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La récente publication du podcast des Tauliers sur les jeux de rôle m’a fait prendre conscience que lorsque l’on en vient à discuter de la situation actuelle du J-RPG entre vieux routards du genre, les avis divergent presque systématiquement. Final Fantasy XIII a cristallisé de façon presque idolâtrique cette opposition entre deux idéaux-types de joueur : celui considéré comme l’aigri, adepte de la punch line « c’était mieux avant », et le mickey supposé inculte ou dénué d’esprit critique selon l’aigri. Cette opposition, qui n’en est pas moins futile, a le mérite de soulever d’intéressants débats (plus ou moins fructueux il faut l’admettre) au sein de la communauté vidéo-ludique sur l’état du RPG japonais. L’exercice consistera donc à tenter d’accomplir une analyse (amatrice) du marché actuel, de comprendre le pourquoi du comment le J-RPG est dans l’état où il se trouve aujourd’hui, bon ou mauvais selon les points de vue. Cela se déclinera en une dizaine d'articles articulés comme une chronique qui au final formeront un dossier sur le J-RPG. Le premier d'entre eux, ci-après, est consacré à un état des lieux préliminaire du genre, qui nous servira de base statistique solide.
État des lieux
Le J-RPG n’est pas seul La première chose essentielle à assimiler, c’est que le J-RPG tout unique genre qu’il soit ne peut être isolé du reste de l’industrie vidéo-ludique japonais lorsque l’on en vient à expliquer sa situation sur cette génération de consoles. Au regard des charts, on peut constater que le RPG n’est pas seul dans sa déroute en termes de ventes (et donc d’intérêt des joueurs), toute l’industrie japonaise s’affaisse, remplacée par une armada de licences américaines AAA. Les seuls réels irréductibles sur ces trois dernières années qui peuvent daigner concurrencer l’occident sont les jeux basés sur la licence Mario, ceux de la franchise Pokémon, Final Fantasy XIII et Dragon Quest IX. Parmi ces têtes d’affiche donc, trois J-RPG (dont deux sur consoles portables, nous y reviendrons). A savoir que le J-RPG est un des genres qui constituent le fer de lance du jeu vidéo japonais, ainsi à travers son prisme on peut obtenir un bon aperçu des performances de cette industrie. Comme on peut donc le constater lorsque l’on s’en tient aux quelques titres suscités, si l’enthousiasme pour l’industrie japonaise s’est quelque peu raréfié, le jeu de rôle nippon peut sembler s’en être bien sorti, que ce soit en occident ou au pays du soleil levant. Car en effet, les ventes de ces blockbusters sont équitablement réparties entre les différents pays, sauf pour Dragon Quest IX, pour lequel le phénomène autour de la licence a bien du mal à enthousiasmer les joueurs d’Europe et d’Amérique. Néanmoins, seuls ces quelques grands noms très emblématiques du genre arrivent à atteindre des scores aussi vertigineux, les nouvelles licences ne perçant que bien trop rarement. Une situation bien différente des générations précédentes, où Parasite Eve, Legend of Dragoon, Xenogears et autres Dark Cloud parvenaient à être million seller sans trop de peine et surtout sans capitaliser sur une licence. Nuançons tout de même ce constat en rappelant que le million d’exemplaires vendus atteint par une nouvelle IP* dans le J-RPG était déjà rare à l’époque, et l’a été pour chaque console jusqu’à maintenant. Notre propos ici est de préciser qu’il s’agit d’un phénomène encore moins présent sur cette génération de consoles, de salon comme portable, puisque seuls Valkyria Chronicles et Demon’s Souls ont accompli cette prouesse. A titre de comparaison, entre sept et huit titres l’avaient réalisé sur la série de consoles précédentes (Playstation 2, Game Boy Advance, Game Cube, Dreamcast, Xbox) et une dizaine sur la génération encore antérieure (Playstation, Game Boy, Saturn, Nintendo 64). Le J-RPG est ailleurs D’aucun pourrait interpréter les chiffres susmentionnés comme le ratio entre la prise de risque (nouvelle franchise) et sa réussite commerciale qui serait la récompense pour l’innovation fructueuse (le but atteint d’un million de ventes). Plus haut le chiffre des nouvelles licences million-seller s’élèverait, plus audacieuse, intéressante et inventive serait la génération dans le J-RPG. On pourrait, en effet, se fier à cet indicateur pour définir la qualité d’une génération de jeu de rôle japonais, l’idée parait alléchante sous cette perspective. Mais n’oublions pas qu’une prise de risque réussie et saluée par la critique n’est pas toujours gratifiée de ventes fleuves. On se souvient d’Okami, acclamé par la presse mondiale mais boudé par le public, peut-être pour son parti pris graphique assez tranché. Les exemples ne manquent pas. En somme, cela nous amène à notre point le plus important : sur cette salve de consoles, plus que les ventes, il faut observer où se trouve concentré le J-RPG et ses bonnes intentions. Pour cela, rien de tel qu’un bon bol de statistiques pour vous éclaircir les idées.
