Avec sa poésie, ses tableaux enchanteurs, ses combats originaux et sa bande son endiablée,
Baten Kaitos: Les Ailes éternelles et l'Océan perdu est vite devenu un RPG culte justifiant pleinement l'achat d'une Gamecube en mal de bons RPG.
Tri-Crescendo remet le couvert avec un deuxième épisode sous forme de préquelle qui vient approfondir l'univers magique de la naissante. Et il semble que
Tri-Crescendo ait tenu compte des quelques reproches formulés à l'égard du premier opus, car la copie rendue en cette belle année 2006 est presque sans faille.
(Not so) Sweet Dreams
L'histoire de
Baten Kaitos Origins prend place vingt ans avant les événements relatés dans
Baten Kaitos: Les Ailes éternelles et l'Océan perdu. On incarne toujours un esprit protecteur, cette fois-ci celui de Sagi, un jeune guerrier du village de Sheratan sur l'île d'Assaleh, qui fait régulièrement d'étranges rêves. Sagi s'est engagé en compagnie de Guillo - sorte de machine humaine déterrée près de village - dans le service personnel de Baelheit, l'un des plus hauts officiers de l'Empire d'Alfard, dans le but de gagner énormément d'argent afin d'aider sa mère à maintenir son orphelinat.
Le jeu nous place directement au cœur de l'action, lors d'une opération secrète visant à assassiner l'empereur en place. Tout se déroule étonnamment facilement jusqu'à l'arrivée dans le bureau de l'empereur, où les ennuis commencent : un étrange tueur se tient déjà devant le cadavre de l'empereur, puis Baelheit lui-même débarque pour arrêter notre héros et ses troupes ; Sagi se trouve bien malgré lui obligé de fuir une situation qu'il ne comprend pas. Dans leur fuite, Sagi et Guillo vont se retrouver nez à nez avec un grand démon : un afterling. Celui-ci défait grâce à d'étranges pouvoirs de Guillo, notre héros va se retrouver plongé dans ce qu'il pense être un rêve...
Que cherche exactement Baelheit ? Quel est le rôle de Sagi et Guillo qui semblent indubitablement liés aux afterlings ? Quel est cet étrange monde dans lequel Sagi se retrouve plongé à chaque mort d'un afterling ?
Dès le départ, le scénario nous tient en haleine et bénéficie d'un traitement admirable tout au long du jeu, et contribue à l'aura unique dégagée par le titre.
Feel my deck
Baten Kaitos Origins ne renie pas l'héritage de son prédécesseur, et conserve son gameplay impliquant concrètement le joueur et surtout totalement centré autour des magnus, les fameuses cartes renfermant l'essence de toute chose qui remplacent la notion d'objets de quêtes traditionnelle des RPG. Bien plus ancrée dans le jeu, que ce soit pour les quêtes ou les différents lieux, elles peuvent dorénavant de surcroît conférer des effets tant positifs que négatifs au groupe. Une évolution intéressante qui rend leur présence plus cohérente.
Mais la principale différence vient de la façon de gérer ses decks, ces ensembles de cartes prédéfinis par nos soins, destinés à agir durant les combats. Fini le deck personnalisé par combattant, cette fois il n'y a qu'un pot commun pour tous les personnages, ce qui oblige à extrêmement bien les penser afin d'utiliser au mieux les possibilités de chacun, le nombre de decks que l'on peut définir évoluant avec l'avancée. Se lancer dans un affrontement corsé avec un deck mal pensé entraînera des Game over récurrents des plus pénibles. Durant les premières heures, on balbutie un peu, les habitudes ayant la vie dure, on garde les mauvais réflexes du premier opus et on a du mal à cerner les mécanismes, puis le temps aidant, on s'en affranchit pour enfin préparer des decks efficaces, adaptés à chaque situation. Une certaine capacité d'anticipation est salutaire, puisque l'on ne peut en changer une fois rentré en combat.
À la fin de chaque combat, on gagne de l'expérience qui permet de gagner des niveaux - que l'on passe maintenant automatiquement et non à l'église - mais aussi des points de technique qui permettent d'augmenter de niveau de classe en se rendant à l'église. Ces niveaux servent non seulement à déterminer le nombre de cartes que peut contenir un deck (jusqu'à soixante), mais aussi le nombre de cartes que l'on peut jeter par tour, et le taux de remplissage de la barre de Burst (furie) à chaque carte jouée.
Tout ceci nous mène à l’essence même du jeu : ses combats.
Un dynamisme jouissif
Baten Kaitos premier du nom était un excellent jeu avec un système de combat incroyablement original à base de cartes. On pouvait néanmoins lui reprocher ses combats qui s’éternisaient parfois et perdaient ainsi en intensité. Dans Origins, le système de combat a été totalement refondu, et devant le dynamisme maintenant affiché, on ne peut que saluer l'effort des développeurs.
Premier changement, les cartes d'attaque sont maintenant génériques, selon trois niveaux de puissance et deux types d'attaques (physique/magique), et on ne peut jouer par tour qu'une carte de chaque niveau, par puissance croissante. Que sont devenues les armes spéciales ? On peut maintenant jouer en début de tour une carte d'attaque ou de défense qui va durer un certain nombre de tours, propre à chaque carte. On peut donc par exemple enchaîner une carte spéciale, trois cartes d'attaque puis des attaques spéciales selon le remplissage de la barre de Burst. Le plus souvent, pour bien préparer un combo, il faut jeter quelques cartes inutiles, d'où le grand intérêt de cette possibilité qui semble au départ superflue et difficile à appréhender.
