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Bloodborne
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BloodborneMemento Mori
A sans cesse se plaindre de la simplification massive des jeux vidéo actuels, la communauté de joueurs expérimentés a fini par piquer au vif l'orgueil de certains créateurs. En élaborant son Demon's Souls en 2009, FROM Software n'avait certainement aucune idée de l'impact que l'œuvre aurait sur les joueurs, ni qu'il se retrouverait catapulté après deux suites de qualité comme figure de proue d'un mouvement voguant à contre-courant des standards actuels.
Désormais entièrement Genre Savvy, le développeur sort cette année son dernier né du genre, Bloodborne. Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quel état j'erre ?L'avatar du joueur, un peu perdu, se réveille dans un lieu dont il ne distingue pas les contours. Un vieil homme grabataire lui débite un discours qu'il ne comprend pas, avant que son esprit embrumé ne s'évanouisse. A son réveil, incapable de bouger, il assiste impuissant à l'apparition d'une bête sanglante qui s'approche inexorablement, avant de subitement s'embraser et de tomber inerte. C'est alors qu'apparaissent une myriade de petits squelettes qui se jettent sur son corps, tandis qu'une voix suave les félicite de leur trouvaille. Se réveillant, encore, le personnage enfin libre de ses mouvements se trouve sur ce qui semble être une table d'opération d'une clinique délabrée. A peine le temps de descendre un escalier qu'il est à nouveau attaqué par une bête et, faute de moyen de défense, envoyé de vie à trépas. Pourtant le voilà qui s'éveille à nouveau, cette fois dans un endroit onirique. Face à lui, une petite maison, et autour un jardin, mais nulle échappatoire apparente. A moins que ces stèles mortuaires d'où jaillissent ces squelettes n'aient le pouvoir d'envoyer son esprit dans un autre monde, et que ces quelques armes confiées par leurs soins ne constituent un moyen de survie rudimentaire... Résigné, il n'a d'autre choix que de plonger dans ce cauchemar écarlate d'une contrée placée sous le joug d'un sang impur, abreuvant les sillons d'une malédiction intemporelle.
Pour le nouveau joueur, le scénario de Bloodborne ne se dévoile qu'au compte-goutte, et de manière très superficielle, du moins si vous vous contentez de suivre les bribes de conversations consenties par une première partie. Faute de PNJ bavards et de longues scènes narratives, en comprendre ne serait-ce que les grandes lignes demande un vrai travail de recoupement de données, ainsi que la lecture des descriptions des objets qui, eux, en disent long sur l'univers qui les contient. Le jeu vous met aux commandes d'un chasseur anonyme, noyé dans un monde en perdition et qui n'aura de cesse d'avancer en triomphant des embûches qui se dressent, menaçantes, sur sa route. On comprendra au fil du jeu que les choses qui nous entourent ne sont pas ce qu'elles semblent être, et que notre incarnation ne l'est peut-être pas non plus. Pour autant, si l'histoire reste cryptique, c'est aussi que le principal intérêt est ailleurs : dans son ambiance d'abord, crue, dense mais magnifique, et dans sa façon d'aborder son gameplay d'autre part. Ces deux composantes en font visiblement, et c'est un euphémisme, un concept original. Comparé à l'ensemble de la production, s'entend. La mort en héritageCar si Bloodborne est une nouvelle licence, elle ne sort pas de nulle part. Comment ne pas penser immédiatement à Demon's Souls et aux Dark Souls, eux-aussi production From Software, et dont le concept global comme une partie de l'imagerie se retrouvent dans le jeu ? La série des Souls, si tant est que l'on en fait une licence cohérente malgré leurs éditeurs différents, est une série exigeante avec les joueurs. Leur difficulté souvent fantasmée tient certes à l'absence presque totale d'informations claires, mais surtout aux mécaniques de jeu impitoyables : au lieu de tenir le joueur par la main, ils le perdent, le noient, le harcèlent par leurs environnements hostiles et les créatures capables de le tuer à tout moment d'inattention et ce quel que soit son niveau et son équipement, comme le ferait un oiseau poussant son petit hors du nid dans le vide létal. Qualifiés ironiquement de Try and Die, les Souls avaient une forte propension à faire mourir le joueur au moindre faux-pas, en combat ou de manière tragi-comique dans un piège bien placé, allant jusqu'à se servir de leurs originales fonctions en ligne - la vision furtive des fantômes des joueurs connectés, la possibilité d'envahir la partie des autres joueurs, ou au contraire de les aider dans leur exploration ou combats relevés, et les messages à laisser au sol - pour l'aiguiller sur la marche à suivre, ou au contraire le faire tomber en plein traquenard. Ils ajoutaient en sus la sauvegarde perpétuelle, qui obligeait parfois à faire un choix définitif sans possibilité d'anticipation du résultat. Bloodborne reprend exactement les mêmes mécaniques, et sensiblement la même philosophie en basant son concept sur des difficultés qui paraissent insurmontables, mais dont on finit par venir à bout à force d'efforts et d'abnégation. Si beaucoup de connaisseurs ont eu peur de trouver un jeu vidé de sa substance suite à certaines déclarations de ses créateurs au cours du développement, le fort sentiment d'accomplissement apporté par la défaite d'un boss au prix d'un combat acharné ou le contournement d'une difficulté récurrente reste donc une constante. Comme finalement la majeure partie des caractéristiques du titre.
