour lesquelles on accroche à un récit si banal dans les faits. MaestriaThe Last Story tire son incommensurable force de narration de l’univers dans lequel le joueur baigne en permanence. Tout semble crédible, cohérent, parfaitement imbriqué. Le théâtre de cette prouesse est bien évidemment la (seule) ville de Lazulis, cité côtière de l’île, défendue par une artillerie magique sans pareil. Cette forteresse abrite une vie foisonnante : le brouhaha des marchés de fruits et légumes se confond avec la criée des marchands de poisson et le bruit clinquant des armures rutilantes des chevaliers en ronde. Cette alchimie qui sonne si bien à l’oreille, flatte également l’œil avisé. Les rues se mêlent et s’entrecroisent, débouchent sur des artères bondées, elles-mêmes achevant leur longue traversée sur les dalles marbrées de la Grand-Place, toujours aussi accueillante. Le voisinage est souvent intéressant, prêt à délivrer des informations pertinentes à même d’aider le joueur dans sa quête. Le background est distillé de façon extrêmement savante, au gré des discussions avec les membres de votre groupe que vous retrouvez à la taverne pour une choppe ou au détour d’un livre à la bibliothèque du château. Ce ne sont d'ailleurs pas les choses à faire qui manquent sur l’île de Lazulis : du marchandage, un tour dans la redoutable arène pour arrondir ses fins de mois ou encore la recherche minutieuse de matériaux dispersés sur le sol. Parfois on commence à s’affairer, puis sur le chemin un habitant nous interpelle pour l’aider, et l’on change d’objectif en oubliant le précédent. Cette tendance, sans être du même calibre que celle trouvée dans les W-RPG, contribue à ce sentiment de vivacité de l’univers. Enfin, sachez que la quasi-totalité des dialogues du jeu sont doublés, même ceux de la plupart des PNJ. Un gage de plus pour la consistance du monde de The Last Story.
Du reste, Mistwalker prend le parti d’un jeu court, mais condensé. Un choix fort judicieux au regard de la petitesse de l’univers. Comptez un peu plus d’une vingtaine d’heures en ligne droite, entre trente et trente-cinq pour combler toutes les annexes (sans compter le online). Le résultat : une narration dopée aux amphétamines qui ne laisse pas de répit au joueur. Le rythme effréné ne faiblit pas ou peu du début à la fin du jeu, enchaînant scènes sur combats et combats sur scènes. Chaque pugilat est en général toujours récompensé par un petit peu de scénario, et si ce n’est pas le cas, le joueur profitera des omniprésents dialogues entre les protagonistes pendant les combats. Tantôt savoureusement drôles, tantôt intéressants pour l’appréhension du scénario et des affrontements, ils apportent une dynamique inattendue sur toute la longueur de l’aventure. Ils soutiennent la narration et consolident cet effet « bande de potes soudée » que le groupe de mercenaires véhicule dans le scénario. Néanmoins, gardons la tête sur les épaules. Cela ne fera que difficilement oublier certains points sombres. En tête de liste, le manque cruel de charisme du héros et, de manière plus générale, le casting très inégal, tant au niveau du doublage que dans l’intérêt propre. En outre, on passera difficilement sur la façon dont les dialogues tombent parfois trop dans le mielleux et le niais à outrance. Même si, comme mentionné ci-dessus, la pilule passe bien plus facilement avec l’enrobage narratif de qualité. Toutefois soyons clair, The Last Story est en grande partie un jeu à gameplay. La toute-puissance de celui de la dernière production de Mistwalker met la barre très haute. Moteur hybrideLe gameplay de The Last Story fait partie des hybrides que l’on a du mal à classifier à vue d’œil. La diversité des inspirations qui ont contribué à l’élaboration du système de combat du titre fait penser à un melting-pot impressionnant. Pêle-mêle on retrouve des influences du Classical-RPG, de l'Action-RPG, de l'Action-Adventure, du Tactical-RPG, du jeu d’infiltration, et même à un moment, un petit clin d’œil est fait au genre survival-horror. Pour décortiquer le tout, il faudrait lister les éléments du gameplay à la façon d’un manuel. Je me contenterais donc de décrire les grandes lignes.
