Fragile Dreams se sera longuement fait attendre dans nos vertes contrées. Rising Star Games met un terme à cette attente fébrile et se charge d'éditer le jeu sur le vieux continent et de faire taire les râles des joueurs en manque de localisation.
Aussi intriguant par l'ambiance qu'aguicheur par l'univers à première vue enfantin, Fragile n'en est pas moins un titre dérangeant et mature de par les questions qu'il soulève.
Verdict sur une expérience inédite.
Where is the love?
Seto, jeune adolescent réservé, vit dans un monde dévasté en total décrépitude. Lui et son tuteur, un vieil homme, font partie des derniers survivants à la surface de la Terre. Le grand-père vint alors à mourir et Seto, dorénavant totalement seul, entreprend un voyage vers l'Est en quête d'autres survivants. Bien vite, il fait la rencontre succincte en chanson d'une jeune fille aux cheveux argentés qui changera pour ainsi dire le cours de la vie de notre héros. Ainsi, ce dernier se mettra en tête l'objectif de la rechercher inlassablement et indéfiniment, quoi qu'il en coûte, comme si cette personne représentait le dernier égal humain de Seto sur la planète et surtout le moyen de guérir la solitude.
Fragile Dreams ne brille certainement pas par un scénario alambiqué, mais se contente d'aller à l'essentiel et de nous faire ressentir, voire partager, la terrible solitude dont Seto est victime en ce triste monde. La décision de celui-ci de retrouver cette fille n'en est alors que trop compréhensible. La volonté, le désir de ne plus être seul nait alors à son tour en nous-même et nous pousse à continuer l'aventure, à partager les émotions du héros.
En effet, l'intérêt du jeu est bien là : émouvoir. Alors que l'humanité est en train de disparaître, les fréquentations du jeune Seto se font rares et les sentiments humains commencent à s'évanouir en conséquence. Alors que l'on assiste à une déshumanisation totale de la planète, les quelques rencontres faites au cours du jeu donnent l'occasion de réfléchir sur cette condition humaine et certains passages ne manqueront pas de toucher les plus sensibles d'entre nous. Mais le retour à cette solitude déchirante est inéluctable, tel un spectre qui pourchasserait le joueur tout au long du jeu.
D'autre part, la plupart des musiques du soft, toutes empreintes de poésie, sont mises au service de l'ambiance et remplissent leur rôle à merveille. Les quelques thèmes chantés (en japonais, cela va de soi) sont vraiment plaisants à l'écoute et les paroles sont même sous-titrées dans la langue de Molière.
Quant au casting, bien que très maigre, il s'avère être une réussite. Les différents protagonistes débordent d'émotions et leurs visages retranscrivent les sentiments à la perfection, le tout servi par un très bon doublage, soit en anglais soit en japonais, ce dernier favorisant quelque peu l'immersion. Les personnages sont en outre une des seules raisons qui poussent le joueur à aller de l'avant dans ce monde en ruines. Il ne fallait pas se louper à ce niveau là, et le pari est remporté haut la main par
tri-Crescendo.
Sometimes creepy
Bien évidemment, Fragile Dreams use d'artifices et de mécanismes en tous genres afin de mieux nous immerger dans cet univers post-apocalyptique teinté d'horreur. Ainsi, la quasi totalité du jeu est plongé dans une obscurité oppressante. Une simple et insignifiante lampe torche servira de guide dans ces étendues ténébreuses. Même lorsque l'on se trouve dans un bâtiment entièrement éclairé par la lumière du soleil, les développeurs de tri-Crescendo trouvent le moyen de nous enlever ce sentiment de sécurité que l'on devrait normalement ressentir et nous mettent nus face aux dangers. Ceci dit, l'ambiance oppressante du jeu peut parfois déranger et mettre mal à l'aise le joueur vulnérable qui se trouvera en phase d'immersion totale.
Autre élément qui participe à donner ce cachet si singulier au jeu, ce sont les murs. Dit de cette manière, cela peut paraître à première vue relativement étonnant, mais c'est un aspect qui accentue réellement le prétendu côté survival-horror du soft. Ces amas de briques et de parpaings sont parsemés de dessins, d'inscriptions, d'indications tous plus intrigants les uns que les autres. Parcourir ces véritables fresques historiques à la recherche d'indices ou de détails sur l'univers du jeu est un passe-temps auquel on ne peut se soustraire si l'on désire cerner l'œuvre dans sa totalité.
Une perle technique et artistique
Car en effet,
Fragile Dreams est moins un jeu qui se joue qu'un de ceux qui se découvrent et se ressentent. Il est clair que finir le jeu en ligne droite sans s'attarder sur l'espace qui nous entoure pourrait faire vivre au joueur une expérience au goût d'inachevé. Mais si l'on se penche un peu plus sur ces environnements dans lequel le joueur baigne en permanence (d'une gare désaffectée à un hôtel en ruines, les endroits que vous visitez sont particulièrement bien choisis), on voit qu'ils fourmillent de détails précis en tous genres qui passionnent et intéressent le joueur. À tel point qu'il serait vraiment dommage de ne pas faire quelques détours afin de dénicher les moindres petits indices sous peine de manquer une partie essentielle du jeu. L'exemple le plus probant et qui en même temps constitue une "quête" à part entière du jeu est celui de la récolte des souvenirs. À la manière d'un
Lost Odyssey et ses rêves, ces objets contiennent une partie de la mémoire de celui qui jadis utilisa cet item et il sera possible de la consulter une fois assis autour d'un bon feu de bois. Ainsi, à chaque nouvelle découverte, les récits s'enchainent et abordent une ribambelle de thèmes, ou bien, se contentent simplement de conter une histoire du monde d'avant la "destruction". Certaines d'entre-elles sont découpées entre plusieurs objets qu'il vous incombera alors de retrouver si le cœur vous en dit. Ceci étant, il est difficile d'arriver à récolter tous ces objets lors d'une première partie, tellement certains sont extrêmement bien dissimulés. Bien qu'un peu moins bien narrés que les rêves de
Lost Odyssey, ces bribes historiques ont le mérite d'être plus nombreuses et entièrement doublées.
