Ça fait quelque chose de remettre une disquette dans le lecteur de son vieil Atari STE après tant d’années. D’entendre ce bon vieux ronronnement lorsqu’il lit cette même disquette et que le jeu se lance à l’écran. Les souvenirs resurgissent alors. Avec Heimdall, c’est un retour de plus de vingt ans en arrière ! Et dans mes souvenirs, Heimdall était un jeu qui en jette mais qui était aussi très difficile. Replongeons-nous dans ce titre avec un nouveau regard.
Interville me voilà
Encore une journée comme les autres au royaume des dieux nordiques après quelques pintes de bières et ce qu’il faut de danse sur la table. On retrouve donc nos dieux attablés et endormis. Mais peut-on parler d’une journée vraiment comme les autres ? Non car pour une fois, ils ne sont pas ivres morts suite à une beuverie monumentale mais bien endormis par un puissant sortilège du malicieux Loki. Dans l’ombre (et sous couvert du ronflement bruyant des dieux), ce dernier s’empare des armes divines de nos infortunés soûlards : le marteau de Thor, la lance de Frey et l'épée d'Odin puis les cache de par le monde.
Les dieux, ne pouvant se rendre eux-mêmes à Midgard pour récupérer les armes, envoient un émissaire pour faire le travail afin de les sortir de cette crise majeure. Vous vous retrouvez donc avec le lourd devoir de mettre la main sur les armes divines et ainsi sauver les neuf mondes d’une destruction imminente. Mais pauvre mortel que vous êtes, il est inconcevable que vous y parveniez seul alors votre première tâche consistera à vous choisir des compagnons de route.
C’est ainsi que le jeu commence, avec le choix d’aller directement à l’écran de sélection des héros ou de vous soumettre à une série d’épreuves. Y participer n’est nullement obligatoire pour le joueur mais peut apporter une aide non négligeable à ce dernier. En effet, le nombre de personnages proposés sera plus élevé (avec de meilleures statistiques) si vous réussissez les épreuves. Mais à l’inverse, si vous vous ratez, le choix sera bien plus faible et moins intéressant que si vous étiez allé directement à la sélection des coéquipiers. Les épreuves en question sont au nombre de trois :
Le coiffeur :
Cette épreuve consiste à couper à la hache les huit nattes d’une jeune serveuse Viking. Bien entendu, vous êtes en état d’ébriété avancé et votre main tremble. Après avoir pris le coup de main, ce n’est pas trop difficile à réaliser. L’animation de la jeune fille qui serre les dents et les poings lorsque vous lancer une hache offre un effet assez comique (sauf pour elle) et souligne déjà le ton humoristique du jeu. Et que dire lorsque l’on vise sciemment la tête de la malheureuse et qu’on lance une hache ? Inutile de me regarder comme ça, celui qui a joué à Heimdall sans jamais essayer de lancer une hache dans sa tête, ne serait ce qu’une fois, c’est un menteur.
Le goret :
Ici, votre défi est d’attraper à mains nues un sanglier lâché dans un enclos. Cette épreuve n’est vraiment qu’une simple formalité et ne pas y parvenir relève presque de l’exploit. Quelques tentatives vous permettront d’arriver à un taux de réussite proche des 95%.
Le voleur :
Pour finir, vous devez chercher une bourse sur un drakkar tout en évitant (ou massacrant) trois adversaires belliqueux. Mine de rien, c’est l’épreuve qui m’a donné le plus de mal. Mais encore une fois, lorsqu’on prend le coup de main, ça reste tout à fait faisable.
Nous voici arrivés au choix crucial de vos compagnons. Vous devez en choisir cinq. En fonction de votre réussite aux épreuves précédentes, vous aurez plus ou moins de choix. Attention cependant, le character-design ne plaira pas à tout le monde. Les personnages ont des têtes de viking pure souche ! On a donc droit à de grands gaillards à la mine bagarreuse dépourvue de la moindre étincelle d’intelligence dans le regard ou bien encore à des magos avec un cerveau exagérément gros évoquant plus la tête d’un alien qu’autre chose. Les demoiselles ne partant pas à l’aventure, il n’y aura aucune touche féminine dans votre équipe mais ce n’est pas un mal vu la tête des autres larrons.
Une hache et je suis heureux...
Une fois votre équipe constituée, vous vous retrouvez sur une carte représentant une dizaine d’îles et on vous laisse le choix d’accoster où vous voulez (bien que vous ne puissiez atteindre que les îles proches de vous). Les îles laissent place à un donjon où se trouvent à profusion coffres, pièges, trappes, monstres et clés à trouver pour ouvrir des portes. Rien ne sera présent pour vous aider à vous diriger. Heimdall est assez dur dans le sens où l’on se retrouve à parcourir de nombreuses salles sans trop savoir ce qu’on cherche ni par où il faut aller pour trouver une sortie. C’est à vous de comprendre où aller, comment marche tel piège et comment le contourner...
Le level-design des donjons reste néanmoins une réussite. Il n’y a pas un grand nombre de salle par île mais chaque salle recèle son lot de pièges et de portes secrètes. Vous tomberez des centaines de fois dans des trappes vicieusement placées devant les coffres et autres parchemins. Heureusement, vous ne perdez qu’un peu de vie à chaque chute car elles seront tellement nombreuses que vous n’y prêterez presque plus attention. Les items à ramasser sur le chemin sont nombreux et sauront rapidement saturer votre inventaire qui est limité et réparti entre vos personnages. Les donjons ont vraiment bénéficié d’un travail soigné et plusieurs détails comme des statuts et autres ornements viendront diversifier les couloirs et sentiers de votre périple.