The Last Story propose un gameplay évolutif qui s’inscrit dans la montée en puissance qu’il veut faire ressentir au joueur. Au fil du jeu, les différents mécanismes se superposent aux autres et l’on apprend même de nouvelles manipulations dans le post-game. Les tutoriels sont nombreux mais toujours parfaitement compréhensibles. Au départ, il s’agit d’un Action-RPG assez banal, avec pour seule « particularité », l’attaque automatique. Puis, l’aspect infiltration fait son incursion avec les planques, l’isolement de l’ennemi ou les meurtres silencieux. Le Tactical-RPG passe faire bonjour et amène sa vision du dessus en début de combat qui permet d’appréhender le placement des unités ennemies, leurs caractéristiques, et ainsi de préparer son assaut. Le Classical-RPG met son grain de sel et dépose sa sélection d’attaques en mode pause. L’Action-Adventure donne ce qu’il a de meilleur avec ses combats de boss épiques et la manière toujours précise avec laquelle on en vient à bout. Ajoutez à cela une intime relation d’interaction entre l’environnement parfaitement designé et le système de combat via les modalités d’exécution des techniques, et les habituelles compétences ultimes : c’est le jackpot. Bref, The Last Story synthétise tout ce qu’il y a de meilleur dans les genres voisins du RPG, et se l’approprie avec brio pour fonder un gameplay hybride d’une richesse exceptionnelle. Avec le support de la diversité de l’arsenal, il figure sans doute parmi les systèmes les plus élaborés du J-RPG. C’est sans doute la raison pour laquelle un mode multijoueur en ligne vit le jour, mais nous y reviendrons plus tard. Je préférerais médire. Médire pendant des heures et des heures sur les innombrables ralentissements du jeu. S’ils ne sont pas fondamentalement gênants durant les cut-scenes, ils posent de réels problèmes durant les batailles. Celles-ci étant un peu confuses par moment, les chutes de framerate ne font qu’empirer la situation et on peut vite se prendre quelques mauvais coups à cause de cet imprévu. Cela gâche certaines situations et empêche la fluidité d’un gameplay pourtant parfaitement huilé. Tant qu’à fustiger la technique, les textures n’ont pas un plus beau rôle puisqu’elles ne sont pas très reluisantes et souvent un peu baveuses. Ajoutons que le monde de The Last Story est très terne (on dévie rarement du combo marron-noir-gris-blanc) : une direction artistique qui pourrait ne pas plaire à tout le monde tant elle se révèle peu aguicheuse au premier abord. Les décors ont cependant le mérite d’être mieux réussis que les animations des personnages, qui, couplées aux chutes de framerate, peuvent donner l’impression que vous contrôlez un robot. Du reste, les effets des sorts et autres techniques sont plutôt corrects, tout comme les cinématiques en CG, qui font honneur au support. Good idea!Toutefois, les nombreuses bonnes idées du titre parviennent à contrebalancer quelque peu ces contretemps techniques. Mistwalker a en effet fait preuve d’intelligence lorsqu’il a choisi de mettre, avant chaque boss, un cercle permettant l’invocation infinie d’ennemis, dans le but de se remettre à niveau très rapidement et de ne pas buter indéfiniment sur le même adversaire. Il a été clairvoyant également lorsqu’il a choisi de proposer aux joueurs de revisiter les donjons avec un droprate des objets rares beaucoup plus élevé, car le craft nécessite une plâtrée de ces items. La vie du joueur est facilitée dans The Last Story. J’entends déjà poindre le débat.
Dans un autre registre mais toujours dans les éclairs de bon sens, les skins de l’équipement de vos personnages changent relativement souvent, pour la simple et bonne raison que chaque pièce d’armure et chaque arme possède le sien. De même, vous pourrez changer la teinture de vos vêtements comme bon vous semblera et il ne tiendra qu’à vous d’effectuer quelques petites quêtes pour obtenir de nouvelles couleurs ou des effets particuliers. Le dépaysement visuel qu’offre cette particularité est plus que le bienvenu dans le genre du J-RPG. Knighthood Mistwalker rime avec « homme au grand cœur », Nobuo Uematsu, le compositeur qui enchante le RPG depuis tant d’années. L’homme nous sert quelque chose d’assez différent pour ce The Last Story. Après une bande-son de Lost Odyssey qui sonnait un peu Final Fantasy VI, le maître se fait plus discret dans ses compositions, se fond plus dans le décor avec des pistes plutôt mélancoliques et des mélodies d’ambiance qui se prêtent moins à l’écoute hors du jeu que ses précédentes œuvres. La mise en scène – pas vraiment au top – s’en trouve particulièrement bien servie. Les musiques de combat ont des variantes intéressantes, notamment certaines qui rappellent sans grande peine celles de Metal Gear Solid pour les passages d’infiltration. On remarquera la longueur assez inhabituelle des pistes, sans doute pour éviter de lasser le joueur avec des boucles incessantes. Post-game et onlineOn terminera sur le post-game assez singulier de ce titre. En effet, ce que propose The Last Story a de quoi détonner dans le genre. Après le boss final, un long épilogue s’ouvre au joueur, avec de nouvelles quêtes débloquées et entièrement scénarisées, gratifiées de nouveaux lieux. Les crédits ne s’offriront qu’à ceux qui complèteront les principales d’entre elles, c’est-à-dire celles qui concernent le scénario. Un new game + sera disponible à la suite de cela, dans lequel vous conserverez niveaux et équipements.
Enfin, le online est également une option inhabituelle dans le J-RPG. The Last Story propose deux modes distincts : un premier en coopération jusqu’à six joueurs qui permet d’affronter en groupe quelques boss du scénario, devenus plus coriaces. Le second, qui s’effectue toujours avec six joueurs maximum, est une escarmouche. Que ce soit chacun pour soi ou en équipes, une douzaine de lieux sont à disposition parmi ceux découverts dans le soft. Des personnages que l’on ne peut contrôler in-game sont disponibles en ligne, notamment les principaux antagonistes et d’autres personnages secondaires. Si vous désirez réellement utiliser toutes les subtilités du gameplay, c’est là qu’il faut se rendre, les affrontements s’avérant parfois être d’une forte intensité et d’une bonne difficulté. Notons que les objets obtenus en ligne peuvent être utilisés dans la partie solo, c’est là toute la dualité des modes. The Last Story, c’est l’art de conter une histoire. Seuls les meilleurs parviennent à nous faire vivre des instants féeriques, épiques et parfois homériques avec la seule puissance de la narration, de la bande-son et de l’univers, au détriment de l’originalité. Par ailleurs, la manifeste maîtrise de Mistwalker prend forme au cœur même du jeu : le gameplay. The Last Story polarise, synthétise et assimile des années de RPG et d’action-aventure dans son système de combat hybride et délectable. Avec son mode en ligne et son post-game, le soft continuera de nous gâter et de nous faire profiter de la sagesse qui l’anime. Les quelques points noirs sont d’ordre technique, mais comme le dirait Hironobu Sakaguchi : les développeurs se préoccupent trop des graphismes en lieu et place de l’expérience de jeu.
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