*Y compris aux US **Le terme « nouvelle licence » sous-entend une invention de A à Z. Final Fantasy : The Four Heroes of Light, malgré le fait qu’il soit indépendant, n’est pas considéré comme une nouvelle licence. ***Les compilations sont ignorées dans le processus de recensement. ****Les jeux multiplateformes ne sont recensés qu’une seule fois Ce tableau recèle évidemment de nombreux chiffres à analyser et nous servira de support à plusieurs reprises dans ces chroniques. Essayons pour le moment de faire un constat général. De toute évidence, ce qui choque le plus est la croissance quasi-exponentielle du marché du J-RPG sur portables, même si l’on n’oubliera pas de retenir la quasi constance du nombre de sorties globales sur les trois générations. En l’espace de deux générations de consoles, le J-RPG sur consoles portables a littérallement explosé, gagnant au passage 63 points dans la part de marché du genre. Il s’agit cependant plus d’un transfert de présence que d’une véritable recrudescence, le J-RPG ne se portant pas au mieux de sa forme sur consoles de salon comme on peut le voir sur le graphique suivant. Dès l’arrivée de la sixième génération, le marché sur consoles de salon a commencé à flancher – légèrement certes - pour ensuite réellement sombrer avec la septième, au profit semblerait-il du marché portable. On passe ainsi de 536 J-RPG sur consoles de salon à seulement 154 en l’espace de deux générations, tout comme on part d’un tout petit 95 jeu de rôles japonais sur consoles portables pour atteindre le chiffre mirobolant de 552 titres nomades. Mais ce qui intéresse forcément les occidentaux, c’est la localisation de tout ce beau monde, et il y a à dire là-dessus. Le J-RPG s’exporte On pourra retourner le problème comme on le veut, le taux de localisation n’a cessé d’augmenter avec les années pour le J-RPG, sur portables comme sur consoles de salon. Le taux de localisation des J-RPG sur consoles de salon a cependant tendance à crever le plafond, cela s’expliquant par la diminution du nombre de productions à localiser, permettant ainsi aux éditeurs occidentaux de mieux couvrir le terrain qu’auparavant avec encore plus de moyens. De même, le pourcentage de localisation sur portables n’augmente que très peu si on le compare au fossé de 20 points qui sépare la cinquième et la sixième génération. On ne va cependant pas vous mentir, lorsque l’on prend les valeurs absolues, c’est-à-dire le nombre de RPG qui nous parviennent réellement, le résultat est un petit peu différent. On retrouve globalement la massification du marché portable et le déclin des consoles de salon dans ces trois histogrammes. On peut aisément en conclure que le marché occidental est assez cohérent pour représenter la tendance générale du marché mondial. A noter toutefois que la sixième génération de consoles de salon se fend d’une augmentation drastique de la localisation (91 J-RPG en plus) alors que le nombre global de J-RPG est en légère baisse. La palme du plus gros pic de localisation d’une génération à l’autre revient cela dit au bond entre la sixième et la septième sur portables, où le nombre de softs localisés monte de 155. Ce dernier fait étant sans nul doute permis par le différentiel de titres sortis sur ces deux générations. Maintenant que vous êtes familiers avec la répartition mondiale du J-RPG, revenons-en à nos moutons et voyons où se cache (ou pas) l’innovation. Le J-RPG en licences La question est entière : où se cache l’innovation et la prise de risque ? La réponse, selon toute vraisemblance (il y a comme toujours un certain nombre d’exceptions), est : dans les nouvelles licences. Ainsi nous avons traqué les jeux qui ne faisaient usage d’aucune licence préétablie