Les ennemis sont présents dans les salles mais restent immobiles. Vous pouvez les contourner mais la plupart gardent des portes et bon nombre de confrontations sont inévitables pour progresser. L’interface de combat se présente par un choix d’action (attaquer, défendre, fuir...) présent de part et d'autre de l’écran et l'on voit l’ennemi en face de soi. Un seul de vos héros peut combattre à la fois mais il est possible de le changer à tout moment en cliquant sur le nom d’un autre personnage. La particularité est que pour chaque assaut, il faut sélectionner préalablement l’arme à utiliser en cliquant dessus avant d'attaquer. On ne peut donc pas spammer le bouton attaque, d’autant que l’action de défendre se trouve de l'autre côté et nous force donc à déplacer en permanence le curseur de la souris de gauche à droite de l'écran. C'est sans compter l’ennemi qui attaque de façon dynamique et ne se fait pas prier pour vous placer des frappes pile quand vous perdrez votre temps avec le curseur. Les combats ne sont pas vraiment une réussite de gameplay mais disposent tout de même d’un certain charme qui adoucira un peu la corvée de les faire.
Votre inventaire permettra bien sûr de gérer/utiliser vos items mais aussi de voir les statistiques de vos personnages. Il est simple et facile à prendre en main. Je voudrais juste m’arrêter sur les parchemins qui ne peuvent être lus que par des personnages qui en ont dans la caboche. En gros, inutile de demander à un guerrier écervelé d’utiliser un parchemin. Rien ne vous empêche de faire une équipe avec 100% de guerriers mais un équilibre avec druides et magos peut sembler plus judicieux.
Mon joli drakkar
Le point fort du jeu est indubitablement ses graphismes qui sont de grande qualité. L’aspect bande dessinée octroyé par les graphistes fait mouche et offre un univers de viking très plaisant à découvrir et ce, à tous les niveaux. Que ce soit l'esthétique ou le monster-design, c’est une réussite. Les monstres qu’on rencontre sont peu nombreux mais sont visuellement bien travaillés et correctement détaillés. L’animation est vraiment bien fichue et fourmille un peu partout. Les monstres ont une animation pour leurs attaques, leurs parades ou encore leurs morts. Notre héros est joliment animé sur la carte ; même vos barres de vie sont animées ! Bref, c’est du tout bon. N’oublions pas que nous sommes quand même en 1991 et pour équivalent sortait
Phantasy Star III la même année sur Megadrive.
Après, le style graphique ne plaira pas forcement à tout le monde (je pense surtout aux héros qui ont tous des têtes affreuses), mais il faut reconnaître que le travail fourni est sacrement conséquent. Même le livret du jeu a eu droit à une attention particulière en arborant plusieurs illustrations et même une mini bande dessinée (l’introduction du jeu). On ressent clairement que pour l’aspect visuel, ils n’y sont pas allé avec le dos de la cuillère et une ambiance singulière se dégage du jeu.
A contrario, la musique n’est pas vraiment géniale dans le sens où il n’y en a simplement pas. Enfin, il y en a une à l’écran de sélection des personnages qui ma foi est particulièrement bonne, et c’est tout. On parcourt donc les îles du jeu sans la moindre musique, rien, peanuts. Déroutant pour un jeune joueur de nos jours mais ce n’était pas si anormal pour un jeu de cette époque. Bon nombre d’autres jeux sur ST n’avaient pas de musique ou alors elles ne se déclenchaient qu’à des moments clés du jeu comme pour
Les Voyageurs du Temps pour ne citer qu’un exemple. Si les bruitages avaient été à la hauteur, on aurait pu dire que cette absence de musique permettrait de renforcer l’immersion mais ce n’est pas le cas. Ici, ils sont discrets et anecdotiques.
Heimdall revendique un humour bien présent qui allègera le ton de votre quête (qui est de sauver le monde, tout de même). D’une part grâce à de petites animations rigolotes (cf. la serveuse viking ou les pochtrons qui dansent une chope de bière à la main derrière elle) mais aussi par un certain nombre d’anachronismes présents comme la bouée de sauvetage visible sur le drakkar lors de la troisième épreuve ou encore la tête de nounours incrusté sur le bouclier de cette même épreuve. C’est léger, c’est drôle donc c’est bon. Petit détail sympathique : dans la troisième épreuve, une inscription en rune viking peut être aperçu. Sa traduction signifie :
the 8th day and core design ltd.
On peut tout de même noter la présence de quelques incohérences dans le jeu comme l’arme d’Odin qui est présentée comme une épée alors que selon la mythologie, c’est bien une lance du nom de Gungnir qu’il possède. Plus flagrant encore, pourquoi le jeu s’appelle
Heimdall alors que le livret indique très clairement que c’est Thor qui s’incarne en tant que mortel pour aller chercher les armes ? Pourquoi prendre le nom de son copain qui garde le Bifrost ? Bon, inutile de pousser la Valkyrie dans les orties, c’est pinailler et ça ne titillera que les très pointilleux fans de mythologie.
Heimdall est une réussite en soi. Un jeu de qualité et qui dispose d’un charme propre. Malgré des impairs au niveau du système de combat et pour la musique, le titre reste un formidable témoin de ce que pouvait faire des développeurs à l’époque s’ils s’en donnaient la peine. Le jeu a connu une certaine renommée comme en atteste ses portages sur PC et Mega-CD. Il connut aussi une suite en 1994 sous le nom de Heimdall 2.
20/06/2014
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- Un univers graphique maîtrisé
- Une ambiance réussie
- L’humour
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- Absence de musique
- L’interface des combats
- Changer de disquette dès qu’on change d’île
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TECHNIQUE 4/5
BANDE SON 1/5
SCENARIO 2.5/5
DUREE DE VIE 3/5
GAMEPLAY 3.5/5
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