Le dernier épisode original, paru presque vingt ans auparavant, s'il n'était pas avare en idées et en belles séquences, avait parfois laissé un goût d'inachevé. Un peu comme si l'Arbre n'était pas tout à fait mûr pour un milieu en train de faire sa mue vers la troisième dimension. Après des errances diverses sur console portable, la série avait dévoilé de belles perspectives grâce au flamboyant remake de l'éclatant Seiken Densetsu III, rebaptisé pour l'occasion Trials of Mana : enfin, Seiken Densetsu semblait avoir trouvé le bon équilibre entre beauté arrondie et efficacité dans le gameplay. Visions of Mana répond-il aux espoirs qu'avait fait naître ce remake ?
Inutile de tergiverser : la réponse est chatoyante.
Puissant comme Athanor
Nous n'irons pas par quatre chemins - lesquels mèneraient quoi qu'il arrive à l'Arbre Mana. Visions of Mana n'a aucune prétention à s'éloigner des canons de la série, et les allergiques aux lapins que l'on rosse, aux abeilles qui empoisonnent et aux héros à la capillarité rebelle (souvent bien malmenés par les jeux japonais) feraient mieux de prendre une autre route. C'est toujours l'histoire d'un brave jeune qui se retrouve, du fait de la pureté de son coeur, embarqué dans une quête qui va mettre en balance le destin du monde. Ici, après un prologue proposant d'incarner Ollin et Lysa (et leur destin tragique), c'est au village de Tiana que l'intrigue commence. Val est le Gardien d'Âme qui doit accompagner les offrandes liées à chaque élément vers l'Arbre Mana afin d'y être sacrifiées et de régénérer ainsi la nature (tous les quatre ans). La Fée désigne justement sa chère et tendre Hina : tout autant qu'un honneur, son élection la condamne cependant à donner sa vie pour la régénération des forces de Mana. Le rôle du joueur sera donc de se rendre jusqu'à l'Arbre Mana, d'affronter sur sa route une faune et une flore variées, mais aussi de récupérer, en passant, les autres offrandes afin de constituer une équipe digne de ce nom. Bien sûr, tout ne se passera pas comme prévu, mais l'on peut dire aisément que, dans ses grandes lignes, Visions of Mana rappelle ses aînés, dans le bon sens du terme. On notera que les personnages sont plutôt plus développés, et que les rebondissements sont plutôt plus rebondis, tandis qu'on ne s'attendra pas pour autant à des sommets d'originalité.
Visions of Mana se caractérise également, comme souvent dans Seiken Densetsu, par un réseau d'inter-références qui ne font que grandir d'épisode en épisode. Si la numérotation de la série reste parfois flottante, si aucune chronologie n'a jamais été clairement établie à l'intérieure de celle-ci, c'est probablement parce que chaque épisode raconte, en fait, la même histoire, et manie les mêmes symboles. On retrouve cependant, au fil des années, des éléments, au premier lieu desquels... les éléments, justement, qui encadrent tout à la fois le scénario et le gameplay. À vous la découverte, une nouvelle fois, d'Athanor, de Lumina ou de Dryade - plus chatoyants encore que dans les meilleurs moments de Dawn of Mana ou du récent remake de Seiken Densetsu III. De la même façon, les marchands ont toujours la danse dans le sang, les nains ont tendance à s'appeler Watts quand ils gravissent les échelons scénaristiques, et le vendeur à oreilles de chat (appelé "Niccolo" depuis ses combines dans Legend of Mana) est... cette fois-ci étonnamment honnête et généreux. Les afficionados s'évertueront à trouver les clins d'oeil et ne seront pas dépaysés, ne serait-ce que par le bestiaire. Oui, il faudra mettre la main sur l'épée Mana (un peu rouillée) ! Oui, il y a un sanctuaire dont l'Arbre Mana est le pinacle ! Oui, la déesse Mana n'est pas exactement celle que l'on croit ! Oui, la légende de Mana cache quelques sombres vérités ! Oui, les héros de Mana relèveront tous les défis et, grâce à la puissance de leur coeur, bâtiront un monde meilleur !