Bloodborne s'avère en revanche sensiblement moins punitif que ses aînés. Moins piégeux en substance, les niveaux du jeu de base s'articulent plutôt autour du placement des ennemis et contiennent de fait peu de trappes, de puits sans fond, de guillotines dissimulées. Au moins, à ne pas s'y attendre on tombe presque à coup sûr dedans. Si la mort survient toujours aussi rapidement en vous privant de votre précieuse expérience, qui prend ici la forme d'un amas d'Échos de sang à l'endroit où votre cadavre a heurté le sol, le jeu est en contrepartie beaucoup moins chiche en expérience et en objets de soin que vous trouverez sur la plupart des mobs. Contrairement à l'ancienne Fiole d'Estus limitant votre récupération de vie entre deux sessions, ces objets consommables sont d'ailleurs stockables en quantité massive dans un coffre qui remplira votre inventaire automatiquement après chaque mort. La récupération de votre tache de sang reste, elle, dans la lignée des opus précédents, puisqu'il vous faudra revenir à l'endroit de votre précédent trépas tout en sachant que les mobs réapparaissent invariablement à chaque essai. Avec toutefois une différence de taille : il peut arriver que l'un des ennemis de la zone absorbe votre tache de sang, auquel cas il vous faudra en plus le retrouver en repérant ses yeux brillants dans la masse d'ennemis, et l'occire pour récupérer votre dû. Au risque de buter à nouveau sur l'embuche et perdre votre précieuse cargaison, cette fois définitivement. Le concept de Bloodborne n'évolue donc pas outre mesure depuis les Souls, a contrario d'une ambiance assez largement retravaillée. Jack the ReaperAlors que les précédents jeux de From Software baignaient dans un monde Dark Fantasy médiéval, Bloodborne prend le parti d'un univers caractérisé depuis les vêtements jusqu'à l'architecture par l'ère Victorienne britannique. Entre les chasseurs à chapeau et tenue élaborée, les dames de petite vertu engoncées dans des robes à volants et les pavages du sol qu'on imagine sans le moindre mal foulés par les habitants avant que le "grand mal" ne les terrent dans leurs habitations, on est vite dépaysé par cette richesse rarement exploitée dans les œuvres de fiction. Chaque mur de la ville de Yharnam, qui tient de décor à une grande partie du jeu, est marqué par cette époque peu usitée, et vous ne trouverez ici pas de châteaux forts ni de dragons si chers à l'Heroic fantasy. Dark Souls 2 remplaçait le frisson de soulagement entraîné par la découverte d'un raccourci providentiel, âprement arrachée à l'environnement inhospitalier, par une recrudescence des feux de camp au sein de niveaux étirés en longueur. A contrario, le monde pseudo-ouvert de BloodBorne s'inspire plutôt de Demon's Souls et Dark Souls. Si le nombre de zones est en nette diminution, un soin particulier a été apporté à leur cohérence structurelle. L'architecture circonvoluée a tendance à perdre le joueur dans les dédales et regorge désormais de raccourcis salutaires à débloquer, mécanismes à découvrir, voire de passerelles topographiques qui vous ouvriront un passage entre une contrée reculée et le début du jeu. Cela ne sera d'ailleurs pas du luxe pour vos allers-retours au gré de vos quêtes, puisqu'il est désormais impossible de vous téléporter entre les lampes qui tiennent lieu de point de spawn ; pour aller à un endroit éloigné, vous devez nécessairement rapatrier le héros au Rêve des Chasseurs avant de le téléporter à l'endroit voulu, ce qui prend une bonne minute de temps de chargement. Fort heureusement, les gars de Fom Software assurent comme d'habitude le service après-vente à force de patchs, et les chargements laborieux sont d'ores et déjà rendus plus supportables à l'heure de publication de ces lignes.