La principale force du système de combat, ce qui les rend si jouissif, ce sont donc ses possibilités de combos successifs. Si l'on finit le tour d'un personnage par une attaque spéciale et que le deck contient une carte d'attaque faible, les attaques des deux personnages se succéderont pour des dégâts accrus. En s'y prenant bien, on peut réussir des enchaînements de plus d'une vingtaine de cartes et atteindre des combos frappant plus de soixante fois l'ennemi avec les trois membres de l'équipe, et croyez-moi, ça en jette sacrément ! Trois membres d'une équipe figée, qui n’accueillera pas d'autres membres et ne permettra donc pas de changer selon ses envies.
En réalisant des suite précises de cartes, on peut débloquer des "Ex Combos" qui augmentent encore les dégâts infligés et débloquent parfois des effets spécifiques. Plus ou moins complexes à trouver, ils incitent le joueur à se renouveler et tenter sans cesse de nouvelles combinaisons avec les cartes fraîchement acquises.
Les cartes de soin ou de boost consomment de leur un coté un tour entier, on ne peut rien jouer d'autres. On peut également noter l'absence de réelle phase de défense, le seul moyen de se défendre ici est d'équiper en tant que carte spéciale une carte de défense. Tout s’enchaîne avec une fluidité et un dynamisme rare qui ne laissent pas la place à l'apathie ou le choix par défaut que l'on réalise pour pouvoir manger tranquillement sa pizza de la main gauche. Non, ici c'est nerveux, et ça envoie sévère.
A la fin des combats, on gagne dorénavant de l'argent, fini le système pourtant assez marrant et original de la prise de photo à revendre.
De nombreuses quêtes
Le reste du jeu est très proche du premier épisode. On revisite la plupart des lieux du premiers épisodes avec plaisir, et on en apprend énormément sur ces îles flottant dans les cieux, ce qui donne un peu plus d'épaisseur au background de l'univers déjà bien fourni dans l'épisode précédent. Le deuxième monde semblant issu d'un rêve est quant à lui totalement nouveau, et le fait de s'y aventurer par petite session le rend mystérieux et intriguant.
Origins, de par sa mise en scène parfaite et sa façon habile de distiller les questions et les réponses nous pousse sans cesse à vouloir avancer, en savoir plus, non sans jamais oublier de perdre et surprendre le joueur en s'engageant dans des chemins imprévus et presque imprévisibles, alors que celui-ci est toujours bien trop occupé à suivre les ficelles évidentes et grossières que l'on nous sert pour mieux nous surprendre en plein contre-pied. Tout cela, sans jamais se départir d'un humour corrosif qui détend entre deux scènes graves.
Les lieux, que Sagi peut parcourir plus vite un cours instant en déployant ses ailes, sont truffés d'énigme en tout genre et par moment assez difficile. Le jeu est d'ailleurs globalement bien plus dur que son prédécesseur, mais avec un peu de stratégie et de réflexion on finit toujours par s'en sortir. Un challenge sain et bien dosé.
Autre nouveauté du système de jeu, la présence d'un très grand nombre de quêtes optionnelles, consultables à tout moment. Intéressantes, parfois amusantes, elles allongent un jeu déjà long, mais jamais pesant car sans aucun temps mort ou longueur.
Bref, c'est du caviar.
Open eyes and ears
A une heure où la 3D intégrale s'est installée en standard indiscutable, Baten Kaitos faisait figure de courageux résistant avec ses tableaux somptueux mélangeant subtilement aquarelle et 3D précaculée. Origins reprend la même formule, avec ses décors chatoyants toujours aussi inspirés et incroyablement détaillés au sein d'un univers incroyablement inspiré par-delà les nuages, où les personnages plutôt bien modélisés s'intègrent sans heurt. Les combats restent en 3D intégrale plutôt bien réalisée et dynamique, avec des effets toujours aussi efficaces et des jeux de caméra qui contribuent fortement au dynamisme ambiant.
En revanche, le design divisera toujours autant les joueurs par son caractère très particulier et les proportions volontairement étranges des protagonistes.
On dit souvent qu'il faut garder le meilleur pour la fin, alors cet article se conclura sur la bande son du maître Motoi Sakuraba. Toujours dans la même veine, avec ses envolées monstrueuses de guitare électrique nerveuse ou de violon lyrique côtoyant de beaux thèmes mélancoliques au piano, la bande son du titre s'impose elle aussi comme un chef d’œuvre qui marque la vie d'un joueur.
Enfin, les doublages sont plutôt convaincants, et sans effet étrange.
Bref, c'est aussi du caviar.
Poétique, mélancolique et jouissif, Baten kaitos Origins est un digne héritier d'un premier épisode dont il conserve toutes les énormes qualités. Il en corrige surtout les quelques imperfections, et devient à son tour une référence du genre.
Prions pour que les mauvaises ventes ne tuent pas la série, l'une des meilleures du RPG à l'heure actuelle.
04/02/2007
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- Système de combat dynamique
- Décors majestueux
- Le scénario et son traitement
- Bande son puissante
- Gestion des decks prenante
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TECHNIQUE 4.5/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 4.5/5
DUREE DE VIE 4.5/5
GAMEPLAY 4.5/5
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