Beau comme Ondine
Visions of Mana est beau.
Incroyablement beau.
Immensément beau.
À tout point de vue.
Il est même un test de résistance et de sensiblité à la beauté - étant entendu ici qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un monument technique (et que dire de la version PS4...), de finesse, mais bien d'un déluge ébouriffant de couleurs et de variétés. Comme ses ancêtres, le nouveau Seiken Densetsu a pour principal intérêt de faire traverser aux joueurs des contrées nombreuses et variées, et donne même l'impression d'être de plus en plus beau au fil des niveaux. Abordant une structure plus vaste que Trials of Mana (mais dans des proportions qui permettent encore une exploration exhaustive), chaque nouvelle zone en met plein les yeux au point que l'on se demande où les artistes vont chercher toute cette inspiration (sinon dans les épisodes précédents).
La bande-originale, où jouent des coudes de grands noms de la série, n'est pas en reste : les tonalités variées, tantôt apaisantes et oniriques, tantôt bien excitées pour accompagner les combats contre des bons gros boss, bercent et propulsent le joueur tout au long de son périple. Toutefois, un petit bémol sur ce point, qui revèle sans doute davantage de l'époque que de choix véritables : la BO est pléthorique, c'est impressionnant et toujours agréable mais cette variété fait perdre aux thèmes leur caractère marquant. Ceci n'empêchera tout de même pas certaines pistes de rester en tête, comme celle qui accompagne les pérégrinations aux alentours de la cité de l'eau, véritablement magnifique et parvenant à se hisser au niveau formidable de la Shimomura de Legend of Mana.
La beauté qui se dégage de l'oeuvre ne serait certes pas complète si elle n'était pas sublimée par la beauté des vertus et des coeurs des héros qui nous sont présentés. Si les héros sont un tout petit peu plus tourmentés que ce à quoi la série nous a parfois habitué, il n'en reste pas moins que nos cinq protagonistes et leurs associés maîtrisent clairement la différence entre le Bien et le Mal. Lorsqu'il s'agit de choisir la Lumière, rien ne viendra entraver leur progression ni l'expression de leur humanité.
Un art de Gnôme
Venons-en au gameplay, la partie qui fait sans doute le plus débat au coeur de la série.
On touche ici au paradoxe d'un ensemble tout à la fois simple et riche : quel que soit l'investissement du joueur dans les mécaniques de gestion et de gameplay, le jeu offre suffisamment de choix en termes de difficulté pour permettre à chacun d'y trouver son compte. Ainsi, il est possible de traverser Qi'Diel sans jamais se plonger dans le système de classe en bouffant à foison bonbons et autres noix tout en fonçant dans le tas : après tout, pourquoi pas, pour ceux qui voudraient essentiellement s'enivrer de beauté et de voyage !
Toutefois, le système de combat n'a pas été laissé de côté : on peut même dire que l'on tient sans doute le plus complet de la série et... le meilleur (même si, dans sa première partie, le jeu propose des affrontements peut-être moins nerveux que Trials of Mana). Au fil de la progression le joueur récupère des reliques associées à chacun des éléments. Cela débloque pour chaque personnage une classe spécifique associée à l'élement. De cela découle non seulement une batterie de sorts, mais également des compétences de soutien. Ainsi, chaque personnage peut adopter un profil varié. L'ensemble se révèle d'ailleurs particulièrement plastique, non seulement parce que les sorts peuvent être utilisés même avec une autre classe, mais également parce qu'un système d'équipement (ce sont... des graines !) permet aussi de combler les manques éventuels de certaines classes. Les deux partenaires gérés par l'intelligence artificielle se révèlent très efficaces et l'ensemble rend les affrontements agréables et dynamiques. Les ennemis volants sont toujours aussi pénibles mais... en 35 ans, peut-être aurait-il été temps d'apprendre enfin à jouer !