Même en prenant le temps d'explorer les zones, on est souvent agréablement surpris au cours d'un passage ultérieur de découvrir un chemin bien dissimulé qui permet de traverser le centre de Yharnam en quelques minutes seulement. La première partie de l'aventure s'avère donc particulièrement rythmée et riche d'un level design torturé et ingénieux, vous offrant pléthore de raccourcis, chemins dissimulés et zones bien pensées à traverser pour aller de l'avant. Hors des murs de la cité en perdition, pourtant, on retombe vite en terrain connu : quelques sous-bois et forêts denses tenant lieu de repère à des groupes d'artilleurs belliqueux flanqués de chiens de garde, en plus de la faune locale toxique, une propriété Castlevaniesque où danse un sabbat de sorcières, un château hanté sous la neige. Heureusement que les dernières zones du jeu se montrent plus créatives en terme de level-design et d'architecture. All in One and One in AllLa direction artistique est pourtant somptueuse, et fait plus que jamais dans la série modèle de maîtrise de design tant dans ses effets visuels - la tunique de votre personnage se tache de sang au gré des giclées, les particules de poussière dansent suivant vos coups - et de lumière que dans les détails dont fourmillent chaque corps de monstre tout comme les zones traversées. Un gros travail a aussi été fourni sur l'environnement sonore. Les musiques, minimalistes, ne se font vraiment entendre que pour donner un aspect épique aux combats de boss, mais ce sont surtout les effets acoustiques qui marquent. Les coups d'épée et hurlements des monstres se répercutent sur les murs, le positionnement d'un monstre invisible est donné par son ricanement incontrôlé et on entend parfois au détour d'un couloir - alors qu'on se croyait enfin en sécurité - un chuchotement aux accents menaçants. Mais au-delà de ce travail d'orfèvrerie visuelle et sonore, le jeu utilise une identité délicieusement crasse que l'on n'attendait pas. En ce sens, le bestiaire lorgne vers le film d'épouvante, les plus réceptifs en seront quittes pour de beaux jumpscares grâce à la mise en scène particulièrement soignée, ou plus rarement lorsqu'un brin d'herbe surgit toute griffe dehors derrière le perso par le truchement de la caméra, qui comme toujours pose de menus problèmes. Si les premières heures gardent une atmosphère commune, vous confrontant à quelques villageois zombifiés par la maladie qui frappe la contrée et à des bêtes monstrueuse, celle-ci s'épaissit progressivement à mesure de l'avancée, aboutissant à des designs Lovecraftiens, où les Abominations d'Eldritch côtoient monstres tentaculaires et créatures cosmiques. Bloodborne se démarque fortement des Souls sur ce point, car jamais les précédents titres n'avaient abouti à ce niveau de glauque qui pourra en déranger plus d'un.