Quant aux paysages qui nous subjuguent tout au long du jeu, dire qu'ils sont simplement beaux serait une offense au très bon travail fourni par
tri-Crescendo sur cet aspect. Une aurore boréale sous un ciel étoilé, un coucher de soleil réconfortant à la sortie d'un interminable donjon, ou encore une vue imprenable sur une cascade un matin d'été, autant de magnifiques spectacles qui méritent d'être vécus. Ainsi, à la manière d'un certain
Eternal Sonata,
tri-Crescendo use de son talent et surprend, en arrivant à faire ressortir des paysages une atmosphère enchanteresse, malgré ce côté beaucoup plus sombre omniprésent dans le soft.
Fragile s'élève ainsi au panthéon des plus beaux jeux sur Wii.
La dégringolade
On le remarque d'entrée de jeu, le gameplay de cet action-aventure est atrocement rigide et autant le dire tout de suite, en règle général la maniabilité est une calamité. Certes, le jeu possède quelques bonnes idées comme l'utilisation judicieuse du haut parleur situé dans la wiimote afin de s'en servir comme une sorte de radar audio, qui d'ailleurs, participe beaucoup à l'ambiance survival-horror du jeu, mais les défauts de gameplay sont comme un nez au milieu d'une figure. Essayons d'en faire le tour.
Tout d'abord, l'absence de verrouillage de cible se fait cruellement ressentir. À cause de cela, on est souvent amené à taper dans le vide et donc entre temps, à se prendre des coups. Ensuite, les armes s'usent, ce qui n'est pas ni nouveau ni trop embêtant en soi mais lorsque l'arsenal se voit complétement détruit au bout de quatre ou cinq monstres, on est en droit de se plaindre, d'autant plus que le marchand qui fournit les armes apparaît totalement aléatoirement aux points de sauvegarde, ce qui a une légère tendance à frustrer le joueur lorsqu'il ne possède plus d'armes en bon état, et se voit donc obligé d'utiliser ses armes cassées, qui sont bien sûr quasiment inutilisables. Bien souvent ce genre de situation aboutit à un "Game Over" bien senti. Mais une fois que l'on possède le bon équipement bien rangé dans un inventaire limité en taille (à la manière d'un Resident Evil) le jeu devient à l'inverse une vraie promenade de santé où il suffira de marteler le bouton d'action pour venir à bout de ses ennemis. Et ce n'est pas le peu de diversité au niveau des types d'arme qui viendra briser cette "routine", pas même le bestiaire relativement limité, bien que parfaitement dans le ton du jeu.
Outre un gameplay très limite, le potentiel du scénario n'est clairement pas exploité dans sa totalité. Là où il y avait la capacité de faire une trentaine d'heures de jeu en donnant les réponses à certaines questions restées sans réponses à la fin, Fragile Dreams se finit aisément en une quinzaine d'heures. Un jeu beaucoup trop court pour ce qu'il est et qui aurait mérité un scénario plus travaillé et moins flou par moment.
Réflexion
Fragile ne se veut en aucun cas être un divertissement mais plutôt une œuvre à part entière qui donne matière à réfléchir. En cela, les interludes qui servent de transition dans lesquels les pensées du héros retranscrivent sa façon d'être et de se comporter dans cet univers impitoyable sont particulièrement intéressants. On se rend alors compte au final que, même si le scénario est simpliste au possible, le jeu fait vivre une puissante aventure humaine qui bouleverse et nous fait prendre conscience que l'homme dans sa nature, ne peut vivre totalement seul et éprouve indubitablement le besoin d'être aimé.
Une véritable leçon de vie plutôt qu'un jeu au final.
Fragile Dreams déstabilise en premier lieu puis émerveille le joueur, mais surtout l'émeut. Malheureusement, cette alliance qui semblait parfaite est plombée par un gameplay trop raide et peu maniable. De ce fait, ce genre d'expérience ne s'adresse clairement pas à tous les joueurs mais plutôt à un public sensible, en quête de nouvelles sensations. On aurait préféré une fin un peu moins prématurée et plus travaillée, bien que l'ambiance du jeu si singulière et sa plastique soignée suffisent comme arguments d'achat.
28/03/2010
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- Une expérience inédite hors du commun
- Des environnements détaillés
- Des paysages magnifiques
- Les souvenirs
- Un univers travaillé
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- Maniabilité atroce
- Potentiel scénaristique sous-exploité
- Trop court
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TECHNIQUE 4.5/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 3.5/5
DUREE DE VIE 2.5/5
GAMEPLAY 2/5
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