Dans l'ensemble, le jeu n'est difficile ni dans sa progression ni dans ses combats : pour peu que le niveau de nos personnages suive à peu près celui des ennemis, aucun obstacle ne sera insurmontable et comme il est toujours très plaisant de flâner dans les magnifiques environnements, le sous-entraînement s'avèrera rare. L'expérience monte lentement en apparence, mais quelques gimmicks permettent toutefois de gagner rapidement des niveaux lorsqu'il le faut.
À noter que le postgame ne présente qu'un sympathique habillage permettant encore plus de badaboum, encore plus de compétences, encore plus de vagabondage, encore plus de boss atomi-défoncés.
Des Ombres au tableau d'honneur ?
Visions of Mana a-t-il des défauts ?
Poser la question, cela revient en quelque sorte à admettre que l'on ne veut pas y répondre !
En cherchant bien, il semblerait tout de même que les quêtes annexes soient bien annexes (si l'on en excepte certaines parfois... non signalées). On en vient à se demander s'il ne s'agit pas là d'un passage obligé pour les développeurs qui les distillent ainsi de façon quasi-automatique. On pourrait également s'interroger sur la légitimité de tous ces "points d'intérêt" qui ont surtout pour fonction de nous détourner de notre chemin et nous emmène régulièrement vers des coffres contenant un butin famélique. L'on pourrait également pointer que les combats (un peu comme c'était le cas dans le récent Trials of Mana) ont tendance à devenir vraiment fouillis et brutaux à mesure que le jeu avance, mais aussi que le scénario impose quelques doubles passages. Je ne peux m'empêcher également de pointer (o tempora o mores) que les doublages appliqués à un jeu comme celui-ci tendent surtout à briser le rythme du récit : la dose de texte distillée n'en est pas augmentée mais on piétine clairement dès que l'on ouvre une porte.
Visions of Mana donne en réalité l'impression le plus souvent de devoir composer avec les normes de son époque, mais révèle aussi un art de s'y plier tout en traçant son chemin : la mini-carte est envahissante ? Désactivez-la. Les points d'intérêts détournent votre attention ? Rassurez-vous, ils ne contiennent pas grand-chose. Les quêtes annexes vous semblent nombreuses et rébarbatives ? Les plus importantes seront à déclencher auprès de personnages importants et vous apporteront quelques détails scénaristiques.
Si j'étais mauvaise langue, je dirais que Visions of Mana a la cruauté de renvoyer le dernier épisode original numéroté (Dawn of Mana) au statut d'objet très largement discutable. Et pour l'avoir sincèrement défendu, le coup rétrospectif est rude.
Visions of Mana est-il le meilleur Seiken Densetsu ?
Voilà la question sur laquelle je voudrais terminer.
Si l'on exclut les épisodes bizarres (Legend of Mana, par exemple), il est bien difficile de trouver quelque chose que Visions fait moins bien que ses aînés : Trials of Mana apparaissait déjà comme un coup d'essai dans la perspective de développer un nouveau scénario et de nouveaux personnages. L'essai est transformé : le monde est plus grand, plus beau. Les villages sont plus grands, le système de combat offre plus de possibilités et les personnages ont plus de personnalité. L'atmosphère si propre à la série est pleinement respectée, embellie, sublimée.
Oui, Visions of Mana est bien le Lumina de la bande et ravira tous ceux qui ne rêvent que d'une chose : trouver une épée sacrée, faire revivre un arbre légendaire, et, bien sûr, se sacrifier au service de toutes les créatures du monde.
Les combats tournent légèrement au bazar dans la dernière partie du jeu
TECHNIQUE 4.5/5
BANDE SON 5/5
SCENARIO 4/5
DUREE DE VIE 4/5
GAMEPLAY 4.5/5
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Xenocross
le 06/11/2024
Un pure gâchis avec un gameplay bourrin et une histoire et des personnages incroyablement médiocre, le meilleur seiken ? Absolument pas.
Un pure gâchis avec un gameplay bourrin et une histoire et des personnages incroyablement médiocre, le meilleur seiken ? Absolument pas.