Nous n'en dévoilerons pas plus histoire de ne pas gâcher la surprise de la découverte aux joueurs manette en main, mais on peut dire sans trop s'avancer que ceux déçus par le manque de folie d'un bestiaire des Dark Souls trop plan-plan en auront pour leur pauvre petit cœur. L'œuvre de Lovecraft influence d'ailleurs directement les thématiques et même les mécaniques du jeu. On devine en filigrane de son scénario toute la cosmogonie chère à l'auteur, où les humains ne sont qu'outils des Grands-Anciens dans un dessein qui leur échappe. Autre point d'intérêt librement inspiré des grands thèmes de l'auteur, la statistique de Lucidité du personnage, qui augmente notamment à mesure que l'on bat les boss mais peut diminuer selon plusieurs facteurs, conditionne un certain nombre d'événements du jeu ; certains ennemis se mettent à apparaître passé un niveau de Lucidité, d'autres - boss y compris - réévaluent leurs motifs d'attaque. Mine de rien, cette statistique qui se fait facilement oublier dans un coin de l'écran de statut ressemble fortement à la World Tendency de Demon's Souls. Le genre de features qui poussent à l'expérimentation. Véritable pot-pourri, l'imagerie du jeu s'inspire également de références éclectiques, au sein desquelles des réminiscences de Berserk, des pals façon Vlad Tepes ou, plus original, un portrait étrange d'un peintre du 20ème siècle. Au final, c'est toute la mise en scène au sens large qui prend corps pour devenir l'une des principales composantes du jeu. Qu'il s'agisse de traverser un niveau ou d'affronter un boss, l'inquiétude - pour ne pas dire la peur - qui traverse le joueur lui donne un handicap certain, en occasionnant de précieux centièmes de seconde de retard au moment où il hésite entre se soigner et esquiver, attaquer ou prendre ses jambes à son coup. Progressivement pourtant, il prend confiance, en lui comme en son personnage, pour devenir un véritable chasseur. Il s'étonnera lui-même lorsqu'au cours d'un moment d'épiphanie ludique, il parviendra soudainement à danser entre les coups, bondir sur sa proie et l'éliminer de façon stylée. Comme si son personnage avait soudainement pris les commandes. Mais c'est pourtant bien lui, le joueur, qui a tout simplement embrassé le gameplay dans sa globalité. Fais moi mal, j'aime la mort qui fait "Slash" !Tranchant agréablement avec le système des Souls où chaque "main" du personnage était contrôlée indépendamment, au risque de nuire à la fluidité de l'ensemble, celui de Bloodborne s'offre un renouveau rafraichissant. Reposant sur l'utilisation d'Armes Trompeuses, ainsi appelées pour leur capacité à prendre deux formes différentes mais complémentaires, le gameplay se recentre ici sur un panel de coups à 4 boutons. Les gâchettes de droite serviront aux combos classiques de l'arme équipée et coups chargés (particulièrement efficaces pour déséquilibrer les adversaires), tandis que celles de gauche contrôleront respectivement la transformation de l'arme, utilisable même au cours d'un combo, et l'objet de soutien équipé comme les torches - qui trouvent enfin une vraie utilité dans le noir complet de certains dédales -, les lances-flamme mais surtout les armes à feu. Il est ainsi possible de passer à la volée d'une lourde épée broyante vers une fine rapière associée à un pistolet, et ainsi adapter facilement son style de combat à la situation. Avec ce système pour le moins jouissif, les coups s'enchainent naturellement et mieux, les armes à deux mains et double-lames obtiennent enfin un véritable confort de jeu. La possibilité de changer de direction d'attaque au beau milieu d'un combo, entre autres ré-ajustements, va tout autant dans le sens de combats aux sensations plus fluides, sans cette impression "hachée" que l'on pouvait prêter aux Souls. Notez d'ailleurs qu'en réaction à ce dopage des capacités du joueur, les ennemis trouvent eux aussi un nouveau souffle. Ennemis robustes, gigantesques, qui vous assaillent par leur nombre ou coordonnent leurs attaques, il vous faudra apprendre à maitriser cette nouvelle façon de combattre pour bien les appréhender. Les boss ne sont bien sûr pas en reste et si l'on n'y retrouvera pas l'exhaustivité qui est d'habitude de mise dans la série, force est de constater que la puissance qu'ils dégagent fait plus que jamais obstacle au joueur un peu trop sûr de lui.