afin d’ériger l’état des lieux par support et par génération de ces titres nouveaux, sans aucun jugement de valeur.Comme on peut le remarquer, les nouvelles licences du J-RPG se sont faites plus rares après la cinquième génération, laquelle arbore une ludothèque dont plus de la moitié est totalement inédite. Cette part s’amenuise et met en lumière une forte démarche de capitalisation provenant des développeurs, puisqu’en même temps la tranche des jeux à licence se taille de plus en plus la part du lion, inversant la tendance de l’époque. A ce titre, attardons-nous sur deux chiffres précis : le nombre de jeux initiant une licence, d’un côté pour les titres sur consoles de salon de la cinquième génération, de l’autre pour les consoles portables de la septième. Le rapport de force au niveau du nombre de J-RPG sortis est à peu près équilibré (respectivement 536 et 552 titres), mais on note un écart drastique sur le nombre de nouvelles licences en défaveur de la septième génération (respectivement 269 et 174 titres). Cela démontre un réel sentiment de prudence qui plane actuellement sur la création de nouvelles IP, si peu chères soient-elles à produire sur support nomade. Enfin, observons un phénomène de plus près, celui de la localisation des nouvelles licences dans nos contrées occidentales. Le taux de localisation toujours plus grand voudrait que les franchises fraichement sorties des studios débarquent plus souvent chez nous, et c’est plus ou moins le cas. Voyez plutôt. Cet histogramme calcule le pourcentage de localisation des nouvelles licences du J-RPG et conséquemment n’est pas réalisé à partir du nombre de J-RPG, mais bien à partir du nombre de nouvelles licences qui sont produites au Japon. Comme on peut donc le constater, les franchises neuves ont tendance à bien se démocratiser sur les consoles de salon (+50 points en deux générations), ce qui est déjà moins le cas sur les consoles portables, qui essuient même une baisse de 9 points entre la cinquième et la sixième génération. Elles se reprennent par la suite en profitant d’une hausse de 11 points pour revenir à leur ancien niveau. La fulgurance du taux de localisation des nouvelles licences sur consoles de salon s’explique sans mal par leur rareté sur la septième génération (56 seulement) et par la prolificité des éditeurs sur la sixième. Mais l’on y reviendra dans un prochain article. Concentrons nous quelques instants sur un chiffre, celui de 14%. Il s’agit de la part que représente les nouvelles licences J-RPG localisées sur la septième génération. Ce chiffre surclasse celui des anciennes générations, qui tournait autour des 9,5%. Il représente 104 J-RPG sur 706 publiés jusqu’à présent dans la période d’activité des supports concernés. La fraicheur devrait donc être au rendez-vous sur cette génération de consoles si l’on cherche bien, et à en croire les statistiques Legendra où quatre J-RPG du top 10 sont de nouvelles IP, cela doit valoir le coup de creuser ! Du reste, vous êtes seuls juges de la qualité. Pour résumer un peu tout ce gloubiboulga de chiffres, retenons que la septième génération de consoles parachève un changement de support pour le J-RPG qui s’est entamé il y a quelques temps déjà. Du salon, on passe au nomade, véritable refuge des développeurs japonais de jeu de rôle. La question cruciale étant : en sera-t-il de même sur la génération à venir ? Cela sera-t-il juste un épisode ou un véritable tournant ? En outre, la prise de risque avec les nouvelles licences recule contrairement à leur localisation en occident qui, paradoxalement, s’accentue, notamment sur les supports portables, auxquels le prochain article est dédié.
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