Mais ce qui frappe de prime abord l'habitué de la série, c'est l'absence presque totale de boucliers derrière lesquels se caparaçonner en attendant que passe l'averse de coups. A la place, FROM a choisi d'accentuer l'efficacité des esquives et ripostes que les Souls ne faisaient qu'esquisser. Ces esquives bénéficient toujours de courtes périodes d'invincibilité dont il faudra apprendre à se servir, et les ripostes sont apportées par les armes à feu, nécessitant un timing précis pour stopper le coup d'un ennemi d'une balle de vif-argent bien placée, avant de se jeter sur lui et de lui arracher les viscères dans une gerbe de sang. En le mettant aux commandes d'un personnage à la fragilité presque réaliste, mais dont la vélocité incite à l'esquive et à la contre-attaque, le développeur sort une fois de plus le joueur de sa zone de confort. L'autre gros changement en a fait grincer par avance les dents de plus d'un fan : dites adieu aux fioles d'Estus et leur utilisation limitée qui obligeaient le joueur à gérer son stock, les Fioles de Sang sont ici une ressource consommable extrêmement répandue, et peu chère. Pire, une partie des dégâts subits par le personnage peut être temporairement récupérée en s'éclaboussant du sang des ennemis qui gicle sous vos coups. Ça y est, Bloodborne est devenu un jeu casual ! Pourtant si l'on ne peut nier que ce système permet d'aller au-devant du danger pour blesser l'ennemi tout en récupérant sa vie malgré les coups subits, n'escomptez pas pour autant passer en force, le jeu reste un Souls dans l'âme. Ces jeux ne sont pas difficiles, mais exigeants: les embûches nécessitent de se creuser la cervelle sur les capacités du personnage par rapport à l'environnement traversé, sur son évolution, et demandent également une observation du terrain et une bonne exécution pour éviter la mort. Du fait de cette nouvelle nervosité du gameplay, plus dynamique, on assiste ici à un changement de forme plus que de fond, et cela devrait contenter tous les types de public, nouveaux venus encore candides comme masochistes confirmés. Un peu de variété ne fait jamais de mal. Diamant brutJeux intraitables par excellence, celui-ci comme les Souls mêlent la pression constamment ressentie et le plaisir de l'aboutissement à l'immensité des possibilités offertes par le gameplay. Cependant cette immensité se trouve une nouvelle relativité dans Bloodborne. Car en fait d'arsenal pléthorique, ce n'est qu'une petite vingtaine d'armes principales qui vous sera proposée. Or si la variété d'utilisation de ces outils très divers (on trouve des dagues attaquant avec célérité, de lourds marteaux, des faux et haches à la portée impressionnante et même quelques armes élémentaires ou imprégnées d'effets inhabituels) multipliée par les deux formes que chacune peuvent prendre est suffisamment étoffée, on ne peut qu'amèrement constater que les patterns d'attaque de certaines d'entre elles se recoupent, mais surtout que l'efficacité de ces armes est très largement déséquilibrée. A cause d'un manque d'équilibrage flagrant, certaines armes roulent littéralement sur le jeu en PvE comme en PvP, et s'il est toujours possible de s'arranger pour créer un Build valable à partir d'à peu près n'importe laquelle, cela demande souvent quantité d'efforts et de farm. A quoi bon quand deux ou trois armes faciles à obtenir n'en demandent aucun ? La magie si chère aux Souls a également disparu, remplacée par nombre de consommables et quelques Outils de Chasseur qui tentent d'en mimer les effets. Là encore plombée par une mauvaise calibration, on est bien loin de la richesse tant attendue, d'autant que la rareté de la découverte d'une arme ou outil utile au détour d'un élément de décor rend presque caduques le frisson de l'exploration et de l'élaboration d'une façon de jouer originale.
Du moins le Metagame, plus que jamais présent au travers des wikis, forums, Let's Play et autres Speedruns qui fleurirent dès la sortie du jeu, est-il rendu moins attrayant. Bloodborne possède numériquement bien moins d'armes que les Souls et quasiment aucune armure utile, mais également une nette diminution des statistiques à régler lors de la montée en niveau, une demi-douzaine à peine. La gestion de la charge d'équipement disparaît aussi, les personnages étant prévus aussi agiles que des acrobates chinois quel que soit l'équipement porté. Le côté RPG du titre en prend donc un sacré coup. Mais c'est surtout le système affecté à l'évolution des armes qui pose soucis à ce niveau. A l'upgrade classique par adjonction de pierres de qualité croissante, il ajoute un système de gemmes dotées d'effets divers (et généralement aléatoires) que l'on récupère pour majorité sur les monstres. Là encore, le farming intensif aura tendance à se substituer à l'exploration. S'il s'avère efficace à l'utilisation, le système d'évolutions d'armes atteint trop rapidement ses limites, et le sertissage de joyaux sanglants est la plupart du temps beaucoup plus efficace lorsque l'on se contente de démultiplier la force de frappe qu'en ajoutant des effets élémentaires. Les effets additionnels tels que la régénération d'HP, eux, sont tellement rares et insignifiants qu'on aura tôt fait de les oublier. On pourrait dire que Bloodborne propose vis à vis des Souls une expérience plus vive, mais aussi plus cadenassée. Le manque de builds viables ne pose pas nécessairement problème pour une première partie, mais se montre handicapant pour la rejouabilité du titre. Là où les Souls promettaient une durée de vie apparemment sans limite pour qui voulaient tester toutes les possibilités intéressantes, Bloodborne aura plus de mal à tenir sur le long terme. Dommage. A son crédit, si le jeu possède trois fins à découvrir, bon nombre d'annexes et de boss facultatifs (plus que de boss obligatoires, d'ailleurs), l'achèvement de l'aventure n'est pas une finalité. Vous pouvez bien sûr faire enchaîner à votre personnage un new-game+ plus corsé, mais par trop similaire au jeu de base dans la mesure où les loots ne s'améliorent pas et que les ennemis restent désespérément à l'identique si l'on excepte une légère réévaluation de leurs statistiques. Ou bien tester votre skill durement acquis dans une nouvelle partie où vous mettrez à profit vos connaissances pour développer un build original. Ou encore vous adonner sans limite aux joies du PvP et de la coopération au travers des modes en ligne. Mais pour augmenter cette durée de vie un poil plus réduite qu'à l'accoutumée, From Software a choisi d'ajouter une nouvelle mécanique, nommée Donjons Calice. Ces courts donjons indépendants du jeu de base proposent, à défaut de loot vraiment attrayant, une bonne dose de défis à relever parmi lesquels de nouveaux boss, une plus forte emphase sur les pièges dissimulés et même des donjons à handicaps. Malheureusement limités à une mécanique de type Porte-Monstre-Trésor de conception basique, il leur manque le caractère fouillé revêtu par les environnements du jeu. Pour la plus-value, on repassera.
La "difficulté" du jeu a souvent fait débat dans la communauté. D'aucuns argueront avoir passé la majorité des boss au premier essai et presque sans danger, d'autres que l'on meurt pourtant toujours en boucle face à certaines embûches. Difficile de trancher objectivement cette question, car même si la baisse de "punitivité" des mécaniques est certainement bien réelle, l'expérience de jeu peut changer du tout au tout entre deux parties, au gré des builds, de la technicité et des goûts des joueurs. Certains détesteront l'apparente fragilité de leur personnage et le besoin de s'y investir, les autres prendront leur pied à faire payer à la galette les quelques dizaines d'heures de souffrance. Quoi qu'on en dise, les joueurs de tous poils dotés d'une certaine patience y trouveront certainement leur compte. Qu'on apprécie ou non de mourir (parfois) en boucle pour surmonter une difficulté, il est indéniable que le frisson ressenti lors d'une victoire in-extremis, à mi-chemin entre triomphe non retenu et soulagement, est une expérience enrichissante. Bloodborne reste autant que ses aïeuls un jeu qui se déguste et se digère lentement pour bien s'apprécier. S'il n'en était de son statut d'héritier de la licence Souls, Bloodborne aurait sans problème pu postuler au titre de Masterpiece. Seulement voilà, il était quasiment impossible de parler du jeu sans le renvoyer ad nauseam à ses glorieux prédécesseurs. Et dans un souci de transparence, cela aurait été idiot. Mais si la comparaison parfois peu flatteuse est facile, c'est bien par amour de ce style de jeu. Que l'on préfère l'un ou l'autre sur certains aspects, la nervosité et la maîtrise de Bloodborne ou la personnalisation outrancière des Souls tient complètement de la préférence personnelle. Après tout, rien n'empêche les deux licences de cohabiter telles deux facettes d'une même pièce, pour le plus grand plaisir des joueurs.
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